Lakish

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Lakish
Image illustrative de l’article Lakish
Vue aérienne du tel
Localisation
Pays Drapeau d’Israël Israël
Coordonnées 31° 33′ 54″ nord, 34° 50′ 58″ est
Géolocalisation sur la carte : Israël
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Lakish
Lakish

Lakish ou Lachish, Lakhish (en hébreu : לכיש), parfois orthographiée Lakis dans la tradition française, est une ville souvent citée dans l'histoire biblique. Elle a été le cadre de nombreuses batailles et assiégée à diverses reprises, ce dont on a des échos dans les littératures anciennes et l'archéologie du Moyen-Orient. Elle se situe dans la Shéphélah à 40 kilomètres au sud-ouest de Jérusalem en Israël.

Histoire modifier

L'occupation du site commence au Néolithique (-5500 à -4500). Des développements majeurs ont lieu au Bronze ancien (-3300 à -3000)[1].

Au Bronze moyen II, Lakish est une importante cité fortifiée cananéenne, présentant une forte influence égyptienne. Cette ville est détruite vers -1550 à l'instar de nombreux autres sites cananéens[2]. La ville est ensuite reconstruite, mais n'est plus fortifiée. Cette cité cananéenne du Bronze Récent (-1550 à -1200) est mentionnée dans les lettres d'El Amarna, c'est une ville importante, où réside le gouverneur égyptien pour le sud de Canaan. Elle est détruite à nouveau vers -1200 puis reconstruite. L'époque cananéenne de Lakish prend fin avec la violente destruction de la ville aux environs de -1150, probablement une conquête des Philistins ou des Israélites. Le tell est ensuite abandonné pendant 2 siècles[1]. La cité est reconstruite au début de l'âge du fer par les Israélites. La ville non fortifiée est détruite vers 925 av. J.-C. par le pharaon Sheshonq Ier[1].

Dans la première moitié du IXe siècle, pendant les règnes d'Asa et Jehoshaphat, Lakish redevient une ville importante. Elle est lourdement fortifiée et un palais est érigé[1]. C'était la plus avancée des forteresses gardant la vallée qui mène à Jérusalem et vers l'intérieur du pays contre des ennemis pouvant venir de la mer.

Sous Roboam, elle semble devenir la deuxième ville plus importante du royaume de Juda.

En 701 av. J.-C., lors de la révolte du roi Ézéchias contre l'Assyrie, la ville est prise par Sennachérib malgré sa résistance. De fait, les fouilles modernes ont mis au jour une rampe d'accès aux remparts construite par les Assyriens. Ont également été découverts près de 1 500 crânes dans une cave près du site et des centaines de têtes de flèche sur la rampe et le rempart, indices de la rage de la bataille[3]. La ville revient ensuite sous contrôle judéen jusqu'à sa chute devant Nabuchodonosor II lors de sa campagne contre Juda (586 av. J.-C.).

Site archéologique modifier

Identification : Tell ed-Duweir modifier

 
La porte principale de Lakish

Au XIXe siècle et au début du suivant, Lakish avait été identifié comme Tell el-Hesi à cause d'une tablette cunéiforme qu'on y avait trouvée (EA 333). La tablette est une lettre d'un officier égyptien du nom de Paapu, qui rapporte des cas de fraude impliquant un roitelet local, Zimredda, roi de Lakish (en). Les fouilles à Tell el-Hesi, identifié ensuite avec Eglon (en) ont été dirigées par William Petrie et Frederick Jones Bliss pour le Palestine Exploration Fund dans les années 1890 - 1892. Ils ont mis au jour, entre autres, un haut-fourneau daté de -1500.

Plus récemment, les fouilles de Tell ed-Duweir ont poussé à identifier ce dernier site avec Lakish. David Ussishkin effectue des campagnes de fouilles archéologiques entre 1973 et 1994[4],[5],[6],[1].

Stratification modifier

Bronze Moyen modifier

 
Le Palais (Bronze Moyen)
  • Strate VIII : 1567-1450. Une ville large et fortifiée est établie au début du second millénaire sur une colline surplombant les environs. Elle est fortifiée par un mur et un glacis, ainsi qu'une fosse au pied du glacis. Un large palais, avec de nombreuses pièces et une cour, se dresse sur l'acropole. Il s'agit probablement de la résidence du roi de Lakish. La ville est détruite vers -1550.

Bronze Récent modifier

  • Après un court laps de temps, la ville est reconstruite autour d'un temple construit dans la fosse. La ville est citée dans les lettres d'El Amarna, qui présentent Lakish comme un centre urbain important et le siège du gouverneur égyptien du sud de Canaan.
  • La strate VII : deux temples sont connus à cette période. Un temple sur l'acropole, d'architecture égyptienne. Et le temple de la fosse. Cette strate est détruite par le feu puis reconstruite (strate VI), mais le temple ne sera pas reconstruit.
  • Strate VI. La dernière ville cananéenne subit une fin violente, vers la fin du XIIe siècle. Elle est totalement détruite, et sa population disparaît ou migre. Il est probable que la ville cananéenne a été détruite par les Israélites ou les Philistins, qui sont les deux autres peuples présents aux environs immédiats à cette époque.

Âge du fer modifier

 
Vestige de la rampe construite par les Assyriens
  • Pendant les XIIe et XIe siècles av. J.-C., la ville est inoccupée, l'on retrouve...
  • Strate V: Xe siècle (Fer IIA), représente une nouvelle ville, construite à l'époque de David et Rehoboam
  • Strate IV: ~950-900 (Fer IIA)
  • Strate III: 900-701 (Fer IIB) dernière couche archéologique avant la campagne de Sennacherib.
  • Strate II: 701-586 (Fer IIC) la ville est détruite par Nabuchodonosor II.
  • Strate I: 450-150 (époque perse/hellénistique)

Dans les textes modifier

Papyrus Hermitage 1116A modifier

Ce document administratif enregistre les allocations de nourriture aux émissaires des cités cananéennes[7]. Il semble dater du règne d'Aménophis II (1436-1413). avec Ashkelon, Lakish est la seule cité mentionnée au sud du pays. Cette mention semble attester d'une grande cité au XVe siècle.

Lettres d'El Amarna modifier

Cette ville est mentionnée dans les Lettres d'Amarna comme Lakisha (EA 287, 288, 328, 329, 335).

Trois chefs successifs de la ville sont mentionnés. Zimredda, qui écrit EA 329, est tué dans une révolte, comme le mentionnent des lettres de Jérusalem et de Gath (EA 288, 335). Une lettre écrite par un officiel égyptien trouvée à Tell el-Hesi (EA 333) mentionne Zimredda et son successeur Úip‹i-Ba>lu, auteur de trois lettres (EA 330-332). D'Yabni-Ilu, qui lui succède, il subsiste une lettre (EA 328).

Ces lettres témoignent d'une ville importante, dirigée par un roi soumis au Pharaon de l'époque.

Le relief de Lakish modifier

 
Relief de Lakish (British Museum, Londres)

Le relief de Lakish est une partie d'un ensemble de bas-reliefs assyriens racontant la victoire sur la Judée et le siège de Lakish en -701. Actuellement exposé au British Museum à Londres[8], il faisait partie de la décoration du palais de Sennacherib à Ninive La chambre dans laquelle le relief a été découvert en 1845-47, est une pièce de 12 m sur 5 m, entièrement recouverte[9].

« Sennacherib, le puissant roi, roi de la terre d'Assyrie, assis sur le trône du jugement, devant la cité de Lakish. Je donne la permission pour son massacre »

Dans la Bible modifier

Dans la Bible, Lakish est située dans la Shéphélah, ou zone intermédiaire entre la plaine maritime de Philistie et les monts de Judée, dans le territoire attribué à Judah.

La première mention de Lakish dans la Bible se trouve dans le livre de Josué et évoque le roi "Japhia" de Lakish, qui aurait répondu à l'appel du roi de Jérusalem appelant les autres rois amorrites (un peuple cananéen habitant la montagne) à se liguer contre les Israélites et leurs alliés gabaonites. Ainsi, d'après la Bible, les cananéens habitant à Lakish sont des amorrites[10]. S'ensuivent des péripéties au cours desquelles les Israélites détruisent en représailles la ville de Lakish ainsi que d'autres villes des amoréens : Makkéda, Libna, Eglon (en), Hébron, et Debir (sv).

À la suite d'une conspiration, le roi Amasias s'enfuit à Lakis et y est tué.

Le roi assyrien Sennachérib capture de nombreuses villes de Juda, dont Lakish, où Ézéchias, roi de Juda, lui envoie une proposition de paix.

À l'époque qui correspond aux événements présentés dans la Bible autour des rois de Juda et d'Israël, Lakish avait une fonction de défense de Jérusalem et de l'intérieur du territoire de Judée. L'accès le plus facile pour une armée d'importance était en effet la route de la côte, de laquelle ensuite on revenait vers l'intérieur des terres (c'est ce qui semble s'être produit dans Isaïe 36,2, 37,8 ou Jérémie 34,7). Lakish gardant l'une des vallées qui permettait l'accès à Jérusalem et à la haute Judée, était forcément sur le parcours de tels envahisseurs.

Principales découvertes modifier

La dague du XVIIe siècle modifier

 
Dague de Lakish

La « dague de Lakish » en bronze, est retrouvée dans la tombe 1502, datant du Bronze Moyen IIB. D'après le contexte de la tombe elle serait datée des alentours de -1700 -1600[11].

C'est probablement la plus ancienne inscription alphabétique, écrite en proto-cananéen, en tout cas la plus ancienne à avoir été trouvée dans un contexte archéologique qui ne fait aucun doute. Elle a été découverte en compagnie entre autres de trois scarabées de type hyksos[12].

Elle ne comporte que quatre lettres « trnz ». Peut-être « Turranza »[11], bien que l'identification des signes 1 et 4 ne soit pas certaine.

Hieroglyphe d'origine
D21
 ?
D1
I10
R11
Lettres de la dague        
Mot sémite associé Pu (bouche) Ras (tête) Nahs (serpent) Samek (support)
Latin T ? O R N S

Fragment de bol (XIIe siècle) modifier

 
Fragment de bol

Un fragment de bol avec une inscription en proto-cananéen est retrouvé dans un contexte clair de la strate VI. Elle devrait être datée autour de -1200 ou plus tôt. L'inscription est faite à l'encre, avant le bris de la jarre. Ce type de poterie est typique de la strate VI[13].

Hieroglyphe d'origine
O1
A28
V28
S39
D1
N6
Lettres de la Jarre                
Mot sémite associé Bayt (maison) Hilel Waw (épingle) Heth ( Lamd (baton) Ras (tête) Shams (soleil) ?
Latin B E U V Y H L R S

Fragment de pot (XIIe siècle) modifier

Un fragment de pot est découvert en 2014 avec une intéressante inscription d'écriture alphabétique[14]. Le texte comprend les premiers exemples datables (-1130 environ) des lettres kaf – le précurseur de la lettre latine K – samech – S – et Resh – R. Samech n’avait jamais été trouvée dans les inscriptions du début de l’ère cananéenne[15].

Les jarres LMLK (VIIIe siècle) modifier

 
Jarre estampillée « LMLK Hébron » (Musée d'Israël, Jérusalem)
 

Un autre point d'intérêt des fouilles de Lakish est la découverte de plus de 400 tessons de jarres portant la mention LMLK, ce qui signifie pour le roi[16]. C'est plus qu'aucun autre endroit en Israël, y compris à Jérusalem, où on en a retrouvé un peu plus de 300. Ils ont principalement été retrouvés pendant la campagne de fouilles de James Leslie Starkey, par un ratissage en surface, mais également au niveau 1 (époque perse et hellénistique), au niveau 2 (période précédant la conquête babylonienne par Nabuchodonosor II), et au niveau 3 (période précédant la conquête assyrienne par Sennacherib).

C'est grâce au travail de David Ussishkin et de son équipe sur le site entre 1973 et 1994 que huit de ces jarres estampillées ont pu être restaurées[17], démontrant ainsi que ce n'était pas une question de volume des jarres (puisque l'on a une variation de volume de 12 litres), et manifestant aussi le lien de ces jarres avec le règne du roi Ézéchias.

Les ostraca (VIe siècle) modifier

 
Reproduction de l'ostracon 3 (recto)

Ces 21 ostraca représentent le principal corpus d'inscriptions en hébreu ancien. Ils ont été découverts lors des campagnes de fouilles réalisées entre 1932 et 1938 par l'archéologue britannique James Leslie Starkey puis ont été déchiffrés et publiés par le professeur Naftali Herz Tur-Sinai. Ils ont été trouvés dans le niveau archéologique II qui correspond à la dernière phase de l'occupation judéenne de la ville de Lakish avant sa destruction par l'armée babylonienne de Nabuchodonosor II en 586 av. J.-C.. Ils apportent d'importants renseignements sur la paléographie, l'orthographe, le vocabulaire et la grammaire de l'hébreu ancien. C'est un des principaux corpus de documents en hébreu en dehors de la Bible.

Peigne modifier

En 2022 une équipe de l'université hébraïque de Jérusalem et de l'université adventiste du Sud des États-Unis, ont découvert sur ce site archéologique un peigne daté de 1 700 avant notre ère, sur lequel est gravé dix sept lettres en alphabet protosinaïtique qui composent sept mots de forme archaïque signifiant : « Que cette défense déracine les poux des cheveux et de la barbe ». Cette découverte est significative car jusqu'à présent aucune inscription de ce type n'a été découverte en Israël à l'exception de quelques mots diffus[18].

Références modifier

  1. a b c d et e King 2005
  2. Ben-Tor, Amnon,, The archaeology of ancient Israel, Yale University Press, (ISBN 0-300-04768-1, 978-0-300-04768-4 et 978-0-300-05919-9, OCLC 23140194, lire en ligne), p. 216
  3. Ussishkin 1982
  4. Ussishkin 1978, p. 1-97
  5. Ussishkin 1983, p. 97-175
  6. Ussishkin 1996, p. 3-60
  7. Epstein, C, « A new appraisal of some lines from a long-known papyrus », The Journal of Egyptian Archaeology, vol. 49,‎ , p. 49-56.
  8. « Room 10b: Assyria: Siege of Lachish », British Museum (consulté le )
  9. « The Lachish Reliefs and the City of Lachish », Ericlevy.com (consulté le )
  10. Josué 10.3-4 : "3. Adoni-Tsédek, roi de Jérusalem, envoya donc vers Hoham roi de Hébron, vers Piram roi de Jarmuth, vers Japhia roi de Lakis, et vers Débir roi d'Églon, pour leur dire: 4. Montez vers moi, et portez-moi secours, et frappons Gabaon; car elle a fait la paix avec Josué et avec les enfants d'Israël."
  11. a et b (en) William Foxwell Albright, The Proto-Sinaitic Inscriptions and Their Decipherment, Cambridge, Harvard University Press,
  12. André Lemaire, Les Hyksos et le début de l'écriture, in « Des signes pictographiques à l'alphabet: la communication écrite en Méditerranée » : actes du colloque, 14 et 15 mai 1996, Villa Kérylos, Fondation Théodore Reinach (Beaulieu-sur-mer)
  13. Ussishkin 1983
  14. (en) Benjamin Sass, Yosef Garfinkel, Michael G. Hasel et Martin G. Klingbeil, « The Lachish Jar Sherd: An Early Alphabetic Inscription discovered in 2014 », Bulletin of the American Schools of Oriental Research, no 374,‎ , p. 233-245 (JSTOR 10.5615/bullamerschoorie.374.0233)
  15. Ilan Ben Zion, « Des archéologues découvrent les origines de l’évolution de l’alphabet », sur The Times of Israel,
  16. Ussishkin dans Ussishkin, Bachi et Miller 2004, p. 2151-9
  17. Ussishkin 1983, p. 160-3
  18. Archéologia, n°615, décembre 2022, p. 15

Bibliographie modifier

  • Frederick Jones Bliss. Numerous artifact drawings, also "Layer by Layer" drawings of Tell el-Hesy Ce livre contient de nombreux croquis, avec des exemples de poteries phéniciennes, d'objets égyptiens ou provenant d'autres régions.
  • Voir aussi l'étude de la lettre d'Amarna en rapport avec le site, EA 333. A Mound of Many Cities; or Tell El Hesy Excavated, by Frederick Jones Bliss, PhD., explorer to the Fund, 2nd Edition, Revised. (The Committee of the Palestine Exploration Fund.) c 1898.
  • (en) David Ussishkin, The conquest of Lachish by Sennacherib, Tel Aviv University Institute of Archaeology, , 135 p. (ISBN 965-266-001-9)
  • (en) David Ussishkin, Excavations at Tel Lachish - 1973–1977. Preliminary Report, vol. 5, Tel Aviv,
  • (en) David Ussishkin, Excavations at Tel Lachish 1978–1983. Second Preliminary Report, vol. 10, Tel Aviv,
  • (en) David Ussishkin, Excavations and Restoration Work at Tel Lachish : 1985–1994. Third Preliminary Report, vol. 23, Tel Aviv,
  • (en) G.M. Grena, LMLK — A Mystery Belonging to the King vol. 1, Redondo Beach, California, 4000 Years of Writing History, , 425 p. (ISBN 0-9748786-0-X)
  • (en) David Ussishkin, Gabriella Bachi et Jared L. Miller, The Renewed Archaeological Excavations at Lachish (1973 – 1994), volumes 1 et 4, Tel Aviv, Institute of Archaeology, Tel Aviv University, (ISBN 965-266-017-5, OCLC 71663330)
  • (en) Philip J. King, « Why Lachish Matters », Biblical Archaeology Review, vol. 31, no 4,‎ (lire en ligne, consulté le )

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Liens externes modifier