La Tranchée républicaine

journal hebdomadaire pacifiste fondé en 1917

La Tranchée républicaine est un journal hebdomadaire pacifiste, destiné aux soldats du front pendant la Première Guerre mondiale[1], domicilié à Paris au 5 rue de la Grange-Batelière[2], fondé en mai 1917 à Paris et dirigé par Jacques Landau et Jean Goldsky.

Histoire modifier

Journal pacifiste, La Tranchée républicaine est lancé le [2]. Il a pour fondateur Jean Goldsky, l'ex-rédacteur en chef du journal satirique républicain et anarchiste, Le Bonnet rouge[3], d'abord hebdomadaire (1913), puis quotidien (1914) et où lui a succédé comme rédacteur en chef Miguel Almereyda. Les deux titres n'ont cependant aucun autre lien[2]. Entre les étés 1916 et 1917, Le Bonnet rouge avait vu un millier de ses articles touchés par la censure [4] . Ex-soldat dont l'enthousiasme patriotique a fondu pendant la guerre, Jean Goldsky[3] avait rejoint le journal en mars 1916[3]. Il est épaulé par un autre journaliste, Jacques Landau, émigré russe naturalisé français en 1902[5], ex-fondateur du journal Je dis tout en 1907[2] puis de l'Agence Primo[5]. Émile-Joseph Duval écrit quotidiennement en première page un article de soixante à quatre-vingt lignes signé « M. Badin », exprimant des points de vue pacifistes[6].

Jean Goldsky ayant perdu dès 1916 la subvention du ministère de l'intérieur accordée au Bonnet rouge[3], il l'avait remplacée par un soutien de 200 000 francs d'Émile-Joseph Duval[3], qui devient le financier ensuite aussi de son nouveau journal[3].

La Tranchée Républicaine publiera sept numéros du 1er mai au 20 juin 1917, en atteignant un tirage de 45000 exemplaires [2] mais sera aussi une cible privilégiée de l'Action française, mouvement royaliste d'extrême droite[2].

Le titre est lancé au même moment que l'émergence du quotidien pacifiste Le Pays[3] en pleine affaire du Bonnet rouge. Un des administrateurs du journal Le Bonnet rouge, Émile-Joseph Duval est arrêté à la frontière suisse le avec un chèque de 150 000 francs[7] du banquier allemand Marx de Mannheim[8]. Il sera fusillé en 1918 et l'affaire entraine aussi l'arrestation de Miguel Almereyda ainsi que la démission puis l'arrestation de Louis Malvy, ministre de l'Intérieur, soupçonné d'avoir protégé ce journal[9]. Malvy est mis en cause par Barrès au Sénat, puis par Clemenceau[10].

Jean Goldsky est ensuite soupçonné d'avoir fondé un autre titre s'inspirant de l'esprit de La Tranchée Républicaine, voire de la copier, nommé Le Tank Républicain, apparu le [4]. Le gouvernement, qui estime subir une « guerre des nerfs »[4] de la presse pacifiste va alors s'appuyer sur ce qui va devenir l'affaire du Bonnet rouge[9] pour la faire taire en une seule fois. Pour se débarrasser des éditoriaux critiques du quotidien pacifiste Le Pays, il approche un propriétaire d'usines textiles du Nord, Jean Prouvost, via le ministre de l'armement Louis Loucheur[11]. Louis Loucheur convoque Jean Prouvost et lui demande de participer à une augmentation de capital du quotidien[9], dans l'objectif de faire disparaitre ensuite ce titre[12]. Le , Le Bonnet rouge est suspendu par les autorités et Almereyda décède dans sa cellule le , probablement d'un suicide.

Malvy sera contraint à la démission le , entraînant dans sa chute le Gouvernement Ribot et subira cinq ans de bannissement[13], indignant la presse de gauche, qui s'inquiète d' « une nouvelle affaire Dreyfus »[14].

La Tranchée républicaine fut supprimée, son rédacteur arrêté, jugé et condamné en par le 3e conseil de guerre de Paris, dans un procès pour « intelligence avec l’ennemi » de son journal précédent, le Bonnet rouge[15] car accusé de complicité avec Émile-Joseph Duval.

Pour sa défense, il minimise la période passée au Bonnet rouge et l'aide financière reçue [16]. Émile-Joseph Duval fut condamné à mort, Landau à huit ans de travaux forcés[3] et Goldsky à huit ans de travaux forcés avec dégradation militaire et cinq ans d’interdiction de séjour[3].

Références modifier

  1. "Les défaitistes", par Louis Dumur, 1923
  2. a b c d e et f "La Guerre totale" par Léon Daudet, Collection XIX, 2016 [1]
  3. a b c d e f g h et i Biographie Maitron de Jean Goldsky [2]
  4. a b et c "La guerre secrète en Suisse (1914-1918): espionnage, propagande et influence en pays neutre pendant la Grande Guerre" par Olivier Lahaie, aux Editions Publibook, 2017 [3]
  5. a et b "1917 ou la révolte des poilus" par Jean Ratinaud, aux Editions Fayard en 1963
  6. Chronique judiciaire dans Le Petit parisien du 30 avril 2018 [4]
  7. Yves Charpy, Paul-Meunier : Un député aubois victime de la dictature de Georges Clemenceau, Editions L'Harmattan, 2011, 392 p., p. 242
  8. Bibliothèque numérique de la BnF
  9. a b et c "Cinquante ans de presse parisienne: Ou La nuit du Strand" par Hervé Mille, en 1992, aux Editions Table ronde [5]
  10. René Reouven, « L'impossible pendaison d'Almereyda », Historia,‎ n° 356 bis, 1976, p. 42-47.
  11. "L'Année 1978" par Universalia, Encyclopædia Universalis France, page 620 et 621 [6]
  12. Philippe Boegner, Oui Patron. La fabuleuse histoire de Jean Prouvost qui, de Paris-Soir à Paris-Match a créé le premier empire de presse français, Paris, Julliard, 1976 [7]
  13. L'affaire Malvy (1918), senat.fr.
  14. Sabine Bernède, « Louis-Jean Malvy, l'autre Dreyfus », ladepeche.fr, 18 novembre 2007.
  15. Vers les temps meilleurs: trente ans de vie sociale", par Anatole France aux Editions Émile-Paul frères, en 1973
  16. "De Panama à Stavisky, Les scandales de la Troisième, André Castelot, par Jacques Chabannes, Éditions Perrin 1972