La Joie de vivre

roman d'Émile Zola

La Joie de Vivre
Image illustrative de l’article La Joie de vivre
Édition de 1903

Auteur Émile Zola
Pays France
Genre Roman
Éditeur G. Charpentier
Lieu de parution Paris
Date de parution 1884
Chronologie

La Joie de vivre est un roman d’Émile Zola publié en 1884, le douzième volume de la série Les Rougon-Macquart.

Ce roman oppose le personnage de Pauline, qui aime la vie même si celle-ci ne lui apporte guère de satisfactions, à celui de Lazare, être velléitaire et indécis, rongé par la peur de la mort. Zola l'a rédigé dans une sorte de réaction contre les œuvres précédentes du cycle, avec l'idée d'en faire « un roman intime, à peu de personnages, avec une grande simplicité de style[1] ».

Résumé modifier

L'action se situe en Normandie, dans un petit village portuaire appelé Bonneville. L’héroïne, Pauline Quenu, fille de Lisa Macquart et du charcutier Quenu (voir Le Ventre de Paris), orpheline à l'âge de dix ans, est confiée à des cousins de son père, les Chanteau. M. et Mme Chanteau ainsi que leur fils Lazare se voient confier la fortune de Pauline ; ils sont attendris par Pauline et veulent au début ne pas dilapider sa fortune. Après avoir été assez ambitieuse pour son mari, Mme Chanteau l'est beaucoup pour son fils qui, lui, s'intéresse uniquement à la musique, à son grand regret. Les Chanteau se sont associés avec Davoine pour se procurer de l'argent, mais cette association apparaît dès le début comme un échec, même s'il y a quelquefois une petite amélioration. Pauline est très appréciée par la famille, surtout par Lazare.

Mais Pauline fait apparaître un défaut : la jalousie. Alors que la fille d'une amie décédée de Mme Chanteau, Louise, arrive et que l'attention de toute la famille, Lazare compris, se porte sur elle, Pauline a une crise de colère contre Mathieu, le chien, qu'elle frappe avec brutalité. Lazare décide ensuite, sous l'influence de Pauline, d'entamer des études de médecine, mais il quitte alors le domicile. Pauline, malgré de faibles connaissances en médecine – qu'elle va approfondir –, est intéressée par la matière, car elle a une conception très altruiste de la vie et veut donc aider les gens. Pauline se montre très dévouée pour M. Chanteau, souvent sujet à de vives douleurs causées par sa maladie, la goutte. Mme Chanteau lui enseigne les connaissances qui seront attendues d'elle dans la société, notamment le catéchisme. Pauline s'intéresse à la médecine et au corps humain, malgré le fait que Mme Chanteau refuse de lui révéler certaines choses, notamment l'existence de la menstruation. Zola milite ouvertement pour une éducation des jeunes filles qui s'affranchirait des pudibonderies bourgeoises, à travers le personnage de Pauline, qui fait grief à sa tante de ces cachotteries. Zola écrivait d'ailleurs, dans La Tribune, le  : « La vérité purifie tout comme le feu. » Il avait aussi pour but, dans son œuvre naturaliste, de déceler et dévoiler la vérité ; il dit ainsi dans sa Lettre à la jeunesse de 1879 que « la vérité n'égare personne ».

Pauline se révèle être véritablement amoureuse de Lazare. Celui-ci, finalement, veut travailler à la recherche pour la pharmacie dans le domaine des algues. Il entreprend des projets avec un associé grâce à Pauline qui accepte de lui fournir de l'argent à cette fin. Il y a promesse de mariage de Lazare et Pauline. Celle-ci, au début, à chaque fois que Mme Chanteau veut lui demander de l'argent, se fait prévenir et consulter pour les emprunts sur son héritage. Puis, Mme Chanteau n'hésite plus à emprunter sans consulter. Pauline est économe, voire avare, mais son amour de sa famille l'encourage à une certaine générosité. À un moment, Saccard, un membre de sa famille qui veut contrôler la conservation de l'héritage de Pauline, annonce sa visite dans la demeure familiale. Mme Chanteau soupçonne un instant Pauline d'avoir demandé cette venue ; M. Chanteau est irrité de cette suspicion envers Pauline. La moitié de son héritage est déjà dilapidée. Le mariage entre Lazare et Pauline est envisagé par Mme Chanteau car elle pense ainsi pouvoir protéger financièrement son fils grâce à l'héritage. Elle justifie aussi ce mariage par le fait qu'ils s'aiment manifestement et que Pauline devrait, selon elle, pouvoir recouvrer son argent. Elle considère que son fils a du talent et que l'emprunt souscrit auprès de Pauline sera forcément remboursé. Elle se persuade que Pauline pourra bénéficier de l'argent qui lui est destiné ; elle n'ose pas s'avouer la vérité. Après son échec quant à son projet pharmaceutique concernant les algues – financé avec une partie de l'héritage de Pauline –, Lazare continue à nourrir de vastes projets, il veut surtout réaliser des aménagments permettant de faire obstacle aux menaces de la mer pour le village et emprunte à nouveau à Pauline pour cela. Celle-ci, malgré sa bonne volonté, voit les sentiments de Mme Chanteau pour elle se détériorer, à mesure que son argent diminue (par avarice ou sentiment de culpabilité de Mme Chanteau). Elle constate aussi que l'amour de Lazare pour Louise supplante les sentiments qu'il éprouve envers elle. Seul le médecin montre une véritable compassion pour Pauline, même si Véronique, la bonne, malgré son air bourru, exprime sa désapprobation pour les emprunts non remboursables et témoigne un peu de pitié à la jeune orpheline. Pauline contracte à ce moment une maladie qui la fait atrocement souffrir ; Lazare se montre très compatissant et passe ses journées à la veiller, alors que Mme Chanteau discute assez souvent avec Louise, reprochant à Pauline de ne pas savoir gérer son argent et de n'attirer que des malheurs sur leur maison. Louise se révélant très bien dotée, Mme Chanteau tente également d'entretenir son sentiment pour son fils, afin de les marier et de toucher son argent. M. Chanteau et Louise défendent un peu Pauline, mais Louise est secrètement satisfaite de voir sa rivale, Pauline, être moins appréciée qu'elle ne l'est. Pauline, encore convalescente, encourage Lazare à cesser de s'occuper d'elle et à faire des promenades avec Louise. Pauline surprend Lazare et Louise en train de s'embrasser et chasse alors Louise. Mme Chanteau tombe malade et bascule alors dans une paranoïa envers Pauline, délirant jusqu'à penser que cette dernière veut la tuer. Mme Chanteau meurt au terme d'une pénible agonie, ce qui plonge Lazare dans un profond désarroi, en exacerbant sa peur de la mort.

Héritière d'une fortune assez considérable, Pauline s'est laissé peu à peu dépouiller d'une grande partie de ses biens par Mme Chanteau et son fils Lazare, sans pour autant perdre son amour pour eux, conservant jusqu'au bout la joie de vivre qui donne son titre à l'ouvrage.

Le cadre de l'ouvrage est notamment la mer qui menace constamment les habitats côtiers et qui concerne donc la famille, le père étant maire du village. Tout devrait conduire Pauline au pessimisme : elle aide les pauvres, qui la remercient en la volant ; elle déborde d'affection pour sa tutrice, qui lui dérobe pourtant une partie de son héritage et se met à la haïr ; amoureuse de Lazare, le fils des Chanteau, elle l'aide à mettre sur pied des projets chimériques qui la ruinent, puis, voyant que celui-ci lui préfère Louise, son amie et sa rivale, elle rompt ses fiançailles avec lui et le pousse à épouser Louise. Au milieu des épreuves, elle ne perd jamais confiance et elle accepte même d'élever Paul, fils de Louise et de Lazare, pour qui elle dépensera les derniers restes de sa fortune.

Les personnages de Lazare et de Pauline semblent correspondre aux composantes de la personnalité de Zola, car il écrit ce livre au moment du décès de sa mère, décès qui l'a plongé dans une crise de pessimisme quasi dépressive, comme Lazare ; mais il conserve pendant cette épreuve une conception assez optimiste de la vie, comme Pauline.

Inspirations modifier

 
Nature morte avec la Bible, de Van Gogh, où apparaît une édition de La Joie de vivre.
 
Vase avec lauriers roses de Van Gogh ; un exemplaire de La Joie de vivre est posé à côté.

Bibliographie modifier

  • Alcorn, Clayton, Jr. « Zola’s Forgotten Spokesman: Véronique in La Joie de vivre », French Review, , p. 76-80.
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  • Robert J. Niess, « Zola’s La Joie de vivre and La Mort d’Olivier Bécaille », Modern Language Notes, , no 57 (3), p. 205-207.
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Références modifier

  1. Les Rougon-Macquart, Bibliothèque de la Pléiade, vol. III, p. 1745.
  2. Fiche programme : La Joie de vivre, sur le site de France 2.

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