Léonce Bénédite

historien et conservateur français

Léonce Bénédite, né à Nîmes le et mort à Paris en , est un historien de l'art et conservateur de musée français.

Directeur du musée du Luxembourg à Paris, il devient ensuite le premier conservateur du musée Rodin[2]. Il est le frère aîné de l'égyptologue Georges Bénédite.

Biographie modifier

Historien de l'art, Léonce Bénédite connaît un tournant dans sa carrière quand il assure l'intérim d'Étienne Arago à la tête du musée du Luxembourg à Paris, à partir de 1892. Confirmé dans ses fonctions en 1895, il ne cesse de déplorer le manque de moyens affectés aux collections nationales d'art contemporain dont il a la charge.

Malgré un budget qui n'atteindra jamais celui de ses homologues européens, le musée du Luxembourg connaît sous la direction de Bénédite un développement de ses collections, notamment par l'acceptation partielle du legs de Gustave Caillebotte (appelée affaire Caillebotte), constitué d'œuvres impressionnistes, pour lequel il fait construire une annexe « provisoire » parallèle à l'extension déjà ajoutée à l'orangerie du Luxembourg en 1886.

On[Qui ?] lui reproche parfois ses goûts conservateurs en matière de nouvelles acquisitions, alors qu'il n'en critique pas moins le conservatisme des hauts fonctionnaires des ministères de tutelle, que ce soit aux Beaux-arts ou aux Travaux publics. En effet, le musée du Luxembourg, depuis son transfert à l'orangerie du Luxembourg en 1886, souffre d'une absence de réserves, de l'inexistence de services pour le public et d'une insuffisance des espaces d'exposition : Bénédite proposera pendant plus de vingt-cinq ans des projets de reconstruction du musée, d'agrandissement de l'orangerie et de transfert des collections, sans jamais parvenir à dépasser le stade du décret non appliqué. Pour parvenir à ses fins, il n'hésita pas à faire appel au mécénat américain, éventualité catégoriquement refusée par les Chambres, dans un contexte d'« exil » des chefs-d'œuvre aux États-Unis.

Connu pour son attachement à Auguste Rodin, Bénédite devient, parallèlement à son rôle au musée du Luxembourg, le premier conservateur du musée Rodin, créé dans l'hôtel Biron, légué par l'artiste à l'État. Il est également reconnu pour avoir donné ses lettres de noblesse à la peinture orientaliste promue par la création du prix Abd-el-Tif et du musée des beaux-arts d'Alger[3].

En octobre 1892, il lance avec Jean Alboize et Henri Patrice Dillon, une publication trimestrielle, L'Album des peintres-lithographes, en lien avec la Société des artistes lithographes français[4].

Bénédite organisa et supervisa l'entreposage au Musée Rodin d'environ 400 œuvres de la collection personnelle (tableaux, dont de nombreux impressionnistes, et sculptures d'Auguste Rodin) de l'industriel japonais Matsukata Kōjirō (président du groupe Kawasaki). Cette collection fut conservée en France jusqu'après la Seconde Guerre mondiale puis fut ensuite transmise en 1959 par le gouvernement français au Japon pour servir de socle, comme souhaité par Matsukata Kōjirō, aux collections du nouveau Musée national de l'Art occidental créé dans le grand Parc d'Ueno à Tokyo sur une conception architecturale de Le Corbusier[5],[6].

Outre ses activités d'historien d'art, de membre de la Commission des acquisitions des Musées nationaux, ou de président de la Société des peintres orientalistes français et de la Société des peintres-lithographes[7], Bénédite organisa aussi un certain nombre d'expositions qui firent date dans l'histoire de l'art. De son rôle de conservateur de musée, il fut l'un des premiers à esquisser les prémices d'une théorie de la muséographie de l'art contemporain.

Ses archives sont actuellement conservées à la bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art à Paris, après l'avoir été à la Bibliothèque centrale des musées nationaux.

L'affaire Caillebotte modifier

Gustave Caillebotte meurt le 21 février 1894 et lègue sa collection d’art contemporain d'environ 70 œuvres impressionnistes (Millet, Cézanne, Degas, Manet, Monet, Renoir, Sisley mais également des artistes réalistes et cubistes) à l'État en stipulant « que les tableaux n'aillent ni dans un grenier ni dans un musée de province, mais bien au Luxembourg et plus tard au Louvre ».

A la fin du XIXe siècle, le musée du Luxembourg n'est pas représentatif de l'art en train de se faire. Les collections étant constituées d'œuvres achetées par l'Etat au Salon, elles témoignent du goût officiel c'est-à-dire des peintures d'histoire, des portraits, des paysages classiques selon une hiérarchie des genres bien établie. Le musée est alors essentiellement consacré à la peinture française et le manque de place impose un accrochage dense et monotone. Très rapidement Léonce Bénédite s'intéresse aux problèmes du musée et réfléchit aux améliorations envisageables[2].

La vocation du Luxembourg est de présenter le développement de tout l'art moderne. Digne représentant de la fin du XIXe siècle, Bénédite insiste sur la présentation de toutes les techniques et rejetant les hiérarchies entre les arts, il refuse de ne privilégier que la peinture[8]. Son travail de diffusion de l'histoire de l'art du XIXe siècle est soutenu dès les années 1890 par l'organisation d'expositions dont la vocation est de combler un temps les lacunes des musées.

Il faudra un certain temps avant que le legs ne soit accepté, et bien des circonvolutions administratives.

A cette période, l’Académie française de peinture perd de son pouvoir. L’Académie pense que les œuvres du legs sont discutables d’un point de vue artistique. C’est un débat virulent, Gérôme ira jusqu’à dire que ce sont des ordures. Seulement une petite vingtaine d’œuvres seront retenues.

Cela témoigne bien du fait que le Musée du Luxembourg se tient à l’écart de l’avant-garde. Jusqu’en 1947, quand le musée national d’art moderne ouvre ses portes, il y a un divorce entre les musées et l’art contemporain.

Publications modifier

Ouvrages modifier

  • Le Musée du Luxembourg. Paris : L. Baschet, s. d. [1894].
  • Expositions périodiques d’estampes : première exposition, février- : catalogue des œuvres exposées de Bracquemond : Paris, musée national du Luxembourg. Paris : Librairies-imprimeries réunies, s. d. [1897].
  • Expositions périodiques d’estampes : deuxième exposition () : catalogue des œuvres exposées de Claude-Ferdinand Gaillard : Paris, musée national du Luxembourg. Paris : Librairies-imprimeries réunies, s. d. [1898].
  • Catalogue des lithographies originales de Henri Fantin-Latour : expositions périodiques d’Estampes, troisième exposition () : Paris, musée national du Luxembourg. Paris : Librairies-imprimeries réunies, s. d. [1899].
  • Musée national du Luxembourg. Expositions périodiques d’estampes. Quatrième exposition (). Catalogue des œuvres exposées de Alphonse Legros : Paris, musée national du Luxembourg. Paris : Librairies-imprimeries réunies, s. d. [1900].
  • La peinture au XIXe d'après les chefs-d'œuvre des maîtres et les meilleurs tableaux des principaux artistes, Paris
  • L’Art à l’Exposition universelle de 1900. Paris : Librairie de l’art ancien et moderne, 1900.
  • Catalogue sommaire des peintures, sculptures, dessins, gravures en médailles et sur pierres fines et objets d’art divers de l’école contemporaine : exposés dans les galeries du Musée national du Luxembourg. Paris : Librairies-imprimeries réunies, s. d. [1902].
  • Histoire des Beaux-Arts 1800-1900 : peinture, sculpture, architecture, médaille et glyptique, gravure, art décoratif en France et à l’étranger. Paris : Ernest Flammarion, s. d. [1909].
  • Courbet. Paris, La Renaissance du livre, 1911. Lire sur Gallica.
  • Description des ouvrages de peinture, dessins et aquarelles de l’École Britannique moderne : offerts à la France par M. Edmund Davis, suivie de la nomenclature des ouvrages d’artistes anglais modernes appartenant aux collections nationales. Paris : Braun et C., 1915.
  • Peinture, Dessins, Aquarelles et Pastels, sculptures et médailles de l’école belge contemporaine, appartenant aux collections nationales. L’œuvre gravé et lithographié de Frank Brangwyn offert au Musée du Luxembourg par l’auteur… : catalogue des estampes exposées. Paris : Braun et Cie, 1915.
  • La Grande Guerre : l’effort et l’idéal de la Grande-Bretagne. Lithographies originales d’artistes britanniques : Paris, musée national du Luxembourg, février-. Paris : Musée du Luxembourg, 1918.
  • Exposition d’artistes de l’école américaine : Paris, musée du Luxembourg, octobre-. Paris : Frazier-Soye, imprimeur, 1919.
  • Musée Rodin : catalogue sommaire des œuvres d’Auguste Rodin et autres œuvres d’art de la donation Rodin exposés à l’Hôtel Biron. Paris : Frazier-Soye, 1919.
  • Exposition hollandaise : tableaux, aquarelles et dessins anciens et modernes : Paris, musée du Jeu de paume, avril-. La Haye : Impr. de Mouton, 1921.
  • Exposition de l’art belge, ancien et moderne… : Paris, musée du Jeu de paume, au . Bruxelles : G. Van Oest, 1923.
  • Albert Lebourg: catalogue des peintures d'Albert Lebourg (1853-1928) Editions des Galeries Georges Petit, Paris 1923
  • Le Musée du Luxembourg : les peintures école française. Paris : H. Laurens, 1923.
  • Le Musée du Luxembourg : peintures, pastels, aquarelles et dessins des écoles étrangères. Paris : H. Laurens, 1924.
  • Exposition de l’art suisse du XVe au XIXe siècle : (de Holbein à Hodler) : Paris, musée du Jeu de paume, juin-. Paris : F. Boissonnas, s. d. (1924).
  • De Nittis 1846-1884 (Giuseppe De Nittis). Paris : publié par "René van den Berg", en 1926
  • Théodore Chassériau ; sa vie et son œuvre. Manuscrit inédit publié par André Dezarrois. Paris : Les Éditions Braun, 1931. 2 vol.

Articles modifier

Notes et références modifier

  1. « https://archives.yvelines.fr/rechercher/archives-en-ligne/correspondances-du-musee-departemental-maurice-denis/correspondances-du-musee-maurice-denis », sous le nom BENEDITE Léonce (consulté le )
  2. a et b INHA, « BÉNÉDITE, Léonce », sur inha.fr, (consulté le ).
  3. Devenu le musée national des Beaux-Arts d'Alger.
  4. Marque de la collection « Les Peintres-Lithographes », Fondation Custodia
  5. (en) « Outline », sur nmwa.go.jp (consulté le ).
  6. (en) « Matsukata Collection », sur nmwa.go.jp (consulté le ).
  7. « La Société des peintres-lithographes », in: Janine Bailly-Herzberg, Dictionnaire de l'estampe en France 1830-1950, Paris, AMG-Flammarion, 1985, p. 366.
  8. Le Musée National du Luxembourg : Catalogue raisonné et illustré des peintures, sculptures, dessins… des écoles contemporaines., Paris, Librairies-imprimeries réunies,

Bibliographie modifier

  • Luc Alary, « L’Art vivant avant l’art moderne. Le Musée du Luxembourg, premier essai de muséographie pour l’art vivant en France », Revue d'histoire moderne et contemporaine, tome 42-2, avril-.
  • Mathilde Arnoux, « Que montrer de son voisin ? La correspondance entre les conservateurs Alfred Lichtwark et Léonce Bénédite, une coopération intellectuelle franco-allemande au tournant du siècle », Revue de l’Art, no 153, , p. 57-68.
  • Mathilde Arnoux (Philippe Sénéchal, Claire Barbillon, dir.), « Léonce Bénédite », Dictionnaire critique des historiens de l’art actifs en France de la Révolution à la Première Guerre mondiale, Paris,‎ (lire en ligne).
  • Julien Bastoen, L’État aux prises avec la modernité. Le Musée des artistes vivants, laboratoire d'expérimentation architecturale et muséographique. Du Palais du Luxembourg au Palais de Tokyo, 1818-1937, mémoire de DEA « Le projet architectural et urbain », université Paris VIII, 2004.
  • Jeanne Laurent, Arts et pouvoirs en France, histoire d'une démission artistique, Saint-Étienne, CIEREC, 1982.
  • V. Le Hen, O. Stalloni, Léonce Bénédite (1859-1925), conservateur du Musée national du Luxembourg et du Musée Rodin, Mémoire d'étude, sous la direction de Roland Schaer, Paris, École du Louvre, 1994.
  • Emmanuelle Tordjman-Belz, Léonce Bénédite et le Musée du Luxembourg, Mémoire d'étude, sous la direction de Chantal Georgel, Paris, École du Louvre, 2005.

Liens externes modifier