Justice de paix en France

juridictions de proximité, mises en place en France en 1790 et supprimées en 1958.

Les justices de paix étaient des juridictions de proximité, mises en place en France en 1790 et supprimées en 1958. Il y en avait alors une par canton ; chacune était sous la responsabilité du juge de paix[1].

Entête de courrier de Jean-Honorat Guézou, juge de paix en l'an X.

Historique, attributions modifier

C'est la Constituante qui instaure en France les justices de paix par la loi des 16 et 24 août 1790. L'objectif de cette création est de mettre au service des citoyens une justice plus proche et efficace, en parallèle à la justice classique : c'est la volonté d'une justice de proximité simple, rapide, gratuite et équitable, héritière de la justice seigneuriale de l'Ancien Régime.

Selon les dispositions de la loi d'août 1790, le juge de paix doit être âgé de 30 ans accomplis[2]. Il est élu par les citoyens actifs du canton, réunis en assemblée primaire. La présence de deux assesseurs est obligatoire pour qu'il puisse rendre un jugement.

La loi du 9 ventôse an IX () remplace les deux assesseurs par deux suppléants et permet au juge de statuer seul.

Le senatus-consulte du 16 thermidor an X () réduit la fonction de vote des citoyens à celui de présentation de deux candidats parmi lesquels le Premier consul choisit le juge.

En 1830, les juges de paix et leurs suppléant sont nommés par le roi, sur une liste de trois candidats présentés par le procureur-général du ressort.

Les juges de paix avaient pour principale mission de régler les litiges de la vie quotidienne par une démarche conciliatrice : petites affaires personnelles et mobilières, reconnaissances en paternité, conflits bénins entre particuliers, litiges entre voisins, conflits entre locataires et propriétaires (les propriétaires se plaignant qu'ils n'ont pas reçu leur loyer, les locataires se plaignant de charges trop élevées par exemple), contraventions de simple police, levée ou maintien de scellés (lors des règlements de successions en cas d'héritages)[3].

Accessible gratuitement, le juge de paix était présent dans chaque canton. L'accès à la fonction ne nécessitait aucune qualification particulière en droit, ni diplômes[3], mais résultait d'un vote, puis d'une nomination. Dès lors, on retrouve principalement des personnes dotées d'une autorité morale et d'une situation sociale établies. Il était également chargé de tâches administratives, notamment la présidence de diverses commissions locales. Le juge de Paix devait avoir du bon sens, connaître parfaitement les mœurs en vigueur et juger de manière raisonnable. Les affaires traitées par les juges de paix sont aujourd'hui versées aux archives départementales et peuvent y être consultées dans chaque département[3].

À partir de 1919, existent en Alsace-Moselle l'équivalent des juges de paix : les juges cantonaux[4],[5],[6].

 
Ancienne justice de paix de Cluny.

La professionnalisation des juges de paix et le regroupement des justices de paix (nouveau maillage face à l'urbanisation croissante), débutés en 1929, ont constitué les prémices de la disparition de ces juridictions originales, liées initialement à la déprise des campagnes. À compter de 1946, au moment où la fonction de magistrat professionnel devient enfin accessible aux femmes, il est demandé aux nouveaux recrutés d'être titulaire de la licence en droit. Cette disposition permet à compter de 1959 et de la dissolution des justices de paix de procéder à un plan d'intégration sur plusieurs années (environ dix ans) des juges de paix, au sein du corps des magistrats de l'ordre judiciaire.

De plus, la judiciarisation de la société a nécessité des institutions plus qualifiées. Supprimées à compter du 1er janvier 1959[7], les justices de paix sont remplacées par les tribunaux d'instance, les médiateurs et les conciliateurs, dont le point de vue sur l'efficacité est relatif à la compétence des intervenants et de la formation de ces professionnels, alors que le besoin d'une justice de proximité s'accroît.

En 2002, le législateur a créé les juridictions de proximité, dont le rôle peut s'apparenter à celui des juges de paix, mais qui sont des professionnels du droit. Une loi de 2011 revient sur cette création, mais la suppression des juges de proximité est repoussée au [8]; puis au [9], avant d'être effectivement supprimée le .

En , à l'occasion de son discours de politique générale, le Premier ministre Jean Castex a annoncé la création d'une juridiction de proximité chargée de réprimer les délits et incivilités de la vie quotidienne. Le ministère de la Justice a toutefois précisé qu'il ne s'agissait pas de recréer ce qui avait été supprimé en 2017[10].

Titulaires modifier

Notes et références modifier

  1. Site Universalis, page sur le juge de paix.
  2. Victor Augier, Le Juge de paix : recueil de jurisprudence civile et de police t. 1, Paris, , p. 2
  3. a b et c Locataires et propriétaires, film universitaire en ligne, produit par le CHS, unité mixte de recherche CNRS/UiversitéParis1 consulté le 10 février 2017.
  4. « Annuaire rétrospectif de la magistrature », sur annuaire-magistrature.fr (consulté le ).
  5. « Annuaire rétrospectif de la magistrature », sur annuaire-magistrature.fr (consulté le ).
  6. « Annuaire rétrospectif de la magistrature », sur annuaire-magistrature.fr (consulté le ).
  7. Ordonnance no 58-1273 et décret no 58-1286 du 22 décembre 1958
  8. Loi no 2012-1441 du 24 décembre 2012 relative aux juridictions de proximité.
  9. Loi no 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 99.
  10. « Jean Castex réinvente le « juge de proximité » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi modifier

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Article connexe modifier

Bibliographie modifier

  • Jean-Claude Farcy, « Les poursuites disciplinaires contre les juges de paix dans la première moitié du XXe siècle », Histoire de la justice, no 3, 1990, p. 31-49.
  • Michel Lichtlé, « Balzac et la justice de paix : le monde judiciaire dans la littérature du XIXe siècle », Cahiers de l'Association internationale des études françaises, no 44, 1992, p. 117-140 (lire en ligne).
  • Sylvie Humbert-Convain, « Le système continental, le juge de paix et les violations du blocus », Les Épisodiques, no 6, 1993, p. 39-50.
  • (nl) Vaast P. B. Van Herreweghe, De Vrederechter en Cassatie : De verhouding tussen de wetsongebonden "laagste" en de wetsbewakende "hoogste" rechter (1790-1813), Gent, Mys et Breesch, 1993 (SUDOC 019294123).
  • (de) Marcel Erkens, Die französische Friedensgerichtsbarkeit (1789-1814) unter besonderer Berücksichtigung der vier rheinischen Departements, Cologne, Böhlau, coll. « Rechtsgeschichtliche Schriften », 1994 (SUDOC 004633466).
  • Serge Dauchy, Sylvie Humbert et Jean-Pierre Royer (dir.), Le Juge de paix, Lille, Centre d'histoire judiciaire, 1995, 181 p. (ISBN 2-910114-02-3).
  • Philippe Delaigue , « Une justice de proximité : création et installation des juges de paix (1790-1814) », Histoire de la justice, no 8, 1995, p. 31-47.
  • Du juge de paix au tribunal départemental, Paris, Association française pour l'histoire de la justice, 1997 (SUDOC 046571140).
  • Jacques-Guy Petit (dir.), Une justice de proximité : la justice de paix (1790-1958), Paris, Presses universitaires de France, coll. « Droit et Justice », , 335 p. (ISBN 2-13-054011-2, lire en ligne).
  • Coline Lefort (dir. Gérard Aubin), Le Juge de paix face au droit du travail (mémoire de master 2 en histoire du droit), Bordeaux, université Bordeaux-IV, 2011 (SUDOC 156503735).
  • Antoine Pélicand (dir. Charles Suaud et Jacques Commaille), Des juges profanes : juges de paix et juges de proximité au défi de l'intégration judiciaire (thèse de doctorat en sociologie), Nantes, université de Nantes, 2013 (lire en ligne).
  • Ondine Mialot (dir. Bernard Gallinato), L'Évolution de la compétence du juge de paix à mesure de la conception du droit du travail (mémoire de master 2 en histoire du droit), Bordeaux, université de Bordeaux, 2017 (SUDOC 223613835).

Études de cas modifier

  • Jean-Paul Jourdan, « Les juges de paix de l'Aquitaine méridionale (Landes, Basses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées) de 1870 à 1914 », Annales du Midi, vol. 100, no 183,‎ , p. 287-306 (lire en ligne).
  • Catherine Véron-Clavière (dir. François Terré), Étude sociologique des décisions d'un juge de paix en Ardèche (1830-1840) : leur contribution à une connaissance spécifique du milieu, des justiciables et du juge (thèse d'État en droit privé), Paris, université Paris-II, 1992 (SUDOC 041450698) — à propos du juge de paix du canton de Saint-Pierreville, Simon-Pierre Colognac.
  • Fabrice Laroulandie, « Les justices de paix (1790-1958) à travers le cas parisien », Les Cahiers de Fontenay, no 69, 1993, p. 211-221.
  • Stéphane Furlan, La Justice de paix à Lavaur au XIXe siècle (mémoire de diplôme d'études approfondies en histoire du droit), Toulouse, université Toulouse-I, 1994 (SUDOC 201073234).
  • Philippe Gai, Juges et justices de paix en Haute-Garonne sous le Consulat (mémoire de diplôme d'études approfondies en histoire du droit), Toulouse, université de Toulouse-I, 1994 (SUDOC 201073242).
  • Arka Aïchouba, La Société rurale d'après la justice de paix dans deux cantons de la Dordogne : Sarlat et Ribérac (1792-an VIII) (mémoire de maîtrise en histoire), Toulouse, université Toulouse-II, 1995.
  • Annie Bleton-Ruget, L'infrajustice institutionnalisée : les justices de paix des cantons ruraux du district de Dijon pendant la Révolution », dans Benoît Garnot (dir.), L'Infrajudiciaire du Moyen Âge à l'époque contemporaine, Dijon, EUD, 1996, p. 291-311.
  • Marc Abatut (dir. Michel Cadé), Les Justices de paix dans le district de Perpignan (1970-1793) (mémoire de maîtrise en histoire), Perpignan, université de Perpignan, 1998 (SUDOC 220113580).
  • Françoise Bayard, « La justice de paix du canton de Saint-Laurent de Chamousset dans la deuxième moitié du XIXe siècle », dans Benoît Garnot (dir.), La Petite Délinquance du Moyen Âge à l'époque contemporain, Dijon, EUD, 1998, p. 165-179.
  • James Camos (dir. Jack Thomas), Justices et juges de paix à Toulouse sous la Révolution (1790-1799) (mémoire de maîtrise en histoire), Toulouse, université Toulouse-II, 1999 (SUDOC 201105497).
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  • Christophe Zduniak, La Justice de paix de Trélon de 1790 à 1804 (mémoire de maîtrise en histoire), Lille, université Lille-III, 2001 (SUDOC 201379260).
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  • Gabrielle Sueur-Hébert, Justices de paix en Normandie, Luneray, Bertout, 2002 (ISBN 2-86743-474-2).
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  • Benoît Saroch (dir. Catherine Denys), La Conciliation dans le canton de Bourbourg de l'an III à l'an VI (mémoire de master 1 en histoire), Lille, université Lille-III, 2011 (SUDOC 201408384).
  • Véronique Chouraqui (dir. Jean-Marie Carbasse), Les Compétences pénales du juge de paix sous la Révolution : entre police et justice (19--3 brumaire an IV) : l'exemple de Nîmes, Béziers et Montpellier (thèse de doctorat en histoire du droit), Montpellier, université Montpellier-I, 2012 (SUDOC 171520831) (lire en ligne).
  • Bérange Ehongo Messina (dir. Jacqueline Vendrand-Voyer), Le Juge de paix : dix ans de justice de paix au quotidien (1790-1800) : agent de réalisation d'un idéal révolutionnaire : étude des cantons de Clermont-Ferrand, Thiers, Augerolles (département du Puy-de-Dôme) (thèse de doctorat en histoire du droit), Clermont-Ferrand, université Clermont-Ferrand-I, 2014 (SUDOC 186286945).
  • Robert Michelesi (dir. Christian Bruschi), L'Installation des justices de paix dans le département des Bouches-du-Rhône entre 1790 et fin 1792 (thèse de doctorat en histoire du droit), Aix-en-Provence, université d'Aix-Marseille, 2014 (SUDOC 189053836).
  • Guillaume Métairie, Justice et juges de paix à Paris (1789-1838) : étude institutionnelle et biographique (thèse d'État en droit privée remaniée), Limoges, Pulim, 2014 (ISBN 978-2-84287-619-7).
  • Dominique Margairaz, « Conflits du travail et justice de paix à Paris (1791-an XI) », Revue d'histoire moderne et contemporaine, vol. 4, no 61,‎ , p. 7-31 (DOI 10.3917/rhmc.614.0007).

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