Jean de Sponde

poète baroque français
Jean de Sponde
Description de cette image, également commentée ci-après
Plaque à Mauléon
Nom de naissance Joanes Ezponda
Naissance vers 1557
Mauléon-Licharre, Soule, Royaume de Navarre Royaume de Navarre
Décès
Bordeaux, Aquitaine, Drapeau du Royaume de France Royaume de France
Activité principale
Descendants
Famille
Auteur
Langue d’écriture français

Œuvres principales

Jean de Sponde (Joanes Ezponda, en basque), né en 1557 à Mauléon-sur-Soule[1] et mort le à Bordeaux, est un poète baroque basque français.

Biographie modifier

Jean de Sponde est le fils d’Inigo de Sponde, réformé calviniste d'origine basque espagnole, et de sa seconde femme. Il est également le frère de Mgr Henri de Sponde. Lié à la cour de Navarre, et élevé dans un milieu protestant et austère, brillant élève, il reçoit une bourse d’études de Jeanne d'Albret, la mère de Henri IV auprès de laquelle travaille son père. De 1570 à 1579, il va au collège de Lescar, où se dispense un enseignement anti-aristotélicien[2]. Il acquiert une parfaite connaissance du grec, de sa littérature, de la psychologie et de la dialectique platonicienne. Il y apprend en outre la théologie calviniste[3].

A peine âgé de vingt ans, il entreprend en 1577 une traduction latine et commentée soigneusement des textes d'Homère[4].

Au moyen de sa bourse de voyage, accordée par Henri de Navarre en 1580, il quitte le Béarn et se met à sillonner l'Europe humaniste. Il étudie à l'université de Bâle, où il rencontre François Hotman[5]. Son maître est alors Théodore de Bèze. Impliqué dans la vie intellectuelle locale, il étudie l'alchimie.

Parallèlement, il s'intéresse particulièrement à la musique de Paschal de L'Estocart, sa première œuvre poétique connue étant un sonnet liminaire aux Octonaires sur la vanité du monde d'Antoine de La Roche-Chandieu, mis en musique par L'Estocart[6],[7].

L'année 1582 le voit accepter le titre de maître des requêtes, qu'Henri de Navarre lui décerne.

La même année, il rédige une préface en latin aux six traités de l'Organon d'Aristote, dédiée à l'éditeur Episcopius (de), dans laquelle il fait la louange du philosophe grec. Aristote était bien connu de Théodore Zwinger, un de ses professeurs à Bâle, qui venait de faire éditer les Politiques avec des commentaires. Sponde et Zwinger ont entretenu une correspondance, dont nous avons conservé huit lettres.

Ces lettres — sept de 1582 — traduisent la variété des préoccupations de Sponde : musique de L'Estocart, auteurs grecs, alchimie. Dans l'une d'entre elles, il affirme à Zwinger avoir obtenu de l'or transmuté d'un marc d'argent[8].

Encore en 1582, il lit les Psaumes et en est profondément marqué. Sa vie prend une orientation religieuse et il rédige ses œuvres majeures : Meditations sur les pseaumes[9] et Essay de quelques poemes chrestiens.Il termine son édition d'Homère en 1583.

Rentré en Navarre, il se marie en 1583. Les Stances sur la Cene, et Autres poemes sur le meme sujet, traduisent ses réflexions théologiques quant au débat calviniste sur la doctrine de la Cène.

Dès 1585, il travaille comme agent politique pour le futur Henri IV, qu'il accompagnera dans sa carrière. Il est emprisonné par les Ligueurs à Paris en 1589, puis libéré : on le retrouve à Tours, probablement en mission auprès du Parlement de Paris qui y tient ses assises après avoir été chassé de la capitale par les émeutes. Il accède la même année à la place de Lieutenant-Général de la sénéchaussée à La Rochelle, charge fastidieuse qui l'oblige à restreindre les libertés des citoyens locaux, et laisse peu de temps à ses occupations d'helléniste. Il quitte la ville blanche, en 1593, plein d'amertume. Étonnement, le roi de Navarre, jusque-là bienveillant à son égard, reste sourd aux suppliques que le poète lui adresse à sa sortie[4]. Il se rend alors à Tours une nouvelle fois.

Jean de Sponde se lie plus tard avec le Cardinal Du Perron, lui aussi poète, se rapprochant ainsi du catholicisme romain, puis il est emprisonné de nouveau à Tours. Libéré, il assiste à la conversion nouvelle d'Henri IV, en juillet 1593 qu'il imite en septembre, ce qui lui vaut la haine des protestants ; Agrippa d'Aubigné devient un virulent ennemi personnel. Il perd paradoxalement et de façon définitive la bienveillance d’Henri IV, car celui-ci veux voir se maintenir un parti huguenot. Il publie alors des écrits de controverse pour défendre sa conversion, mettant au service de sa confession renouvelée, son expérience de la théologie, il s'attache à réfuter les thèses de Bèze. Son père est tué par des partisans catholiques en 1594, pour sa fidélité à la Réforme[4].

L'auteur meurt d'une pleurésie le 18 mars 1595, à Bordeaux, dans la pauvreté, privé de moyen de chauffage. Dans son Essay de quelques poemes chrestiens, paru en 1588, il évoquait la mort, à l'œuvre dans le monde :


« Mais si faut-il mourir, et la vie orgueilleuse,
Qui brave de la mort, sentira ses fureurs,
Les Soleils haleront ces journalieres fleurs,
Et le temps crevera ceste ampoule venteuse.

Ce beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
Sur le verd de la cire eseindra ses ardeurs ;
L'huyle de ce Tableau ternira ses couleurs,
Et ces flots se rompront à la rive escumeuse. »

Ses livres seront détruits par les protestants par haine de leur auteur ; marqués par le calvinisme, ils seront rejetés par les catholiques. Son œuvre manque donc de disparaître. Trois siècles plus tard elle est redécouverte. Marcel Arland écrit la préface de l'Œuvre poétique de Sponde en 1945 et Alan Boase (en) (1902–1982)[10], de l'université de Glasgow, par ses études et ses éditions, rend à la littérature un grand poète.

Thèmes de l'œuvre et écriture modifier

On trouve dans son œuvre les principaux thèmes de la littérature baroque : la hantise de l'inconstance, les masques et l'apparence, la mort. La mort au sein de la vie exprime l'aspiration vers l'au-delà, et suscite le besoin d'en appeler à Dieu.

Son écriture cherche à peindre l'épaisseur du monde, les complications du destin de l'homme, son obscurité. Cette sensibilité baroque est exprimée par la recherche du déséquilibre, de la « perle irrégulière[11] », de l'étrange et de la richesse excessive des formes, que le style de Sponde rend palpables.

Œuvres modifier

Poésie modifier

Par date de première publication modifier

Éditions contemporaines modifier

  • Œuvre poétique, pour la première fois réunie en un volume, préf. Marcel Arland, Delamain et Boutelleau, 1945, 154 p. (ASIN B005YHYOOC)
  • Stances et sonnets de la mort, édité par Alan Martin Boase, Paris, J. Corti, 1982, ©194
  • Méditations, édité par Alan Martin Boase, Paris, J. Corti, 1954
  • Poésies, édité par François Ruchon (de) et Alan Martin Boase, coll. « Les trésors de la littérature française », no 48, Genève, Pierre Cailler, 1949
  • Œuvres littéraires suivies d'Écrits apologétiques avec des Juvénilia, édité, avec introduction et notes, par Alan Boase, Genève, Droz, 1978. — Extraits, sur Google Livres
  • D'amour et de mort, poésies complètes présentées par James Sacré, Éditions de la Différence, coll. « Orphée », Paris, 1989
  • Poésies complètes, éditées par Christiane Deloince-Louette et Sabine Lardon, Paris, Classiques Garnier, coll. « Textes de la Renaissance », 2022

Poèmes choisis modifier

En recueil modifier

Politique et polémique modifier

  • Avertissement au roi, 1589 — « Il tente de convaincre Henri IV qu’« il n’est pas bienséant de changer de religion[5] » ».
  • La response d'un catholique, Giuseppe Antonio Brunelli (éd.), Catane, Castorina, 1967.

Édition modifier

Bibliographie modifier

  • « Jean de Sponde (1557–1595) », site du Musée virtuel du Protestantisme. — Court article.
  • Alan Boase, Vie de Jean de Sponde, Genève, Droz, .  
  • Christiane Deloince-Louette, « La piété : poésie et politique dans les préfaces à l'Homère de Sponde », dans Isabelle Cogitore et Francis Goyet, Devenir roi : essais sur la littérature adressée au prince, Ellug, 2001, p. 147. — Extraits, sur Google Livres.
  • Véronique Duché, Sabine Lardon et Guylaine Pineau (sous la dir. de), Jean de Sponde (1557-1595). Un humaniste dans la tourmente, Paris, Classiques Garnier, 2012.
  • Audrey Duru, « Un héritage disputé. Une anthologie poétique spondienne par André Mage de Fiefmelin (1601) », dernière modification : 2017
  • Gérard Genette, « Hyperboles », dans Figures I, Paris, Seuil, coll. « Tel Quel », 1966, p. 245–252.
  • Sabine Lardon, L’Écriture de la méditation chez Jean de Sponde, Paris, Classiques Garnier, 1998.
  • Jacques Pineaux, La poésie des protestants de langue française (1559–1598), Paris, Klincksieck, 1971.
  • (it) Mario Richter, Jean de Sponde et la lingua poetica dei protestanti nel cinque cento, Milan, Cisalpino-Goliardica, 1973.
    Voir en particulier : « Aspetti e orientamenti della poetica protestante francese nel secolo XVI », p. 165–202.
  • Josiane Rieu, Jean de Sponde ou la cohérence intérieure, Paris, Slatkine, 1988.
  • François Ruchon et Alan Boase, La vie et l'œuvre de Jean de Sponde, Genève, Éditions Pierre Cailler, 1949
  • Albert-Marie Schmidt (éd.), Poètes du XVIe siècle, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1953 (ISBN 2-07-010455-9)

Notes et références modifier

  1. Il le rappelle lui-même dans son édition d'Homère en signant « Io. Spondani Mauleonensis commentariis » : « [avec] des commentaires de J. de Sponde, de Mauléon ».
  2. Lardon, p. 174.
  3. Boase, p. 21.
  4. a b et c Schmidt, Albert-Marie., Poètes du XVIeme siècle, texte établi et présenté, Gallimard, (OCLC 88111214, lire en ligne)
  5. a et b Musée du protestantisme.
  6. Boase, p. 22–23.
  7. Toujours en musique, selon Gallica, de Sponde a contribué aux Second livre des Meslanges de Cl. Le Jeune, 1612.
  8. Boase, p. 26–28.
  9. En général, dans cet article, nous ne modernisons pas l'orthographe, ni française, ni latine.
  10. « Alan Boase », site de l'université de Glasgow. Voir aussi notre article en allemand.
  11. C'est le sens du mot portugais « barroco ». Voir par exemple Eugenio d'Ors, Du baroque, Paris, Idées/Arts — Gallimard, , 221 p., p. 18 (chapitre : Le Wildermann).
  12. Guillaume Fortin-Gréhal, « Les Sonnets d’Amour de Jean de Sponde, publiés post mortem en 1597 », © WebLettres, 2004.
  13. En anglais : Sonnets of love and death, trad. David R. Slavitt, Northwestern University Press, 2001 (ISBN 0810118408 et 9780810118409).
  14. Sur ce personnage, voir la fiche de data.bnf.fr.

Voir aussi modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes modifier

Liens externes modifier