Jean de Selys Longchamps

pilote de chasse belge (1912-1943)

Jean de Selys Longchamps
Jean de Selys Longchamps
Jean de Selys Longchamps.

Naissance
Bruxelles
Décès (à 31 ans)
base RAF de Manston
Origine Drapeau de la Belgique Belgique
Arme Régiment des Guides
Grade Lieutenant de réserve
Conflits Seconde Guerre mondiale
Faits d'armes Mitraillage du siège de la Gestapo, avenue Louise 453 à Bruxelles
Distinctions Distinguished Flying Cross. Distinguished Flying Cross

Croix de Guerre

Jean de Selys Longchamps, né le à Bruxelles et mort le sur la base RAF de Manston, est un officier de cavalerie (lieutenant de réserve au 1er régiment des Guides[1]) de l'armée belge au début de la Seconde Guerre mondiale qui réussit à gagner le Royaume-Uni et à s'engager dans la RAF, au 609th squadron.

Il doit sa notoriété à l'audacieux mitraillage du siège de la Sipo-SD à Bruxelles, sis au 453 avenue Louise, le .

Biographie modifier

Jean de Selys Longchamps, né le à Bruxelles, est le fils du comte Raymond de Selys Longchamps, officier et homme politique, et d'Émilie de Theux de Meylandt et Montjardin. Du côté paternel, la famille de Selys est de vieille noblesse liégeoise. Le baron Jean de Selys Longchamps est l'oncle paternel de la baronne Sybille de Selys Longchamps, mère de Delphine de Saxe-Cobourg[2], princesse de Belgique.

Il a un parcours scolaire relativement laborieux changeant à plusieurs reprises de collège en raison de son indépendance d'esprit[3].

Comme son père, il s'oriente vers la carrière militaire. En 1933, il entre à l’escadron-école du 1er régiment des Guides. En 1937, il est nommé sous-lieutenant de cavalerie.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, il participe en à la campagne des 18 jours. Au sein du groupe cycliste de la 17e division d’infanterie, il combat à Lanaken, sur la Gette, sur la Lys ainsi qu’à hauteur du canal de jonction Meuse-Escaut. Refusant la capitulation au terme de la campagne, il parvient à rejoindre par mer la Grande-Bretagne à partir de La Panne[3].

Il retourne brièvement en France pour prendre part à la campagne de France en . Il s'évade de France et par l'Espagne et le Portugal. Il revient en Angleterre à la fin de l’automne 1940 et parvient à se faire engager dans la Royal Air Force (RAF)[3].

En , il est élève-pilote à l’école franco-belge d’Odiham de la RAF. Breveté pilote, il intègre le la 609e escadrille de chasse affectée à la défense du sud de l’Angleterre. C'est une période où la RAF retrouve l'initiative harcelant les forces navales et aériennes allemandes. De Selys se spécialise dans les opérations à basse altitude à bord de son chasseur Hawker Typhoon, puissamment armé de quatre canons de 20 mm[3].

Attaque du siège de la Sipo-SD modifier

Ayant étudié la position géographique exacte de l'immeuble de douze étages qui était entièrement occupé par les bureaux de la Gestapo, Jean de Selys Longchamps réalisa que le bâtiment se situait sur l'avenue Louise exactement dans l'axe de l'avenue Émile De Mot. Il connaissait l'immeuble pour y avoir rendu visite à une connaissance avant-guerre[4].

Le matin du mercredi , après avoir détruit une locomotive[5] dans la région de Gand et sans l'autorisation de ses supérieurs, il survola Bruxelles au ras des toits pour déjouer l'artillerie anti-aérienne allemande. Il plaça ensuite son chasseur Hawker Typhoon en rase-motte dans la large avenue Émile De Mot, pointant sur l'immeuble de la Gestapo qui, avec quelques bâtiments voisins, lui barraient l'horizon. Il était 9h05, avec l'immeuble de la Gestapo dans sa ligne de mire, il ouvrit le feu de ses quatre canons de 20 mm et, au fur et à mesure de son approche. Il abaissa le nez de son avion avant de le redresser [6]de telle sorte que son tir balaya la totalité de l'immeuble de bas en haut, faisant voler en éclats les fenêtres de chaque étage, occupés par les bureaux des officiers qui donnaient sur l'avenue. Il passa ensuite au ras du toit. En s'éloignant de l'avenue Louise, Jean de Selys jeta un drapeau anglais et un drapeau belge au-dessus des toits de Bruxelles[7]. A 9h44, le pilote belge atterrissait sain et sauf en Angleterre[8],[5]

La Gestapo releva cinq morts [9](entre autres Alfred Thomas, commandant adjoint de la Sipo-Sd) et une dizaine de blessés à tous les étages et, pendant plusieurs jours, les Bruxellois, en silence, défilèrent sur le trottoir d'en face au grand dam des nazis qui s'affairaient à restaurer la façade ouverte à tous vents[10].

Le mitraillage de Jean de Selys Longchamps fut d'une telle précision qu'il ne toucha aucun des immeubles voisins. pour cette action. L'immeuble mitraillé existe toujours, et une plaque commémorative a été apposée à son entrée.

Bilan modifier

Le raid de Jean de Selys a été entaché depuis plus de 80 ans par quelques erreurs, approximations et autres fakes news. Dans un livre publié en 2023[11], la toute première biographie jamais écrite sur l’aviateur belge et autorisée par la famille de Selys, après une enquête très documentée et très rigoureuse, lumière a été faite sur quelques éléments qui polluaient le récit. Ainsi, il est désormais établi que la légende d’un agent allié infiltré, habillé en officier allemand et fauché par les obus du Typhoon alors qu’il avait dans une de ses poches la liste de noms des membres d’un réseau de résistance que les nazis auraient démantelé à la suite du raid, est fausse[12]. Un réseau a bel et bien été démantelé mais c’était cinq jours avant le raid de Jean de Selys[13]. La biographie a également permis d’éclaircir l’épisode ayant trait à la rétrogradation du pilote. Dans la foulée de son raid, Jean de Selys a bel et bien été rétrogradé et a perdu son rang de Flight Lieutenant mais la décision de lui retirer ces responsabilités au sein du 609 squadron avait été prise avant le raid comme le confirment des échanges de courriers qui figurent dans son dossier militaire[14]. Ce que sa hiérarchie reprochait à Jean de Selys, c’était d’être un excellent pilote mais un piètre manager, peu intéressé par le leadership d’un fllght (chaque squadron de la RAF était en effet composé de deux flights d’une bonne dizaine de pilotes chacun).

Mort modifier

Jean de Selys Longchamps meurt le sur la base RAF de Manston, après s'être écrasé à l'atterrissage au retour d'une mission sur Ostende[15].

Hommages et distinctions modifier

 
Buste de Jean de Selys Longchamps devant l'ancien siège de la Gestapo à Bruxelles.

Le 19 juin 1985, la ville de Bruxelles attribue officiellement le nom de « Carrefour de Selys Longchamps » au carrefour formé par l'avenue Louise, l'avenue Emile De Mot et deux autres rues. Son buste doré a été inauguré en 1993, soit 50 ans après son acte de bravoure[16]. Il a été sculpté par Paul Boedts et fondu par Dirk De Groeve de Hansbeke[17].

Jean de Selys Lonchamps a reçu les distinctions suivantes :

.

Dans la culture populaire modifier

Ce fait historique est rappelé dans l'album de bande-dessinée « Le Groom vert-de-gris » de la série Spirou et Fantasio[19] et dans le diptyque Typhoon de Christophe Gibelin paru aux Éditions Paquet, ainsi que dans le mensuel « Fluide Glacial » du mois d’août 2022 (n 554) « Jean de Selys Lonchamps, le Baron Belge » raconté par Julien Hervieux et dessiné par monsieur le chien.

Notes et références modifier

  1. Vox, magazine de la Défense belge, édition du 10 mai 2004, « S'évader pour combattre 1944-2004 »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur mil.be, La Défense, (consulté le ).
  2. A 373 - Janssens et al., P 1959-1961- Paul Janssens et Luc Duerloo, Armorial de la noblesse belge, Crédit-Communal, Bruxelles, 1992.
  3. a b c et d Alain Colignon (CegeSoma), « DE SELYS-LONGCHAMPS JEAN », sur Belgium WWII (consulté le )
  4. (fr) Marc Audrit., Sur les traces de Jean de Selys Longchamps : une vie au galop., Neufchâteau Belgique, Weyrich, , 397 p. (ISBN 978-2-87489-902-7), p. 256
  5. a et b Operations Record Book 609 Squadron (Jan. 20 1943) – The National Archives AIR 27/2103/2
  6. Tiré de la retranscription intégrale de l’interview de Raymond Lallemant pour l’émission Jours de Guerre (RTBF, 1992) conservée aux Archives Générales du Royaune 2 (Bruxelles) M236.
  7. Tiré de la retranscription intégrale de l’interview de Raymond Lallemant pour l’émission Jours de Guerre (RTBF, 1992) conservée aux Archives Générales du Royaune 2 (Bruxelles) M236.
  8. Google Livre "Les aviateurs belges dans la Royal Air Force" par Mike Donnet éditions Racine 2006.
  9. Certificats de décès provenant des Bundesarchiv (Abt. Miltärarchiv) de Berlin
  10. Site avionslegendaires.net, page "Le mitraillage du siège de la Gestapo par Jean de Selys Longchamps.
  11. Marc Audrit, Sur les traces de Jean de Selys Longchamps : une vie au galop., Neufchâteau Belgique., Weyrich., , 397 p. (ISBN 978-2-87489-902-7)
  12. Moszkiewiez, Hélène, Ma guerre dans la Gestapo : l’incroyable destin d’une femme juive dans les réseaux nazis, Albin Michel, 1992, p. 204.
  13. Rosart, Roger, article et interview de Léontine Fierens paru dans La Libre Belgique du 5 mai 1983.
  14. Courriers échangés entre le Group Captain Charles George Lott (11e Groupe) et le Squadron Leader du « Bee » Beamont (609 Sqn) datés du 24/12/42, 15/1/43 et 21/1/43. Pièces conservées dans le dossier miltaire de Jean de Selys conservé aux Archives Classifiées de la Défense (Quartier Reine Elisabeth, Evere). Des reproductions de ces courriers sont visibles dans la biograpahie signée par Marc Audrit (“Sur les traces de Jean de Selys : une vie au galop », Weyrich (2023), page 302
  15. (en) « Service for RAF airman Baron Jean De Selys-Longchamps », sur BBC News, .
  16. Christian Laporte, « Des graffitis à préserver pour l’Histoire », La Libre,‎ (lire en ligne).
  17. (fr) Marc Audrit, Sur les traces de Jean de Selys Longchamps, Une vie au galop., Neufchâteau en Belgique., Weyrich., , 397 p. (ISBN 978-2-87489-902-7), p. 359 et 360
  18. Mike Donnet, Les aviateurs belges dans la Royal Air Force., Bruxelles, Editions Racine, , 335 p. (ISBN 978-2-87386-472-9, lire en ligne), p. 117.
  19. Site spirou.peuleux.eu, page "Le groom vert-de-gris".

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Marc Audrit, Sur les traces de Jean de Selys Longchamps : Une vie au galop, Neufchâteau : Weyrich, 2023.
  • Charles Demoulin, Mes oiseaux de feu, Paris : Julliard, 1982.
  • Hervé Gérard, Les as de l’aviation belge, Bruxelles : Éditions J. M. Collet, 1985.
  • Mister Kit & Christopher H. Thomas, Hawker Typhoon, Paris : Éditions Atlas, 1981.
  • 609 (West Riding) Squadron Archives, The National archives.

Articles connexes modifier

Liens externes modifier