Jacques Ducreux

homme politique français

Jacques Ducreux
Fonctions
Député français

(6 mois et 27 jours)
Élection 17 juin 1951
Circonscription Vosges
Législature IIe (Quatrième République)
Groupe politique RRRS
Maire de Wisembach

(2 mois)
Prédécesseur Paul Bertrand
Successeur Émile Delacôte
Conseiller général des Vosges

(3 ans)
Circonscription Canton de Fraize
Prédécesseur Louis Mayard
Successeur Henri Lalevée
Biographie
Nom de naissance Jacques Jean Edmond Tacnet
Date de naissance
Lieu de naissance 20e arrondissement de Paris
Date de décès (à 33 ans)
Lieu de décès Montagnat
Parti politique RRRS
Résidence Vosges

Jacques Tacnet, dit Jacques Ducreux, est un homme politique français né le à Paris et mort le à Montagnat[1].

Tacnet, collaborateur de l'occupant allemand durant la Seconde Guerre mondiale, changea de nom après celle-ci pour prendre celui de Ducreux. Il est élu député durant la Quatrième République sous cette nouvelle identité. Sa mort lors d'un accident permet de révéler sa supercherie.

Biographie modifier

Selon les sources, Jacques Jean Edmond Tacnet est le fils d'un peintre en bâtiment[2] ou celui d'un mandataire de fonds[3].

Selon Frédéric Fogacci, il fait ses débuts politiques dans les mouvements étudiants d’extrême droite à la fin des années 1930[4]. Gilles Morin indique qu'il commence des études de droit en 1936 à Paris mais qu'il n'obtient aucun diplôme alors qu'il prétendra plus tard être licencié en droit. Tacnet a animé un journal estudiantin « sans nuance politique déterminée » et s'est surtout signalé pour son goût pour les farces et pour l'argent. Il annonce ainsi en 1937 la fondation d'un « parti néo-mérovingien », demandant le retour des rois fainéants[3],[5].

Simple soldat en 1939, il est fait prisonnier en 1940 et parvient à s'évader. Sous l'Occupation, il devient journaliste : il collabore (ou prétend collaborer) d'abord à des périodiques de province : Le Réveil de Bourgogne, Le Courrier de Saône-et-Loire (qui pourtant n'a pas paru entre juin 1940 et septembre 1944)[6], Mon pays, revue bordelaise. Au printemps 1941, il adhère au Rassemblement national populaire (RNP), un parti collaborationniste, en mentant sur son âge. Il collabore au quotidien La France socialiste, qui regroupe des collaborationnistes issus de la gauche. A une date inconnue, en 1941, il devient aussi un agent des services de renseignements allemands. En août 1941, il gagne Vichy avec sa maitresse, Christiane Baston, où il devient le correspondant de médias : La France socialiste, l'agence de presse Inter-France, pôle du collaborationnisme, La Dépêche du Centre, quotidien de Tours[3]. Le quotidien parisien Aujourd'hui le présente aussi comme son correspondant[7]. En mars 1942, il est nommé directeur du bureau de Vichy de l’Agence française d’informations de Presse (AFIP), agence de presse mi française, mi allemande, à 23 ans (mais il dit alors avoir 29 ans), avec un salaire confortable. Il est alors surveillé par les Renseignements généraux et souffre d'une mauvaise image auprès de ses confrères qui considèrent qu'il rend des services aux Allemands moyennant finances. Il doit démissionner de l’AFIP puis de La France socialiste à l'automne 1942[3].

Il gagne alors Paris puis quitte cette ville pour la Côte d'Or, où il entre en contact avec des résistants. Il quitte la France en septembre 1943 avec sa compagne et sa fille et passe en Espagne puis rejoint le Maroc en 1944. Il est alors mobilisé. Il change de nom, se fait appeler Tacnet-Baston, et continue à mentir sur son âge et sur son passé. Il se rend à Alger, où il est arrêté, interné à Batna, libéré grâce à l'intervention de sa compagne, arrêté et interné à nouveau. Il réussit à s'enfuir, rejoint le Maroc espagnol puis l'Espagne où il complote. Il est alors recherché pour désertion. Il revient clandestinement en France en novembre 1945, est arrêté par la gendarmerie et condamné par un tribunal correctionnel à une peine de prison et à une amende. Il est libéré en décembre après que son père eut payé l'amende[3].

Il renoue avec un journaliste qu'il a connu sous l'Occupation, Jean Malgras, devenu propriétaire du journal de Reims Est-France, fondé par des résistants. Il devient directeur technique de ce quotidien, sous le nom de Ducreux. Ce journal soutient notamment Paul Anxionnaz, ancien résistant et secrétaire général du parti radical-socialiste, élu député en novembre 1946. Tacnet devient bientôt son secrétaire et va bénéficier de sa recommandation[3].

Il entre an contact avec les dirigeants vosgiens du parti radical en 1947. En 1948 (ou 1949), Jacques Ducreux est élu conseiller municipal de Wisembach (Vosges)[3],[8] sous cette étiquette, puis maire en décembre 1951, conseiller général du canton de Fraize en 1949 - élu dans ce bastion communiste avec le soutien du parti gaulliste, le Rassemblement du peuple français (RPF)[9] -, et député du département des Vosges le [2]. Il s'est allié pour se faire élire à une personnalité de la droite catholique, André Barbier (il est élu sur la liste menée par ce dernier), et au gaulliste Maurice Lemaire (la liste de Barbier s'est apparentée à celle du RPF)[10]. Les autorités civiles des Vosges ne vérifient pas son identité[3].

Il se tue en voiture en février 1952 avec sa fille aînée, âgée de 9 ans, près de Bourg-en-Bresse ; sa femme et son autre fille sont blessées légèrement[3],[11]. Au moment des constatations sur les circonstances de sa mort, les gendarmes découvrent deux jeux de papiers d'identité : des documents portant le nom de « Jacques Jean Edmond Ducreux » (nom de sa mère sous lequel il a été élu député radical-socialiste), et une carte d'identité ancienne indiquant « Jacques Jean Edmond Tacnet[3] ». On s'aperçoit alors qu'il a menti et sur son nom (mais d'autres parlementaires se sont présentés sous un pseudonyme), et sur son âge, qu'il avait été, durant la Seconde Guerre mondiale, un collaborateur, et qu'il avait refait sa vie sous une autre identité[3].

Pour l'historien Gilles Morin, il reste la « seule imposture connue en soixante-dix-sept ans de vie parlementaire » française. Son cas révèle les failles institutionnelles des organismes publics, même s'il y a eu des enquêtes, notamment de la part de l'armée après son élection comme député en 1951, et de la Direction de la Surveillance du territoire (DST) à partir de 1946, donnant lieu à un interrogatoire en 1947, qui débouche sur des relations suivies avec des agents de la DST : il leur sert d'informateur. Un inspecteur de la DST est même son témoin de mariage en janvier 1951 lorsqu'il épouse Christiane Valleteau de Mouillac, qui a auparavant divorcé de Jean Baston[3],[12].

À la suite de cette affaire, il a été décidé d’exiger des parlementaires un extrait d’acte de naissance.

Notes et références modifier

  1. Acte de naissance à Paris 20e, n° 2072, vue 8/31, avec mentions marginales du mariage à Paris 17e en 1951 et du décès à Montagnat en 1952.
  2. a et b Albert Ronsin, Les Vosgiens célèbres : dictionnaire biographique illustré, Editions G. Louis, , p. 343.
  3. a b c d e f g h i j k et l Morin 2018.
  4. Frédéric Fogacci, « Une jeunesse impatiente et ambitieuse : Jacques Ducreux au congrès radical de Nice (septembre 1947) », dans Parlement(s), vol. 8, no 2, 2007
  5. L'Ordre, 26 mai 1937, La Presse, 23 février 1952
  6. Notice de la BnF
  7. Aujourd'hui, 2 septembre 1941
  8. Paris-presse, L’Intransigeant, 15 février 1952
  9. L'Est républicain, 21 mars 1949
  10. L'Est républicain, 19 juin 1951, Ibid., 18 juin 1951
  11. L'Est républicain, 2 février 1952
  12. « Un inspecteur de la DST était témoin au mariage de Ducreux », Paris-presse L'Intransigeant, 22 février 1952

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • Frédéric Fogacci, « Une jeunesse impatiente et ambitieuse : Jacques Ducreux au congrès radical de Nice (septembre 1947) », Parlement(s), vol. 8, no 2,‎ , p. 111-113 (lire en ligne).
  • Gilles Morin, « Scandale à l’Assemblée : itinéraire d’un imposteur, de la collaboration au Parlement », Parlement(s), vol. 27, no 1,‎ , p. 179-199 (lire en ligne).

Liens externes modifier