Jacques Deprat

géologue et écrivain français
Jacques Deprat
Biographie
Naissance
Décès
(à 54 ans)
Surnom
Herbert Wild
Nationalité
Activités

Jacques Deprat est un géologue et écrivain français né à Fontenay-aux-Roses le et mort le . Accusé de forfaiture en 1917 et exclu de la communauté scientifique, il est le seul exemple connu de radiation puis de réhabilitation (posthume) dans l'histoire de la géologie française.

Biographie modifier

Membre de la Société géologique de France en 1899, dès l'âge de 19 ans, il fait des études secondaires en géologie à Besançon, puis à Paris où il s'inscrit à la Sorbonne pour préparer une thèse sur la géologie de l'île d'Eubée sous la direction du géologue Alfred Lacroix, au Muséum national d'histoire naturelle. Il obtient son doctorat en 1904. Le géologue Pierre Termier lui propose le poste de Chef du Service Géologique de l'Indochine (SGI), basé à Hanoï où il s'installe en famille en 1909. Il collabore avec l'Ingénieur du Corps des Mines Honoré Lantenois et profite de ses nombreuses missions dans le Tonkin, le Yunnan et le Laos pour constituer une œuvre scientifique remarquée.

À l'été 1913, il est nommé vice-président pour l'Indochine du Congrès mondial de la géologie organisé à Toronto. Les comptes rendus de ses synthèses géologiques qui parviennent à l'Académie des sciences lui valent rapidement les honneurs. Il reçoit un prix de la Société géologique de France (SGF) en 1914 et le prix Tchihatchef de l'Académie des Sciences qu'il partage avec le paléontologue du SGI, Henri Mansuy. En 1917, il est soupçonné de fraude par son supérieur hiérarchique Honoré Lantenois et son collègue Henri Mansuy qui lui reprochent d'avoir introduit des fossiles apocryphes dans ses collections et d'en avoir fait un usage "considérable" dans ses publications scientifiques. Il refuse de se soumettre à une procédure de vérification, et tombe sous le coup d'une procédure administrative le . Il est suspendu de ses fonctions par le Gouverneur Général d'Indochine pour refus d'obéissance. Une enquête administrative est menée durant l'année 1918 au cours de laquelle il dénonce un complot et au terme de laquelle le rapporteur (Habert) recommande le recours à un comité de savants parisiens. La décision est acceptée par les parties.

Un ensemble d'auditions sont menées en à l'issue desquelles le Comité de Savants présidé par Emmanuel de Margerie[1] conclut à l'unanimité à sa culpabilité. Le , l'affaire rebondit en tombant dans le cadre de la loi d'amnistie. Jacques Deprat et Honoré Lantenois s'obstinent dans une lutte interpersonnelle. Le , il est exclu de la Société géologique de France au motif d'indignité, ce qui met un terme à sa carrière scientifique.

Début 1919, il quitte l'Indochine et rentre en France où il se fixe avec sa famille à Moulins. Réduit au chômage, il entreprend au cours des années 1920 une nouvelle carrière d'écrivain. Il publie en 1926 un roman auto-biographique à clefs (Les Chiens aboient) où il transpose son drame de géologue. Il poursuit ensuite une carrière littéraire à succès, en remportant notamment le Grand Prix des Français d'Asie avec son roman La Paroi de Glace (1927), face à La Voie Royale d'André Malraux.

Adepte de ski, alpiniste chevronné, il trouve la mort lors d'une ascension dans le massif d'Ansabère à Lescun (Pyrénées) le , dans des circonstances curieusement proches de celles qu'il décrit dans l'un de ses romans. Au terme d'un long cheminement, « l'affaire Deprat » fait l'objet d'un mémoire écrit par l'ancien Président de la SGF, Michel Durand-Delga. À la lumière des avancées géologiques et tectoniques du XXe siècle, la suspicion de fraude perd de plus en plus de sa consistance. Le , la Société Géologique de France décide de réintégrer officiellement Jacques Deprat comme membre de la SGF à titre posthume.

En 1999, l'écrivain anglais Roger Osborne fait de The Deprat Affair un roman à succès.

Œuvres modifier

Œuvres originales
Publications scientifiques
  • Étude géologique du Yun-Nan oriental ; I : Géologie générale, « Mémoires du Service géologique de l'Indochine », Hanoï, vol. I, fasc. 1, 1912
  • Étude géologique du Yunnan oriental ; III : Étude des Fusulinidés de Chine et d'Indochine et classification des calcaires à Fusulines, « Mémoires du Service géologique de l'Indochine », Hanoï, vol. I, fasc. 3, 1912
  • Sur la découverte de l'Ordovicien à Trinucleus et du Dinantien dans le Nord—Annam et sur la géologie générale de cette région, « C.R. Acad. Sci. », Paris, t. CLIV,
  • Les fusulines des calcaires carbonifériens et permiens du Tonkin, du Laos et du Nord-Annam (Deuxième mémoire), « Mémoires du Service géologique de l'Indochine », Hanoï, vol. II, fasc. 1, 1913
  • Étude comparative des fusulinidés d’Akasaka (Japon) et des fusulinidés de Chine et d’Indochine (Troisième mémoire), « Mémoires du Service géologique de l'Indochine », Hanoï, vol. III, fasc. 1, 1914
  • Étude des plissements et des zones d'écrasement de la moyenne et basse Rivière-Noire, « Mémoires du Service géologique de l'Indochine », Hanoï, vol. III, fasc. 4, 1914
  • Notes sur les terrains primaires dans le Nord-Annam et dans le bassin de la Rivière-Noire, « Mémoires du Service géologique de l'Indochine », Hanoï, vol. II, fasc. 2, 1914
  • Les Fusulinidés des calcaires carbonifériens et permiens du Tonkin, du Laos et du Nord-Annam (Quatrième mémoire), « Mémoires du Service géologique de l'Indochine », Hanoï, vol. IV, fasc. 1, 1915
  • Le Trias et le Lias sur les feuilles de Son-Tay et de Phu-Nho-Quan, « Bulletin du Service géologique de l'Indochine », Hanoï, vol. II, fasc. 2, 1915
  • Études géologiques sur la région septentrionale du Haut-Tonkin : feuilles de Pa-Kha E., Ha-Giang, Ma-Li-Po, Yèn-Minh, « Mémoires du Service géologique de l'Indochine », Hanoï, vol. IV, fasc. 4, 1915
  • Le Trias et le Lias sur les feuilles de Son-Tay et de Phu-Nho-Quan, « Bulletin du Service géologique de l'Indochine », Hanoï, vol. II, fasc. 2, 1915
  • Les terrains paléozoïques dans le Haut—Tonkin et le Yunnan, « Mémoires du Service géologique de l'Indochine », Hanoï, vol. V, fasc. 3, 1916 (inédit)
  • L’Ordovicien et le Gothlandien dans le Nord du Tonkin et le bassin du haut Iou-Kiang (Chine méridionale), « C.R. Acad. Sci. », Paris, t. CLXIV,
Romans et récits
  • Le Conquérant, Éditions du Chevalier, 1924
  • Dans les replis du dragon, nouvelles d'Asie, A. Michel, 1926
  • Les Chiens aboient, A. Michel, 1926
  • Le Colosse endormi, A. Michel, 1927
  • Histoire de partout, in Les Amitiés, 1927
  • L'acquittement de Lao-Toung-Po, in La Revue de Paris, 1928
  • Les Corsaires, A. Michel, 1928
  • Le Retour interdit, A. Michel, 1929
  • L'Autre race, A. Michel, 1930
  • Le Regard d'Apollon, A. Michel, 1930
  • L'Ambassade oubliée, A. Michel, 1931
  • Le Dernier avatar de Sambor Rutland, A. Michel, 1932
  • Le Capitaine du Faï-tsi-long, A. Michel, 1935
  • Les Skis invisibles, in La Revue Hebdomadaire, 1935
  • Monsieur Joseph, A. Michel, 1936 (Préface de Claude Farrère)
  • La Paroi de glace, Éditions de France, 1936
  • La Prise de Brisach
  • Le Chasseral
  • En marge du Pacifique
Rééditions

Sources modifier

Monographies
Articles de périodiques
  • Yvonne Rebeyrol, Jacques Deprat, l'homme démoli, in Le Monde,
  • M. Millet, L'Affaire Deprat, in Geochronique, 1991, no 40, p. 19
  • Michel Durand-Delga, L'Affaire Deprat (pour la réhabilitation d'un géologue proscrit), in Livre Eugène Wegmann, Mémoire hors-série de la Société Géologique de France, 1995
  • Jean Béhue Guetteville, Pour la Patrie, les Sciences...et la Fraude ! L'affaire Deprat dans le tourbillon des changements de gouvernance, in Gérer et Comprendre, Annales des Mines, no 89, , www.annales.org
  • Michel Durand Delga, L'affaire des Trilobites: retour sur l'affaire Deprat, in Geochronique, 2007, no 101 Texte en ligne
  • Michel Durand Delga, L'affaire des Trilobites : thème de "Les Chiens aboient... " in Carnets de Géologie paleopolis.rediris.es, Brest, 2009, Préface de CG2009_ROMAN Texte en ligne

Liens externes modifier

Notes et références modifier

  1. Le géologue et géographe Emmanuel de Margerie (1862-1953) fut nommé président du comité qui condamna Deprat car à l'époque il présidait la prestigieuse Société Géologique de France. Ce piètre scientifique fut même nommé membre de l'Académie des sciences en 1939. Voir à son sujet une biographie critique