Industrie ardoisière en Bretagne

L'industrie ardoisière en Bretagne s'est développée grâce à l'existence de schistes ardoisiers dans le Massif armoricain, appelés Maen glaz (traduit généralement par la « pierre bleue »)[Note 2].

« Tue-vent » dans l'ardoisière de Kériven surplombant le lac de Guerlédan où les ardoisiers étaient appelés « gueules bleues » qui étaient à l'ardoise ce que les gueules noires sont au charbon[1].
Les ardoisières de Motreff en 1937. Les blocs d'ardoise sont remontés à la surface grâce au chevalement puis transportés dans les ateliers de débitage et de fendage.
Le canal de Nantes à Brest creusé pour désenclaver le Centre Bretagne au milieu du XIXe siècle favorise l'ouverture de nouvelles carrières[Note 1].

Historique modifier

Si les schistes ardoisiers sont utilisés dès le Paléolithique (lame polie, gravure), l'époque des premières extractions d'ardoises de couverture dans cette région reste encore imprécisée. Les premières carrières d'extraction sont actives dès le Moyen Âge[Note 3], et l'activité s'intensifie à partir des XVIIe siècle et XVIIIe siècle[Note 4],[Note 5]. Elle connaît son âge d'or au XIXe siècle avec le développement de la construction et des infrastructures de transport (construction du canal de Nantes à Brest, du chemin de fer à voie étroite et amélioration du réseau routier)[7]. L'exploitation qui était jusque là artisanale, s'industrialise et se mécanise (outillage des mines tels que marteaux-pneumatiques, treuil puissant, compresseurs à air, pompes d'exhaure)[8].

Les veines ardoisières dans les roches du Massif armoricain étaient de plus ou moins bonne qualité mais étaient économiquement viables en raison du très bas prix de la main d'œuvre. « De 1921 à 1935, la Bretagne produit 220 000 tonnes d’ardoises, 15 000 tonnes par an. Le département des Côtes-d’Armor concentre plus de la moitié de la production. Avant une nouvelle crise en 1930, les carrières comptent, en 1927, 360 ouvriers en Côtes-d’Armor, 230 en Morbihan. En Finistère, le déclin est important : le nombre de carriers passe de 550 en 1923 à un peu plus de 80 en 1935. La coupure du canal, créée par le lac de Guerlédan, amène le transport de l’ardoise par camion après 1924[9] ». Les sites disposent de niveaux ardoisiers de faible épaisseur et en carrière souterraine (celles à ciel ouvert ayant été épuisées), si bien que les exploitations artisanales bretonnes n'ont pas résisté à la concurrence industrielle des grandes ardoisières de Trélazé et des ardoises d'Espagne (commercialisée par les Ardoisières d'Angers), ces dernières assurant 80 % de la demande française[10]. La majorité des carrières sont abandonnées et l'industrie ardoisière bretonne ne compte plus que trois centres de quelques importance à la fin du XXe siècle : Ploërmel (Morbihan), Maël-Carhaix (Cótes-du-Nord) et Saint-Hernin (Finistère). Il subsiste de petites exploitations artisanales produisant des ardoises rustiques, notamment dans les Monts d'Arrée et les anciens déblais des carrières abandonnées sont réutilisés pour dalles, voire pour l'empierrement[11].

Districts d'exploitation modifier

Les nombreux districts du Massif armoricain extrayant des schistes tégulaires appartiennent à diverses périodes géologiques. « Au Briovérien se rapportent les ardoisières de la Roche-Derrien (Côtes-d’Armor), du Trégorrois occidental vers la limite Côtes-d’Armor-Finistère (Plestin-les-Grèves, Plouégat-Guérand…), des environs de Callac (Bourgneuf), également dans les Côtes-d’Armor ; en Ille-et-Vilaine, ce seront celles de Montfort, de Mauron, de Saint-Aubin-des-Landes près de Vitré… À l’Ordovicien moyen appartiennent les districts de Caurel-Mûr-de-Bretagne (Côtes-d’Armor), de Gourin (ardoisières de Kerrouec, Penquerhoët, Penhoat-Conveau), de Rochefort-en-Terre et de Sérent dans le Morbihan, de Tréogan (Liors-Margot et de Rest-Louët) dans les Côtes-d’Armor, de Riadan et de Renac en Ille-et-Vilaine, du Grand-Auverné en Loire-Atlantique. Au Dévonien inférieur, on trouve Sizun, Commana, Plounéour-Ménez dans les Monts d'Arrée (Finistère). Au « Coblencien[12] », le district de Lohuec et les environs de Rouillac (Côtes-d’Armor) et, au Carbonifère inférieur (Dinantien), les sites du bassin de Châteaulin, les plus importants de tous[13] ».

Galerie modifier

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. L'industrie ardoisière artisanale bretonne produit au milieu du XIXe siècle de 10 000 à 18 000 t/an, le dixième de la production nationale française[2].
  2. Maen glaz est le terme habituel pour désigner le schiste ardoisier et l'ardoise. L'adjectif glaz avait en breton une triple acception : « gris » , « bleu » et « vert ». Il se pourrait qu'une mauvaise interprétation de Baro glaz (« barbe grise ») désignant le roi Conomor se serait transformé en Barbe bleue. Les microtoponymes bretons Ti glas ou Ty glas désignent des maisons couvertes d'ardoises[3].
  3. « C'est également vers la fin du Moyen Age que l'utilisation de l'ardoise comme moyen de couverture connut, semble-t-il, un véritable développement en Bretagne orientale ; traduction d'une certain progrès dont les proportions demeurent difficiles à préciser face aux matériaux traditionnels, tels le chaume, les genêts, les roseaux, les tuiles ou les essentes de bois, qui de très loin restaient les plus en vogue[4] ».
  4. « L’ardoise a vraiment connu sa suprématie lorsque les grandes villes incendiées telles que Lorient ou Pontivy ont interdit les toits en chaume. L’ardoise aurait pu être utilisée plus tôt si la population avait su que les rats transmettaient la peste car ceux-ci nichaient dans les toits en chaume[5] ».
  5. Jusqu'au XIXe siècle, les ardoises des couverture sont posées à pureau décroissant et fixées par des chevilles en bois à un lattis supporté par une charpente de chêne ou de châtaignier. « Avant l'utilisation de la chaux puis du ciment, la terre jaune est utilisée comme liant : entre les pierres, mais également sur certaines couvertures anciennes, entre les ardoises… Accessoirement, des matières organiques sont introduites dans les mortiers de terre : urine et crachat du maçon, bouse de vache, balle d'avoine, os… L'explication donnée à de telles pratiques est toujours de type fonctionnaliste, mais peut-être se cache-t-il derrière de tels usages des soucis d'efficacité symbolique, car des rites ponctuent le chantier qui, du point de vue de l'observé, importent autant que des matériaux de qualité et des gestes techniques efficaces: ils sont considérés comme essentiels pour rendre la portion d'espace retenue pour habiter parfaitement habitable. La compréhension de la maison paysanne ne peut être totale si l'on ne prend pas en compte son environnement immédiat : les bâtiments d'exploitation utiles à son fonctionnement et les plants, arbres et arbustes tels if, aubépine, buis, etc., dont la fonction n'est pas seulement esthétique ou pratique, mais aussi symbolique » (porte-bonheur, protecteur, prophylactique…). À partir du XIXe siècle, les couvreurs utilisent la pose traditionnelle au clou sur voliges et enfin la pose moderne au crochet métallique sur liteau en bois du Nord[6].

Références modifier

  1. Jean-Luc Chevé, « Les Gueules bleues de Guerlédan », documentaire en 2022
  2. François Pellennec et Jean-Charles Trédunit, Au temps de la voile dans la rade de Brest, Coop Breizh, , p. 203.
  3. Jean-Yves Éveillard, La pierre en Basse-Bretagne : usages et représentations, Centre de recherche bretonne et celtique, , p. 10.
  4. René Cintré, « Activités économiques dans les marches de Bretagne aux XIVe et XVe siècles », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, t. 101, no 4,‎ , p. 21-22 (lire en ligne).
  5. Pierre Brossier, Document d’objectifs du site Natura 2000 FR 5300035 « Forêt de Quénécan, Vallée du Poulancre, Landes de Liscuis et Gorges du Daoulas », 2014, p. 153
  6. François de Beaulieu, La Bretagne. La géologie, les milieux, la faune, la flore, les hommes, Delachaux et Niestlé, , p. 260-261.
  7. Alain Croix et Jean-Yves Veillard, Dictionnaire du patrimoine breton, Apogée, , p. 76.
  8. Maurice Le Lannou, Géographie de la Bretagne. Économie et population, Plihon, , p. 87.
  9. Christian Gouerou, « Le canal, la voie bleue de l’ardoise », sur ouest-france.fr, .
  10. Hubert Lardeux et Claude Audren, Bretagne, Masson, , p. 98.
  11. Bruno Cabanis, Découverte géologique de la Bretagne, Cid éditions, , p. 70
  12. André Hubert Dumont, 1848, de la Coblence (Allemagne). division stratigraphique du dévonien, tombée en désuétude
  13. Louis Chauris, « Pour une géo-archéologie du Patrimoine : pierres, carrières et constructions en Bretagne », Revue archéologique de l'Ouest, no 27,‎ (DOI 10.4000/rao.1384)

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Louis Chaumeil, L'Industrie ardoisière de Basse-Bretagne, Lorient, Nouvelliste du Morbihan, , 130 p. (OCLC 459230840, lire en ligne)
  • Lena Gourmelen, L'ardoise en Bretagne : Une histoire, des hommes, des savoir-faire, Spézet, Coop Breizh, , 120 p. (ISBN 978-2-84346-383-9 et 2-84346-383-1)
  • Anne-Françoise Garçon, « À propos du complexe technique minéro-métallurgique armoricain », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, vol. 104, no 3,‎ , p. 23-38 (lire en ligne, consulté le )
  • Jérôme Cucarull, « L'industrie ardoisière en Ille-et-Vilaine dans la seconde moitié du XIXe siècle. Les limites d'une industrialisation en milieu rural », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, vol. 104, no 3,‎ , p. 101-122 (lire en ligne, consulté le )

Articles connexes modifier

Liens externes modifier