Affaire Ibrahim Ali

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Affaire Ibrahim Ali
Fait reproché Homicide
Chefs d'accusation Homicide volontaire
Pays Drapeau de la France France
Ville Drapeau de Marseille Marseille
Date
Nombre de victimes Un mort
Jugement
Statut Affaire jugée en 1re instance
Tribunal Cour d'assises d'Aix-en-Provence
Date du jugement

L’affaire Ibrahim Ali est une affaire criminelle française portant sur l'homicide volontaire d'Ibrahim Ali, âgé de 17 ans, par un colleur d'affiches du Front national, Robert Lagier, le à Marseille.

Déroulement des faits modifier

À Marseille, le , lors de la campagne électorale des présidentielles et municipales, Robert Lagier, Mario d’Ambrosio et Pierre Giglio, des militants du Front national, décident d’aller coller des affiches à l’effigie de Jean-Marie Le Pen. Ils sont armés de pistolets 22. Lr et 7,65 mm.

Au carrefour des Aygalades, dans le 15e arrondissement de Marseille, Mario d'Ambrosio décide d’assurer la surveillance des affiches qui viennent d’être collées. Les deux autres partent coller plus loin où ils se retrouvent face à un groupe de jeunes d’origine africaine du groupe de rap B.Vice[1] courant sur toute la largeur de la rue. Ils disent avoir été agressés et être repartis en courant rejoindre le carrefour où est resté d’Ambrosio. Les adolescents disent qu’ils couraient pour ne pas rater leur bus[2].

Lagier tire une première fois et l’un des jeunes fait mine de s’effondrer. Le groupe de jeunes s’enfuit en rebroussant chemin. Deux autres coups claquent, une des balles atteint dans le dos Ibrahim Ali, un Français d’origine comorienne âgé de 17 ans. D'Ambrosio, à son tour, fait feu vers les jeunes.

Les marins-pompiers, prévenus par un patron de bar, arrivent peu après et découvrent une plaie au thorax, dans le dos[3]. Ali décède une demi-heure après sa prise en charge.

Suites politiques modifier

Deux jours après les faits, Bruno Mégret affirme que le meurtrier a été « violemment agressé » : « si nos colleurs n’avaient pas été armés, ils seraient probablement morts » ; il en conclut que c'était « la faute de l’immigration massive et incontrôlée »[4]. Jean-Marie Le Pen commente auprès de ses militants en ces termes : « Au moins, ce malheureux incident a attiré l'attention générale sur la présence à Marseille de 50 000 Comoriens. Que font-ils là[5] ? ».

Suites judiciaires modifier

Lagier maintiendra sa version de l’agression, et répétera que les voitures des trois militants FN ont été abîmées par le groupe et qu'ils se sont défendus. Les policiers qui ont été les premiers sur place, quelques minutes après le drame, sont venus expliquer à la cour qu’ils n’ont pas trouvé de pierres sur place, bien que Lagier dise avoir distinctement entendu des impacts sur sa voiture ce soir-là.

Robert Lagier, l’auteur du coup de feu mortel, est reconnu coupable d’homicide volontaire, ainsi que de tentatives d’homicides volontaires et de violences avec armes. Il est condamné à 15 ans de réclusion criminelle, alors que l’avocat général, Étienne Cecaldi, avait requis contre lui 20 ans[2]. Mario d'Ambrosio, auteur de plusieurs coups de feu, écope de 10 ans d’emprisonnement pour tentatives d’homicides volontaires ; la cour d'assises dépasse la réquisition de l’avocat général qui avait demandé 7 ans de prison. Pierre Giglio, le responsable du groupe de colleurs d’affiches, est condamné à deux ans de prison dont un avec sursis pour port d’arme[6].

Bruno Mégret était présent à la barre pour soutenir les trois militants[7]. Libéré en 2002, D'Ambrosio est employé par la mairie de Vitrolles à sa sortie de prison[6]. Robert Lagier décède d'un cancer en prison[6].

Postérité modifier

 
Plaque commémorative sur le lieu du meurtre d'Ibrahim Ali, aux Quatre Chemins des Aygalades (Marseille). Au-dessus, à droite, nouvelle plaque de l'avenue Ibrahim-Ali, ex-avenue des Aygalades.

En 1996, Jean-Claude Izzo dédie Chourmo, le 2e roman de sa trilogie marseillaise Fabio Montale, « à la mémoire d’Ibrahim Ali, abattu dans les quartiers nord de Marseille par des colleurs d’affiche du FN ». Le chanteur Alex Beaupain fait allusion à cette affaire dans sa chanson Quitter la ville (sur l'album Garçon d'honneur, 2005) ; le groupe de rock toulousain Bruit qui court dans la chanson La Mélancolie (sur l'album X, 2014) ; Le Rat Luciano du groupe de rap marseillais Fonky Family dans la chanson Mystère et suspense (sur l'album Art de Rue, 2001) ; Anti Racist Soldiers de Spook and the Guay en 1998 dans l'album Mi Tierra. ;

En , des associations et des élus marseillais proposent d'instaurer une « journée Ibrahim Ali » chaque . Cette initiative destinée à « la lutte contre le racisme » est présentée par divers élus du centre et de gauche au conseil municipal[8]; elle n'a pas le soutien escompté et elle est même dénoncée par le responsable local du Front national, Stéphane Ravier qui évoque une « profanation »[9].

En 2015, vingt ans après les faits, hors une plaque indicative au carrefour où Ibrahim Ali fut abattu[10],[11],[12], nulle commémoration ne semble avoir été prise au niveau municipal pour honorer la mémoire et la famille de la victime[13]. Seuls, les proches et les membres de la Sound Musical School proposent chaque année une commémoration chemin des Aygalades (15e arrondissement de Marseille), ainsi que des interventions culturelles et socio-éducatives[13].

En , le conseil municipal de la ville de Marseille décide de rebaptiser l'avenue des Aygalades avenue Ibrahim-Ali[14],[15],[16],[17],[18] ; la plaque est dévoilée le [19],[20],[21].

Voir aussi modifier

Liens externes modifier

Notes et références modifier

  1. Michel Henry, « Trois ans après, l'état d'esprit des amis d'Ibrahim, tué par des militants FN. «A l'avenir, ne plus tendre l'autre joue». », sur Libération (consulté le ).
  2. a et b Élisabeth Fleury, « Le meurtrier d'Ibrahim Ali condamné à quinze ans de prison », sur L'Humanité, (consulté le ).
  3. Daniel GROUSSARD, « Marseille: Ibrahim, tué à 17 ans par des colleurs d'affiches du FN », sur Libération (consulté le ).
  4. Le Méridional, le 23 février 1995.
  5. (en) « 5/22/95 -- Elections Don't Stem Struggles In France », sur themilitant.com (consulté le ).
  6. a b et c David Coquille, « Ibrahim Ali, du refus de l’oubli au devoir de mémoire », sur www.lamarseillaise.fr (consulté le ).
  7. « Bruno Mégret/Procès Ibrahim Ali » [vidéo], sur Ina.fr (consulté le ).
  8. F.G., « Une journée "Ibrahim Ali" contre le racisme ? », La Provence,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. « Journée Ibrahim Ali : le FN parle de "profanation" », sur LaProvence.com, (consulté le ).
  10. « Renaud Muselier dévoilera mardi une plaque en hommage à Ibrahim Ali », sur Marsactu (consulté le ).
  11. « 25 ans après, vibrant hommage à Ibrahim Ali tué par des colleurs d'affiches du Front national », sur France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur (consulté le ).
  12. « La deuxième mort d’Ibrahim Ali », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. a et b « 20 ans après le meurtre d'Ibrahim Ali, aucune rue ne porte son nom », sur Marsactu, (consulté le ).
  14. « Marseille : 26 ans après son assassinat, Ibrahim Ali aura une avenue à son nom », sur France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur (consulté le ).
  15. « 26 ans après la mort d’Ibrahim Ali, l’avenue des Aygalades à Marseille enfin rebaptisée », sur France Bleu, (consulté le ).
  16. « Enfin «un lieu approprié» à la mémoire d'Ibrahim Ali tué par un colleur FN », sur www.20minutes.fr (consulté le ).
  17. « A Marseille, l’avenue où Ibrahim Ali a été tué par des colleurs d’affiches du FN en 1995 portera son nom », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. Stéphanie Harounyan, « Marseille : Ibrahim Ali, le long chemin de la mémoire », sur Libération (consulté le ).
  19. Benoît Gilles, « Une avenue Ibrahim-Ali pour "honorer sa mémoire et guérir les vivants" », sur marsactu.fr, (consulté le ).
  20. Gilles Rof, « Vingt-six ans après la mort d’Ibrahim Ali, Marseille « rend justice à un de ses enfants » », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  21. Stéphanie Aubert, « Vingt-six ans après, une avenue marseillaise pour Ibrahim Ali », sur Libération (consulté le ).