Adélaïde Hautval

psychiatre française
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Adélaïde Hautval
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Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Marthe Adelhaïde HautvalVoir et modifier les données sur Wikidata
Surnom
HaïdiVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Université de Strasbourg (d) (doctorat) (jusqu'en )
Université de StrasbourgVoir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Autres informations
Directeur de thèse
Lieux de détention
Distinctions
Plaque commémorative

Adélaïde Hautval, surnommée Haïdi, née Marthe Adélaïde Haas le au Hohwald (Bas-Rhin) et morte le à Groslay (Val-d'Oise), est une psychiatre française, rescapée des camps de concentration nazis et reconnue Juste parmi les nations.

Biographie modifier

Enfance modifier

Surnommée Haïdi, Adélaïde est la fille du pasteur de l’Église réformée d'Alsace-Lorraine Philippe Haas-Hautval[1],[2]. Elle naît dans un village qui appartient alors à l'Empire allemand[3]. Pro-français, le pasteur Haas avait décidé en 1920 d'accoler le nom français Hautval à son patronyme[2]. Elle est la septième et plus jeune enfant de la famille[4]. Elle fait du scoutisme chez les éclaireuses unionistes de Guebwiller[5] au sein de la Fédération française des Éclaireuses. Elle est autorisée à porter le nom de Hautval par jugement du 27 décembre 1951.

Formation modifier

Adélaïde Hautval fait ses études de médecine à Strasbourg, puis travaille dans des hôpitaux et des instituts neuro-psychiatriques[4] locaux et en Suisse[6].

Seconde Guerre mondiale modifier

Son arrestation a lieu en , alors qu'elle traversait la ligne de démarcation à Vierzon pour des raisons personnelles[4] (les funérailles de sa mère[6]). À la prison de Bourges où elle est internée, elle prend la défense en allemand d'une famille juive maltraitée par un soldat allemand[7]. Les Allemands lui disent alors « puisque vous défendez les juifs, vous partagerez leur sort[4] ». Elle est emprisonnée à Bourges[4] puis internée à Pithiviers[3], les Allemands lui font porter sur la poitrine une étoile jaune avec une banderole « amie des juifs[4]. » Elle est ensuite transférée à Beaune-la-Rolande le 24 septembre 1942 et y reste jusqu'au 5 novembre 1942[3], elle passe quelques jours à la prison d'Orléans en , et arrive enfin à la prison de Romainville le de la même année[4],[3]. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi du , dit convoi des 31000[3], où elle a le matricule 31 802[4].

Sa qualité de médecin est reconnue au bout de quelques jours et elle devient médecin dans un des revier [n 1] de Birkenau[4]. Les conditions médicales sont plus que déplorables. Elle est d'abord affectée au block 22, où elle s'occupe de détenues allemandes, puis est envoyée en au block 10 du camp principal[4]. Le médecin-chef y pratique des « expériences », notamment des stérilisations de femmes en brûlant leurs organes avec des produits caustiques[4]. Adélaïde Hautval refuse d'y participer et est chargée des soins post-opératoires[4]. Lorsqu'un nouveau médecin-chef est affecté à ce service, il ordonne à Adélaïde Hautval de l'assister, ce qu'elle refuse et elle est renvoyée, en parmi les autres détenues du camp[4]. Elle y est relativement isolée : en quelques mois la population du camp s'est renouvelée et les détenues qu'elle avait rencontrées en prison ou lors de son transfert sont mortes ou ont été transférées dans un autre block[4]. Le , elle apprend par Orli Reichert-Wald chargée de l'administration du revier qu'elle serait exécutée le lendemain si elle n'acceptait pas de participer aux opérations, ce qui ne la fait pas changer d'avis. Orli lui administre alors un somnifère, fait peut-être passer un autre cadavre pour le sien en prétendant qu'elle est déjà morte et lui sauve ainsi la vie[4].

Adélaïde Hautval est par la suite de nouveau affectée comme médecin au camp[4]. En tant que psychiatre, elle est amenée à examiner des femmes devenues folles avec comme ordre de les déclarer « inaptes au travail », ce qui les conduira directement à la chambre à gaz. Elle ne comprend pas pourquoi on lui demande ici des justifications médicales pour pouvoir assassiner. Volontaire pour « voir » et « dire après », elle assiste à plusieurs séries d'expériences des médecins nazis, notamment celles du Docteur Carl Clauberg spécialisé dans la stérilisation et la castration, tout en soulageant ses camarades et en les faisant échapper à la mort[8]. Elle souffre du typhus de jusqu'en février-mars de l'année suivante[4].

Elle est transférée à Ravensbrück le [3] où on l'envoie comme médecin au camp de concentration de Watenstedt (de) (une usine de munitions), puis, l'administration s'apercevant qu'elle était classée Nuit et brouillard, elle ne peut plus travailler à l'extérieur de Ravensbrück où elle est ramenée. Elle est alors de nouveau médecin au Revier[4]. Elle voit la libération du camp en avril 1945 mais y reste avec Marie-Claude Vaillant-Couturier afin de s'occuper des malades qui ne peuvent être immédiatement transportés[4]. Elle quitte le camp pour la France avec les derniers malades français le [4].

N'appartenant à aucun réseau ou organisation de résistance, Adélaïde Hautval n'obtient qu'avec difficulté une carte de déportée résistante[4] qui lui est donnée en 1963[3]. Elle est décorée de l'Ordre national de la Légion d'honneur en pour son dévouement envers les autres déportés dans les camps[4].

Après guerre modifier

En 1946, Adélaïde Hautval écrit Médecine et crimes contre l'humanité, qui sera édité en 1991[9].

En , elle témoigne en Angleterre au procès en diffamation de l’écrivain Leon Uris contre Vladislav Dering (Dering v Uris (en)), un médecin polonais qui avait participé à des expérimentations médicales à Auschwitz et qui réfutait une note de bas de page de son roman Exodus[6],[10].

Le , Adélaïde Hautval reçoit la médaille des Justes parmi les nations[11]. Elle renvoie sa médaille, après le massacre des Palestiniens des camps de Sabra et Chatila, à Beyrouth, en 1982[12].

Se découvrant des signes de la maladie de Parkinson[13], elle met fin à ses jours le .

Distinctions modifier

Hommages posthumes modifier

Noms de rue modifier

Plaques commémoratives modifier

  • Sa commune natale du Hohwald a érigé en 1991 une fontaine sur laquelle est inscrite en onze langues sa devise : « Pense et agis selon les eaux claires de ton être »[16].
  • À Groslay, où elle vécut après la guerre, une plaque est apposée sur le mur de sa maison en
  • Une plaque commémorative a été apposée en gare de Rothau (Bas-Rhin) le .

Institutions modifier

  • À Guebwiller (Haut-Rhin), le « Cercle Adélaïde Hautval » a été créé en 2006 et une école porte son nom depuis la rentrée 2019 [17].
  • Le , le directeur général des Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, annonce à l'AFP que l'hôpital de Villiers-le-Bel porte désormais le nom d'hôpital Adélaïde-Hautval[18] en remplacement de son ancien nom d'hôpital Charles-Richet, du nom d'un médecin rétrospectivement décrié pour ses thèses racistes.
  • En 2020, le collège de Ferrette (Haut-Rhin) est renommé collège Adélaïde-Hautval
  • Le 26 juin 2022, l'église protestante de Marlenheim reçoit le nom d'Adélaïde Hautval.
  • En 2023, les élèves et habitants d'Illkirch-Graffenstaden donnent son nom à la nouvelle école de la ville.

Exposition modifier

  • Une exposition lui est consacrée par le Centre d'étude et de recherche sur les camps d'internement du Loiret et de la déportation juive (Cercil) à Orléans en

Film modifier

  • Adélaïde H. une résistante alsacienne, réalisé par Daniel Cling, 51min, 2021[19]

Publication modifier

  • Adélaïde Hautval, Médecine et crimes contre l'humanité : le refus d'un médecin, déporté à Auschwitz, de participer aux expériences médicales, Éditions du Félin, , 120 p. (ISBN 2866456335 et 978-2866456337)
  • Marion Muller-Collard, "La spiritualité ne dit rien de l'ancrage de quelqu'un !", dans Dimanche , 14 janvier 2024, p.2, sur. Adélaïde Hautval.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Le mot revier, prononcé par les déportés français revir, est l'abréviation de Krankenrevier, le quartier des malades dans un bâtiment militaire. Selon Charlotte Delbo, déportée à Auschwitz par le même convoi qu'Adélaïde Hautval, la signification qu'à ce mot au camp n'est pas traduisible en français car « ce n'est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C'est un lieu infect où les malades pourrissent sur trois étages. » Delbo, p. 24

Références modifier

  1. Contribution à la localisation des troubles psychiques post-commotionnels (les aphasies, les bradypsychies), Université de Strasbourg, 1934, 146 p. (thèse de Médecine) [1]
  2. a et b Maryvonne Braunschweig et Georges Hauptmann, Docteur Adélaïde Hautval, dite « Haïdi », 1906 – 1988. Des camps du Loiret à Auschwitz et Ravensbrück. Juste parmi les Nations., Conférence-débat du Cercle d’étude du 26 novembre 2014 : conférence de G. Hauptmann, témoignages de G. Obœuf, d’A. Postel-Vinay, nombreux documents originaux., Paris, édition du Cercle d’étude, , 240 p., cité par « Adélaïde Hautval, (1906-1988) une biographie », sur le site du Cercle d’Études de la Déportation et de la Shoah.
  3. a b c d e f et g Bruno Halioua et Georges Hauptmann, « Adélaïde Hautval (1906–1988) : une personnalité médicale exemplaire », La Presse Médicale, vol. 44, no 12, Part 1,‎ , p. 1290–1296 (ISSN 0755-4982, DOI 10.1016/j.lpm.2015.05.012, lire en ligne, consulté le )
  4. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u et v Delbo, p. 141-143
  5. Alice Faverot, Christian Krieger pour l'EPRAL, avec l'aide de Georges Hautpmann, « Livret expo Adélaïde Hautval »,
  6. a b et c (en) Laura Windsor, Women in Medicine: An Encyclopedia : Adélaïde Hautval, ABC-CLIO, (ISBN 978-1-57607-392-6, lire en ligne), p. 92
  7. Lucien Lazare, « Adélaïde Hautval », sur le site du judaïsme d'Alsace et de Lorraine
  8. Caroline Moorehead, Un train en Hiver, Cherche Midi, , 592 p. (ISBN 978-2-266-25872-2), p. 349
  9. Médecine et crimes contre l'humanité : témoignage manuscrit « Déportation » écrit en 1946, revu par l'auteur en 1987, Actes Sud, Paris, 1991, 101 p. (ISBN 2-86869-657-0) [2]
  10. Watson, Geoffrey, « The 'misunderstood' doctor of Auschwitz », Bar News: The Journal of the New South Wales Bar Association, New South Wales Bar Association,‎ (lire en ligne   [PDF])
  11. Dossier n° 100, consulté sur le site de Yad Vashem.
  12. Éric Association pour des études sur la Résistance intérieure des Alsaciens et Christophe Clavel, La résistance des Alsaciens, copyright 2016 (ISBN 978-2-915742-32-9 et 2-915742-32-4, OCLC 1152172696, lire en ligne)
  13. Florence Hervé, « Adelaïde Hautval », in Histoires et visages d'alsaciennes, Cabédita, Divonne-les-Bains, 2005, p. 82 (ISBN 2-88295-448-4)
  14. « Dossier n°100, Adélaïde Hautval », sur yadvashem-france.org (consulté le )
  15. Bertrand Merle, 50 mots pour comprendre la résistance alsacienne : 1939-1945, (ISBN 978-2-7468-4334-9 et 2-7468-4334-X, OCLC 1356270846, lire en ligne)
  16. Mengus, Nicolas., Ces Alsaciens qui ont fait l'histoire (ISBN 978-2-917875-87-2 et 2-917875-87-9, OCLC 1010595094, lire en ligne), p. 71
  17. « GUEBWILLER. Ecole Adélaïde-Hautval : « Une rentrée historique » », sur www.lalsace.fr (consulté le )
  18. « L'hôpital de Villiers-le-Bel, Charles Richet, renommé Adélaïde Hautval après une longue polémique », sur Le Huffington Post, (consulté le )
  19. « Adélaïde H, une résistante alsacienne - Daniel Cling », sur Fondation pour la Mémoire de la Shoah (consulté le )

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • Marie-Claire Allorent, Association pour des études sur la Résistance intérieure des Alsaciens (AERIA) (ill. Christophe Clavel), « Adélaïde Hautval », dans Eric Le Normand, La résistance des Alsaciens, Fondation de France, département AERI, (ISBN 978-2-915742-32-9).
  • Maryvonne Braunschweig, Georges Hauptmann, Docteur Adélaïde Hautval, dite Haïdi, 1906 – 1988. Des camps du Loiret à Auschwitz et Ravensbrück[...], témoignages de Génia Obœuf, d’Anise Postel-Vinay, nombreux documents originaux, édition du Cercle d'étude, Paris, 2017, 240 p.
  • Patrick Cabanel, « Hautval, Adélaïde », dans Patrick Cabanel et André Encrevé, Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours, t. 3 H-L, Paris, Les Éditions de Paris / Max Chaleil, (ISBN 9782846213332), p. 71-72
  • Hervé de Chalendar, « Juste parmi les Nations. Adélaïde Hautval. Elle n'a jamais rien cédé », in Les Saisons d'Alsace, no 72 (L'Alsace, ce beau jardin), printemps 2017, p. 6-7
  • Charlotte Delbo, Le Convoi du 24 janvier, Éditions de Minuit, 1965 (réédité en 2002), 304 p. (ISBN 2-7073-1638-5)
  • Bruno Halioua, Richard Prasquier, « Adélaïde Hautval, une figure exemplaire de la médecine française » [PDF], sur yadvashem-france.org, Les médecins « Justes parmi les nations » (consulté le ), p. 5. – Extrait de La Revue du praticien, 2004, no 54.
  • Florence Hervé, « Adelaïde Hautval », Histoires et visages d'Alsaciennes, Cabédita, Divonne-les-Bains, 2005, p. 80-82 (ISBN 2-88295-448-4)
  • « Adélaïde Hautval : Une médecin psychiatre résistante jusque dans les camps. », dans Marie-José Masconi (préf. Frédérique Neau-Dufour), Et les femmes se sont levées, Strasbourg, La Nuée bleue, , 282 p. (ISBN 978-2-7165-0897-1), p. 191-207.
  • (en) Mordecai Paldiel, « Adelaïde Hautval. The French Woman Physician: 'One of the Most Remarkable Persons Humankind Has Ever Known' », Saving the Jews: Men and Women who Defied the Final Solution, Taylor Trade Publications, 2011 (ISBN 9781589797345)
  • Léon Strauss, « Adélaïde Hautval », Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, vol. 45, p. 4647
  • (en) Laura Lynn Windsor, Women in Medicine: An Encyclopedia, ABC-CLIO, Santa Barbara, Calif., 2002, p. 92 (ISBN 9781576073926)

Liens externes modifier