Groupement interministériel de contrôle
Le Groupement interministériel de contrôle (GIC) est un organisme français dépendant du Premier ministre chargé de mettre en œuvre certaines techniques de renseignement (TR) pour le compte des services de renseignement y ayant recours[1].
Forme juridique |
Service déconcentré à compétence nationale d'un ministère (hors défense) |
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Domaine d'activité |
Administration publique générale |
Siège |
51 boulevard de la Tour-Maubourg 75007 Paris |
Pays |
Organisation mère |
Cabinet du Premier ministre français (d) |
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SIREN | |
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OpenCorporates | |
Annuaire du service public |
Créé en 1960 par Michel Debré pour coordonner le renseignement en France, longtemps resté inconnu du grand public et protégé par le secret défense, il faudra quarante-deux ans avant qu'un décret n'avalise officiellement son existence en 2002.
Ce service est rattaché au secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), autorité chargée d’assister le Premier ministre dans l’exercice de ses responsabilités en matière de défense et de sécurité nationale.
Histoire et cadre juridique
modifierLe GIC a été institué le par une décision non publiée du Premier ministre, Michel Debré[2],[3]. Son rôle est distinct du groupement des contrôles radioélectriques (GCR)[4]. Il est aujourd'hui l'équivalent administratif de l'Agence nationale des techniques d'enquêtes numériques judiciaires (ANTENJ), chargée des interceptions dans le domaine judiciaire[5].
Missions
modifierLes écoutes téléphoniques menées par le GIC sont dites « de sécurité », par opposition aux écoutes dites « judiciaires » décidées par un juge d'instruction. Elles étaient contrôlées par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), créée par la loi du , et le sont depuis par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) depuis l'adoption de la loi relative au renseignement.
Les missions du GIC ont évolué afin de prendre en charge les interceptions et la collecte de données techniques en sus des écoutes téléphoniques[6].
Cadrage
modifierDe nombreux décrets, arrêtés, instructions et circulaires ont été publiés pour cadrer « l'activité des services de renseignement, leur organisation interne, le statut de leurs personnels ou leurs missions », ainsi que les moyens et le fonctionnement du GIC, tous classés « secret défense ». À titre d'exemple, le décret non publié du sur le contre-espionnage est le premier à fixer les compétences territoriales respectives du SDECE et de la DST, non rendu public et ignoré des parlementaires alors qu'il revêtait une grande importance pour le domaine du renseignement[7]. Selon les députés Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère, il n'existe pas de recueil classifié disponible pour les membres de la délégation parlementaire au renseignement ni même pour les instances gouvernementales.
Concernant les informations publiques (à partir de 2002) il est régi par les dispositions du décret no 2002-497 du qui a officialisé juridiquement son existence[8] et par les articles R. 242-1 à R. 242-3 et L. 241-1 à L. 245-3 du Code de la sécurité intérieure, issus de la loi du , le GIC relève de ses articles R. 823-1 à 2[9] et R. 851-6 à 8[10] depuis l'adoption de la loi relative au renseignement et la publication du décret no 2016-67 du relatif aux techniques de renseignement[11].
Cet organisme a été largement employé aux débuts de la Cinquième République, notamment dans le cadre de la guerre d'Algérie et de la lutte anti-OAS. Il a été au centre de l'affaire des écoutes de l'Élysée.
L'article 6 de la loi du relative à la lutte contre le terrorisme modifie le système disponible depuis 1991. Pour François Jaspart, « depuis 1991, nous avions une loi sur les écoutes, mais la procédure d'autorisation auprès de la CNCIS (Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité) étant assez lourde, un dispositif plus souple était devenu nécessaire »[12].
En 2008, le GIC est cité au sein de l'affaire de Tarnac en raison du plantage d'un terminal de paiement électronique sur une ligne téléphonique de type RTC[13],[14].
En 2012, le GIC s'est doté d'un peloton de sécurité issu de l’escadron de sécurité et d’appui de Maisons-Alfort[15].
En 2016, un décret d'application[11] de la loi sur le renseignement a renforcé le rôle-pivot du Groupement interministériel de contrôle, au moment où Manuel Valls en nommait le nouveau directeur. C'est lui qui dresse la liste des données techniques de connexion accessibles aux services de renseignement. Le GIC passe ainsi de tâches principalement opérationnelles et de routine à des tâches de développement informatique et d'innovation pour s'adapter à ces évolutions.
En 2021, les services de l'État se sont appuyés sur le GIC dans le cadre de l'affaire Pegasus[16]. La même année, le GIC aurait mis en œuvre pas moins de 300 TR sans obtenir la signature du Premier ministre[17].
Son budget 2024 est de 46 millions d'euros[18].
Moyens
modifierDans son rapport 2004[19], la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) soulignait que le GIC comprenait pour Paris et l'Île-de-France le centre principal des Invalides et les sites de Versailles, Bobigny et Évry. Pour la province, on recensait trois zones d'exploitation comprenant des antennes principales et secondaires : Ouest (Bordeaux, Rennes, Rouen, Tours et Toulouse) ; Méditerranée (Lyon, Marseille et Nice) ; Nord-Est (Dijon, Lille et Nancy), et que de nouvelles antennes secondaires devaient éclore dans les années à venir pour compléter la couverture du territoire.
En 2020, le GIC prévoit d'implanter un nouveau site à Cayenne[20]. En 2020, le GIC compte également une extension rue du Cherche-Midi à Paris[21].
En 2021, le GIC comptait une quarantaine d'antennes disséminées sur le territoire, et 284 agents[22] (contre 132 en 2015 et 250 en 2021), la part de contractuels passant de 35 à 53 %[23].
En 2024, le GIC comprend un site à Montrouge[24].
Le nombre maximum d'interceptions de sécurité est limité par un quota ou contingent maximum de cibles écoutables, fixé par le Premier ministre, afin d'« inciter les services concernés à supprimer le plus rapidement possible les interceptions devenues inutiles, avant de pouvoir procéder à de nouvelles écoutes », passé de 1 180 lignes en 1991 à 1 540 en 1997, 1 670 en 2003, 1 840 en 2008, 2 190 en 2014 et 2 800 à la suite des attentats contre Charlie Hebdo. Dans son rapport, la CNCIS soulignait néanmoins l'absence de cas récent de l'emploi de la totalité du contingent général. En 2013, la CNCIS avait émis 82 avis défavorables lors des demandes initiales et des demandes de renouvellement, tous suivis par le Premier ministre, et autorisé 6 100 interceptions de sécurité qui ont effectivement été pratiquées (contre 6 095 en 2012)[25].
La charge de travail du GIC dépend du niveau de la menace à laquelle font face les services de renseignement, de l'évolution des TR, de l'évolution du cadre législatif encadrant la communauté du renseignement et du nombre d'opérateurs de communications électroniques et assimilés participant à l'effort de renseignement.
Directeurs
modifierDirecteur | Arrêté de nomination | |
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général de brigade Eugène Caillot | 1960 | |
général de brigade (2s) Pierre Gallot | 1974 | |
général de brigade Pierre Charroy | ||
contre-amiral Jean-Marie Le Balc'h | [JORF 1] | |
général de brigade (2s) Jean-Luc Epis | [JORF 2] | |
général de brigade aérienne (2s) Claude Baillet | [JORF 3] | |
contre-amiral (2s) Bruno Durteste | [JORF 4] | |
ingénieur en chef de l'armement Pascal Chauve | [JORF 5] |
Relations
modifierLe GIC est susceptible de collaborer avec l'ensemble des opérateurs de communications électroniques et assimilés[26].
Le GIC a collaboré notamment avec France Télécom[14] et à travers sa filiale France Télécom Mobiles[27].
Logo
modifierLe logo du GIC est de forme ronde et présente une chouette et des chaînes de binaire avec les inscriptions « GIC », « République française » et « Groupement interministériel de contrôle » ainsi que 2 symboles étoile.
Références
modifier- ↑ « Groupement interministériel de contrôle », sur www.sgdsn.gouv.fr, (consulté le )
- ↑ Claudine Guerrier et Marie-Christine Monget, Droit et Sécurité des Télécommunications, Springer et CNET France Telecom, coll. « Collection technique et scientifique des télécommunications », , 458 p. (ISBN 2-287-59679-8), p. 97.
- ↑ Décision du Premier ministre no 1E du créant le groupement interministériel de contrôle, reproduite in Bertrand Warusfel, Contre-espionnage et protection du secret : Histoire, droit et organisation de la sécurité nationale en France, Panazol, Lavauzelle, (ISBN 2-7025-0451-5), p. 444.
- ↑ Le Monde, « UNE GRANDE OREILLE DE L'ETAT », 29 mai 1998, (lire en ligne, consulté le )
- ↑ « FRANCE : Ecoutes judiciaires : comment le gouvernement veut reprendre la main face à Thales - 03/01/2018 », sur Intelligence Online, (consulté le )
- ↑ « Interview de Pascal Chauve, directeur du Groupement Interministériel de Contrôle | Connect - Editions Diamond », sur connect.ed-diamond.com (consulté le )
- ↑ Commission des Lois, Rapport d'information parlementaire déposé en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement, présenté par Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère, p. 17.
- ↑ Décret no 2002-497 du relatif au groupement interministériel de contrôle, JORF no 87 du , p. 6521, texte no 3, NOR PRMX0200024D, sur Légifrance.
- ↑ « Articles R823-1 à 2 du Code de la sécurité intérieure », sur Légifrance (consulté le ).
- ↑ « Articles R851-6 à 8 du Code de la sécurité intérieure », sur Légifrance (consulté le ).
- Décret no 2016-67 du relatif aux techniques de recueil de renseignement, JORF no 26 du , NOR PRMX1528649D.
- ↑ Philippe Crouzillacq, « La Police nationale à l'écoute des nouvelles menaces terroristes », sur 01net.com, .
- ↑ « Tarnac : la justice enquête sur des écoutes illégales menées avant l’affaire du sabotage », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- « Affaire de Tarnac : les étranges écoutes posées par France Télécom », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- ↑ Ministère de l'Intérieur, « Bulletin officiel du Ministrère de l'Intérieur » [PDF], sur Ministère de l'Intérieur, (consulté le )
- ↑ Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, « Rapport d'activité 2021 » [PDF], sur SGDSN, (consulté le )
- ↑ Matthieu Suc, « Les « écoutes » de Matignon : la justice enquête sur des soupçons d’irrégularités massives », sur Mediapart, (consulté le )
- ↑ Sénat, « CYBERSÉCURITÉ, INGÉRENCES NUMÉRIQUES ET SÉCURITÉ NATIONALE : UN BUDGET 2025 SOUS CONTRAINTE » [PDF], sur Sénat, (consulté le )
- ↑ Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, 13e rapport d'activité : 2004, Paris, La Documentation française, (ISBN 2-11-005824-2, lire en ligne).
- ↑ Préfet de la Guyane, « REGLEMENT DE CONSULTATION MARCHE PUBLIC DE TRAVAUX » [PDF], sur better-place, (consulté le )
- ↑ Conseil de l’immobilier de l’État, « Rapport d’activité 2019 » [PDF], sur economie.gouv.fr, (consulté le )
- ↑ Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale, « Rapport d’activité 2022 – SGDSN », Paris, .
- ↑ Amaelle Guiton, « Plongée au cœur des écoutes des services secrets », sur Libération, .
- ↑ Direction des services administratifs et financiers, « Prestations de maintenance et d’exploitation des bâtiments occupés par certains services et entités relevant du périmètre budgétaire des services du Premier ministre et des entités associées par convention » [PDF], sur better-place, (consulté le )
- ↑ Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, 22e rapport d'activité : 2013-2014, Paris, Direction de l'information légale et administrative, (ISBN 978-2-11-009866-5, lire en ligne).
- ↑ « Obligations légales | Extranet Arcep », sur extranet.arcep.fr (consulté le )
- ↑ Patricia Tourancheau, « Ecoutes: après le vol, la peur du chantage. L'enquête sur le cambriolage chez France Télécom Mobiles est au point mort. », sur Libération (consulté le )
Dans le Journal officiel de la République française (JORF), sur Légifrance :
- ↑ Arrêté du , JORF no 92 du , p. 6974, texte no 41, NOR PRMX0205513A.
- ↑ Arrêté du , JORF no 290 du , p. 21393, texte no 42, NOR PRMX0307015A.
- ↑ Arrêté du , JORF no 287 du , texte no 26, NOR PRMX0711090A.
- ↑ Arrêté du , JORF no 180 du , texte no 53, NOR PRMX1231680A.
- ↑ Arrêté du , JORF no 26 du , texte no 59, NOR PRMD1602746A.
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierBibliographie
modifier- Claude Silberzahn, avec Jean Guisnel, Au cœur du secret : 1 500 jours aux commandes de la DGSE (1989-1993), Paris, Fayard, 1995 (ISBN 2-213-59311-6)