Général Tapioca

personnage de bande-dessinée

Général Tapioca
Personnage de fiction apparaissant dans
Les Aventures de Tintin.

Origine Drapeau du San Theodoros San Theodoros
Activité Chef d'État
Entourage Colonel Sponsz
Colonel Alvarez
Ennemi de Général Alcazar
Tintin

Créé par Hergé
Séries Les Aventures de Tintin
Albums L'Oreille cassée
Les Sept Boules de cristal
Coke en stock
Tintin et les Picaros
Première apparition Tintin et les Picaros (1976)

Le général Tapioca est un personnage de fiction des Aventures de Tintin, créé par Hergé. Il apparaît pour la première fois dans Tintin et les Picaros, dernier album achevé de la série en , mais il est également cité dans L'Oreille cassée, Les Sept Boules de cristal et Coke en stock.

Le personnage dans la série modifier

Grand rival du général Alcazar, le général Tapioca lui dispute la présidence du San Theodoros, un État fictif d'Amérique du Sud. Dans le dernier album achevé de la série, Tintin et les Picaros, il accède au pouvoir grâce au soutien de la Bordurie, dont l'un des hommes de main, le colonel Sponsz, rebaptisé Esponja, devient son conseiller. Tapioca débaptise la capitale Las Dopicos pour la renommer en « Tapiocapolis » (qui sera changée plus tard en « Alcazaropolis » après la prise du pouvoir par les Picaros).

À la suite de l'arrestation de la Castafiore pour un prétendu complot contre sa personne, il accuse lors d'un discours télévisé, les habitants du château de Moulinsart (Tintin, le capitaine Haddock et le professeur Tournesol) d'être les instigateurs de cette machination visant à reporter au pouvoir Alcazar. Puis il les invite à venir s'expliquer directement à Tapiocapolis, ce qui est en réalité un piège, mais il est à nouveau renversé par Alcazar qui accepte à contrecœur de lui laisser la vie sauve à la suite d'un marché qu'il a fait avec Tintin. La fin de l'album montre Alcazar et Tapioca en rivaux en réalité parfaitement identiques quant à la mentalité.

Sources d'inspiration modifier

Le général Tapioca serait inspiré d'Alfredo Stroessner, dictateur du Paraguay depuis 1954[1]. Alain Musset rapproche l'acte mégalomane du général Tapioca de renommer la capitale Las Dopicos en Tapiocapolis, puis Alcazaropolis par le général Alcazar, du changement de nom par le dictateur dominicain Rafael Trujillo de la capitale Saint-Domingue en Ciudad Trujillo[2]. De même, en Union soviétique, les villes de Tsaritsyne et Saint-Pétersbourg avaient été rebaptisées Stalingrad et Leningrad, en l'honneur des deux dirigeants communistes Staline et Lénine[3]. Quant aux uniformes des soldats de Tapioca comme des révolutionnaires, ils sont en grande partie tirés du grand reportage de Jean Lartéguy à propos du Che, intitulé Les Guérilleros et publié en 1967, qui regorge de photographies[4]. Les uniformes de l'armée tapioquiste sont en partie repris de ceux de l'armée chilienne sous la dictature de Pinochet[5].

Analyse modifier

Le philosophe Michel Eltchaninoff voit en Tintin et les Picaros une illustration de La Société du spectacle de Guy Debord, paru en 1967, dont la thèse est que « Tout ce qui était directement vécu s'est éloigné dans la représentation »[6]. Il considère notamment la succession de coups d'État entre Tapioca et Alcazar n'est qu'un « un jeu de rôles absurde », instrumentalisé par les blocs de l'Est et de l'Ouest[6].

Par ailleurs, Tintin et les Picaros met en scène un régime dictatorial tenu d'une main de fer par le général Tapioca et ses sbires et de fait, Hergé décrit un certain nombre d'instruments utilisés par le régime autoritaire pour assurer sa permanence. En premier lieu la surveillance des individus, sans laquelle la dictature ne peut se maintenir. Ainsi, dès leur arrivée au San Theodoros, le capitaine Haddock, le professeur Tournesol puis Tintin sont enfermés dans une villa truffée de micros et de caméras[7]. Dans un second temps, c'est la mainmise du pouvoir sur la justice qui est évoquée, à travers le simulacre de procès de Bianca Castafiore[8].

 
Le Che en 1967, à l'époque où il mène la guérilla en Bolivie.

À travers l'affrontement entre Alcazar et Tapioca, Hergé transpose surtout le contexte historique sud-américain, marqué par ses nombreuses révolutions, et finalement, les deux dictateurs sont « chacun le champion d'un camp » selon l'expression de Jacques Langlois. Si les Picaros du général Alcazar ressemblent aux guérilleros de Che Guevara, ils n'en ont que l'apparence vestimentaire : Alcazar est en effet soutenu par une puissance commerciale et financière américaine, l'International Banana Company. Il s'agit d'un pastiche de l'United Fruit Company, une société qui a notamment soutenu un coup d'État au Guatemala et financé l'opposition cubaine à Fidel Castro dans le but de protéger ses intérêts. De son côté, le général Tapioca apparaît comme une « marionnette du bloc de l'Est » puisqu'il est soutenu par la Bordurie du maréchal Plekszy-Gladz, qui lui a délégué le colonel Sponsz pour l'aider dans son entreprise militaire[3]. Le philosophe Michel Serres considère que, sur le plan politique, cet album traite du principe de la répétition : le général Alcazar duplique Tapioca comme le panneau « Viva Alcazar » répète à la dernière image le panneau « Viva Tapioca » du début de l'album. Finalement, qu'importe la révolution, une dictature en remplace une autre[9].

De même, Pascal Ory estime que « l'humanisme hergéen » apparaît dans le renvoi dos à dos des deux dictateurs, Alcazar et Tapioca, comme pour souligner que si le décor change, la misère du peuple reste la même[10]. Michel Porret voit quant à lui dans cet album un « épisode du désenchantement conservateur sur la révolution politique qui reproduit l’inégalité sociale qu’elle veut abolir »[11].

Postérité modifier

En 1978, le navigateur Gilles Le Baud, fondateur du Spi Ouest-France, donne le nom de Général Tapioca à son nouveau monocoque, un Half Tonner construit pour participer à la Course de l'Aurore, qu'il remporte finalement[12].

Notes et références modifier

  1. Emmanuel Hecht, « Alfredo Stroessner, le patriarche autarcique », dans Olivier Guez, Le Siècle des dictateurs, Paris, Perrin, , 464 p. (lire en ligne), chap. 12, p. 223-236.
  2. Alain Musset, « Du San Theodoros à Mosquito, l'Amérique latine en bulles », Cahiers des Amériques latines, nos 28/29 « France-Amérique latine, une histoire d'amour »,‎ , p. 32-33 (lire en ligne).
  3. a et b Jacques Langlois, « Alcazar général renversant », dans Les personnages de Tintin dans l'histoire : Les évènements de 1930 à 1944 qui ont inspiré l'œuvre d'Hergé, vol. 1, Historia, hors-série / Le Point, (ISBN 978-2-7466-3509-8, ISSN 0242-6005), p. 59-60.
  4. Assouline 1996, p. 690.
  5. Jean-Yves Puyo, « Une géopolitique de Tintin : cap sur le San Theodoros », sur radiofrance.fr, Les Enjeux internationaux, France Culture, .
  6. a et b Michel Eltchaninoff, « 1976, Tintin et les Picaros », Philosophie Magazine, Paris, no 8 (hors-série) « Tintin au pays des philosophes »,‎ , p. 28-29.
  7. La surveillance, in Tintin et le trésor de la philosophie, p. 80-81.
  8. La justice, in Tintin et le trésor de la philosophie, p. 82-83.
  9. Michel Serres, Hergé, mon ami : études et portrait, éditions Moulinsart, , 174 p. (ISBN 2930284242), p. 93-106.
  10. Pascal Ory Un témoignage sur le monde vu de l'Occident, in Le Rire de Tintin, p. 120-129.
  11. Michel Porret, « Journaux et livres : la lecture dans les aventures du reporter sans plume Tintin », Histoire et civilisation du livre, no 8,‎ , p. 327-354 (lire en ligne).
  12. Pierre Wadoux, « Général Tapioca, c'est un peu Tintin au pays du Spi », sur Ouest-France, (consulté le ).

Annexes modifier

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

Album en couleurs modifier

Ouvrages sur Hergé et son œuvre modifier