Général No Pity

chef de guerre séparatiste camerounais

Général No Pity
Surnom No Pity
Nom de naissance Clement Mbashie
Naissance
Bambalang (Cameroun)
Origine Camerounaise
Allégeance Conseil d'autodéfense de l'Ambazonie
Forces de défense de l'Ambazonie (éventuellement, à partir de 2022)[1]
Grade « Général »
« Field Marshal » (moins employé)
Années de service 2019 -
Commandement Bambalang Marine Forces
Bui Unity Warriors
Conflits Crise anglophone au Cameroun
Faits d'armes Embuscade de septembre 2021 à Bamessing
Opération Bui Clean (WIA)
Attaque de Njitapon

Général No Pity (en français : « général Sans Pitié »), nom de guerre de Clement Mbashie[2],[3], né à Bambalang, est un chef de guerre séparatiste camerounais, commandant de plusieurs groupes rebelles luttant pour l'indépendance des régions anglophones du Cameroun, notamment les Bambalang Marine Forces (BMF) et les Bui Unity Warriors (BUW), dans la crise anglophone au Cameroun.

Biographie modifier

Jeunesse et lutte armée modifier

Clement Mbashie naît dans le village de Bambalang dans le département du Ngo-Ketunjia de la région du Nord-Ouest du Cameroun[4]. À la fin des années 2000, il étudie au Cameroon College of Arts, Science and Technology (CCAST) de Bambili dans le département du Mezam. Il est obligé de travailler à temps partiel pour payer ses études. Après un premier échec au O-level, il s'installe à Buéa, où il devient vendeur de beignets et de yaourts, tout en suivant des cours du soir. Sa situation commence à changer lorsque la ville est touchée par les manifestations de 2016-2017 et les troubles économiques qui les accompagnent. Mbashie est alors licencié par son employeur. À ce moment-là, il devient père[2]. Après une période de chômage, Mbashie choisit de travailler plutôt comme chauffeur de moto-taxi, une profession qu'il exerce durant la période précédente et les premiers stades du conflit dans les régions anglophones du Cameroun[2].

Le , Ekema Patrick Esunge, le maire de Buéa interdit toute circulation à moto dans la ville pour des raisons de sécurité. Mbashie fait partie des membres du syndicat des chauffeurs de taxi qui protestent contre cette décision. Sans emploi et sans perspectives, ainsi que furieux de l'impact négatif du pouvoir central sur sa vie, Mbashie retourne à Bambalang et rejoint l'insurrection séparatiste. En 2019, il intègre la milice Seven Karta, un groupe rebelle associé au Conseil d'autodéfense de l'Ambazonie. Il n'est cependant pas un membre à part entière de la milice, passant du temps avec celle-ci pour apprendre à opérer en tant que guérillero[2]. Son frère, Sylvester Mbashie, alias « Shina Rambo », a également rejoint la rébellion à un moment donné[5].

Commandant rebelle modifier

À un moment donné, avant ou pendant l'année 2020, il devient le chef des Bambalang Marine Forces et adopte son nom de guerre[2]. Le chercheur Joseph Nkwain qualifie son pseudonyme de typique des commandants rebelles séparatistes, car il est utile pour susciter le respect et la peur. Le général No Pity se fait connaître comme l'un des chefs de guerre séparatistes les plus « recherchés » par l'armée[6], car sa milice connait rapidement un certain succès et devient de plus en plus violente. Sous son commandement, les Bambalang Marine Forces incendient la résidence du préfet de Balikumbat et décapite plusieurs soldats[2]. En mars 2020, il est faussement rapporté que le général No Pity a été tué au combat, près de Bamali[6].

En 2021, le général No Pity étend son champ d'action et multiplie ses attaques. Ses hommes opèrent à Bambalang, dans les départements du Bui, du Boyo et de la Mezam[7]. Sous sa direction, la milice mène deux raids réussis, dans la région de l'Ouest tout au long de l'année 2021[8],[9]. Il fait également partie des Forces de restauration de l'Ambazonie (anciennement Conseil d'autodéfense de l'Ambazonie) qui sont loyales au gouvernement intérimaire de l'Ambazonie[10], l'une des factions impliquées dans la crise du leadership ambazonien[11].

En septembre 2021, le général No Pity et les Bambalang Marine Forces coopèrent avec les Jaguars de Bamessing pour tendre une embuscade à un convoi militaire. L'opération entraîne la mort de 15 soldats, la destruction de deux véhicules blindés et la capture de plusieurs armes par les rebelles. Le général No Pity célèbre ce succès en se filmant avec ses hommes à côté des véhicules en feu[12]. Cette embuscade attire l'attention nationale au Cameroun et conduit le gouvernement à intensifier sa chasse à l'homme. Dans le mois qui suit l'embuscade de Bamessing, il appelle les Nations unies à prendre en compte la crise anglophone au Cameroun dans un message audio. À l'époque, il est décrit comme le chef des Gardes révolutionnaires de l'Ambazonie[13] ainsi que comme le commandant en chef des Forces de restauration de l'Ambazonie par le Cameroon Intelligence Report[14].

Pendant ce temps, l'armée lance des opérations pour le traquer, ce qui entraîne des affrontements qui font plusieurs morts parmi les membres des Bambalang Marine Forces[7],[15]. L'armée affirme une nouvelle fois l'avoir tué alors qu'il réapparait dans la Manyu. Finalement, les forces armées camerounaises arrêtent Antoinette Kongnso, considérée comme la petite amie ou l'ex-petite amie enceinte du général No Pity[16],[17]. Le commandant séparatiste aurait répondu en enlevant le Fon Yekum Kelvin de Bambalang, et en exigeant qu'Antoinette Kongnso et plusieurs de ses partisans emprisonnés soient libérés en échange du Fon. Antoinette Kongnso est finalement libéré sous caution en décembre 2021[17].

Au fil du temps, le général No Pity multiplie les incursions dans le Bui, où il force plusieurs factions séparatistes mineures à s'unifier au sein des Bui Unity Warriors. En coopération avec les Forces de défense de l'Ambazonie (FDA), il réussit même à convaincre des éléments des Bui Warriors, un autre groupe rebelle, de se séparer et de rejoindre les Bui Unity Warriors. La nouvelle formation est fondée officiellement en janvier 2022 et est dirigée par le général Mad Dog[18],[19]. Cette nouvelle formation est considérée comme faisant partie des FDA, ce qui montre sa loyauté envers le général No Pity. À ce moment-là, il n'est plus à la tête des Forces de restauration de l'Ambazonie, un commandement qui est assuré par Oliver Lekeaka, chef de la milice Red Dragon. Le chef des Bui Warriors, le « Maréchal » Insobu, considère la formation des Bui Unity Warriors comme une menace. Il attaque alors les forces du général No Pity[20]. Le mois suivant, les conflits intra-rebelles continuent à s'intensifier, alors que le gouvernement intérimaire de l'Ambazonie se divise et que ses anciens partisans commencent à se battre entre eux. Le général Mad Dog commencé à attaquer les partisans d'Oliver Lekeaka à Kumbo[11], tandis que le général No Pity mobilise les Bui Unity Warriors dans la bataille contre les Bui Warriors. Ses hommes réussissent à tuer Insobu le 8 avril 2022[18],[20]. Cette opération est accueillie avec un soulagement par la population locale, car Insobu était devenu de plus en plus violent envers les civils locaux, par le biais d'enlèvements et de menaces[18].

En juin 2022, le général No Pity mène l'attaque de Njitapon, un poste frontière entre le Ngo-Ketunjia et le Noun dans la région de l'Ouest, tuant ainsi cinq gendarmes[21]. Le mois suivant, Oliver Lekeaka, chef de la milice Red Dragon est tué. Le général No Pity devient alors le plus important leader actif de la milice séparatiste[22].

Au début du mois d'août, il mène une offensive contre les camps de l'armée à Oku. L'attaque est repoussée et le commandant séparatiste aurait été blessé au combat[23]. Plusieurs membres de sa milice sont tués. Le média Bareta News est allé jusqu'à qualifier cet affrontement de « Waterloo » du général No Pity[24]. Après ces événements, le général No Pity a disparu des radars pendant plusieurs mois.

Le 28 janvier 2023, il réapparait dans une vidéo où il déclare que « trois camions » de soldats ont attaqué son bastion de Bambalang deux jours auparavant, mais qu'ils ont été repoussés avec de lourdes pertes[25].

Fin mai 2023, son frère Sylvester Mbashie se rend aux autorités[26]. Lorsque les responsables militaires interrogent ce dernier, celui-ci aurait affirmé que le général No Pity avait été tué lors d'un raid sur le village de Baba I dans le Ngo-Ketunjia. Selon ce récit, Sylvester Mbashie s'était rendu parce qu'il avait été battu par Njibongwe Derick (le marabout du général No Pity) lors de la succession qui avait suivi pour le commandement des Bambalang Marine Forces[27],[28]. En juillet 2023, le journaliste du quotidien Le Jour, Haman Mana et le préfet du Ngo-Ketunjia, Quetong Anderson Kongeh soutiennent l'affirmation selon laquelle le général No Pity avait été tué[29].

Notes et références modifier

  1. (en) « FM No Pity is officially ADF fighter », sur Bareta News, (consulté le )
  2. a b c d e et f « Cameroun : jusqu’où ira « No Pity », ennemi numéro 1 de Yaoundé ? – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  3. (en-US) « Amba Commander No Pity kills sub-lieutenant, 8 others in a Noun border post », sur Cameroon News Agency (consulté le )
  4. (en) « Ambazonia Revolutionary Guards step up action near Cross River border - NIGERIAPENNG », (consulté le )
  5. Christian Happi, « Crise anglophone : le frère du terroriste « No Pity » a déposé les armes », Actu Cameroun,‎ (lire en ligne  )
  6. a et b « Cameroon: Ambazonia General No Pity killed in restive North West region », sur Journal du Cameroun, (consulté le )
  7. a et b « Cameroon-Info.Net », sur www.cameroon-info.net (consulté le )
  8. (en) « Cameroon Anglophone Separatists Stage Attack, Release Disturbing Video », sur VOA (consulté le )
  9. (en) Billy Burton, « Cameroon: Death By a Thousand Cuts - Cameroon Struggles in Fight Against Separatists », sur allAfrica.com, (consulté le )
  10. (en-US) « General No Pity: “Our Big Rubbergun will not leave any La Republique soldier alone” – Cameroon Intelligence Report » (consulté le )
  11. a et b (en) « Cameroon’s Rival Separatist Groups Clash, Kill Fighters », sur VOA (consulté le )
  12. (en) « Anglophone crisis: About 15 soldiers perish in Amba ambush in Sabga - actualité du Cameroun - Agence Cameroun Presse », sur agencepressecamertest.com (consulté le )
  13. (en-US) « Southern Cameroons Crisis: “General No Pity” vows to continue fight against French Cameroun – Cameroon Intelligence Report » (consulté le )
  14. (en-US) « General No Pity reserves right to use all means to counter the Francophone dominated army – Cameroon Intelligence Report » (consulté le )
  15. Erel Djene, « Crise anglophone : un général ambazonien annonce une semaine sanglante à Manyu (Sud-Ouest) », sur Actu Cameroun, (consulté le )
  16. (en-US) « Case Against General No Pity’s Ex-Girlfriend, Antoinette Kongso Adjourned To Tomorrow », sur Mimi Mefo Info, (consulté le )
  17. a et b Marturin ATCHA, « Crise anglophone: la femme du général ambazonien "No Pity" libérée », sur Actu Cameroun, (consulté le )
  18. a b et c (en-US) « Anglophone Crisis: Self styled General Insobu, Amba Lord of Kikaikom dies », sur Mimi Mefo Info, (consulté le )
  19. (en-GB) « FM No Pity is officially ADF fighter », sur baretanews.com, (consulté le )
  20. a et b (en-US) « Insobu Dies: Why Infighting Keeps Taking Away Ambazonia Best Front Warriors », sur Cameroon News Agency (consulté le )
  21. « Journal de l'Afrique - Cameroun : cinq gendarmes tués par des rebelles séparatistes dans l'ouest du pays », sur France 24, (consulté le )
  22. « Cameroun : avec No Pity, la barbarie a un nouveau visage – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  23. (en-US) « Southern Cameroons Crisis: General No Pity escapes assassination – Cameroon Intelligence Report » (consulté le )
  24. (en-GB) « No Pity Planned attack in Oku Foiled », sur baretanews.com, (consulté le )
  25. Alain Nwaha, « Crise anglophone : annoncé mort, le général séparatiste « No Pity » refait surface », sur Actu Cameroun, (consulté le )
  26. « Breaking au Noso : Shina Rambo se livre à l'armée et confirme ce qui est arrivé à son frère No Pity », sur CamerounWeb, (consulté le )
  27. « Breaking au Noso : Shina Rambo se livre à l'armée et confirme ce qui est arrivé à son frère No Pity », sur CamerounWeb, (consulté le )
  28. (en) « As infighting over succession of late ‘No Pity’ rages: Dreaded Amba ‘General’, Shina Rambo, surrenders in Ngoketunjia », sur As infighting over succession of late ‘No Pity’ rages: Dreaded Amba ‘General’, Shina Rambo, surrenders in Ngoketunjia (consulté le )
  29. « 'No pity est dead': un préfet qui a vu son corps confirme son décès », sur CamerounWeb, (consulté le )

Lien externe modifier

  • Franck Foute, « Cameroun : avec No Pity, la barbarie a un nouveau visage », Jeune Afrique,‎ (lire en ligne  )