Fylax

genre éteint de dinosaures hadrosauroïdés

Fylax thyrakolasus

Fylax est un genre éteint de dinosaures hadrosauroïdés ayant vécu durant le Maastrichtien supérieur (Crétacé supérieur) en Espagne. Il n‘est connu que par un dentaire gauche presque complet (IPS-36338) collecté au début des années 1990 dans les strates de la Formation de Figuerola affleurant sur le flanc sud du synclinal d’Àger, près du village de Fontllonga dans le nord-est de l’Espagne (province de Lérida). Des études magnétostratigraphiques ont montré que cette mâchoire provenait d’un niveau géologique placé dans le magnétochron C29r, lequel correspond à la fin du Maastrichtien supérieur, il y a environ 67 à 66 millions d’années. L’espèce type et seule espèce connue, Fylax thyrakolasus, a été décrite et nommée en 2021 par Albert Prieto-Márquez et Miguel Ángel Carrera Farias. L‘analyse phylogénétique publiée par ces auteurs a identifié Fylax comme un hadrosauroïdé basal et a révélé une étroite parenté avec Tethyshadros. Daté du Maastrichtien terminal, Fylax est le plus jeune hadrosauroïdé non hadrosauridé connu à ce jour, et le troisième genre d’hadrosauroïdé basal découvert dans le Crétacé supérieur d’Europe après Telmatosaurus et Tethyshadros. Il vivait dans ce qui était à l’époque l'île Ibéro-Armoricaine, une terre émergée qui comprenait une grande partie de la France et de l’Espagne actuelle. Sa découverte montre que durant le Maastrichtien supérieur des hadrosauroïdés basaux cohabitaient sur cette île avec des formes plus dérivés, les hadrosauridés lambéosaurinés (tels Arenysaurus, Blasisaurus, Canardia, et Pararhabdodon)[1].

Étymologie modifier

Les noms de genre et d’espèce viennent du Grec fýlax, « gardien », thýra, « porte » ou « portail » et kólasi, « enfer ». Le nom de l’animal, signifiant « gardien des portes de l’enfer », fait référence à l’extrême proximité temporelle de ce taxon avec l’événement d’extinction Crétacé-Paléogène[1]

Description modifier

Fylax n’est connu que par un dentaire gauche presque complet dont il manque la région symphysaire. La partie préservée mesure 27,6 cm de longueur et 18 cm de hauteur du bord dorsal du processus coronoïde au bord ventral du dentaire, perpendiculaire à la batterie dentaire. Le dentaire montre antérieurement une légère inflexion vers le bas, mais la région symphysaire n’étant pas conservée, il n’est pas certain que l’extrémité du dentaire ait été davantage courbée ventralement. La batterie dentaire contient 29 positions alvéolaires, dont 17 ont conservées leurs dents. Il y a jusqu’à trois dents de remplacement par sillon alvéolaire au point le plus profond de la batterie dentaire. La surface occlusale présente au maximum deux dents fonctionnelles, contrairement aux trois dents présentes chez les hadrosauridés. Contrairement également aux hadrosauridés, mais comme chez certains hadrosauroïdés anciens comme Sirindhorna et Penelopognathus, la batterie dentaire se termine en avant du bord postérieur du processus coronoïde[1].

Le dentaire de Fylax présente une combinaison unique de caractères incluant une région dorsale du processus coronoïde qui est au moins aussi large antéropostérieurement que 30% de la longueur de la batterie dentaire (un caractère également apparu chez Parasaurolophus tubicen par convergence évolutive), un processus coronoïde incliné antérieurement de moins de 80º par rapport au bord alvéolaire du dentaire, l’absence d‘une crête sur la surface postéro-médiale du processus coronoïde, une surface occlusale de la batterie dentaire plate et fortement inclinée (à moins de 45° avec le processus coronoïde), et des couronnes dentaires 2,8 à 3,3 fois plus hautes que larges, sans denticules marginaux et avec deux longues crêtes principales sur la surface linguale émaillée[1].

Classification modifier

Les premières analyses phylogénétiques concernant Fylax (alors surnommé l’hadrosaure de Fontllonga) l’ont successivement récupéré comme un hadrosauridé basal dépourvu des caractères identifiant les hadrosaurinés et les lambéosaurinés[2], ou un hadrosauroïdé basal toutefois plus dérivé que le genre Telmatosaurus de Roumanie[3]. L’analyse conduite par Prieto-Márquez et Carrera Farias identifie également Fylax comme un hadrosauroïdé non hadrosauridé. Cependant, ces auteurs ont déterminé qu’au sein des hadrosauroïdés basaux, Fylax occupe une position dérivée et forme un clade avec son groupe frère Tethyshadros du Campanien supérieur – Maastrichtien inférieur d’Italie[1].

Ci-dessous une version simplifiée du cladogramme publié par Prieto-Márquez & Carrera Farias[1] :

Hadrosauromorpha


Jeyawati




Eolambia



Protohadros






Tanius




Bactrosaurus




Gilmoreosaurus





Lophorhothon




Penelopognathus



Telmatosaurus






Claosaurus





Fylax



Tethyshadros





Plesiohadros




Eotrachodon



Hadrosauridae











Paléobiogéographie modifier

Selon Prieto-Márquez et Carrera Farias, la relation de parenté étroite entre Fylax thyrakolasus et Tethyshadros insularis indique l’existence d’un clade d’hadrosauroïdés basaux répandu dans l’archipel européen du Crétacé supérieur, de la fin du Campanien jusqu’au Maastrichtien terminal. La scission entre ces deux espèces aurait eu lieu au plus tard à la fin du Campanien. Selon Prieto-Márquez & Carrera Farias, l’origine géographique de ce clade était soit la masse continentale Pyrénéo-Provençale (destinée à devenir la partie nord de l'île Ibéro-Armoricaine au Maastrichtien) ou la plate-forme carbonatée Adriatique-Dinarique d’où provient Tethyshadros. Dans le premier scénario, Fylax serait devenu le dernier ou l’un des derniers survivants de ce clade dans l'île Ibéro-Armoricaine ; dans le second scénario, les ancêtres de Fylax se seraient dispersées de la plate-forme carbonatée Adriatique-Dinarique vers la masse continentale Pyrénéo-Provençale au plus tard à la fin du Campanien ou au début du Maastrichtien. Un scénario moins probable, mais toujours possible, est que la zone ancestrale de ce clade aurait été située en Appalachia, suggérant un événement de dispersion de cette masse continentale vers l’archipel Européen au plus tard à la fin du Campanien. En effet, l’étude de Prieto-Márquez et Carrera Farias suggère que le clade Fylax-Tethyshadros aurait des racines appalachiennes. Cette étude soutient une origine asiatique pour les hadrosauroïdés et leur dispersion ultérieure en Appalachia, d’où sont probablement originaires les Hadrosauridae. Dans ce scénario, l’archipel Européen du Crétacé supérieur aurait pu faciliter la dispersion des hadrosauroïdés non hadrosauridés de l’Asie vers l’Appalachia[1].

L’assemblage d’hadrosauroïdés du Maastrichtien supérieur de l’île Ibéro-Armoricaine est très différent de ceux connus dans les strates contemporaines d’Amérique du Nord et d’Asie, dominées par les hadrosaurinés dans l’ouest de l’Amérique du Nord et par les lambéosaurinés dans l’est de l’Asie (Chine et Extrême-Orient russe). En revanche, les faunes Ibéro-Armoricaines (et celles de l’ensemble de l’Europe) sont constituées à la fois de formes dérivées et basales. Le caractère primitif de certains hadrosauroïdés européens pourrait s’expliquer par l’isolement géographique de groupes reliques sur l’archipel Européen du Crétacé supérieur. Ainsi, Telmatosaurus sur l’île d’Haţeg, Tethyshadros sur l’île Adriatique-Dinarique, et Fylax sur l’île Ibéro-Armoricaine, sont les derniers représentants de lignées ayant divergées avant la scission entre hadrosaurinés et lambéosaurinés. La présence de formes plus dérivées sur l’île Ibéro-Armoricaine (les lambéosaurinés Arenysaurus, Blasisaurus, Canardia, et Pararhabdodon) est probablement le résultat d’une dispersion tardive en provenance d’Asie et /ou d’Amérique du Nord[3],[4],[5].

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Notes et références modifier

Notes modifier

Références modifier

  1. a b c d e f et g Albert Prieto-Marquez et Miguel Carrera Farias, « The late-surviving early diverging Ibero-Armorican ‘duck-billed’ dinosaur Fylax and the role of the Late Cretaceous European Archipelago in hadrosauroid biogeography », Acta Palaeontologica Polonica, vol. 66,‎ (ISSN 0567-7920, DOI 10.4202/app.00821.2020, lire en ligne, consulté le )
  2. (en) M.L. Casanovas, X. Pereda Suberbiola, J.V. Santafé et D.B. Weishampel, « A primitive euhadrosaurian dinosaur from the uppermost Cretaceous of the Ager syncline (southern Pyrenees, Catalonia) », Geologie en Mijnbouw, vol. 78, no 3,‎ , p. 345–356 (ISSN 1573-9708, DOI 10.1023/A:1003859501941, lire en ligne, consulté le )
  3. a et b (en) X. Pereda Suberbiola, J.I. Canudo, J. Company, P. Cruzado-Caballero et I. Ruiz-Omeñaca, « Hadrosauroid dinosaurs from the latest Cretaceous of the Iberian Peninsula », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 29(3),‎ , p. 946-951 (DOI 10.1671/039.029.0317)
  4. (en) A. Prieto-Marquez, F.M. Dalla Vecchia, R. Gaete et A. Galobart, « Diversity, relationships, and biogeography of the lambeosaurine dinosaurs from the European Archipelago, with description of the new aralosaurin Canardia garonnensis », PLOS ONE, vol. 8(7),‎ , e69835 (PMID 23922815, PMCID 3724916, DOI 10.1371/journal.pone.0069835)
  5. (en) P. Cruzado-Caballero, J.I. Canudo, M. Moreno-Azanza et J.I. Ruiz-Omeñaca, « New material and phylogenetic position of Arenysaurus ardevoli, a lambeosaurine dinosaur from the Late Maastrichtian of Arén (Northern Spain) », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 33(6),‎ , p. 1367-1384 (DOI 10.1080/02724634.2013.772061)