François Molins

magistrat français
François Molins
François Molins en février 2018.
Fonctions
Procureur général près la Cour de cassation
-
Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris
-
Directeur de cabinet du ministre de la Justice
-
Édouard Crépey (d)
Biographie
Naissance
Nom de naissance
François Gérard MolinsVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activité
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Distinctions
signature de François Molins
Signature

François Molins, né le à Banyuls-dels-Aspres (Pyrénées-Orientales)[1], est un magistrat français.

Actuellement professeur associé à l’ICES, il a occupé les fonctions de procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris de 2011 à 2018, puis de procureur général près la Cour de cassation de 2018 à 2023. Il se fait connaître du grand public à l'occasion de la vague d'attentats terroristes islamistes qui touchent la France à partir de 2012.

Biographie et carrière modifier

François Molins est né et a grandi à Banyuls-dels-Aspres dans les Pyrénées-Orientales[2]. Licencié en droit de l'université de Perpignan[3], il réussit le concours de l’École nationale de la magistrature en 1976 et achève ses études en janvier 1979.

Il a mené l’essentiel de sa carrière au parquet :

En , il est nommé avocat général près la Cour de cassation pour exercer les fonctions de procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris[11].

Les syndicats de magistrats jugèrent « malsain » qu’un directeur de cabinet du garde des Sceaux devînt procureur de Paris, premier tribunal de France, estimant que ses décisions seraient entachées de suspicion (risques de conflits d’intérêts)[12]. Cette discussion est brièvement évoquée lors du débat du second tour de l'élection présidentielle de 2012[13]. Plusieurs précédents avaient déjà eu lieu quelques années auparavant, concernant Jean-François Burgelin, Laurent Le Mesle, Yves Bot et Vincent Lamanda, qui tous avaient fait partie de cabinets ministériels avant d’occuper d'importants postes au sein de la magistrature.

Par décret du , il est nommé procureur général près la Cour de cassation[14], conformément à la loi organique du . C’est la première fois qu’un procureur général près la Cour de cassation n’est pas nommé directement en conseil des ministres[15].

À partir de la rentrée universitaire 2024, il est professeur associé à l’ICES[16].

Procureur de la République de Paris modifier

Sa nomination a été un temps suspectée de partialité par la gauche. Il a ouvert une instruction sur le ministre socialiste Jérôme Cahuzac, mais s'est montré également déterminé à faire avancer les investigations sur le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy autour de l'affaire Bygmalion, ce qui lui permet d'obtenir la reconnaissance de son professionnalisme[17]. En 2013, sous la présidence de François Hollande, son périmètre de compétences est amputé de certaines affaires politico-financières, désormais prises en charge par le nouveau parquet national financier.

Le tribunal de grande instance de Paris ayant une compétence nationale sur les affaires de terrorisme, François Molins a été chargé des attaques majeures survenues en France : notamment en mars 2012, les tueries perpétrées par Mohammed Merah à Toulouse et Montauban, la tuerie à Charlie Hebdo, les attentats du 13 novembre 2015, l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, l'attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray et l'attentat du 20 avril 2017 sur l'avenue des Champs-Élysées. Qualifié par la presse de « super-proc » et par ses anciens collègues de « grand procureur » ou de « grand professionnel », il apparaît comme l'une des figures les plus reconnues de l'institution judiciaire française[18],[19], [20]. Il est également chargé de l'enquête sur les tentatives d'attentats prévus le par la cellule terroriste de Strasbourg et Marseille[21].

En septembre 2016, il juge que l'idée lancée par certaines personnalités politiques de placer en rétention les individus fichés « S » par les services de renseignement n'est pas envisageable « Il ne peut y avoir de détention préventive en dehors d'une procédure pénale. C'est le socle de l'État de droit. On ne peut pas détenir quelqu'un avant qu'il ait commis une infraction »[22].

Il s'oppose également en septembre 2016 au projet d'un parquet national antiterroriste, soulignant « le fait que la section antiterroriste soit nichée au sein du parquet de Paris vous donne une force, une mutualisation extraordinaire, parce que ça nous permet de faire face à ce que vous me permettrez de qualifier de « coup de chauffe » ou de « coup de bourre » quand vous avez un attentat terroriste[23] », avant de s'y déclarer favorable fin 2017 [24].

François Molins est entendu en octobre 2022 dans le cadre du procès de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, à la demande de l'association « Promenade des Anges ». En effet, le prélèvement d'organes qui a eu lieu à la suite du décès des victimes est vu d'un mauvais œil par des familles qui n'en ont pas été informées. François Molins déclare que « les légistes niçois ont voulu bien faire », mais que « si c'était à refaire, il n'y aurait eu aucun prélèvement ». Il insiste également sur le fait que ce protocole ne s'appliquerait pas à Paris[25].

Procureur général près de la Cour de cassation modifier

François Molins est nommé procureur général près de la Cour de cassation en octobre 2018[26]. À ce titre, il copréside le Conseil supérieur de la magistrature et représente le ministère public à la Cour de justice de la République.

En 2020, il se prononce en faveur de l’indépendance des magistrats du parquet[27]. Avec Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, il propose l’organisation des États généraux de la justice[28].

En septembre 2020, il signe une tribune dans Le Monde aux côtés de Chantal Arens dans laquelle il alerte sur un possible conflit d’intérêts après que le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, « autorité de décision des sanctions disciplinaires à l’égard des membres du parquet après avis du Conseil supérieur de la magistrature, a saisi l’Inspection générale de la justice d’une enquête administrative contre trois magistrats du parquet national financier (PNF) chargés d’une procédure qui l’avait concerné »[29]. À la suite de plaintes des principaux syndicats de magistrats et d’Anticor allant dans le même sens, Francois Molins, en tant que représentant du ministère public devant la Cour de justice de la République, ouvre le 13 janvier 2021 une information judiciaire contre Éric Dupond-Moretti pour prise illégale d’intérêt.

Il prend sa retraite en juin 2023[30]. Il fait à cette occasion la couverture de Libération[31] et Le Figaro le qualifie de « héraut de la justice moderne »[32]. La même année, les auditeurs de Justice de l’École nationale de la magistrature le choisissent comme nom et parrain de promotion.

Controverses modifier

Implication dans l'enquête contre le ministre de la Justice modifier

Le rôle de François Molins est au cœur du procès d’Eric Dupond-Moretti pour prise illégale d'intérêt dont il fut relaxé après 3 ans de procédure le 29 novembre 2023.

Alors qu’il était reproché au garde des Sceaux d’avoir diligenté pour se venger des enquêtes administratives contre 3 magistrats du parquet national financier avec lesquels il avait eu des différends lorsqu’il était avocat, au cours de l’instruction, la défense du garde des Sceaux a révélé que François Molins avait été consulté par le cabinet du ministre de la Justice avant que les enquêtes ne soient ouvertes.

En effet, après qu’Eric Dupond-Moretti a reçu le 15 septembre 2020 de l’Inspection générale de la Justice le rapport de fonctionnement sur le PNF commandé par sa prédécesseur Nicole Belloubet, afin de définir les suites à lui donner, sa directrice de cabinet Véronique Malbec l’avait fait instruire par les services du ministère compétents mais avait également sollicité l’avis de François Molins.

François Molins avait alors indiqué au Cabinet du ministre qu’il fallait ouvrir des enquêtes administratives.

Le 18 septembre 2020, la Chancellerie communiquait donc sur l’ouverture de 3 enquêtes administratives après l’avis conforme du bureau de la déontologie de la direction des services judiciaires du ministère et l’avis identique de François Molins.

Le 29 septembre 2020 pourtant, François Molins signait une tribune avec Chantal Arens dans Le Monde pour affirmer qu’il « est de la responsabilité du garde des Sceaux, garant de l’indépendance des magistrats … de veiller à préserver l’institution judiciaire de toute forme de déstabilisation » pour dénoncer l’ouverture de ces mêmes enquêtes administratives. Une position totalement inverse à ce qu’il avait lui-même conseillé 10 jours auparavant.

C’est à la suite de cette tribune que les syndicats de magistrats et Anticor déposent une série de plaintes et de signalements auprès de la Cour de Justice de République et c’est le même Procureur général près la Cour de cassation François Molins qui ouvre le 13 janvier 2021 une information judiciaire pour prise illégale d’intérêt contre Éric Dupond-Moretti.

Après avoir systématiquement refusé d’être entendu à la demande de La Défense du ministre lors de l’information judiciaire alors qu’il était considéré comme le principal témoin à décharge, Francois Molins finit par témoigner devant la formation de jugement de la Cour de Justice de la république le 9 novembre 2023. À cette occasion, non seulement il confirme avoir bien dit à Véronique Malbec qu’il fallait selon lui ouvrir des enquêtes administratives mais en plus il révèle l’existence d’un mail, caché durant toute l’instruction, qu’il aurait envoyé le soir même de son appel avec Véronique Malbec, à Jean-Paul Sudre, collègue à la cour de cassation pour lui demander également son avis. En réponse à son mail, Jean-Paul Sudre lui avait également indiqué que l’enquête administrative s’imposait.

Plusieurs commentateurs ont dénoncé le conflit d’intérêts du procureur général Molins, à la fois autorité de poursuite devant la cour de justice de la République, en charge de l’accusation, mais également témoin à décharge dans la procédure, alors même qu’il a déjà pris des positions différentes publiquement et en privé.

Cette affaire contre Éric Dupond-Moretti longue de près de trois ans et qui s’est conclue par sa relaxe fait de François Molins l’homme par qui tout a commencé aux yeux de nombreux commentateurs.

Emploi fictif modifier

À la suite d'une action des syndicats de magistrats, le le Conseil d'État a annulé le décret du qui nommait François Molins avocat général près la Cour de cassation. En effet, à son arrivée au poste de directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie, il s’était fait en parallèle nommer pour ordre avocat général à la cour de Cassation, ce qui lui offrait un complément de salaire et des avantages pour la retraite. Le Conseil d'État a considéré qu'il s'agissait d'un emploi fictif. C'est en 2017 que François Molins a remboursé la somme de 15 720,83 euros indûment perçue[33],[34].

Décorations modifier

Ouvrage modifier

  • Le secours en montagne : présentation et aspects juridiques, Bordeaux, Association d'études et de recherches de l'École nationale de la magistrature, coll. « Les documents pratiques de l'ENM », 1997, 43 p. (ISBN 2-904825-94-0)[42],[43]
  • Au nom du peuple français, Flammarion, collection Documents, 2024, 368 p. (ISBN 2081497735).

Notes et références modifier

  1. Sur Les-biographies.com.
  2. (ca) Aleix Renyé, « François Molins, un català de Banyuls », El Punt Avui,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. « Université de Perpignan – Cérémonie de remise des diplômes de Doctorat 2017 », sur madeinperpignan.com, .
  4. Décret du 26 juin 1991 portant nomination (magistrature)
  5. Décret du 31 octobre 1996 portant nomination de magistrats
  6. Décret du 31 juillet 2000 portant nomination de magistrats
  7. Décrets du 21 décembre 2001 portant détachement (magistrature)
  8. Décret du 4 novembre 2004 portant nomination (magistrature)
  9. Arrêté du 26 juin 2009 portant nomination au cabinet de la ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés
  10. Arrêté du 16 novembre 2010 portant nomination au cabinet du garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés
  11. Décret du 22 novembre 2011 portant nomination (magistrature) - M. MOLINS (François)
  12. « François Molins officiellement nommé procureur de la République de Paris », Le Point, .
  13. François Hollande : « Et vous avez fait nommer procureur de la République de Paris le directeur de cabinet du garde des sceaux, ça ne s'était jamais fait […] Ce n'est pas l'homme que je mets en cause, c'est celui qui l'a nommé ». Nicolas Sarkozy : « le CSM a donné son accord pour cet homme d'une intégrité absolument remarquable » « Compte-rendu intégral du débat : nucléaire, institutions, politique étrangère (partie 5) », sur lemonde.fr, .
  14. Décret du 26 octobre 2018 portant nomination (magistrature) - M. MOLINS (François) JORF n°0249 du 27 octobre 2018 texte n° 23 NOR: JUSB1823559D
  15. Le Monde.fr avec AFP, « La chancellerie propose François Molins au poste de procureur général près la Cour de cassation », Le Monde,‎
  16. https://www.ouest-france.fr/education/etudiant/universites/le-magistrat-francois-molins-rejoint-linstitut-catholique-de-vendee-a-la-tete-dune-chaire-eponyme-15ab2142-bec8-11ee-8a7d-fa3ec2db0626
  17. Aude Barléty, « François Molins, le procureur qui maintient à flot le navire parisien face aux attentats », lefigaro.fr, (consulté le ).
  18. « Attentats à Paris François Molins, procureur au cœur de l'horreur », sur 20minutes.fr, (consulté le ).
  19. « L’heure François Molins », Le Monde, 25 novembre 2015.
  20. «Le Procureur de Paris, François Molins, tiendra une conférence de presse à 17h00», "nouvelobs",15 juillet 2016.
  21. « François Molins: "Les suspects de Strasbourg et Marseille téléguidés par l'EI" », rtbf.be, (consulté le ).
  22. « Emprisonner les fichés « S » : François Molins recadre sévèrement les candidats de droite », lesechos.fr, (consulté le ).
  23. « Trois questions sur la création d'un parquet national antiterroriste », europe1.fr, (consulté le ).
  24. Pascal Ceaux, « Parquet antiterroriste : pourquoi François Molins a changé d'avis », lejdd.fr, (consulté le ).
  25. « "Si c'était à refaire, il n'y en aurait pas eu": François Molins s'explique sur les prélèvements d'organes des victimes de l'attentat de Nice », sur BFMTV (consulté le ).
  26. Décret du 26 octobre 2018 portant nomination (magistrature) - M. MOLINS (François)
  27. « François Molins et Jean-Louis Nadal : « Il est urgent de garantir l’indépendance statutaire des magistrats du parquet » », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  28. Jean-Baptiste Jacquin, « Des Etats généraux de la justice pour répondre à la « désespérance collective » des magistrats », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  29. « Chantal Arens et François Molins : « Les magistrats sont inquiets de la situation dans laquelle se trouve l’institution judiciaire » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  30. Décret du 27 février 2023 portant admission à la retraite et maintien en fonction (magistrature) - M. MOLINS (François)
  31. Libération du 20 mai 2023
  32. Paule Gonzalès, « François Molins, ce héraut de la justice moderne », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  33. Aziz Zemouri, « Quand le Syndicat de la magistrature attaquait François Molins », Le Point,‎ (lire en ligne)
  34. « Conseil d'État, Section du Contentieux, 18/01/2013, 354218, Publié au recueil Lebon », sur legifrance.gouv.fr, .
  35. Décret du 11 juillet 2014 portant promotion et nomination
  36. Décret du 17 avril 2003 portant promotion et nomination
  37. « Décret du 19 mai 2018 portant promotion et nomination », Journal officiel de la République française, no 115,‎ (ISSN 0373-0425, lire en ligne).
  38. Décret du 3 décembre 1994 portant promotion et nomination
  39. Décret du 7 mai 2007 portant promotion et nomination
  40. https://www.affiches-parisiennes.com/rentree-du-tgi-a-quelque-80-jours-du-big-bang-7712.html
  41. « Décoration du Procureur de Paris, François Molins », sur Ambassade de France en Espagne / Embajada de Francia en España (consulté le ).
  42. Sur Lecteurs.com
  43. BNF 37172934

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier