Fourchette

couvert de table ou ustensile de cuisine doté de dents pour manipuler les aliments
Fourchette
Type
Caractéristiques
Composé de
Manche (d), dent (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Utilisation
Usage

La fourchette est un couvert de table ou un ustensile de cuisine permettant d'attraper les aliments, sans les toucher directement avec les doigts.

Elle est constituée de deux à quatre extrémités pointues, pour saisir ou ramasser la nourriture, et d'un manche pour être tenue aisément. Elle est faite d'une seule pièce ou sertie dans le manche. Elle peut être en métal, en bois, en plastique, en corne ou dans d'autres matériaux, et parfois jetable.

Historique modifier

 
Fourchettes retrouvées à Suse, bronze moulé, VIIIe – IXe siècles, musée du Louvre.

La fourchette est une petite fourche. De longues fourchettes pour saisir les aliments existent dans la Rome antique[1]. Les fourchettes actuelles sont apparues dans l'Empire byzantin, et étaient encore considérées au milieu du XIe siècle comme un raffinement extrême par l'ecclésiastique Pierre Damien[2].

En Italie, elles servent à l'origine exclusivement à la consommation des pâtes ou à la découpe de viande par l'écuyer tranchant. Elles existent sur la table médiévale mais elles sont peu utilisées, les personnes prenant les aliments avec les doigts puis, progressivement, avec la pointe du couteau. Elles sont synonymes de luxe car leur manche peut être richement décoré d’ivoire ou de cristal. À la Renaissance, elles servent uniquement pour saisir les viandes dans les plats, le paysan aussi bien que le noble mangeant avec les doigts, dans son écuelle ou sur son tranchoir. Elles se répandent dans le reste de l'Europe à l'époque moderne.

Cependant, son usage est limité : en France, elle apparaît à la cour en 1574 (fourchette à deux dents dans les inventaires royaux)[3], elle n'est utilisée au départ que pour consommer des poires cuites. D'après des historiens, Catherine de Médicis et Henri III auraient introduit la fourchette, déjà à la mode en Italie, à la cour royale française[4] ; on dispose pourtant de traces historiques prouvant son utilisation antérieure en France : traces écrites depuis le début du XIVe siècle, archéologiques depuis le XVe siècle[5]. L'usage régulier de la fourchette ne se répandra que lentement. Il s'agit plus d'une marque d’excentricité, car elle sert à piquer dans le plat le morceau porté ensuite à sa bouche avec ses doigts, l'usage des doigts semblant privilégié et par crainte de blessures avec les dents de la fourchette. Ainsi, Henri III sera le premier roi de France à en adopter l'usage, à titre personnel, à la suite d'un voyage à Venise où il en observe le maniement.

Le port de la fraise à cette époque va mettre en évidence l'avantage de la fourchette pour porter les aliments à la bouche et ne pas tacher ce col. La fourchette à trois dents sera de mode à la cour des Valois[6]. Si, à la table du roi de France Louis XIV, au XVIIe siècle, chaque personne avait une fourchette à la gauche de son assiette, on ne l'utilisait pas, car le roi préférait manger avec les doigts qu'il posait sur une serviette humide entre chaque plat. Enfin, le clergé y voyait jusqu'au XVIIIe siècle[7] l'« instrument du diable[8] », incitant au péché de gourmandise, sa diffusion ne commençant véritablement que dans le siècle des Lumières[4].

Matériaux modifier

Usages et coutumes modifier

Lorsque l'on prépare une table pour un repas, en France on place habituellement la fourchette pointes vers le bas. Cette habitude vient de l'époque de la Renaissance, lorsque l'usage de la fourchette est apparu. En effet, les personnes riches et de la haute société faisaient graver leurs armoiries sur le dos du manche de la fourchette. Pour que celles-ci fussent visibles par tous les convives, on mettait donc les fourchettes pointes vers le bas.

En Angleterre, la fourchette est placée dans le sens opposé, c'est-à-dire les pointes vers le haut. Par conséquent, les armoiries anglaises étaient gravées sur la face du manche de la fourchette. On trouve cette habitude également dans certaines familles françaises, notamment dans le Bordelais.

Notons que l'on place la fourchette à gauche de l'assiette, le couteau (le tranchant vers l'assiette) et la cuillère (face retournée également) à droite.

Types de fourchettes modifier

 
Fourchette à gâteau.

Évocation dans la littérature modifier

  • Dans son roman Le Nom de la rose, Umberto Eco décrit l'usage de la fourchette comme symbole de la puissance de l'Abbé qui accueille le narrateur et son maître[10] :

« Je remarquai que, chose plutôt rare, il disposait aussi d'une fourchette de métal qui dans sa forme me rappelait les verres de mon maître : homme de haut lignage, notre hôte ne voulait pas se souiller les mains avec la nourriture, et même il nous offrit son instrument, au moins pour prendre les viandes du grand plat et les déposer dans nos écuelles. Moi je refusai, mais je vis que Guillaume accepta de bon gré et se servit avec désinvolture de cet ustensile de grands seigneurs, peut-être pour infirmer devant l'Abbé que les franciscains fussent des personnes de peu d'éducation et d'extraction très basse. »

Notes et références modifier

  1. Denise Galloy et Franz Hayt, Le Monde romain, De Boeck, , p. 39.
  2. Judith Herrin, Byzantium: The Surprising Life of a Medieval Empire, Princeton University, , 416 p. (ISBN 978-0691143699), p. 203.
  3. Almanach des Français, Traditions et variations, 1994, p. 49.
  4. a et b Élisabeth Latrémolière, exposition « Festins de la Renaissance », du 7 juillet au 21 octobre 2012, château royal de Blois.
  5. « L'étonnante histoire de la fourchette », sur www.news.uliege.be, (consulté le ).
  6. Michèle Barrière, « La fourchette », dans Historia, novembre 2011, p. 14.
  7. Siècle durant lequel son usage reste encore prohibé dans les couvents.
  8. Marc Lefrançois, Dans l'intimité des Rois et Reines de France, City Edition, , p. 87.
  9. Ministère de la Culture, Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, Principes d'analyse scientifique, Objets civils domestiques, Vocabulaire, Imprimerie nationale, Paris, 1984.
  10. Umberto Eco (trad. de l'italien par Jean-Noël Schifano), Le Nom de la rose, , Premier jour, « Complies ».

Voir aussi modifier

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Articles connexes modifier

Liens externes modifier