Forêt de protection

forêt qui protège des catastrophes naturelles
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Une forêt de protection, une forêt protectrice, est une forêt identifiée comme préservant soit la sécurité de riverains contre certains risques naturels, soit la santé et la qualité de vie d'habitants de zones urbanisées, soit des écosystèmes particulièrement sensibles qu'elle héberge. Cette reconnaissance est actée selon une réglementation appropriée ou un contrat adapté, afin de la protéger, de la gérer ou de la restaurer en garantissant son objectif de protection. Elle peut être publique (domaniale ou communale) ou privée.

Les boisements de pentes, s'ils sont judicieusement positionnés, protègent, le plus souvent efficacement, les vallées habitées de l'avalanche, des chutes de pierres et coulées de boue.

Dans le monde modifier

 
En montagne, les feuillus à troncs multiples, ou cépées, sont plus efficaces pour retenir les blocs qui se détachent du sommet[1] (ici, dans la forêt domaniale du Boutat, Isère).

Elles sont protégées contractuellement ou de manière obligatoire (avec expropriation le cas échéant) pour assurer le maintien des sols contre l’érosion, les avalanches, coulées de boue, le risque d'incendie, mais aussi pour retenir les chutes de blocs[2]etc. notamment sur les montagnes et sur les pentes, participant en hiver à la défense contre les avalanches et à l'infiltration de l'eau dans les nappes au profit d'une régulation des débits et volumes de crue en aval. En effet, un boisement diversifié (en termes d'essences et de classes d'âges) offre la meilleure protection du sol grâce au tissu racinaire qui stabilise les substrats vulnérables à l'érosion. Il permet aussi une meilleure résilience écologique.

Dans certains pays, des boisements de petites tailles peuvent être plantés et/ou protégés pour contribuer à la dépollution des eaux de surface et à la protection des nappes et champs captants fournissant l’eau potable. Le boisement pérenne y garantit l'absence de construction, d'activités très polluantes et d'agriculture (cf. risques chimiques liés aux intrants tels qu'engrais et pesticides, et risque microbien lié aux excréments et lisiers animaux).

Ces forêts ont une importance particulière dans les pays où le relief est marqué et où le risque sismique est élevé, au Japon par exemple, où Akira Miyawaki a développé de nouvelles techniques de restauration de forêts (qui ont contribué à créer ou améliorer 1 400 forêts de protection dans ce pays)[réf. souhaitée].

Ces forêts peuvent être gérées comme des réserves naturelles intégrales ou exploitées avec précaution, sur autorisation, avec des cahiers des charges garantissant une minimisation des impacts négatifs de la gestion sur l'environnement.

Dans les montagnes européennes, « si l’augmentation de la température de 2 à °C se confirme dans les prochaines décennies, la montée en altitude des feuillus rendra les forêts plus efficaces contre les chutes de pierres et celle des résineux diminuera le risque d’avalanche »[3]. Ces résultats sont issus de travaux menés par Irstea, dont des essais en grandeur réel réalisés sur le site expérimental de Vaujany[4] dans l'Isère ou des simulations à l'aide d'outils numériques, comme RockforNET[5] ou Rockyfor3D[6], tous deux en accès libre sur le site de la fondation ecorisQ (une association internationale qui regroupe des professionnels de la gestion des risques naturels[7]).

Forêts périurbaines de protection modifier

Dans certains pays, dont la France, la loi permet le classement (quel que soit le propriétaire) de ceintures vertes ou de forêts périurbaines en périphérie des grandes agglomérations, et dans toute zone où leur maintien s'impose pour des raisons écologiques ou pour le bien-être de la population[8]. Elles sont souvent multifonctionnelles dans leurs objectifs. Cette dernière possibilité a été utilisée notamment en Île-de-France, pour les massifs de Fontainebleau, Rambouillet, Sénart, Fausses-Reposes et Saint-Germain-en-Laye.

En France modifier

Cette notion semble être préfigurée par une loi de 1859[9] votée alors que d'une part la disponibilité croissante du charbon atténue la pression sur les forêts, mais que d'autre part on prend conscience que les déboisements ont de graves conséquences sur le cycle de l'eau et en matière d'érosion et de microclimats ; le législateur y autorise le défrichement en coupes de plus de 10 hectares après déclaration préalable à l'autorité compétente et en inventant au passage ou préfigurant la notion de forêt de protection. Il précise que l'administration peut s'opposer au défrichement si la conservation du boisement est reconnue nécessaire[10] :

  1. « Au maintien des terres, sur les montagnes ou sur les pentes » ;
  2. « À la défense du sol, contre les envahissements des fleuves, rivières ou torrents » ;
  3. « À l'existence des sources et cours d'eau » ;
  4. « À la protection des dunes, et des côtes, contre les érosions de la mer et l'envahissement des sables » ;
  5. « À la défense du territoire, dans la partie de la zone frontière, qui sera déterminée par un règlement » ;
  6. « À la salubrité publique ».
...autant de motifs dont l'importance ne sera jamais contestée, mais qui, faute de définition juridique précise s'avéreront difficiles à déterminer. Il n'y a pas de classement, l'administration doit faire valoir ses arguments au cas par cas, pour les milliers de dossiers de demande d'autorisation, ce qu'elle ne peut faire correctement faute de moyens.

Plus tard, la « forêt de protection » désignera un statut défini dans le code forestier français, aux articles L. 141-1[11] et R. 141-1[12] et suivants. Il s'agit de la protection foncière la plus stricte applicable aux forêts en France, avec un classement à l'échelle de la parcelle cadastrale validé par le Conseil d'État.

La première possibilité de classer des boisements en forêts de protection date de la loi du 28 avril 1922, pour protéger les sols contre l'érosion, les avalanches et l’envahissement des eaux (la liste des objectifs s'est étendue depuis cette date, en particulier le Code forestier a été modifié en 1976 pour inclure le motif de protection des écosystèmes (ce motif a été utilisé en 1982 pour classer les 80 ha relictuels du bois Dardennes[13] à Ducey, restes d'une ancienne forêt alluviale de la Manche qui, selon la tradition locale, aurait été la forêt de Scissy submergée par un raz-de-marée au VIIIe siècle).

C’est le préfet ou l'État qui initie le classement en forêt de protection.

Si le boisement à classer s'étend sur plusieurs départements, le ministre de l'Agriculture confie la gestion de la procédure à l'un des préfets.

Vers 2007, 114 500 ha étaient classés au titre de la forêt de protection. En 2011, 150 400 hectares en métropole (0,9 % de la surface forestière) sont classés en forêt de protection en France, dans 34 départements, en zones de montagne, littorales, périurbaines et en zones alluviales inondables rhénanes[14]. Les départements de France comptant le plus de superficie en forêts de protection sont la Seine-et-Marne avec 28 000 ha et les Yvelines avec 25 000 ha (forêts périurbaines pour ces 2 départements), puis vient l'Ariège avec 12 500 ha concernés (risques naturels de glissement des terres, avalanches et éboulements)[15].

Types de forêts concernées modifier

Tous les types de forêt peuvent être concernés : primaires ou secondaires, anciennes ou récemment reconstituées, publiques et relevant du régime forestier, ou privées. Dans ce dernier cas, le propriétaire peut faire approuver par le préfet un règlement d'exploitation pris sur avis du directeur départemental de l'Agriculture, en tenant compte des motifs qui ont entraîné le classement, et auprès duquel il doit déposer des demandes ponctuelles d'autorisations spéciales de coupes. La diminution du revenu normal d’un propriétaire peut faire valoir indemnisation par l'État. Le propriétaire peut aussi exiger l'acquisition (qui se fait de gré à gré, ou au prix des domaines par voie d'expropriation) des bois classés s'il prouve que le classement l'a privé d’au moins la moitié du revenu normal qu'il retirait de sa forêt.

 
Arbre déformé par l'action du vent de la forêt de protection de la Mallouyere à Mimizan, dans le département français des Landes.

Selon leurs fonctions prioritaires et position géographique, on les classe en :

forêt de montagne
classées pour leur fonction de protection contre les chutes de blocs[2] et les avalanches (en stabilisant la neige sur leur houppier et sous leur couvert) et/ou pour lutter contre l’érosion et/ou pour leur valeur écologique
forêt littorale
pour la fixation des dunes et la protection contre l’érosion éolienne ou marine, ou contre la submersion
forêt alluviale
pour leur grande valeur écologique, et la protection de l'eau (ex. : la quasi-totalité des forêts rhénanes)
forêt périurbaine
fonctions aménitaires (dont rôle social, pédagogique et d’accueil du public). En 1992, le ministre de l’Agriculture a produit une circulaire qui définit des directives de gestion des forêts domaniales périurbaines, insistant sur la nécessité d’être vigilant pour leur protection foncière, mais aussi sur la sauvegarde de la diversité biologique. L'un des derniers classements à ce titre est celui de la forêt de Bondy au mois d'août 2022 sur une partie des communes de Clichy-sous-Bois, Coubron et Montfermeil dans le département de la Seine-Saint-Denis[16].

Le portail des données ouvertes du gouvernement français donne une liste de ces parcelles forestières au 1er mai 2023 un total de 167 852,91 hectares : allant de d[Quoi ?]6,11 ha (Entrages ; forêt de Chabrières dans les Alpes de Haute-Provence) à 6 717,77 ha (La Tremblade, Les Mathes, Saint-Augustin, Saint-Palais-sur-mer : Massif de la presqu’ile d'Arvert) selon les données de novembre 2019 mises à jour)[17]. La plus grande forêt de protection en France est le massif de Fontainebleau, classé en 2002. Plutôt que de classer la forêt de Fontainebleau (28 500 hectares accueillant environ 13 millions de visiteurs par an) en réserve naturelle ou en parc naturel comme le souhaitaient de nombreuses ONG, la France l'a classée en forêt de protection (décret du ministère de l'Agriculture, paru au Journal officiel le 23 avril 2002). Parmi les derniers massifs classés en forêt de protection citons le massif de Rambouillet. Il a été classé par décret en Conseil d'État le 11 septembre 2009[18], à l'issue d'une procédure menée par la direction départementale de l’Équipement et de l'Agriculture des Yvelines. Le périmètre concerne 25 500 ha répartis sur 40 communes, et constitué pour moitié de forêt domaniale et de forêt privée (près de 2 750 propriétaires). La forêt de Bouconne[19], située en Haute-Garonne et dans le Gers, a été classée le même jour. Le Massif de Haye (plus de 10 000 hectares), situé à l'ouest du Grand Nancy, en Meurthe et Moselle, a été classé par décret du 29 octobre 2018 en forêt de protection.

Règlementation, dérogations modifier

La fréquentation du public peut être interdite, mais c’est rarement le cas. Le pâturage (sauf cas particuliers, sur autorisation), le camping, le caravaning sont interdits dans ces forêts ainsi que tout changement d'affectation ou mode d'occupation qui pourrait compromettre la conservation ou la protection des boisements. Sont également interdits tout défrichement, fouille, emprise d'infrastructure publique ou privée, exhaussement du sol ou dépôt sauf s’il s’agit d’équipements indispensables à la protection des forêts (sous réserve d'une notification préalable au directeur départemental de l'Agriculture). La circulation motorisée y est interdite sauf pour la gestion, l'exploitation et la défense de la forêt contre les incendies. Les infractions commises en forêt de protection relèvent de contraventions de 5e classe[20].

En 2018, un décret y permet par dérogation et à certaines conditions « des fouilles ou sondages archéologiques et la recherche ou l'exploitation souterraine des gisements d'intérêt national de gypse »[21] Le préfet est alors destinaire d'une « analyse des incidences négatives et positives, directes et indirectes, temporaires et permanentes, à court, moyen et long terme de l'opération archéologique sur la destination forestière des lieux et les écosystèmes forestiers ; cette analyse est proportionnée à l'importance de l'opération et de ses incidences » et des mesures prévues par le demandeur pour « éviter les incidences négatives identifiées par l'analyse prévue au 3°, de réduire les incidences n'ayant pu être évitées et de compenser, lorsque cela est possible, les incidences négatives du projet qui n'ont pu être ni évitées ni suffisamment réduites, en précisant les conditions de remise en état des lieux au terme des travaux de fouille ou de sondage qui prévoient, sans modifier fondamentalement la topographie initiale des terrains concernés, le reboisement du site en essences forestières » ; l'absence de réponse du préfet « vaut décision de rejet » ; en cas d'accord, il peut aussi ajouter des prescriptions particulières[21].

Selon ForestTopics (avril 2023), « La liste des travaux possibles dans les massifs classés « forêts de protection » pourrait s'allonger et leur déclassement, sur des surfaces limitées, s'en trouver facilité. Certaines opérations perdraient leur nature dérogatoire »[22].

Applications modifier

Union européenne modifier

Jusqu'au moins en 2018, les traités européens ne mentionnaient pas spécifiquement les forêts. L'Union européenne ne dispose pas de politique forestière commune. Toutefois, la reconnaissance du rôle de la forêt dans la protection des sols contre l'érosion y est établie[23].

Suisse modifier

La Suisse cite la fonction protectrice de la forêt dans une loi fédérale[24] et dans de nombreuses lois cantonales[25].

Notes et références modifier

  1. Rey F. et al., Forêts de protection contre les aléas naturels. Diagnostics et stratégies, Versailles, Éditions Quae, , 112 p. (ISBN 978-2-7592-0351-2).
  2. a et b « Risques naturels : se protéger grâce à la nature », sur irstea.fr, (consulté le ).
  3. « Changement climatique : des forêts de montagne plus protectrices », sur Irstea, (consulté le ) Lien qui ne marche pas.
  4. « Chutes de blocs à Vaujany », sur ara.inrae.fr, (consulté le ).
  5. RockforNET peut estimer en moins d’une seconde le pourcentage de projectiles qui traversent une bande boisée.
  6. Rockyfor3D permet d’évaluer la capacité de protection d’une forêt et l’impact de sa gestion.
  7. (en) « ecorisQ, International association for natural hazard risk management », sur ecorisQ (consulté le ).
  8. « Mise en œuvre de la politique relative aux forêts périurbaines (Instruction technique DERF/SDEF/92-3011) », sur agriculture.gouv.fr, (consulté le ).
  9. Loi du 18 juin 1859[réf. souhaitée].
  10. Antoine Becquerel, Mémoire sur les forêts et leur influence climatérique, 1865.
  11. « article l. 141-1 du nouveau code forestier (ancien L. 411-1) », sur legifrance.gouv.fr (consulté le ).
  12. « article R. 141-1 du nouveau code forestier (ancien R. 411-1) », sur legifrance.gouv.fr (consulté le ).
  13. Fiche DIREN, avec carte relative au bois Dardennes.
  14. Source : site Internet du ministère de l'Agriculture, mars 2003 et Avis et rapport 2007 du CES sur Biodiversité et urbanisme.
  15. « Liste des massifs forestiers classés en forêts de protection (à télécharger) », sur data.gouv.fr, (consulté le ).
  16. Outils de l’aménagement, « JURIDIQUE - Un décret du 1er août 2022 classe la forêt de Bondy comme forêt de protection », sur outil2amenagement.cerema.fr, (consulté le ).
  17. « liste des massifs forestiers classés en forêts de protection - data.gouv.fr ; ficher xlsx, 21.7Ko », sur data.gouv.fr, (consulté le ).
  18. décret en Conseil d'État du 11 septembre 2009.
  19. Journal officiel.
  20. « Dispositions pénales dans les forêts de protection (article R. 163-10 et suivants du nouveau code forestier) », sur legifrance.gouv.fr (consulté le ).
  21. a et b Décret no 2018-254 du 6 avril 2018 relatif au régime spécial applicable dans les forêts de protection prévu à l'article L. 141-4 du Code forestier, JORF no 0082 du 8 avril 2018.
  22. Chrystelle Carroy, « Un régime moins strict pour les forêts de protection, organisé par un projet réglementaire », sur Forestopic (consulté le ).
  23. Parlement européen, « L’Union européenne et les forêts » (consulté le ).
  24. L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, « Loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 » (consulté le ).
  25. Le Conseil d’État du canton de Fribourg, « Règlement du 11 décembre 2001 sur les forêts et la protection contre les catastrophes naturelles (RFCN) » (consulté le ).

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Législation modifier

Inventaires modifier

Autres modifier