Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou 1981

FESPACO 1981
Image liée à la cérémonie
7e Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou
Détails
Dates Du 22 février au
Lieu Ouagadougou, Burkina Faso
Site web fespaco.org
Résumé
Djeli Fadika Kramo-Lanciné
Chronologie

Le FESPACO 1981 est la 7e édition du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou. Il se déroule du 22 février au 1 mars 1981 à Ouagadougou au Burkina Faso.

Le thème de cette édition est « Le cinéaste africain face à son public »[1].

Le film Djeli de Fadika Kramo-Lanciné décroche l'Étalon de Yennenga.

Contexte modifier

Par une ordonnance du 5 janvier 1980, l'État voltaïque a donné à la Société Nationale Voltaïque de Cinématographie (SONAVOCI) le monopole de la distribution et de l'exploitation (une douzaine de salles), ce qui a permis de diversifier ses sources d'approvisionnement en films et d'améliorer la programmation qu'elle a confiée ensuite au Consortium interafricain de distribution cinématographique (CIDC). La Haute-Volta est le seul pays d'Afrique noire francophone à réserver 10 % de ses recettes guichet à la promotion du cinéma africain[2].

Le président Aboubacar Sangoulé Lamizana est renversé par le coup d'État du 25 novembre 1980 par le Comité militaire de redressement pour le progrès national (C.M.R.P.N.) dirigé par le colonel Saye Zerbo. Un couvre-feu est instauré qui est exceptionnellement levé durant la durée du festival[3].

Pour Med Hondo, « l'année 1981 a mal débuté pour l'Afrique noire francophone »: le ministère français de la Coopération a supprimé « son aide qui, même infime, avait permis à tant de films modestes d'être menés à terme »[4].

Préparation modifier

C'est en 1981 que l'Union européenne se joint aux bailleurs de fonds du festival[5].

Le décret du 27 août 1980 précise le règlement technique du Fespaco. Il prévoit notamment la projection de films non-africains (article 2) et que les films en compétition ne doivent pas avoir été projetés en public sur le territoire national à l'exception des films du pays (article 9). Outre le Grand prix Etalon de Yennenga, le prix du meilleur court métrage et le prix du 7ème art qui récompense la maîtrise du langage cinématographique, l'article 15 définit une large palette d'autres prix à attribuer : interprétation féminine et masculine, image (photographie), cadrage (caméra d'or), son (perche d'or), montage (manivelle d'or), scénario, ainsi que le Prix Oumarou Ganda de la 1ère oeuvre et un prix du public par sondage auprès des spectateurs. Il ne peut y avoir de prix exæquo (article 16) mais le Festival peut « accepter d'autres prix, mentions ou dotations matérielles » (article 18)[6].

Déroulement modifier

69 films africains et de la diaspora noire sont issus de 17 pays (Bénin, Burundi, Cap-Vert, Côte d'Ivoire, Égypte, Haute-Volta, Guadeloupe, Guinée, Ile Maurice, Mali, Mauritanie, Mozambique, Niger, Sénégal, Somalie, Tunisie, Zimbabwe), tandis que 9 films non-africains proviennent de 11 pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Canada, Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Suisse, URSS)[7].

Le nombre de spectateurs est estimé globalement à 120 000 spectateurs[7].

Au lendemain du festival, un groupe de cinéastes, conduit par Ousmane Sembène et Med Hondo, se rend à Niamey visiter la tombe de leur camarade Oumarou Ganda, décédé le 1er janvier à l'âge de 45 ans[4].

Le collectif de L’œil vert modifier

Face à l'indifférence des cinéastes de la première génération, qui avaient leur table à part autour de la piscine de l'hôtel Indépendance, centre du festival, une quarantaine de jeunes réalisateurs présents au Fespaco avec leurs premiers courts métrages se réunit et réagit. Ils prônent une approche esthétique qui décolonise le cinéma, comme par exemple de filmer à hauteur des gens et non « à l'occidentale » en plongée un repas partagé à même le sol (« le plan Thiéboudiène »). Ils insistent sur la nécessité de faire un cinéma social qui aborde l'intime familial et des relations. Ils créent à côté de la FEPACI dans la nuit du 26 février un mouvement critique nommé L’œil vert, et élisent Mory Traoré comme secrétaire général et Yéo Kozoloa comme adjoint[8]. Ils reprochent en effet à la FEPACI son immobilisme[9]. Ils veulent « compter sur leurs propres forces, en finir avec la mentalité d'assistés, monter des coproductions africaines et réunir leurs forces pour décrocher des prestations de service »[10]. Ils envisagent de créer un bulletin de liaison et une revue grand public, et surtout de recenser le matériel de tournage et les techniciens noirs[10] afin d'opérer des mutualisations pour s'entraider à faire des films en rupture avec le cinéma politique d'Ousmane Sembène et en phase avec le cinéma poétique de Djibril Diop Mambety[11].

Dans un des seuls textes publiés sur ce mouvement qui fit beaucoup parler de lui mais n'eût pas de suite en dehors du court métrage Pain sec de Ousmane William Mbaye (1983)[11], Noël X. Ebony précise que les « notables » ont parlé de « scission » et de « manœuvres de division » du « cinéma africain », expression que les membres du collectif considèrent comme un abus de langage, « un ghetto entraînant dans son sillage son cortège de misérabilisme, de néocolonialisme, de mandarinat et de rodomontades, le tout emballé dans la mystique d’une unité fictive au mépris des diversités culturelles et de sensibilités »[8].

Palmarès modifier

Prix Lauréat Film Pays
Grand prix Étalon de Yennenga Fadika Kramo-Lanciné Djeli   Côte d'Ivoire
Prix du 7e art Med Hondo West Indies ou les Nègres marrons de la liberté   Mauritanie
Prix de l'authenticité africaine Jean-Michel Tchissoukou La Chapelle   République du Congo
Prix Oumarou Ganda de la 1ère oeuvre Kwaw Ansah Love Brewed in the African Pot   Ghana
Prix du meilleur court métrage Idrissa Ouedraogo Poko   Haute-Volta
Prix d'honneur de la commune de Ouagadougou Ben Diogaye Bèye Sey, Seyeti (Un homme, deux femmes)   Sénégal
Prix du Consortium africain de distribution cinématographique (CIDC) / Caméra d'or Jean-Pierre Kaba Gozzi   Niger
Prix du CIDC / Perche d'or Abdellatif Ben Ammar Aziza   Tunisie
Prix du CIDC / Manivelle d'or Murilo Salles (pt) Essas São as Armas (documentaire)   Mozambique
Prix de l'Institut culturel africain (ICA) / Le Cauri Harrikrishna Anenden L'Argile et la flamme   Maurice
ICA : mention spéciale Idrissa Ouedraogo Poko   Haute-Volta
Prix OCIC Fadika Kramo-Lanciné Djeli   Côte d'Ivoire
OCIC : mention spéciale Kalifa Dienta A Banna (C'est fini)   Mali
OCIC : mention spéciale William Ousmane Mbaye Doomi Ngacc (L'Enfant de Ngatch)   Sénégal
OCIC : mention spéciale Issa Falaba Traoré An be no do (Nous sommes tous coupables)   Mali
Prix de la critique internationale long métrage Fadika Kramo-Lanciné Djeli   Côte d'Ivoire
Prix de la critique internationale court métrage Idrissa Ouedraogo Poko   Haute-Volta

Bibliographie modifier

  • Colin Dupré, Le Fespaco, une affaire d'État(s), 1969-2009, L'Harmattan, , 406 p. (ISBN 978-2-336-00163-0)
  • Fespaco, Black Camera et Institut Imagine, Cinéma africain - Manifeste et pratique pour une décolonisation culturelle : Première partie - le FESPACO : création, évolution, défis, Ouagadougou, Auto-édition, , 786 p. (ISBN 978-2-9578579-4-4) - traduction de Black Camera Volume 12, Number 1, Fall 2020, African Cinema: Manifesto & practice for cultural decolonization, part I: FESPACO: Formation, Evolution, Challenges, Indiana University Press
  • Hamidou Ouédraogo, Naissance et évolution du FESPACO de 1969 à 1973, Ouagadougou, Chez l'auteur, , 224 p..

Notes et références modifier

  1. Fespaco, Black Camera et Institut Imagine 2020, Hamadou Sondé, « La question de la mémoire institutionnelle du Fespaco », p. 721.
  2. Catherine Humblot, « Le cinéma africain et les ministres »  , sur Le Monde, (consulté le )
  3. Catherine Humblot et Thérèse-Marie Deffontaines, « Le festival de Ouagadougou : thèmes et couleurs de l'Afrique », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  4. a et b Med Hondo, « Cinémas africains, écrans colonisés »  , sur Le Monde, (consulté le )
  5. Dupré 2012, p. 154.
  6. Fespaco, Black Camera et Institut Imagine 2020, « Règlement du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (FESPACO 1981) », p. 675-679.
  7. a et b Ouédraogo 1995, p. 198.
  8. a et b Noël X. Ebony, « Le projet vert : coup d'éclat à Ouaga », AFRIQUE le mensuel, n°46,‎ , p. 36-38
  9. Farida Ayari, « L'oeil vert : pour un nouveau langage et un nouveau mode de production », Le Continental, no 83,‎
  10. a et b Victor Bachy, La Haute-Volta et le cinéma, Paris, OCIC/L'Harmattan, , 88 p., p. 69, Isbn=2-85-302278-X
  11. a et b « A la recherche du collectif de l’œil vert - Entretien d’Olivier Barlet avec William Ousmane Mbaye », sur Africultures,