Familles patriciennes de Gênes

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Le patriciat de Gênes désignent les familles de l'aristocratie souverain de la Sérénissime République de Gênes.

Rainier Ier Grimaldi, patrice de Gênes et seigneur de Monaco
Le Doge de Gênes et Roi de Corse Michelangelo Cambiaso
Maria Serra Pallavicino par Peter Paul Rubens
Luca Giustiniani, doge de Gênes et Roi de Corse

En origine une noblesse civique (politique ou décurional), le patriciat génois a évolué a partir de son passé féodal au sein du Saint-Empire jusqu'à devenir l'une des seules aristocraties régnants (ou souverains) en Europe (avec la République de Venise et les États pontificaux).[1] Loin du concept traditionnel de noblesse au service des monarchies, le patriciat génois (comme celui du Venise) a fondé son pouvoir sur la guerre naval, le commerce maritime à grande échelle, la finance, et l'industrie,[2],[3] et donc plutôt une aristocratie entreprenante, mais contrairement aux bourgeoisies dit «patriciennes» de l'Europe du Nord, le génois son réussi à construire son propre État souverain et à monopoliser collectivement son pouvoir.[4],[5] Entre le XIVe et le XVIe siècle, la Sérénissime République de Gênes était considérée la plus grande puissance maritime et financier d'Europe, et sa très riche aristocratie souverain (au sein duquel furent choisis les Doges et Rois de Corse) occupait dans les cours européennes un rang comparable à celui des princes de sang (plus précisément de margrave ou marquis souverain du Saint-Empire).[6]

Aristocratie et noblesse

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Si quelques grandes familles génoises descendent très exceptionnellement de marquis et de comtes (Fieschi), soit de vicomtes de l'époque impériale[7], la république de Gênes a interdit, plusieurs fois et jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, autres titres et qualifications nobiliaires que celui de "magnifique" patricien. En revanche, après les efforts de conciliation du XVIe siècle, le Liber Nobilitatis y a tracé le cadre de la vie politique, et indirectement de la vie sociale, jusqu'en 1797[7], dans la mesure où sont nobles les familles qui y sont inscrites[7].

A Gênes contrairement à Venise, les patriciens portent les titres de illustrissimes noté D.D. ou très excellents (excellentissimes) noté D. et surtout le titre de Magnifique, devant le nom. On désignait l'ensemble des patriciens par le substantif de Les magnifiques.

Enfin, afin d'obtenir une équivalence de ce titre dans les grandes cours européennes, les nobles à Gênes portaient le titre de marquis, le seul reconnu par la république (une exception pour les titres des Doria : prince de Melfi et duc de Tursi). Les patriciens de Gênes se considéraient comme les égaux des princes du sang car chacun d'eux était susceptible de devenir le futur doge (également intitulé Roi de Corse).

Formation de l'aristocratie génoise

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Dans un premier temps, Gênes ne comptait que des marquis dont les fiefs se situaient hors les murs (notamment celles des deux grandes dynasties des Obertenghi et Aleramici). Ils demeurèrent presque hors du cadre de la République et ne furent entièrement absorbés, même si certains eurent d'importantes descendances à la ville[7].

La ville est divisée entre de véritables quartiers fortifiés, chacun d'entre eux dominé par des familles patriciennes avec leurs églises et sanctuaires, leur palais et leurs tours.

Les descendants de vicomtes ont joué un rôle beaucoup plus important, dont descendent notamment les Della Volta, Spinola, De Mari, Advocato, Castro (ou Castello), Embriaco, Caffaro et d'autres - sachant que les généalogies de beaucoup d'autres familles génoises se prévalant de cette origine sont douteuses[7].

Au fil du XIIe siècle, la guerre civile apparaît comme presque permanente entre les diverses factions[7]. De 1052 à 1190, Gênes est dirigée par des consuls, remplaçant les comtes de les Obertenghi. La vie des institutions de la commune est dans un premier temps dominée par les rivalités entre les deux grandes familles: Della Volta e De Curia. À cela s'ajoutent les conflits internes à la cité entre les factions guelfe et gibeline, cette dernière ayant comme principal acteurs les familles des da Mare et Usodimare. Cette situation aboutit à la mise en place à la tête de l'État d'un podestat étranger, en 1190, comme arbitre entre les partis[7].

Avec la succession des consuls à partir du XIe siècle émerge progressivement, entre 1150 et 1250[7], une aristocratie tirant son titre de la participation aux affaires de l'Etat[7] : Grimaldi, Doria, Longo, Embriaco, Spinola, Fornari, Malocello, Castro, De Mari...

A partir du XIIIe siècle le pouvoir le pouvoir est monopolisé «quator gentes» (les quatre familles les plus puissantes): les Fieschi, les Grimaldi pour la faction guelfe; et les Doria et les Spinola pour la faction gibeline. De 1270 à 1300 environ, les Spinola et les Doria s'unirent pour conquérir le pouvoir et le garder en se faisant régulièrement nommer « capitaine de la liberté et Défenseur du peuple »[7].

Au temps du dogat populaire (1339-1528)

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Les doges perpétuels mis en place pour Simone Boccanegra en 1339 ne pouvaient pas être des membres des familles nobles (mesure étendue 20 ans plus tard à un grand nombre de fonctions publiques). Quelques familles du parti populaire[7] se disputèrent le pouvoir jusqu'à la réforme de 1528 :

La lutte fut particulièrement vive entre les Adorno, généralement appuyés par les Spinola et les Doria (parti gibelin), et les Fregoso, soutenus par les Fieschi et les Grimaldi (parti guelfe)[7].

L'aristocratie souverain au temps des doges biennaux (1528-1797)

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Les anciennes institutions cèdent la place à une république oligarchique ou aristocratique puisque le gouvernement est placé entre les mains des nobles (près de 800 patriciens), répartis en 28 alberghi, les factions qui rassemblent les grandes familles de la noblesse génoise telles que les Doria, Grimaldi, Fieschi, Spinola, Sauli, de Ferrari, Brignole Sale, Lomellino (it), Balbi, Durazzo, Giustiniani, Pareto, etc. Les familles dont les membres ont exercé des hautes charges politiques avant la révolte populaire de 1506. Cinq de ces alberghi, anciennes conestagi, tinrent à ne pas être qualifiées de « nobles » mais de « populaires » : Giustiniani, Fornari, De Franchi, Sauli et Promontorio[7].

Albergo Familles regroupées Armoiries
I. Spinola Baliani, Anselmi,Ardizzone, Baione, De Benedetti, Biscia, Campi, Caneto, Castagnola, Carretto, Celesia, Costa,Dentuto, Dughi, Fava, Ferro, Franzone, Garello, Guirardengo, Noceto, Paravania, Parisola, Piaggio, Pippo, Piccaluga, Porrata, Rustici, Sanbiagio, Scaccheri, Signorio, Suarez, Tollot, Della Torre, Tubino, Valletto, Vernazza, Zignani.  
II. De Fornari Draghi, Albenga, De Bene, Cabella, Camogli, Casella, Cigara, De Dotti, Fregoso, Gandolfo, Illioni, Magnasco, Malpagato, Multedo, Oldoino, Podestà, Ricci, Ruffini, Serpegli, Da Spezia, Tassistro, Testana  
III. Doria Albenga, Invrea, (de) Bergamo, (de) Foresta o Foresti, Sammatteo.  
IV. Di Negro Aimari, Carmagnola, Cuneo, Gropallo, Panigarola, Pasqua, da Passano, Palmari, Prato, Richelmi, Retigliani, Sampietro, Testino, Tommasini, Vernazzani  
V. Uso di Mare (o Usodimare) Bel Mosto, Borlasca, Castiglione, Chiechieri, Delfini, Fabra, Finamore, Giudice, Granello, Isola, Maggiolo, Maragliano, De Mari, Monsia, Oliva, Pichenotti, Rovereto, San Salvatore, Zurli  
VI. Vivaldi Cancellieri, Castiglione, Costa, Corniglia, Filippi, Giogo, Giudice, Gualtieri, Zurli  
VII. Cicala Zoagli, Mosca, Tubino.  
VIII. Marini Bozzomi; Carrega (la discendenza di Benedetto; gli altri rami nell’albergo Sauli); Davagna; Di Egra (venuti dalla Germania nel 1450);Ferrecchi; Gallo; Giamboni; De Marchi; De Marini; Malocelli; Montano; Paggi; Pansano; Pellerano; Raffo; Cassana, Rivarola, Torre (altro ramo nell’albergo Spinola).  
IX. Grillo Bassignani, Battigatti, Bavastrelli, Biscotti, Boccanegra, Boggio, Camilla, Cantelli, Cattaneo, Di Canarie, Dusio, Goggi, Granara, Griffi, Gualtieri, Garetti, Leonardi, Levanto, Malabita, Mandillo, Morando, Ottaggio, Da Pelo, Pignali, Di Prà, Scaniglia, De Scribanis, Vignola, Voltaggio (famiglia).  
X. Grimaldi Bracelli, Cebà, De Carlo, De Castro, Durazzo, Rosso.  
XI. Negrone Ayrolo, Bancheri, Celesia, Del Moro, Garaldi, Merello, Navone, Oliva.  
XII. Lercari Albora, Ardizzone, Burone, Camilla, Caseri, Chiavari, Domoculta, Gallo, Gorleri, Graffigno o Baciadonne, Loreto, Moneglia, Pernice, Polpo, Roggeri, Rovereto, Salvo o Salvi, Serra, Viacava, Vigovano, Villa e Parodi  
XIII. Lomellini Allegra, Bianchi, Campi, Chiavari, Costaguta, Da Passano, Fatio, Garibaldo, Narice, Veneroso, Solari (1530), Sorba, Assereto (1562), Castagna  
XIV. Calvi Giudice, Angioino, Forni, Rustici, Vernazza.  
XV. Fieschi Cardinale, Penelli, Raggi, Ravaschieri (famiglia), Della Torre, Barbagelata.  
XVI. Pallavicino Brignole, Clavarino, Guarco, Parodi, Pisano, Platone, Raffo, Rotolo, Scotto, Via, Vivaia.  
XVII. Cybo Chiavica, De Nobili di Vezzano De Sopranis, Ratto, Massa, Scotto  
XVIII. Promontorio Campo, Camogli, De Ferrari.  
XIX. De Franchi Sacco, Toso, Boccanegra, Luxardo, Pico, della Torre, Viale

Bombello, Bona, Cavana, Conestagio, de Franceschi, de Giorgi, Giovo, Giussano, Illuminati, Luciani, Magnerri, Millomini, Monterosso, Molfino, Da Novi, Oneto, Palmaro, Partenopeo, Pelissone, Delle-Piane, Rebrocchi, Reggio, Roisecco, Sestri, Tassistro, e Verrina (cfr voce De Franchi )

 
XX. Pinelli Adorno, Oddini, Celesia, Cebà, Dentuti, Luciani, Embrone, Ponzone.  
XXI. Salvago Arquata, Borcani, Calissano, Carbonara, Cavo, Cibo, Conforto, Dalla Chiesa, Federici, Fò, Frigona (Frugoni), Magnasco, Miconi (Migone), Nepitelli, Pichenotti, Porci, Porrata, Saliceti, Scotto, Sexina (Sesino), Sisto, Stragiaporci, Strigini, Stroppa, Vernazza, Via.  
XXII. Cattaneo Della Volta, Dondi, Scotto, Foglietta, Lagomarsino, Lasagna, Lazzari, Stella, Zerbino, Bava, Borrelli, Bozzone, Canessa, Carizia, Chiavari, Leccavela, Oliva, Pietra, Riccoboni, Tagliacarne, Vento  
XXIII. Imperiale Ardizzone, Baliani, Bollo, Cabella, Dallevigne, Fasce o Fassa, Garbarino, Giovardi, Ilardi, Lengueglia, Mangiavacca, Marinetti, Mercante, Nicòla, Passio, Pignatari, della Porta, Rouereta, Rovereto-Malassena, Sanguineti, Tartaro, Terrile, Varsi, de Vineis, Vinelli.  
XXIV. Gentile Avvocati, Borgari, De Turca, Falamonica, Oderico, Pallavicino, Pevere, Pignolo, Senarega.  
XXV. Interiano Anfusso, Franzone, Mignardi, Lavaggi, Bonici, Carbonara, Parisola.  
XXVI. Sauli Pallavicini, Scassi.  
XXVII.Giustiniani Arangi, Arena, De Banca, Benvenuto, Bona, Garibaldi, Di Negro, Longo, Moneglia, da Passano, Vegetti.  
XXVIII. Centurione Becchignone, Bestagno, Cantelli,De Canalis, Casaredo Curlo, Fattinanti, Flaco, Garugio, Lerici, Mortara, Novari, Da Novi, Oltremarino, Scotto, Illice, Pietrasanta, Piccaluga, Ramponi, Scarpa, Traverso, Viviani, Zerbis.  


En effet, une profonde césure oppose alors les nobles dits anciens aux nobles dits nouveaux (anciennes familles populaires telles les Brignole, les Sauli...). Cette division des familles patriciennes est à l'origine de la guerre civile génoise de 1575-1576 et se manifeste par des pratiques de classe.[7]A Gênes comme à Venise, 5 % des citoyens étaient nobles (contre 0,09 % en France par exemple). Le pouvoir restait cependant entre les mains des familles les plus riches (une vingtaine de personnes seulement, parmi les plus riches du monde !), moins d'une dizaine au XVIIIe siècle dont les Brignole Sale, Doria, Spinola et Grimaldi, alors que d'autres familles nobles jouissaient d'une richesse bien moindre.

Le , les nouvelles lois de la République génoise sont publiées dans l'église Santa Croce de Gênes. Celles-ci abolissent les alberghi : les familles nobles reprennent leur nom original. Sont reconnues « nobles » les familles inscrites au Liber aureus nobilitatis Janue vite qualifié de Libro d'oro (livre d'or), demandé par Andrea Doria en 1528[8]. Des descendants de grandes marchands ou des grandes industriels-artisans qui avaient joué un rôle au sein de l'Etat y côtoient ceux d'hommes qui ont joué un rôle historique considérable[7]. La noblesse ne dépend en effet d'aucun titre, mais du droit de participer aux affaires publiques. Cette situation durera deux cents ans, jusqu'à l'abolition du Livre d'Or par la France, soutenue par la population[7]..

Sur les 79 doges biennaux qui se succédèrent entre 1528 et 1797 (n pour case nuove (nobles nouveaux), v pour case vecchie (nobles anciens)) :

Autres familles :

Notes et références

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  1. Dorit Raines, « Pouvoir ou privilèges nobiliaires. Le dilemme du patriciat vénitien face aux agrégations du XVIIe siècle », Annales, vol. 46, no 4,‎ , p. 827–847 (DOI 10.3406/ahess.1991.278983, lire en ligne, consulté le )
  2. « La République de Gênes, l’argent et la guerre - Centre Français de Recherche sur le Renseignement », sur cf2r.org, (consulté le )
  3. « Connexion- Universalis Edu », sur www.universalis-edu.com (consulté le )
  4. Jean Favier, « Jacques HEERS. Gênes au XVe siècle. Activité économique et problèmes sociaux. Paris, S.E.V.P.E. N., 1961. (Ecole pratique des Hautes-Etudes, VIe section, Centre de recherches historiques "Affaires et gens d'affaires", XXIV.) », Bibliothèque de l'École des chartes, vol. 120, no 1,‎ , p. 291–296 (lire en ligne, consulté le )
  5. Emile Vincens, Histoire De La Republique De Genes, Fermin Didot freres, (lire en ligne)
  6. (it) Giornale araldico, genealogico, diplomatico italiano, (lire en ligne)
  7. a b c d e f g h i j k l m n o et p André-É. Sayous, « Aristocratie et noblesse à Gênes », Annales d'histoire économique et sociale, vol. 9, no 46,‎ , p. 366-381.
  8. « Notice », sur Grimaldi.org.