Extrême gauche

positionnement idéologique
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Le terme extrême gauche est employé depuis 1920 pour désigner une partie des groupes, mouvements, organisations et partis politiques, « qui se situent à la gauche du Parti communiste et du Parti socialiste »[1], dont les principaux furent d'obédience maoïste et trotskiste, qui souhaitent le renversement du capitalisme en faveur d'une société sans classes sociales, mais n'ont pas de représentation dans les assemblées parlementaires, car ils restent à l'écart des accords de désistement électoral et de gouvernement. Ce fut le cas de l'opposition extra-parlementaire en Allemagne jusqu'aux années 1980 et des partis trotskistes et maoïstes en France, présents aux élections ou éditant des journaux, mais tenus à l'écart des principales coalitions de gauche que sont le Cartel des gauches (1924), le Front populaire (1936), le Front républicain (1955), le programme commun de la gauche (1972), la Gauche plurielle (1997) et la NUPES (2022)[réf. nécessaire].

Affiche du NPA en faveur de la Révolution tunisienne, à Besançon (Doubs, France).

Périmètre modifier

L'extrême gauche se caractérise par un nombre important d'organisations, parfois éphémères et souvent de dimension modeste, appelées parfois « groupuscules », dont le rapport à la violence est variable : certaines ont participé au processus électoral mais sans obtenir de sièges au parlement dans le cadre de la démocratie parlementaire, tandis que de manière beaucoup plus marginale et seulement à certaines époques limitées, d'autres petits groupes clandestins comme les Brigades rouges en Italie ou la Fraction armée rouge en Allemagne, ont pratiqué la lutte armée ou le terrorisme. Entre les deux se situent des groupes qui ont pratiqué la violence de rue affichée, mais pendant une période réduite, du milieu des années 1960 au milieu des années 1970, sans basculer jusqu'au terrorisme.

Parmi les politologues et historiens de la politique francophones, Christine Pina est la seule à, dans l'un de ses livres, avoir inclus dans l'extrême gauche de certains pays des partis distincts des partis traditionnels d'extrême gauche : il s'agit du Parti populaire socialiste danois, qui participe pour la première fois en 2011 au gouvernement, dirigé par la sociale-démocrate Helle Thorning-Schmidt, et du Parti socialiste néerlandais, fondé en octobre 1971 comme parti maoïste et n'ayant jamais dépassé 6 % des voix[2]. Au contraire, les autres auteurs définissent un périmètre plus classique. Serge Cosseron n'y inclut que les mouvances anarchistes et trotskystes[2], Frédéric Charpier et Dominique Reynié utilisent le terme comme un synonyme de trotskyste[2], mais les partis maoïstes apparus dans la seconde moitié des années 1960 et au début des années 1970 étaient aussi considérés comme appartenant à l'extrême gauche.

Gauche radicale et extrême gauche, notions distinctes modifier

L'extrême gauche désigne des partis, notions et idées distincts de celles de la gauche radicale. L'association des deux, est « critiquable à maints égards », estime Alan Confesson, docteur en science politique[2], même si les deux sont parfois mélangés dans l'expression floue et ambigüe de « gauche de la gauche ».

Les partis politiques désignés comme d'« extrême gauche » rejettent parfois cette appellation qui peut être interprétée comme une assimilation avec l'extrémisme[3] : en Allemagne, où leur image étaient très négative jusqu'aux alliances nouées par les Verts avec les sociaux-démocrates au début des années 1980, ils ont préféré l'appellation d'opposition extra-parlementaire. Le chercheur en sciences politiques Sofiane Ouaret estime ainsi qu'il faut remplacer l'expression « extrême gauche » par celle de « gauche radicale » car la première serait connotée négativement, comme un pendant de celle d'extrême-droite, et utilisée comme un instrument de délégitimation[4]. En France, où l'extrême-gauche a joué un rôle actif contre la Guerre d'Algérie et où Alain Krivine obtient 1% des voix dès la présidentielle de 1969, l'assimilation avec l'extrémisme a posé moins de problème mais les groupes d'extrême-gauche « refusaient de se qualifier de gauchistes », selon le sociologue Sylvain Boulouque[5].

Histoire modifier

Origines modifier

 
Prise de la Bastille le 14 juillet 1789 par Hoüel.

Selon le politologe Rémi Lefebvre, l’extrême gauche a représenté historiquement et depuis 1920, ce qui était « à gauche du Parti communiste »[6]. Par exemple, sont considérés comme d’extrême gauche les partis trotskistes connus pour se présenter aux élections présidentielles, depuis 1969 en France, « comme Lutte ouvrière ou celui des Communistes révolutionnaires »[6], c'est-à-dire des partis qui « jouent le jeu électoral mais contestent la voie légale de la conquête du pouvoir et estiment que celle-ci doit se faire par la grève générale, les mouvements sociaux, et pas par l’élection »[6].

Le journaliste Babeuf sous le Directoire en 1796 modifier

D'autres auteurs font remonter la pensée de l'extrême gauche plus loin dans le temps en estimant que ses idées ont été incarnées, peu après la Révolution française[7], à l'époque du Directoire, non pas par des députés mais par le journaliste Gracchus Babeuf, un révolutionnaire français qui voulait une société sans classe, même s'il n'a jamais élu à la représentation nationale. Il avait pour objectif de renverser le Directoire qui concentre tous les pouvoirs à partir de 1795, dans le but d'établir une « parfaite égalité », en créant une « Conjuration des Égaux », dont les idées sont présentées dans un livre de Sylvain Maréchal et de Babeuf intitulé Manifeste des Égaux, publié en 1796. On peut y lire :

« Il nous faut non pas seulement cette égalité transcrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons. […] Qu'il cesse enfin, ce grand scandale que nos neveux ne voudront pas croire ! Disparaissez enfin, révoltantes distinctions de riches et de pauvre, de grands et de petits, de maîtres et de valets, de gouvernants et de gouvernés. […] L'instant est venu de fonder la République des Égaux, ce grand hospice ouvert à tous les hommes. […] L'organisation de l'égalité réelle, la seule qui réponde à tous les besoins, sans faire de victimes, sans coûter de sacrifices, ne plaira peut-être point d'abord à tout le monde. L'égoïste, l'ambitieux frémira de rage. »

Les « néo-babouvistes » sous la monarchie de Juillet modifier

Quarante après, sous la monarchie de Juillet, époque où le Parlement ne joue plus aucun rôle, le « babouvisme », cette doctrine créée par Babeuf, va inspirer dans les années 1830 et 1840 une poignée de révolutionnaires qui seront nommés les « néo-babouvistes » et ne sont pas non plus députés[8],[9]. Le babouvisme sera également une genèse pour le communisme, ce dernier étant plus tard théorisé entre autres par Friedrich Engels et Karl Marx[10], et enfin Rosa Luxemburg déclare que Babeuf est le premier précurseur des soulèvements révolutionnaires contre le capitalisme[11].

Lénine, auteur de la théorie contre l'extrême gauche modifier

La révolution russe, survenue en 1917, qui aboutit en février à la chute du régime tsariste de Russie et instaure un régime se réclamant des idées socialistes met fin au terrorisme pratiqué par certains autres révolutionnaires russes contre l'Empire russe[12].

Lénine est l'auteur, dans un livre, d'une théorie contre l'extrême gauche à qui il donne une visibilité sous l'appellation de « gauchisme » et qu'il considère comme une « maladie infantile du communisme »[réf. nécessaire], formule restée célèbre[Interprétation personnelle ?].

Il dirige le pays jusqu'en 1922 et à sa mort en 1924 le léninisme va se diviser en trois courants : le stalinisme, le trotskisme et le bordiguisme (nommé également la gauche communiste italienne). L'un des trois, le trotskisme a inspiré des partis, dits d'« extrême gauche » dans tous les pays.

Exclusion des communistes antistaliniens modifier

 
Léon Trotski, personnage important dans le développement de l'extrême gauche.

Au cours des années suivant 1924, le stalinisme se développe en Union soviétique, une dictature basée sur la terreur et le culte de la personnalité.

Le trotskisme est une réaction à ces dérives graves, et s'adapte avec la théorie de la « révolution permanente » pour y faire face. En tant qu'antistaliniens ils sont progressivement exclus des Partis communistes, et créent leurs propres organisations. En France, c'est le cas du groupe La Révolution prolétarienne, de la Ligue communiste (trotskiste), ou encore du Cercle communiste démocratique.

En 1938, les partisans de Trotski proclament la création de la Quatrième Internationale. Dès 1922, une autre « Quatrième Internationale ouvrière » avait été proclamée : l'Internationale communiste ouvrière. D'autres courants se retrouvent dans l'Opposition communiste internationale ou le Centre marxiste révolutionnaire international.

Difficultés de la mouvance d'extrême gauche au milieu des années 1930 modifier

Plusieurs courants d'extrême gauche se développent au sein de la Section française de l'Internationale ouvrière, la Gauche révolutionnaire ou a cependant lieu l’éviction des bolcheviks-léninistes dès 1935, un an après leur entrée dans ce parti tous « drapeaux déployés » en 1934[13]. Deux ans après c'est au tour des trotskistes d'être évincés de ce parti[13].

L'échec des minorités révolutionnaires à s'intégrer à la gauche au moment du Front populaire a en particulier été décrit en 1973 par l'historien Jean-Pierre Rioux[14]

Exclue du parti en 1938, peu après le Front populaire et en pleine Guerre civile espagnole, la mouvance trotskistes crée alors le Parti socialiste ouvrier et paysan. Au milieu des années 1970, un autre historien a retracé les tentatives d'unification et d'organisation des trotskistes au milieu des années 1930, notamment des pivertistes dans la SFIO et au cours de la naissance du PSOP, perturbées par « les incidences de la guerre Espagne et du contexte international qui conduit à la Seconde guerre mondiale »[1].

Leur activité est décrite fin septembre 1936 par un reportage d'Emmanuel d'Astier de La Vigerie sur une double page centrale de l'hebdomadaire Vu, magazine fondé en 1928 sur le modèle du Berliner Illustriete Zeitung par Lucien Vogel, aux sympathies communistes[13]. Selon l'historien Vincent Chambarlhac [13], il peut être rapproché du rapport d'une dizaine de pages rédigé le par Georges Cogniot, futur directeur de L'Humanité à la demande du Présidium de l’Internationale Communiste (IC), titré « Aperçu de l’activité des trotskistes en France », au moment du second procès de Moscou contre la vieille garde bolchevique[13]. Selon l'historien, ces deux documents signalent « une implication plus grande du PCF dans la lutte anti-trotskiste »[13], alors que la SFIO, « par le jeu des tendances, la dynamique des comités, construit ses antennes dans ces marges, qu’elle utilise ensuite face au PCF comme ressources »[13].

Dans le quotidien de droite Le Temps, Roger Millet publie au même moment, du 28 mars au , dans onze numéros consécutifs, une longue enquête, sur le même sujet[13] et « cartographie avec précision les lieux et les pôles de cette extrême gauche »[13], tandis qu'un article de Marcel Cachin dans L'Humanité le s'inscrit dans une série d'articles qui tentent de « dévoiler l’existence en France, sinon d’un complot, au moins d’une participation au complot trotskiste tel que son second procès s’instruit alors à Moscou »[13], laissant entendre que le trotskiste Fred Zeller serait chargé de « préparer les esprits à l’assassinat de Staline »[13]. Selon Vincent Chambarlhac, l'extrême gauche apparait dans cette époque sous un angle quasi-juridique, celui des preuves de son activité accumulées par des détracteurs qui lui dénient toute légitimité [13].

Années d'après-guerre modifier

Dans les années d'après-guerre, l'extrême gauche est marginalisée, face à la puissance du Parti communiste français, qu'elle redoute depuis l'affaire d'octobre 1943, qui a vu quatre militants trotskistes exécutés dans le maquis de Wodli, dans la Haute-Loire, par des résistants communistes parce qu’ils étaient trotskistes[15],[16],[17]. De même, déporté à Buchenwald en 1944, David Rousset, un des fondateurs du Parti ouvrier internationaliste (POI), a dû cacher son appartenance trotskiste pour survivre, tout comme Jean-René Chauvin, Marcel Beaufrère, ou Marcel Hic, envoyé par la cellule clandestine du PCF dans un kommando de la mort à Dora[18]. Après la guerre ils sont appelées « hitléro-trotskistes » par le PCF et soupçonnés d'œuvrer avec la CIA à la scission de la CGT donnant naissance à Force ouvrière[19]

Première force de la Résistance intérieure française puis de la bataille de la production pour reconstruire le pays, premier parti de France aux législatives de novembre 1946 avec 28,3 % des voix et 182 députés, le PCF n'en est pas moins chassé du gouvernement au printemps 1947 lors des grèves de 1947 et des émeutes de la faim de la même année. Il a alors l'espoir d'y revenir rapidement mais la grève des mineurs de 1948 et celles de 1949-1950 contre la guerre d'Indochine vont lui rendre la tâche difficile. Malgré ses réticences croissantes face à cette guerre, la SFIO, parti socialiste de l'époque, qui pèse électoralement deux fois moins, préfère rester dans troisième force, aux côtés de deux partis qui seront plus tard emportés par la fin de la IVème république, le MRP de Georges Bidault et le Parti radical. La loi des apparentements du leur permet de conserver deux-tiers des députés avec seulement la moitié des voix, en faisant appel à la droite d'Antoine Pinay, farouchement opposée à toute décolonisation. Malgré ces huit années de tensions avec la SFIO, le PCF reste considéré comme une force de gauche et non d'extrême gauche, celle ci présentant ses propres listes qui obtiennent moins de 1 % aux élections législatives françaises de 1951. Lors des suivantes, le PCF rejoint la SFIO et le Parti radical au sein d'un nouveau Front républicain réclamant la paix en Algérie et mené par Pierre Mendès France, qui se voit cependant préféré, pour former le gouvernement en janvier 1956, Guy Mollet (SFIO), qui s'englue à son tour dans la guerre d'Algérie.

Mai 1968 modifier

En France, Mai 1968 voit la juxtaposition de révoltes étudiantes et d'une grève générale culminant à dix millions de salariés, dépassant en nombre et en durée celle survenue en juin 1936 lors du Front populaire[20]. créant une crise sociale spectaculaire[21].

Les militants de plusieurs partis d'extrême-gauche, y compris les deux créés les années précédentes, jouent un rôle très important dans les grèves, notamment la Fédération des étudiants révolutionnaires à la Sorbonne, plus grande université du pays. Ils sont bien représentés chez les militants actifs en entreprise. Le trotskiste Yves Rocton, ouvrier métallurgiste et secrétaire de la section syndicale Force ouvrière, fait voter la première occupation d'usine sur le site de Bouguenais (2600 salariés) de Sud-Aviation, futur Airbus, étape décisive de Mai 68 à Nantes.

L'extrême gauche est aussi active dans l'occupation par des étudiants et professeurs en grève de l'École des beaux-arts de Paris, l'une des plus longues de Mai 68, avec 46 jours, ou de l'École des Arts-déco et d'autres « ateliers populaires » à Strasbourg, Montpellier, Marseille, Lyon, Grenoble, Dijon, Caen et Amiens. Les occupants activent jour et nuit des ateliers qui reproduisent à des milliers d'exemplaires les dizaines d'affiches murales et slogans de Mai 68.

Le mouvement, qui sera qualifié de « révolution manquée », par le chanteur Renaud, a largement recouru aux symboles des anciennes révolutions françaises — barricades, drapeaux rouge et noir. Il cause une dizaine de morts mais débouche sur des négociations entre patronats et syndicats, sous l'égide du gouvernement, qui impose un relèvement de 12 % des salaires et de 30 % du SMIC, appelé alors SMIG, ce qui est salué par une large victoire du gouvernement gaulliste aux élections législatives de juin 1968, boycottées par tous les partis d'extrême gauche, dans le sillage de la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par le Général de Gaulle. L'une des affiches murales de Mai 68 les plus collées reprend le slogan de l'extrême gauche cette année là, qui appelle boycotter ce scrutin: « Élections, piège à cons »[22].

Le , onze mouvements jugés extrémistes sont dissous :

Années 1970 modifier

Petits groupes intellectuels politiquement marginaux modifier

Dans les années 1970 apparaissent des « conceptions abstraites élaborées par des intellectuels isolés ou par des petits groupes intellectuels politiquement marginaux »[23].

Au dela de l’extrême gauche, un livre publié en 1973 par le sociologue Richard Gombin s'intéresse alors, à partir du dépouillement d’archives des forces de l’ordre, police, gendarmerie ou armée, à la notion de « gauchisme », un moment chronologiquement défini par lui principalement entre 1968 et 1981[23].

le gauchisme repose sur la critique des systèmes communistes, de l'aliénation née de la société de consommation et se retrouve « dans l'humour corrosif d'un hebdomadaire censuré nommé Hara-Kiri, devenu par la suite Charlie Hebdo », selon le sociologue Sylvain Boulouque. Si les groupes léninistes d'extrême-gauche acceptaient leur étiquette, « sauf cas exceptionnel », ils « refusaient de se qualifier de gauchistes », selon cette source[5].

Frange terroriste dans les « années de plomb » modifier

Au lendemain des événements de Mai 68, l'extrême gauche est apparue au grand jour au sein de la scène politique européenne. Elle est marquée par exemple par Action directe : un groupe terroriste anarcho-communiste[24], issu du mouvement autonome en France et anti-franquiste[24],[25], la Fraction armée rouge en Allemagne, un groupe Anti-impérialiste dissout en 1998[26] et le groupe Marxisme-léninisme Brigades rouges en Italie ; ces périodes particulièrement violentes marquées par des groupes terroristes extrémistes sont nommées les années de plomb.

 
Manifestation anti-capitaliste au Mexique.

Aujourd'hui, les partis d'extrême gauche militent pour le renversement du capitalisme, selon les militants de Lutte ouvrière et du porte-parole de ce parti, les capitalistes sont « libres d’exploiter des ouvriers et de les jeter à la rue quand cela les arrange, de ruiner des régions entières, de ne pas répondre aux besoins de l’humanité, d’investir dans les secteurs les plus nuisibles, de polluer et de détruire… »[27].

Bien que les mouvements d'extrême gauche soient nombreux et hétérogènes (trotskisme, anarchisme, gauche communiste, etc., et regroupent eux-mêmes diverses sensibilités), on peut considérer qu'ils ont pour point commun d'être à la gauche du Parti socialiste et du Parti communiste[28]. Bien qu'elle ait parfois intégré d'autres idéologie comme le féminisme et l'écologie politique.

L'extrême gauche contemporaine est représentée en France particulièrement par le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) (créé après la dissolution de la LCR) et Lutte ouvrière, ainsi que par des groupes anarchistes (Fédération anarchiste et l'UCL en tête), et par ce qu'on a pu désigner sous le nom de mouvement autonome.

Les maoïstes du quotidien Libération modifier

Le quotidien Libération, fondé en 1973 à partir de l'Agence de presse APL, est un témoignage du poids qu'a eu le courant maoïste, appelé aussi « prochinois », dans l'extrême gauche française entre le milieu de des années 1960 et le milieu des années 1970, sur fond de guerre au Vietnam et dans le sillage de la Rupture sino-soviétique, qui après 1965 devint un fait établi, sur fond de début de la révolution culturelle de Mao Tsé Toung, achevant de couper tous les contacts entre les deux pays et entre la république populaire de Chine et la plupart du reste du monde. Les « prochinois » de l'extrême gauche française accusent le PCF et l'URSS de Nikita Khrouchtchev de « révisionnisme », et ainsi de trahison des idées et de l'action de Staline. Ils sont à l'origine du mouvement militant dit des « établis », composé d'intellectuels qui se sont immergés au sein des classes populaires, en « s’établissant » dans les usines, les docks ou reprennent des petites exploitations agricoles de montagne.

Fondements idéologiques modifier

Si les mouvements ou partis d'extrême gauche sont divers, leurs socles idéologiques comportent des points communs : l'anticapitalisme, l'internationalisme, l'antinationalisme (à l'exception des nationalismes perçus comme « anti-impérialistes » qui sont un point de discordes parmi eux), l'écosocialisme et le féminisme.

Parmi les idées qu'on retrouve à l'extrême gauche :

Parmi les arguments mis en avant par l'extrême gauche pour motiver l'importance d'écouter ses idées, la montée de l'extrême droite et les effets qu'elle est susceptible d'entraîner, comme le nationalisme observable en temps de crises économiques[29] ;

  • pour Karl Popper dans La société ouverte et ses ennemis, « l’égalitarisme veut que tous les citoyens soient traités impartialement, sans qu’il soit tenu compte de leur naissance, de leurs relations ou de leur fortune. En d'autres termes, il ne reconnaît aucun privilège naturel... »[30]. L'égalitarisme est dans ce contexte la doctrine qui considère que les hommes sont de nature égale et conduit à traiter tous les hommes également.

Moyens mis en oeuvre modifier

Les moyens mis en œuvre par les partis ou organisations d'extrême gauche sont divers :

Pour Serge Cosseron, il existe plusieurs stratégies parmi les mouvements d’extrême gauche : « Les uns ont une politique léniniste classique (renforcement du parti), et d'autres ont une politique plus « mouvementiste » tentant de s'articuler à des mouvements sociaux »[33]. Les deux n'étant pas incompatibles.

Quelques uns des divers courants de l'extrême gauche modifier

L'extrême gauche est composée de divers courants (convergents ou antagonistes) parmi lesquels :

Extrême gauche en Europe et dans le monde modifier

Partis et mouvements par pays modifier

Partis et mouvements en France modifier

Le mouvement trotskiste en France est connu dans le pays et à l'étranger pour les scores plus élevé que de coutume recueillis par ses leaders lors de trois élections présidentielles consécutives en 1995, 2002 et 2007[34]. Arlette Laguiller a dépassé les 5 % en 1995 puis 10 % en 2002 si on ajoute à son score celui d'un autre trotskiste, Olivier Besancenot, qui a à nouveau à lui-seul dépassé 4% des voix en 2007. Lors des trois élections présidentielles suivantes, les deux candidats trotskistes, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou ont chacun recueilli un peu plus de 1 %.

Ce courant s'était auparavant caractérisé par la stabilité de trois courants majeurs depuis les années 1953-1956, malgré les changements de noms : la Ligue communiste révolutionnaire (section française de la IVe Internationale), Lutte ouvrière (ou Union communiste (trotskyste), membre de l'UCI (Union communiste internationaliste), et le Courant communiste internationaliste (CCI), courant majoritaire du Parti des travailleurs, qui se réclame du trotskisme. Ces trois organisations disposent d’une présence effective dans les luttes sociales, d’une bonne implantation syndicale et associative, de quelques élus locaux, et bénéficient de financements publics en raison de leurs scores électoraux.

Par son fonctionnement propice aux discussions internes, la Ligue communiste révolutionnaire a attiré de nombreuses petites organisations trotskistes, qui estiment qu’il est plus intéressant de militer en son sein que de poursuivre une existence autonome. C’est le cas notamment de l’Alliance marxiste révolutionnaire, Voix des travailleurs, Pouvoir ouvrier, Socialisme international, Socialisme par en bas et d’une partie de la Gauche révolutionnaire. Le groupe subsistant de la Gauche révolutionnaire et le Groupe communiste révolutionnaire internationaliste ont fait de même en intégrant le Nouveau Parti anticapitaliste, initié par la LCR.

À l’inverse, les nombreuses scissions des organisations trotskistes ont entraîné la création d’un nombre considérable de groupes d’influence limitée, même s’ils disposent le plus souvent de quelques cadres syndicaux bien implantés localement. C’est le Courant lambertiste (nom donné au courant trotskiste à l'intérieur du Parti des Travailleurs, par référence à son fondateur, Pierre Lambert) qui a le plus de branches, avec La Commune, Toute la vérité, Carré rouge, et les rameaux issus de la scission de Stéphane Just, dont proviennent le Comité communiste internationaliste (trotskiste), le Comité pour la construction du Parti ouvrier révolutionnaire, l’Abeille rouge… Il reste peu de scissions subsistantes de la Ligue communiste révolutionnaire, les plus notables étant la Ligue trotskiste de France et sa propre scission, le Groupe internationaliste.

Enfin, plusieurs courants trotskistes internationaux essaient de s’implanter en France en suscitant des organisations sœurs. Outre celles qui militent au sein de la Ligue communiste révolutionnaire, on peut citer le groupe La Riposte, qui a la particularité de militer dans le Parti communiste français, mais aussi des groupes plus restreints comme Le Militant, issu de la tendance trotskiste internationale Militant de Ted Grant, Stratégie internationale d'origine Argentine, ou encore le Parti communiste révolutionnaire trotskiste (PCR/T) affilié à la Quatrième internationale posadiste et issu des thèses de Juan Posadas.

Notes et références modifier

  1. a et b Nicole Racine-Furlaud, Rabaut (Jean) - Tout est possible ! Les « gauchistes français 1929-1944", Revue française de science politique, 1975.
  2. a b c et d Alan Confesson, « Une nouvelle gauche radicale: analyse comparative des transformations de la famille partisane de la gauche radicale européenne au XXIe siècle: (2000-2017) », sur HAL Open Science, (consulté le ), Chapitre 2, 1.1., p40 à p44.
  3. Nelly Haudegand (dir.) et Pierre Lefébure (dir.), Dictionnaire des questions politiques : 60 enjeux de la France contemporaine, éditions de l'Atelier, (ISBN 2708235095), p. 101-103
  4. Sofiane Ouaret, The construction and the management of a "transnational extreme left-wing network" in Europe, European and International Studies, King's College de Londres, 15 juin 2012, page 2.
  5. a et b Sylvain Boulouque, « L'expression «islamo-gauchisme» est née sur un contresens historique », Slate, .
  6. a b et c Emma Poesy et Rémi Lefebvre, « La France insoumise est-elle vraiment un parti d’extrême gauche ? », L'Obs,‎ (lire en ligne)
  7. Christine Pina, L’extrême gauche en Europe, Paris, Les études de la Documentation française, 2005.
  8. Varda Furman et Francis Démier (dir.), Louis Blanc, un socialiste en république, Creaphis éditions, , 224 p. (lire en ligne), « Association et organisation du travail. Points de rencontre entre les néo-babouvistes français et belges et Louis Blanc », p. 197-
  9. Alain Maillard, Présence de Babeuf : lumières, révolution, communisme : actes du colloque international Babeuf, Amiens, les 7, 8 et 9 décembre 1989, Publications de la Sorbonne, , 334 p. (lire en ligne), « De Babeuf au babouvisme : Réceptions et appropriations de Babeuf aux XIXe et XXe siècles », p. 261-280
  10. Karl Marx, Sur la Révolution française, Paris, Éditions sociales, , « La critique moralisante et la morale critique… », p. 91
  11. Michèle Ressi, L'Histoire de France en 1 000 citations : Des origines à nos jours, Éditions Eyrolles, , 519 p. (lire en ligne), p. 258.
  12. Dictionnaire du communisme, Larousse à présent, p. 557. Voir par exemple la Narodnaïa Volia.
  13. a b c d e f g h i j k et l Vincent Chambarlhac, « Nommer l’extrême gauche autour de 1937. Topique(s) de l’agrégation trotskiste », dans « Extrême » ? : Identités partisanes et stigmatisation des gauches en Europe (XVIIIe – XXe siècle), Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7535-6875-4, lire en ligne), p. 119–130
  14. Jean-Pierre Rioux et Racine-Furlaud Nicole, Révolutionnaires du Front populaire, Revue française de science politique, 1975.
  15. Pierre Broué et Raymond Vacheron, Meurtres au maquis, Grasset 1997, 260 pp. (ISBN 224-6-54021-6).
  16. Cinq meurtes sortent du maquis, Libération, .
  17. Affaire révélée par l'enquête menée dans les archives et auprès des témoins par Pierre Broué et Raymond Vacheron, en collaboration avec Alain Dugrand.
  18. Christophe Nick, Les Trotskistes, Fayard, 2002, p. 323.
  19. Jean-Jacques Marie,Le trotskysme et les trotskystes, éditions Armand Colin, 2002.
  20. Ross 2010.
  21. « Événements de mai 1968 », sur larousse.fr.
  22. Bernard Lachaise et Sabrina Tricaud, Georges Pompidou et mai 1968, Bruxelles, Peter Lang, , 203 p. (ISBN 978-90-5201-468-5, lire en ligne), p. 34.
  23. a et b Richard Gombin, Yves Tavernier, « Les origines du gauchisme », Revue française de science politique, 1973.
  24. a et b Jean-Guillaume Lanuque, « Action Directe. Anatomie d’un météore politique », sur dissidences.net, (consulté le ).
  25. Michaël Prazan, Une histoire du terrorisme, Flammarion, 2012, p. 330.
  26. Pourquoi nous arrêtons (RAF, 1998) - Communiqué Fraction Armée Rouge, mars 1998 (voir archive).
  27. Renverser le capitalisme.
  28. Les partis politiques français Pierre Bréchon, Études de la documentation française, ISSN 1763-6191, Nº. 5208-5209, 2005.
  29. Jean-Yves Camus, « La montée de l'extrême droite en Europe », Universalia 2003, Encyclopædia Universalis, 2003, p. 219-222.
  30. Karl Popper, La société ouverte et ses ennemis, tome 1 (p. 86 de l'édition?).
  31. Serge Cosseron 2007, p. 61.
  32. Christophe Bourseiller, Les maoïstes, la folle histoire des gardes rouges français, 2007 Points, chap. 7
  33. « Un rassemblement à gauche reste impossible » », débat avec Serge Cosseron, auteur du Dictionnaire de l'extrême gauche, lemonde.fr, .
  34. Serge Cosseron 2007, p. 8.

Voir aussi modifier

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Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Philippe Buton, « La haine, ciment identitaire de l'extrême-gauche européenne ? », dans Marc Deleplace (dir.), Les discours de la haine : récits et figures de la passion dans la cité, Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et civilisations », , 347 p. (ISBN 978-2-7574-0083-8, lire en ligne), p. 307-320.
  • Serge Cosseron (dir.), Dictionnaire de l'extrême-gauche, Larousse, coll. « à présent », , 286 p. (ISBN 2035826209).  
  • Michel Biard (dir.), Pierre Serna (dir.), Bernard Gainot (dir.) et Paul Pasteur (dir.), « Extrême » ? : Identités partisanes et stigmatisation des gauches en Europe (XVIIIe – XXe siècle), Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 372 p. (ISBN 978-2-7535-6875-4, lire en ligne).  
  • Christine Pina, L’extrême gauche en Europe, Paris, Les études de la Documentation française, , 160 p. (EAN 3303331952220, présentation en ligne).  
  • Aurélien Dubuisson, Hugo Melchior et Paolo Stuppia, L'extrême gauche en France : De l'entre-deux-guerres à nos jours, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, , 64 p.

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