Expulsion des Jésuites

décisions prises par les gouvernements de différents pays au XVIIIe siècle pour interdire la Compagnie de Jésus

L'expulsion des Jésuites est un ensemble de décisions prises par les gouvernements de plusieurs États catholiques au XVIIIe siècle, interdisant les activités de la Compagnie de Jésus dans leurs territoires respectifs, dissolvant ses institutions, confisquant ses biens et obligeant ses membres à s'exiler dans un pays étranger s'ils voulaient conserver leur état religieux. L'aboutissement de ce processus qui marque les années 1760 est la suppression de l'ordre par le pape Clément XIV en 1773.

Rétablie en 1814 par le Pie VII, la Compagnie de Jésus subit cependant de nouvelles mesures d’expulsion ou de bannissement aux XIXe et XXe siècles, touchant, selon les cas, seulement la Compagnie de Jésus proprement dite ou bien l'ensemble des congrégations religieuses liées à elle.

Mesures frappant la Compagnie de Jésus avant le XVIIIe siècle modifier

 
Le Marquis de Pombal : L'Expulsion des Jésuites, tableau de 1766.

La Compagnie de Jésus est fondée en 1539 par Ignace de Loyola et reconnue par le pape dès 1540. Son but est de lutter contre l'expansion de la Réforme, notamment au moyen de l'enseignement de niveau secondaire, qui se développe considérablement à partir de la Renaissance. Les Jésuites fondent de nombreux collèges, où ils enseignent les humanités classiques (latin et grec), mais en tenant compte des exigences de la doctrine catholique en cours de mise au point durant le concile de Trente (1540-1562).

Interdiction en France de 1594 à 1603 modifier

Les collèges jésuites ont un grand succès en France malgré la situation difficile de la Compagnie dans un pays en proie depuis 1562 aux guerres de religion, notamment, depuis 1585, à la huitième. Celle-ci oppose Henri IV, chef du parti protestant jusqu'en 1589, roi depuis 1589 et protestant jusqu'en 1593, aux extrémistes catholiques de la Ligue, alliés de façon ostensibles au roi d'Espagne Philippe II qui envisage de prendre grâce à eux le contrôle du royaume de France. L'allégeance au pape des Jésuites les rend suspects aux yeux des nombreux catholiques (les Politiques) qui soutiennent au contraire Henri IV et qui sont d'orientation gallicane.

En 1594, les Jésuites du collège de Clermont à Paris (actuel lycée Louis-le-Grand) sont accusés de complicité dans l'attentat[1] de Jean Châtel contre le roi (27 décembre). Jean Châtel, âgé de 19 ans, est en effet un ancien élève de ce collège.

Bien qu'il ait nié avoir été influencés par ses professeurs, l'un d'eux, Jean Guignard est condamné à mort et pendu tandis que Jean Châtel est écartelé comme régicide. Deux autres pères sont bannis du royaume et le collège est mis sous séquestre. Les autres Jésuites sont exilés.

À partir de 1603, ils sont autorisés à revenir, cinq ans après le retour à la paix (Édit de Nantes et paix de Vervins, 1598), et en l'absence de preuves de leur implication.

Expulsion du Brésil (1640) modifier

Les trafiquants portugais d'esclaves amérindiens se heurtent cependant en 1640 à la proclamation de l’encyclique du pape Urbain VIII contre l’esclavage des Amérindiens[2], et ses déclinaisons locales, qui entraînent des ordres royaux les obligeant à rendre les biens et les villages indiens[2]. Mais il y désobéissent immédiatement. Peu après, ils ont même expulsé les jésuites de Sao Paulo[2],[3].

Mesures contre l'ordre dans les années 1750-1770 modifier

Expulsion du Portugal et de ses colonies (1759) modifier

Bannissement du royaume de France (1764) modifier

C'est au xviiie siècle, en 1764, que les Jésuites sont expulsés de France. Ce renvoi part d'une importante faillite financière d'Antoine Lavalette à la Martinique. Ayant été assigné par ses créanciers, les Jésuites refusent d'éponger ses dettes. Le responsable des missions jésuites fait appel au parlement de Paris. Les parlementaires jansénistes profitent de l’occasion pour réclamer un examen des statuts de l’ordre en 1761, en dépit du soutien de Louis XV. Le parlement déclare finalement que cet ordre « nuit à l’ordre civil, viole la loi naturelle, détruit la religion et la moralité, corrompt la jeunesse » et la Compagnie de Jésus est bannie de France. Ses collèges sont fermés les uns après les autres. Cependant, les Jésuites peuvent résider en France comme « fidèles sujets du roi » et exercer leur ministère sous l’autorité des évêques locaux.

Déjà dès 1761, le Parlement de Paris considère que les lettres patentes d'Henri II de 1551, autorisant la congrégation n'ont jamais été enregistrées et dès 1762, les jésuites ont l'interdiction de recruter des novices. Ainsi, le bannissement de 1764, intervient dans un contexte déjà non favorable aux jésuites.

Expulsion d'Espagne et de ses colonies (1767) modifier

Expulsions d'États italiens liés à l'Espagne (1767) modifier

Les souverains du royaume de Naples, du royaume de Sicile et du duché de Parme et Plaisance étant liés aux Bourbons de la maison royale d’Espagne, ils suivent l’exemple de l’Espagne.

Suppression universelle de l’ordre (1773) modifier

En 1773, le pape Clément XIV, supprime la Compagnie de Jésus par le bref Dominus ac Redemptor, affirmant que cette décision est nécessaire pour une paix « véritable et permanente » dans l’Église.

Cette décision s'applique dans tous les pays catholiques.

En Russie, où la religion officielle est le christianisme orthodoxe, qui ne reconnait pas l'autorité du pape, la tsarine Catherine II interdit la promulgation du bref apostolique et il en va de même dans la Prusse protestante de Frédéric II.[pas clair]

Mesures contre l'ordre postérieures à 1814 modifier

Expulsion de Russie (1820) modifier

Les Jésuites sont d’abord bannis de Saint-Pétersbourg puis expulsés de Russie, par Alexandre Ier, en 1820.

Expulsions de France (1828, 1880, 1901) modifier

Victimes des luttes de pouvoir et querelles incessantes entre les partis de tendance républicaine et ceux qui prônaient la ‘restauration’ les Jésuites sont expulsés de France en 1828, 1880 et 1901.

Interdiction de 1880 modifier

Le 29 mars 1880, deux décrets sont signés par Charles de Freycinet, président du Conseil, et Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique, pour d'une part expulser de France les jésuites et d'autre part imposer aux autres congrégations religieuses de demander une « autorisation d'enseignement » dans un délai de trois mois, sous peine de dissolution et de dispersion.

Au total, 5 643 Jésuites auraient été expulsés[4].

Interdiction de 1901 modifier

Lorsqu’ils furent bannis en 1901 les Jésuites dirigeaient en France 24 collèges, de nombreuses églises et autres institutions. Ils cherchèrent refuge dans les pays limitrophes et eurent ainsi collèges et scolasticats à Jersey, en Belgique (Enghien et Florennes), en Espagne, etc.

Expulsions d’Espagne (1835 et 1868) modifier

Expulsion de Suisse (1848) modifier

Elle est une des conséquences de la guerre du Sonderbund qui vit la défaite des cantons catholiques, et de la création de l’État fédéral suisse. Avec le Kulturkampf pour toile de fond, le bannissement des Jésuites avait été confirmé par les articles d'exception lors de la révision constitutionnelle de 1874. L'interdiction constitutionnelle a été levée en 1973.

Expulsion de l’Empire allemand (1872) modifier

Expulsion du Mexique modifier

Entre 1821 et 1914 les Jésuites durent quitter cinq fois le Mexique…

Expulsions des pays d’’Amérique latine modifier

Victimes de changements politiques les Jésuites furent expulsés de Colombie (1850), Guatemala (1871), Nicaragua (1881) et Brésil (1889), chaque fois pour y revenir quelques années plus tard.

Notes et références modifier

  1. Henri III, a été assassiné en 1589 par un catholique fanatique sorti d'un monastère parisien et Henri IV a déjà été victime de tentatives, notamment en 1593.
  2. a b et c "Le versant brésilien de l'Atlantique-Sud : 1550-1850" par Luiz Felipe de Alencastro, dans la revue Annales en 2006 [1]
  3. "Autour de 1640 : politiques et économies atlantiques" par H. Chaunu et P. Chaunu, dans la revue des Annales en 1954 [2]
  4. Libre pensée 44, Au temps de l’expulsion des congrégations: Nantes, le 14 juin 1903.