Exploration des abysses

L'exploration des abysses est l'étude des propriétés physiques, chimiques, biologiques et les conditions dans les abysses, à des fins scientifiques ou commerciales. L'exploration en eau profonde est considérée comme une activité relativement récente de l'homme par rapport aux autres domaines de la recherche géophysique, les grandes profondeurs n'ont été étudiées qu'au cours des 40 dernières années. Les abysses restent encore largement inexplorés, et forment un domaine relativement inconnu.

Le bathyscaphe Trieste est hissé hors de l'eau dans un port tropical, vers 1958-1959, peu après son achat par la United States Navy.

Les abysses sont un environnement totalement hostile à l'homme, et représentent l'un des milieux les moins explorés de la planète. À partir de la zone mésopélagique, les pressions sont trop grandes pour les méthodes traditionnelles d'exploration, exigeant des approches alternatives pour la recherche. Les stations caméra, de petits submersibles habités et des ROV (véhicules actionnés à distance) sont trois méthodes utilisées pour explorer les profondeurs de l'océan. En raison de la difficulté et le coût de l'exploration de cette zone, les connaissances actuelles sont très limitées. La pression augmente d'environ une atmosphère tous les 10 mètres, ce qui signifie que certaines zones peuvent atteindre des pressions de plus de 1000 atmosphères. La pression rend non seulement les grandes profondeurs très difficiles à atteindre sans aide mécanique, mais elle rend aussi difficile l'étude des organismes adaptés à ces pressions énormes. En effet, les organismes ramenés à la surface pour y être étudiés sont rapidement tués par la faible pression atmosphérique.

Historique

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En bateau

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Entre 1872 et 1876, l'Expédition du Challenger parcourt le monde en se livrant à des relevés de profondeur et de faune abyssale (jusqu'à 8 km), découvrant des centaines de nouvelles espèces et de nouveaux types d'écosystèmes jusque-là insoupçonnés[1]. L'expédition Princess Alice prend sa suite en 1901, chalutant jusqu'à 6 km, qui ne sera suivie de manière significative que quarante ans plus tard, par une expédition suédoise en 1947–1948, établissant la preuve définitive et irréfutable de la possibilité de la vie au-delà de 6 km de profondeur (auparavant les spécimens remontés étaient suspectés d'être « tombés » par mégarde à des profondeurs inhabitables)[1].

En sous-marin

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La cartographie des abysses débute avec le géophysicien et géodesiste hollandais Felix Andries Vening Meinesz qui peut utiliser des sous-marins de la flotte néerlandaise à des fins scientifiques pour réaliser entre 1923 et 1930 des campagnes de mesures gravimétriques du plancher océanique[2].

Le plus célèbre explorateur des grands fonds est sans doute le suisse Auguste Piccard : à bord de son bathyscaphe Trieste, il établit puis bat tous les records du monde de descente en habitacle pressurisé (le premier à 1 000 m de profondeur en 1948, puis 3 150 m en 1953), avant d'établir (dans le cadre d'une mission américaine) la première descente habitée dans le point le plus profond de tous les océans, le « Challenger Deep » (10 916 m), dans la fosse des Mariannes[3].

En 1956, c'est le célèbre explorateur français Jacques-Yves Cousteau qui prend en sous-marin les premières photographies de la zone hadale, en sous-marin dans l'Atlantique[1].

Fin 2018 une action de mécénat privé (Expédition Five Deeps[4]) apporte aux scientifiques une occasion supplémentaire d'étudier plusieurs tranchées océaniques encore presque inconnue. Un riche texan vivant à Dallas (Victor Vescovo) veut être le premier humain à voir chacune des zones les plus profondes des cinq océans (en commençant par la tranchée de Porto Rico) ; il a pour cela affrété un ancien navire de recherche et commandé un sous-marin à deux places, dénommé « Limiting Factor », capable de supporter la pression de l'eau jusqu'à plus de 11 000 mètres, dont le sonar pourra cartographier en haute résolution ces tranchées profondes afin de mieux comprendre ce qui se passe là où des plaques tectoniques plongent dans le manteau. Un recueil d'échantillons biologiques est aussi prévu pour améliorer la connaissance des écosystèmes extrêmophiles qui se sont développés là[5].

Techniques modernes

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Exemple de capture d'écran de la mission Okeanos 2015, avec un crinoïde de la famille des Bathycrinidae.

Depuis les années 1980, l'essor des caméras numériques et des technologies de contrôle à distance, couplés au coût et au risque de faire descendre des humains à de telles profondeur, ont entraîné une nette diminution des missions habitées en grande profondeur. Les explorations contemporaines se font donc essentiellement à l'aide de ROVs (remotely operated vehicle), et les principaux laboratoires d'exploration des grands fonds sont le Monterey Bay Aquarium Research Institute et la National Oceanic and Atmospheric Administration, à travers des missions parfois spectaculaires comme celles de l'Okeanos Explorer.


Annexes

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Articles connexes

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Bibliographie

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Liens externes

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Notes et références

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  1. a b et c (en) Alan Jamieson, University of Aberdeen, « Ten Things You Never Knew About the Ocean’s Deepest Places », sur theterramarproject.org, .
  2. Jacques Kornprobst et Christine Laverne, À la conquête des grands fonds : techniques d'étude de la géologie marine, Éditions Quae, , p. 79
  3. Jacques Kornprobst et Christine Laverne, À la conquête des grands fonds, Quae, , p. 57
  4. Site Internet du projet Five Deeps
  5. Stokstad E (2018) 'Five Deeps' mission to explore mysterious ocean trenches; Science 21 Dec 2018:Vol. 362, Issue 6421, pp. 1342-1343 ; DOI: 10.1126/science.362.6421.1342 |(résumé)