Expéditions ottomanes au Maroc

expéditions militaires ottomanes au Maroc au XVIe siècle

Expéditions ottomanes au Maroc

Informations générales
Date 1553 - 1594
Lieu Royaume de Fès
Casus belli Affaiblissement du pouvoir des Wattassides et convoitises ottomanes.
Issue
  • Vassalisation du royaume de Fès, de la dynastie Wattassides puis des Saadiens
  • Reconnaissance temporaire de la suzeraineté ottomane puis indépendance du Maroc sous les Saadiens au XVIIe siècle
Belligérants
Saadiens Empire ottoman
Wattassides
Factions saadiennes rivales
Commandants
Salah Raïs
Caïd Ramdan
Abou Hassoun

Conflits maroco-ottomans

Batailles

Prise de Fès (1554)
Prise de Fès (1576)

Les expéditions ottomanes au Maroc sont, dans le cadre du conflit maroco-ottoman, une série d’expéditions militaires menées par l'Empire ottoman au Maroc sous les dynasties wattasside puis saadienne, à la fin du XVIe siècle. Les Ottomans, cherchant à avoir une influence dans cette région, vont intervenir militairement en soutenant divers prétendants au trône, ce qui conduira à la prise de Fès à deux reprises : en 1554 et 1576.

Déroulement

Les Turcs, dirigés par le pacha d'Alger, Salah Raïs, s'emparent de Fès en 1554 alors convoitée par les Portugais, en s'appuyant sur un certain Bou Hassoun, un wattasside qui prête allégeance à la Sublime Porte. Le Saadien Abd el Malik reconnaît temporairement la suzeraineté ottomane[1],[2]en faisant prononcer la khutba au nom du calife ottoman[3].

La succession de ce dernier est l'occasion pour les Turcs, appelés par deux prétendants au trône, d'intervenir à nouveau au Maroc. Néanmoins, ils essuient une défaite à la bataille de l'Oued-el-Leben en 1558. Les marges orientales du Maroc sont plus ou moins occupées par les Turcs de la régence d'Alger (à l'image de la région de Oujda, qui est prise puis perdue en 1672, puis reprise avec le Rif oriental en 1692 jusqu'en 1795[4],[5],[6],[7]).

À Alger, le prétendant Saadien, Abd el Malek, avait épousé la fille du corsaire Hajji Morato et il peut compter sur l'appui de Euldj Ali[8]. En échange le Saadien promet de se faire vassal des Ottomans, promesse alors toute diplomatique qu'il n'a alors, selon Chantal de La Véronne, nullement l'intention de tenir[8].

En 1576, les Turcs, appuyant le prétendant Saadien Abd el Malek, reprennent Fès et le remettent sur le trône. L'avancée des troupes d'Abd el Malek, comprenant des éléments ottomans, permettra de reprendre Marrakech. Il payera un tribut, notamment pour rembourser les frais de l'expédition ottomane qui l'a mis au pouvoir. Le Caïd Ramdan rentre à Alger, et laisse de troupes ottomanes, dont le nombre va décroître, stationnées au Maroc. Selon Güneş Işıksel, le Maroc peut-être décrit dès lors comme une sorte de dépendance ou protectorat ottoman[3],[9].

La prise de pouvoir d'Abd el Malek avec l'aide ottomane et la présence au Maroc de soldats d'obédience turco-algérienne, intrigue les Espagnols, qui voient ainsi la Sublime Porte prendre pied au Maghreb al-Aqsa. Ces derniers veulent prendre le port de Larache pour empêcher l'établissement d'un port turc sur l'Atlantique, mais déjà des caïd turcs sont nommés à Tétouan alors que deux autres doivent se rendre à Larache et Salé. À Fès, Abd el Malek se réorganise et réussit à renvoyer une partie des troupes du corps expéditionnaire turc après lui avoir versé les 920 000 mitqals d'or promis. Ceux des Turcs qui préfèrent rester au Maroc sont incorporés dans son armée. Abd el Malek se dirige alors vers Marrakech, après avoir fait reconnaitre son autorité à Meknès et Rabat[8].

Conséquences diplomatiques

En 1580, le chérif du Maroc reçoit un courrier du sultan ottoman de l'époque, Mourad III, dont le contenu ne donne au chef marocain Moulay Ahmed que les titres de h'akim et d’émir de Fez et de Marrakech, précisant que le rôle de calife appartient au sultan ottoman. Les réponses de Moulay Ahmed au sultan Mourad n'ont pas l'air de contredire ce cadre de vassalité[10].

En 1589, le sultan marocain écrit sur une posture égalitaire avec le sultan ottoman, indiquant qu'il n'y a pas de lien de vassalité entre eux, mais plutôt une sorte d'alliance. Les Ottomans chercheront à soutenir un autre prétendant au trône afin de créer une vice-royauté de Fès qui soit tributaire de l'Empire ottoman, mais n'auront plus les moyens d'intervenir directement dans les affaires internes du Maroc[11].

Notes et références

  1. J. D. Fage 1977, p. 408
  2. Nabil Mouline, Le califat imaginaire d'Ahmad al-Mansûr : Pouvoir et diplomatie au Maroc au XVIe siècle, Presses Universitaires de France, (ISBN 978-2-13-074021-6, lire en ligne)
  3. a et b Güneş Işıksel 2014, p. 397
  4. Y. Katan, Oujda, une ville frontière du Maroc, 1907-1956, La Porte, 1993, p. 23
  5. M. El-Mansour, Morocco in the Reign of Mawlay Sulayman, Middle East & North African Studies Press, 1990, p. 104
  6. Note : bien qu'El-Mansour situe l'évènement en 1798, la majorité des sources le situe plutôt en 1795.
  7. A. Retnani, Oujda, Années 20 (lien), Ed. La Croisée Des Chemins, Casablanca, Maroc, 2010, p. 25
  8. a b et c Chantal de La Véronne, Histoire sommaire des Sa'diens au Maroc: La première dynastie chérifienne, 1511-1659, FeniXX réédition numérique, (ISBN 978-2-307-06107-6, lire en ligne)
  9. Donald Edgar Pitcher 1972, p. 143
  10. Chantal de la Veronne 1973, p. 396
  11. Chantal de la Veronne 1973, p. 397

Bibliographie

  • (en) J. D. Fage, The Cambridge History of Africa, t. Volume III, Cambridge University Press, , 818 p. (ISBN 978-0-521-20981-6, lire en ligne) 
  • (en) Donald Edgar Pitcher, An Historical Geography of the Ottoman Empire : From Earliest Times to the End of the Sixteenth Century, Brill Archive, (lire en ligne) 
  • Chantal de la Veronne, Relations entre le Maroc et la Turquie dans la seconde moitié du XVIe siècle et le début du XVIIe siècle (1554-1616), coll. « Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée », (lire en ligne), p. 391-401 
  • (en) Güneş Işıksel, Ottoman Suzerainty over Morocco During Abdulmelik’s Reign (1576-1578) : A Reassessment, Rethymno, Marinos Sariyannis et al., coll. « New Trends in Ottoman Studies : Papers presented at the 20th CIÉPO Symposium, Rethymno, 27 June – 1 July 2012 », (lire en ligne), p. 568-577