Encellulement

regroupement des hommes autour d'un pôle castral ou ecclésial au XIe siècle en Europe

Encellulement
Image illustrative de l’article Encellulement
Le château, une des structures de base de la société selon l'encellulement.

Définition Regroupement des hommes autour d'un pôle castral ou ecclésial au XIe siècle
Auteur(s) Robert Fossier
Date d'apparition 1982
Pays Drapeau de la France France
Contradicteurs Dominique Barthélémy
Œuvres principales Enfance de l’Europe : Xe – XIIe siècle : aspects économiques et sociaux

Encellulement est un concept de l'histoire sociale qui désigne globalement, dans l'Europe médiévale, le regroupement et « la prise en mains des hommes » à la campagne, consistant à les fixer autour du château (encellulement castral), de l'église, du cimetière et de la paroisse (encellulement ecclésiastique), pôles et « cellules » de regroupement, de contrôle et de domination des hommes.

Définition de l'encellulement modifier

Ce concept a été formulé par Robert Fossier dans son ouvrage, Enfance de l'Europe, publié en 1982) et fait suite à l'incastellamento (ou enchâtellement) prôné par Pierre Toubert depuis les années 1970 en élargissant le regroupement villageois au-delà du château et des zones montagneuses. En clair, selon Fossier, le pouvoir seigneurial aurait autour de l'An mil, réorganisé les terroirs villageois (autrefois non structurés et non regroupés) en fixant les structures de base (château, église, cimetière, parcellaire, maillage paroissial), les mauvaises coutumes (malos consuetudines) ainsi qu'une véritable « conscience » villageoise[Note 1]. Vers 1150, ce phénomène de regroupement est achevé à peu près partout.

Discussion sur la naissance de l'encellulement modifier

Cependant, si l'achèvement au cours du XIIe siècle est reconnu par la plupart des spécialistes[Note 2], la naissance de l'encellulement autour de l'an mil pose problème. En effet, Fossier y voit une naissance « brutale » autour de l'an mil (entre 950 et 1050) faisant suite au repliement des villageois auprès de guerriers après l'arrêt des raids vikings et à une sensible hausse démographique durant cette même période.

Dominique Barthélemy, comme d'autres historiens tels que Daniel Pichot[2], précise cette vision de la « mutation de l'an mil » en proposant une mutation plus lente dans le temps. Selon lui, en s'appuyant en partie sur l'archéologie, il avance que l'encellulement[Note 3] serait né en plein milieu de l'époque carolingienne dès le IXe siècle et aurait progressivement regroupé les hommes dans des proto-villages jusqu'au XIIe siècle environ[Note 4]. Le tournant 1100 marquerait la fin d'un premier encellulement de regroupement local, faisant place à un autre encellulement de regroupement plus global (Église et royauté).

Jusqu'à la guerre de Cent Ans, le processus d'encellulement est très relatif car « l'osmose véritable, concrète et uniforme entre le pôle castral et le pôle paroissial ne peut être réalisée à cause de la trop importante défiance qui existe entre clercs ou paysans d'une part, membres de l'aristocratie d'autre part. Le paysan préfère la protection de ses saints (l'église) et de ses morts (le cimetière) plutôt que l'ombre de sa tour seigneuriale. Celle-ci ne peut regrouper que quelques maisons sans jamais constituer un véritable regroupement permanent… Les basses-cours existent et semblent bien prévues comme des espaces d'accueil pour les membres de la communauté rurale, peut-être même dès l'origine… Toutefois, lorsque les textes sont disponibles, ils insistent bien sur le caractère temporaire de cet accueil, en temps de guerre seulement. Cela suppose alors un enchâtellement très incomplètement réalisé, puisque, face à l'urgence de la mise en défense, les membres de la communauté rurale ne se trouvent toujours pas à proximité immédiate du château, liés à lui. Si l'encellulement est relatif, les raisons en sont multiples. Le seigneur ne cesse de tenter de s'insérer dans le maillage paroissial et d'en contrôler les pôles de peuplement. Face au clocher de l'église paroissiale, se dresse alors la tour seigneuriale[5] ».

Bibliographie modifier

  • P. Toubert, Les structures du Latium médiéval : le Latium méridional et la Sabine du IXe à la fin du XIIe siècle, École française de Rome, 1973
  • R. Fossier, Enfance de l’Europe : Xe – XIIe siècle : aspects économiques et sociaux, PUF, 1982.
  • R. Fossier, Encellulement, Dictionnaire du Moyen Âge, Cerf, 1997.
  • D. Barthélemy et O. Bruand (dir.), Les pouvoirs locaux dans la France du centre et de l'ouest (VIIIe – XIe siècles), Implantation et moyens d'action, PUR, 2004.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. (Robert Fossier) "a construit une modélisation historique de la naissance du village à partir de celle créée par Pierre Toubert pour le Latium et la Sabine sur la base de sources écrites ('incastellamento) tout en soulignant la spécificité de l'espace géographique qu'il étudie - l'Europe du Nord-Ouest - où le regroupement et la fixation des hommes sont plus le fruit de l'attraction des pôles cimetérial et ecclésial que de celle du pôle castral"[1].
  2. "Robert Fossier a sans cesse affiné sa théorie de l'encellulement et de la naissance du village, qui s'est très vite imposée à l'ensemble de la communauté scientifique. (...) Robert Fossier a très largement contribué à focaliser le débat sur la définition du village et sur son origine ainsi qu'à orienter l'interprétation des données archéologiques en fonction de ce modèle devenu paradigme au fil du temps. En effet, l'encellulement fonctionne aujourd'hui et depuis une quinzaine d'années, comme une grille de lecture obligée pour tout chercheur travaillant sur la période des Xe – XIIe siècles et sur l'habitat rural médiéval"[1].
  3. Dominique Barthélémy discute également la notion elle-même : "Le problème essentiel, avec ce concept d'encellulement, est que la cellule vers laquelle on va n'est pas très clairement définie"[3].
  4. "Il est clair que l'encellulement ne saurait être réduit aux décennies proches de l'an mil ; ses racines remontent au début du IXe siècle et il se parachève lentement, jusqu'en plein XIIe siècle."[4].

Références modifier

  1. a et b Magali Watteaux, "À propos de la «naissance du village au Moyen Âge» : la fin d’un paradigme ?", Études rurales, 2003/3, n° 167/168, p. 306-318.
  2. Daniel Pichot, Rennes, Le Village éclaté. Habitat et société dans les campagnes de l'Ouest au Moyen Âge, Presses universitaires de Rennes, , 395 p..
  3. Chevaliers et miracles. La violence et le sacré dans la société féodale, 2004, note 137 du chap. 3
  4. Jérôme Baschet, La civilisation féodale. De l'an mil à la colonisation de l'Amérique, éd. Flammarion, 2006, 2009
  5. P.-Y. Laffont, M. de Framond, B. Sanial (dir.), , 2008, Châteaux du Moyen Âge : de l’étude à la valorisation. Auvergne et autres exemples régionaux (actes du colloque du Puy-en-Velay, juin 2004), Éditions de la Société académique du Puy-en-Velay, , p. 21.