Enceinte de Thiers

enceinte créée entre 1841 et 1844 autour de Paris

L'enceinte de Thiers est une enceinte créée autour de Paris sous Louis-Philippe, convaincu que la construction d'une enceinte de fortifications autour de la capitale empêcherait Paris de tomber aux mains d'armées étrangères comme lors de la bataille de Paris en 1814 et rendrait la ville imprenable.

Enceinte de Thiers en rouge comparé au mur des Fermiers généraux de 1790 en bleu.

Le premier projet, présenté en 1833 à la Chambre des députés par le maréchal Soult, président du Conseil et ministre de la Guerre, est vivement rejeté par la gauche, qui soupçonne de la part du gouvernement des arrière-pensées de politique intérieure. La crise d'Orient qui débute à la fin des années 1830 entraîne un regain de tension entre l'Angleterre et la France, ce qui remet à l'ordre du jour la question de la défense de Paris et de l'intégrité des frontières maritimes. La construction de l'enceinte peut commencer en 1840, à la suite de l'approbation donnée par le président du Conseil et ministre des Affaires étrangères de l'époque, Adolphe Thiers[1]. Elle dure de 1841 à 1844.

Englobant la totalité de la capitale, soit près de 80 km2, l'enceinte de Thiers se situe alors entre les actuels boulevards des Maréchaux, appelés à l'origine « rue Militaire » et le futur emplacement du boulevard périphérique[2]. Elle est détruite entre 1919 et 1929.

Caractéristiques modifier

 
Les limites de Paris, du IVe siècle à 2015.

L'enceinte englobait une superficie totale de 78,02 km2 et s'étendait sur 33 km de long, en suivant de près les limites actuelles de la commune de Paris, bois de Boulogne et de Vincennes non compris.

Appelée « les fortifications » et plus familièrement « les fortif’ », cette enceinte était constituée de :

Les ouvrages étaient desservis et approvisionnés par la rue Militaire, secondée par une ligne de chemin de fer, la ligne de Petite Ceinture.

L'enceinte est composée :

  • d'une rue militaire intérieure ;
  • d'un parapet de 6 mètres de large ;
  • d'un mur d'escarpe de 3,5 mètres d'épaisseur et de 10 mètres de haut ;
  • d'un fossé sec de 40 mètres ;
  • d'une contrescarpe en pente légère ;
  • d'un glacis de 250 mètres de large.

À l'extérieur du mur d'enceinte, de son fossé et de sa contrescarpe se trouvait une bande de terre de 250 m de large : le glacis. Désignée comme zone non ædificandi (zone non constructible), elle fut occupée par des bidonvilles dès la fin du XIXe siècle, avec l'abandon de sa fonction militaire. Cette bande était désignée comme la Zone, les miséreux habitant là étant appelés les « zoniers », et péjorativement les « zonards », terme qui a subsisté et qui s'est généralisé[3],[4].

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Ouvrages complémentaires modifier

L'enceinte est complétée par seize forts détachés :

et d'autres ouvrages :

  • la batterie de Pantin
  • la batterie du Rouvray
  • la batterie des Vertus
  • l'ouvrage d'Aubervilliers
  • la batterie d'Aubervilliers
  • la redoute de la Faisanderie
  • la redoute de Gravelle
  • la lunette de Nogent
  • la digue du Rû de Montfort
  • la digue du Croult
  • la rigole de la Briche
  • la redoute de Fontenay-sous-Bois
  • la lunette de Rosny
  • la redoute de la Boissière
  • la redoute de Montreuil
  • la lunette de Noisy-le-Sec
  • la redoute de Noisy-le-Sec
  • la lunette de Romainville
  • la courtine de Romainville
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Historique modifier

Origine modifier

Louis-Philippe, proclamé roi des Français en 1830, est convaincu que la clé de la défense du territoire consiste à empêcher Paris de tomber aux mains d'armées étrangères comme lors de la bataille de Paris en 1814. Il projette donc de construire autour de la capitale une enceinte de fortifications qui rendrait la ville imprenable.

Un premier projet est présenté à la Chambre des députés au début de 1833 par le maréchal Soult, président du Conseil et ministre de la Guerre. Il suscite d'emblée une très vive résistance de la part de la gauche, dont les orateurs soupçonnent — ou feignent de soupçonner — de la part du gouvernement des arrière-pensées de politique intérieure : on affirme que les fortifications sont en réalité destinées non à défendre la France, mais à menacer les Parisiens au cas où ils viendraient à se révolter contre le pouvoir royal.

Construction modifier

Le budget pour la construction de l'enceinte est attribué en 1841. Les fortifications sont terminées en 1844.

Les fortifications englobent non seulement Paris (limité au mur des Fermiers généraux), mais également tout ou partie d'un anneau de communes situées autour de la capitale : Saint-Ouen, Montmartre, La Villette, Belleville, Charonne, Saint-Mandé, Bercy, Ivry, Montrouge, Vaugirard, Issy-les-Moulineaux, Auteuil, Passy et Batignolles-Monceau.

Extension de Paris modifier

En 1860, Paris étend ses limites directement jusqu'à l'enceinte de Thiers et annexe les communes (ou parties de communes) qu’elle englobe. Sont entièrement absorbées et deviennent des quartiers de Paris :

  • Belleville ;
  • Grenelle ;
  • La Villette ;
  • Vaugirard.

Sont partiellement absorbés, devenant pour une partie des quartiers de Paris, pour le reste rattaché à d'autres communes :

Sont annexées d'une partie de leur territoire les communes de :

Guerre de 1870 modifier

Durant la guerre franco-allemande de 1870, après la défaite des armées impériales et la capitulation de Napoléon III, l'enceinte est mise à l'épreuve durant le siège de Paris. Celui-ci se déroule du au , jusqu'à l'armistice signé par la IIIe république.

Un certain nombre de fortifications ne sont pas terminées, comme sur les hauteurs de Montretout et de Châtillon, et sont abandonnées par les troupes en place. Ces abandons vont coûter cher aux Français. En effet, c'est au plateau de Châtillon que les Prussiens installent leur grosse artillerie, qui foudroie les forts et la capitale. Par la suite, les Français tentent de reprendre ces fortifications (première bataille de Châtillon).

De Paris encerclée, plusieurs tentatives de sortie pour desserrer l'étau prussien sont entreprises :

Commune de Paris modifier

Après la fin du siège, les armées allemandes obtiennent de Thiers une occupation symbolique des Champs-Élysées du 1er au 3 mars. L'Assemblée nationale s'installe à Versailles pour éviter la pression de la Garde mobile parisienne en état de quasi-insurrection. Enfin, la journée du 18 mars entraîne l'instauration de la Commune de Paris. Alors que la convention d'armistice n'autorise que 40 000 soldats français en région parisienne, Bismarck libère rapidement près de 60 000 prisonniers de guerre, qui peuvent s'adjoindre aux 12 000 soldats dont dispose Thiers.

À la suite de cela, le gouvernement de la IIIe République assiège la commune. C'est le second siège mené par les armées régulières contre les insurgés. Les fédérés de la Commune négligent de s'installer au fort du Mont-Valérien, permettant ainsi aux Versaillais d'occuper le 21 mars cette position qui, dominant toute la proche banlieue ouest de Paris, leur donne un avantage considérable.

Le 21 mai, grâce à Jules Ducatel, piqueur des Ponts et Chaussées, qui monte sur le bastion no 64 pour avertir les Versaillais que la place n'est plus gardée, l'armée régulière pénètre dans Paris par la porte de Saint-Cloud. C'est le début de la semaine sanglante, qui s'achève le 28 mai).

Déclassement modifier

L'enceinte devient obsolète dès la fin du XIXe siècle du fait de l'augmentation de la portée de l'artillerie, en particulier celle de l'armée prussienne en 1871. Son démantèlement est envisagé dès 1882[5]. « La Zone » est peu à peu occupée par des constructions sauvages et abrite environ 30 000 personnes au début du XXe siècle.

Déclassées par la loi du , les fortifications sont progressivement détruites jusqu’en 1929.

Leur emplacement fait d’abord place à des terrains vagues (« La Zone »), qui sont progressivement réhabilités à partir des années 1930 par la construction de logements sociaux (les habitations à bon marché ou HBM), d’équipements sportifs et de parcs (par exemple le stade Jean-Bouin et la piscine Molitor), de lieux d'exposition (par exemple le parc des expositions de la porte de Versailles et le musée des Colonies), voire d'immeubles de luxe comme les immeubles Walter dans le 16e arrondissement.

Initialement, cette immense réserve foncière avait suscité des projets d'ensemble qui ne virent cependant pas le jour. Adolphe Alphand propose ainsi d'édifier une ceinture verte autour de Paris, avec des jardins, des hôtels et des casinos, idée que l'écrivain Nicolas Chaudun décrit comme « une vraie panoplie balnéaire qui eût été fantastique ». Portés par les idées hygiénistes en vogue à l'époque, d'autres architectes souhaitent édifier des habitations entourées de jardins, comme Eugène Hénard et ses immeubles à redans ou Auguste Perret et ses maisons-tours allant de 150 à 200 mètres, chacune étant reliée aux autres par un pont. Cependant, la lenteur des destructions met un terme à ces différents projets, et on retient l'idée moins ambitieuse de logements sociaux, une « ceinture rouge » de 40 000 HBM qui s'effectue par tranches et non de manière homogène et globale, aucun grand architecte n'ayant souhaité répondre à l'appel d'offres lancé[6],[7].

La forme des anciens bastions se retrouve en plusieurs endroits dans la topologie de la voirie sur cet espace.

En 1939, la plupart des terrains de l'ancienne enceinte sont encore en jachère. Après la Seconde Guerre mondiale, la démocratisation de l'automobile amène à réfléchir à la construction d'une nouvelle ceinture, cette fois-ci de transport[6].

Le boulevard périphérique de Paris est construit de 1958 à 1973 au-delà de l'emprise proprement dite de l'enceinte de Thiers, en bordure de « la Zone », et continue de matérialiser la séparation entre Paris et sa banlieue.

Restes contemporains modifier

Quelques vestiges de l'enceinte de Thiers restent visibles dont, entre autres :

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Notes et références modifier

  1. « La question des fortifications de Paris. 1840 », sur cheminsdememoire.gouv.fr, Chemins de mémoire.
  2. « L'enceinte des Fermiers généraux et l'enceinte de Thiers », paris-atlas-historique.fr.
  3. Guy le Hallé, Les Fortifications de Paris, Horvath Éditions, (ISBN 978-2-7171-0464-6).
  4. Zone, Zonards, apaches : le peuple des bordures de Paris, criminocorpus.hypotheses.org.
  5. [PDF] « La Zone et les fortifs », Ville de Malakoff.
  6. a et b Bruno D. Cot, « Paris. Les projets fous… auxquels vous avez échappé », cahier central publié dans L'Express, semaine du 29 mars 2013, p. XV.
  7. « Les pires projets architecturaux qu'a évité Paris », pariszigzag.fr, consulté le 28 décembre 2018.
  8. Site de la mairie du 17e arrondissement.

Bibliographie modifier

Voir aussi modifier

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Articles connexes modifier

Liens externes modifier