*Dyēus, ou *Dyḗus ph₂tḗr[1],[2] (« Père Ciel »), est le nom reconstitué du dieu du ciel de la religion proto-indo-européenne. *Dyēus est la personnification divine du ciel diurne et du *deywṓs, la demeure des dieux. Associé au vaste ciel diurne et aux pluies fertiles, *Dyēus est lié avec *Dʰéǵʰōm, la Terre Mère, dans une relation à la fois d'union et de contraste. Bien qu'il n'y ait aucune preuve archéologique de son existence, des formules similaires lui font référence dans les langues indo-européennes ainsi que dans les mythes indo-aryens, latins, grecs, phrygiens, messapiens, thraces, illyriens, albanais et hittites[3],[4].

Le ciel diurne au-dessus de la steppe pontique. *Dyēus est considéré comme le « Dieu du Ciel ».

Étymologie modifier

Le nom *Dyēus repose sur le thème *dyeu-, désignant le « ciel diurne » ou la « clarté du jour » (par contraste avec l'obscurité de la nuit), et issu de la racine indo-européenne *dei- qui signifie « briller »[1],[5]. Les mots apparentés des langues indo-européennes tournant autour des concepts de « jour », « ciel » et « dieu », et partageant la racine *dyeu- comme étymon suggèrent que Dyēus désigne le ciel diurne comme une entité divine[1],[5] comme dans le mot sanskrit dyumán- (« céleste », « lumineux »)[6].

Fonction modifier

*Dyēus représente le ciel diurne, et donc la résidence des dieux[7]. En tant que porte d'accès pour les dieux, père des Jumeaux divins, et père de l'Aurore (*H₂éwsōs), *Dyēus est un dieu capital du panthéon indo-européen[8],[9]. Cependant, contrairement à Zeus ou à Jupiter, il n'est ni le maître ni le détenteur de la puissance souveraine[7]. *Dyēus est associé au ciel dégagé, mais aussi au ciel nuageux dans certaines formules grecques et védiques[10]. Bien que plusieurs des divinités apparentées à *Dyēus soient des divinités de l'orage et du tonnerre, comme Zeus et Jupiter, ce changement serait dû à un développement tardif exclusivement méditerranéen, dérivé d'un syncrétisme avec les dieux cananéens et le dieu proto-indo-européen Perkwunos[11].

En raison de sa nature céleste, *Dyēus est souvent qualifié d'« omniscient » dans les mythes indo-européens. Il est néanmoins peu probable qu'il ait eu pour mission d'assurer la justice, comme ce fut le cas pour Zeus ou pour le dieu composé indo-iranien Mitravaruna. Mais il fut employé comme témoin des serments et des traités[12]. Par ailleurs, les Proto-Indo-Européens concevaient le soleil comme la « lampe de Dyēus » ou comme l'« œil de Dyēus », ce qu'illustrent plusieurs références de la littérature mythique : la « lampe de Dieu » dans la Médée d'Euripide, la « chandelle céleste » dans Beowulf, le « pays de la lampe de Hatti » (la déesse-soleil d'Arinna) dans une prière hittite[13], Hélios considéré comme l'œil de Zeus[14],[15], Hvare-khshaeta comme l'œil d'Ahura Mazda dans le mazdéisme, ou bien le soleil comme « œil de Dieu » dans le folklore roumain[16].

Témoignages modifier

Les mots apparentés issus soit de la racine *dyeu (« ciel diurne »), de l'épithète *Dyḗus ph₂tḗr (« Père Ciel »), du dérivé vṛddhi *deiwós (« céleste »), du dérivé *diwyós (« divin »), ou de la rétroformation *deynos (« jour ») sont les témoignages les plus couramment attestés de *Dyēus au sein des langues indo-européennes[2],[3].

Notes et références modifier

  1. a b c d e et f West 2007, p. 167.
  2. a b et c Mallory et Adams 2006, p. 431.
  3. a b et c West 2007, p. 166–171.
  4. Mallory et Adams 2006.
  5. a b c d e et f Mallory et Adams 2006, p. 408–409.
  6. (ee) Ene Vainik, « Jumala jälgi ajamas » [« Following God »], Mäetagused, vol. 58,‎ , p. 7–34 (DOI 10.7592/MT2014.58.vainik)
  7. a et b West 2007, p. 168.
  8. Mallory et Adams 1997, p. 230–231.
  9. Mallory et Adams 2006, p. 432.
  10. West 2007, p. 169.
  11. Miranda J. Green, « Pagan Celtic Religion: Archaeology and Myth », Transactions of the Honourable Society of the Cymmrodorion,‎ , p. 13–28
  12. West 2007, p. 171–175.
  13. West 2007, p. 195.
  14. David Sick, « Mit(h)ra(s) and the Myths of the Sun », Numen, vol. 51, no 4,‎ , p. 432–467 (DOI 10.1163/1568527042500140)
  15. Ljuba Merlina Bortolani, Magical Hymns from Roman Egypt : A Study of Greek and Egyptian Traditions of Divinity, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-316-67327-0)
  16. Doina Ionescu et Cristiana Dumitrache, « The Sun Worship with the Romanians », Romanian Astronomical Journal, vol. 22, no 2,‎ , p. 155–166 (Bibcode 2012RoAJ...22..155I)
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  49. Cf. article « տիւ » dans le Wiktionnaire

Bibliographie modifier