Droit primitif

catégorisation d'un système de droit comme imparfait

Le droit primitif est une notion d'histoire du droit de l'Antiquité qui désigne l'ancien droit romain ou tout autres droits objectifs antérieurs aux périodes classiquement étudiées. Appliquée au monde moderne, l'idée d'un droit primitif est une catégorisation péjorative des ordres juridiques différents rencontrés par les colons européens au sein de leur idéologie du progrès des sociétés.

Histoire du droit romain modifier

Dans la Rome antique, le droit primitif romain repose sur un ensemble de textes connu sous le nom de Loi des Douze Tables. On parle de « droit romain primitif » (ou « textes primitifs romains » ou encore « ancien droit romain ») par opposition au « droit romain classique ». Créée vers 450 avant notre ère, la Loi des Douze Tables répond aux nouvelles exigences de l'accroissement de la population dans la Ville. Elle s'inspire de la jus gentium, mais l'homme répond de ses propres choix et non plus de ceux des dieux : « Ce que les suffrages du peuple ont ordonné en dernier lieu, c'est la loi »[1]. Elle s'attache notamment à définir les droits de succession au sein de la famille.

L'historien grec Plutarque abordait déjà le sujet au Ier siècle avant notre ère en s'intéressant aux Tabous du mariage dans le droit primitif des Romains (texte traduit par Pierre Noailles et publié en 1948).

Autres exemples modifier

  • Dans les sociétés islamiques, le fiqh a été précédé par le « fiqh primitif », auquel Joseph Chelhod a consacré une recherche en 1986[2] (voir Histoire de l'Arabie pré-islamique).
  • Chez les Hébreux, selon la Genèse, c'est Elohim (ou El Shaddai) qui donna les lois primitives à Noé après le Déluge. Elles sont connues sous le nom de Noahides ou (7 lois de Noé)[3].
  • En Mésopotamie, le Code de Hammurabi a été rédigé vers 1750 avant notre ère. Considéré comme le plus ancien droit primitif, il pourrait avoir influencé de nombreux autres codes juridiques. La rédaction de ce recueil de jurisprudences a été ordonnée par le roi babylonien Hammurabi afin de renforcer son pouvoir politique. Le code se démarque des sources juridiques antérieures par un esprit novateur visant à l'équité et instaurant, entre autres, la loi du talion (reprise dans l'Ancien Testament) qui règle les vengeances personnelles afin de diminuer la faide[4].

Évolutionnisme juridique modifier

La notion de droit primitif a aussi été utilisée en droit comparé au XIXe siècle et au XXe siècle pour désigner les traditions juridiques contemporaines propres de certains peuples non-occidentaux, en les prétendant irrationnelles et inférieures[5]. Cette caractérisation était l'expression d'une idée de l'évolution des sociétés à perspective eurocentriste, sous-jacente dans les courants du positivisme juridique qui ne reconnaissent que les États comme ordres juridiques[6],[7].

Notes et références modifier

  1. Tite-Live, 3, 9-57.
  2. Joseph Chelhod, « La Place de la coutume dans le Fiqh primitif et sa permanence dans les sociétés arabes à tradition orale », Studia Islamica, No. 64 (1986), pp. 19-37.
  3. Paul E. Dumont, « Le droit primitif des anciens Hébreux », Bulletin de la Société royale belge d'anthropologie et de préhistoire, V 67:113-132
  4. Jean Botéro, « Mésopotamie. L’Écriture, la raison et les dieux », éd. Gallimard, 1987.
  5. Stefan Goltzberg, Le droit comparé, Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », , 35–64 p. (ISBN 978-2-13-080011-8), « Chapitre II. Origine et développement du comparatisme »
  6. François Rigaux, « Le droit au singulier et au pluriel », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, vol. 9, no 2,‎ , p. 1–61 (ISSN 0770-2310, DOI 10.3917/riej.009.0001, lire en ligne  , consulté le )
  7. Catherine Haguenau-Moizard, Introduction au droit comparé, Paris, Dalloz, coll. « Séquences », (ISBN 978-2-247-18598-6)

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Frédéric-Henri Strube de Piermont, Ébauche des loix naturelles et du droit primitif, Amsterdam, J. Ryckhoff, 1744.
  • Jacek Kurczewki, Le Droit primitif, 1972.
  • Jean Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, 1967, 909 p.
  • Jacques Ellul, Histoire des institutions. L'antiquité, éd. Themis, 1979, 629 p.
  • « Vol de nuit. L'abrogation de l'article 382-3 du Code pénal ou la fin d'un "document de droit primitif" », article de Soazick Kerneis, paru dans la Revue historique de droit français et étranger, pp. 281-309, en 1999.

Articles connexes modifier

Liens externes modifier