Doğu Perinçek

homme politique turc

Doğu Perinçek, né le à Gaziantep, est un homme politique turc.

Doğu Perinçek
Doğu Perinçek
Biographie
Naissance
Voir et modifier les données sur Wikidata (81 ans)
GaziantepVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Faculté de droit de l'université d'Ankara (en)
Université d'AnkaraVoir et modifier les données sur Wikidata
Activité
Autres informations
Partis politiques
Idéologie
Lieu de détention
Prison de Silivri (en)Voir et modifier les données sur Wikidata

En 1969, il fonde un parti illégal, le Parti révolutionnaire ouvrier et paysan de Turquie (Türkiye İhtilalci İşçi Köylü Partisi/TİİKP), de tendance maoïste. Il devient ensuite président du Parti des Ouvriers et Paysans de Turquie (Türkiye İșçi Köylü Partisi) de 1978 à 1980, du Parti Socialiste (Sosyalist Partisi) de 1991 à 1992, et du Parti des Travailleurs (İșçi Partisi) de 1992 à 2015. À partir de 2015, il assure la présidence du Parti Patriotique (en turc "Vatan Partisi").

Biographie modifier

Né à Gaziantep, fils d'un député du Parti de la Justice (Adalet Partisi), il grandit à Ankara. Ouvrier pendant 10 mois en Allemagne en 1962 et 1963, il étudie le droit à l’université d’Ankara et obtient son doctorat en 1968.

À la même époque, il devient président de la Fédération des Clubs d'Idées (FKF), une organisation étudiante liée au Parti des Travailleurs de Turquie (Türkiye İșçi Partisi).

Le , il est exclu de la FKF. En novembre de la même année, il crée la revue Aydınlık (« Clarté ». En 1969, il fonde le Parti révolutionnaire ouvrier et paysan de Turquie (Türkiye İhtilalci İşçi Köylü Partisi/TİİKP), un parti clandestin de tendance maoïste[1].

Après le coup d’État militaire du , un mandat d'arrêt est décerné contre lui et il est arrêté en . Il est notamment accusé d'avoir tenté d'infiltrer l'armée. Condamné à 20 ans de prison, il est libéré lors de l’amnistie générale de .

Le , il fonde le Parti des Ouvriers et Paysans de Turquie (Türkiye İşçi Köylü Partisi).

Après le 12 septembre modifier

Après le coup d’État du il est de nouveau arrêté et condamné à 8 ans de prison, avant d'être libéré en .

En 1987, il devient rédacteur en chef de l'hebdomadaire 2000'e Doğru (Vers l'an 2000). En 1990, il est condamné à trois mois de prison pour un article traitant de la censure. En 1991, en qualité de rédacteur de 2000'e Doğru, il se rend au Liban pour rencontrer le président du Parti des Travailleurs du Kurdistan, Abdullah Öcalan, dans un camp situé dans la vallée de la Bekaa[2].

En 1990, il est élu président général au 2e congrès du Parti socialiste, dissous en par la Cour constitutionnelle. Il est alors élu président général d'une nouvelle formation, le Parti des travailleurs.

En 1998, il est placé en garde à vue et accusé d’aide au PKK sous forme d’argent et d’armes. Il est alors condamné pour des propos tenus en 1991 à la télévision à une peine de 14 mois de prison avant d'être libéré en . Recouvrant ses droits civiques à la faveur d’une loi sur les délits de presse, il est de nouveau élu président général du Parti des travailleurs.

Depuis l'an 2000 modifier

En 2015, le Parti des Travailleurs prend le nom de Parti Patriotique. Doğu Perincek en assure la présidence jusqu'à aujourd'hui. Son parti, prônant le rapprochement de la Turquie et de la Russie contre l'OTAN, s'est fortement rapproché du philosophe russe Alexandre Douguine et de ses thèses eurasistes[3].

Élection présidentielle de 2018 modifier

Il figure parmi les six candidats à l'élection présidentielle turque qui se déroule le . Il se classe à la dernière place avec 0,2 % des voix, loin derrière le vainqueur, le président sortant Recep Tayyip Erdoğan.

Élection présidentielle de 2023 modifier

À nouveau candidat, il se fait remarquer en déclarant le 22 avril 2022, en pleine élection présidentielle française, que cinquante officiers de l'armée française seraient morts en défendant l'usine Azovstal de Marioupol. Il affirme aussi que sa source d'information est « l'État russe »[4]. Il est éliminé au premier tour de l'élection.

La Turquie et la Cour européenne des Droits de l'homme modifier

La Turquie a été condamnée deux fois par la Cour européenne des droits de l'homme dans des affaires concernant Doğu Perinçek. Une première fois par un arrêt du au sujet de la dissolution du Parti socialiste et la seconde fois par un arrêt du au sujet de sa condamnation en 1998.

La Cour y estime que le droit à la libre expression de Doğu Perinçek n'a pas été respecté lorsque la justice turque l'a condamné pour avoir proposé un projet politique fédéraliste pour la Turquie, qui mettrait Turcs et Kurdes sur pied d'égalité ; ces propositions ont par ailleurs conduit à la dissolution du Parti socialiste que Perinçek dirigeait. La Cour a souligné dans son avis que le discours de Doğu Perinçek n'était pas un discours de haine, et ne pouvait donc conduire à une limitation de la liberté d'expression[5]..

Affaire Ergenekon modifier

Le , Doğu Perinçek est à nouveau arrêté en Turquie, cette fois-ci dans le cadre de l'enquête sur le réseau ultra-nationaliste Ergenekon qui est accusé de vouloir renverser le gouvernement de l'AKP, Parti islamique au pouvoir[6].

L'acte d'accusation de l'enquête contient également des allégations similaires faites par Millî Istihbarat Teskilati ou MIT (Organisation du renseignement en Turquie). Le , celui-ci a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité[7]. Sa peine a ensuite été allégée et il a été libéré le en même temps que de nombreux autres détenus [8]. Deux ans plus tard, la Cour de cassation casse et annule, sans renvoi, la condamnation de Doğu Perinçek, ainsi que celles des autres prévenus qui n'avaient pas encore été acquittés dans l'affaire dite Ergenekon[9].

Affaires judiciaires avec la Suisse modifier

Procédure en Suisse modifier

Le , Doğu Perinçek a été condamné par la tribunal de police de Lausanne (première instance) pour avoir proféré sur le territoire suisse, à Lausanne et à Zurich, des propos niant le génocide des Arméniens, enfreignant par là l'article 261bis du Code pénal suisse sur la ségrégation raciale. Il est condamné à une amende de 3 000 francs suisses et une peine pécuniaire de 9 000 francs (90 jours à 100 francs) en jours-amende avec un sursis de deux ans. Le , le Tribunal fédéral, plus haute instance judiciaire du pays, rejette l'appel de Doğu Perinçek. Les juges ont affirmé que le génocide des Arméniens était un fait avéré alors que le politicien turc l'avait présenté comme un « mensonge impérialiste »[10]. La totalité des frais de procédure ont aussi été mis à sa charge. Ses avocats ont annoncé qu'ils allaient faire appel cette fois à la Cour européenne des droits de l'homme.

Procédure devant la CEDH modifier

Le , la CEDH donne tort à la Suisse et conclut que la justice suisse a violé la liberté d'expression de Doğu Perinçek[11]. En effet, contrairement aux tribunaux suisses, la « CEDH constate l’absence d’un consensus international sur la qualification juridique des atrocités commises en 1915. Par ailleurs, la Cour n’estime pas que les propos tenus par Dogu Perinçek soient une attaque de nature nationaliste et raciste contre la communauté arménienne en Suisse. Ces propos ne visaient ni à rabaisser les Arméniens ni à inciter à la haine ou à la violence. De même, Perinçek n’a pas nié les meurtres massifs des Arméniens en tant que tels, mais seulement la qualification juridique de « génocide », selon la Cour. Pour une qualification de « génocide », la CEDH considère qu’il « manque les bases légales internationales claires, qui existent dans le cas de l’holocauste »[12] ». La CEDH se référa aussi à une décision rendue en 2007 par le Tribunal constitutionnel espagnol et à celle du Conseil constitutionnel français[13], censurant la proposition de loi de Valérie Boyer[14].

La Confédération suisse disposait alors de quelques mois pour déposer un recours devant la Grande chambre de la CEDH, ce qu'elle fit en . L'audience s'est tenue le , et Doğu Perinçek y était assisté par son avocat habituel, Mehmet Cengiz, ainsi que par Laurent Pech, directeur du département de droit à la Middlesex University (Londres). Le , la Grande chambre a confirmé l'arrêt de  : la liberté d'expression de Doğu Perinçek a bien été violée par la justice suisse, et il n'y a pas lieu d'assimiler ses propos à ceux niant la Shoah, ni d'attribuer des intentions racistes à cet homme politique turc[15] Le , le Tribunal fédéral suisse annule la condamnation prononcée en 2007, condamne le canton de Vaud et l'Association Suisse-Arménie à verser, chacun, 2 500 francs suisses à Doğu Perinçek, et renvoie l'affaire devant la justice vaudoise[16]. Le , la cour d'appel de Lausanne attribue un supplément de seize mille francs suisses à Doğu Perinçek[17].

L'arrêt de la Grande chambre est cité parmi les références du commentaire officiel[18] de la décision rendue le [19] par le Conseil constitutionnel français (rejet de la Question prioritaire de constitutionnalité déposée en 2015 par Vincent Reynouard, au nom du principe d'égalité devant la loi, seule la contestation des crimes contre l'humanité jugés par Tribunal militaire international de Nuremberg ou par la justice française étant punissable en France).

Corollaire : Mercan et autres c. Suisse modifier

Le , Ali Mercan, représentant européen du parti de Doğu Perinçek, remplace ce dernier pour une conférence à Winterthour, car le président du parti n'a pu obtenir l'autorisation de revenir sur le territoire suisse. Le , le tribunal de district de Winterthur condamne Ali Mercan, comme Doğu Perinçek avant lui, pour avoir enfreint l'article 261 bis du code pénale, condamnation confirmée le par le tribunal cantonal et le de la même année par le Tribunal fédéral, les propos visés étant similaires à ceux de Doğu Perinçek. Deux cadres de l’Association pour la pensée kémaliste (Gesellschaft für kemalistisches Denken) sont également condamnés, pour avoir organisé la conférence du . Les trois hommes déposent alors un recours de la CEDH, qui leur donne raison le , condamnant la Confédération suisse à leur payer 4 988 euros pour remboursement des amendes versées, ainsi que 25 156 euros pour les frais d'avocat[20].


Notes et références modifier

  1. Gérard Chaliand, Abdul Rahman Ghassemlou et al., Les Kurdes et le Kurdistan : la question nationale kurde au Proche-Orient, Paris, F. Maspero, coll. « Petite collection Maspero », , 369 p. (ISBN 2-7071-1215-1), p. 149
  2. (tr) « Doğu Perinçek: Abdullah Öcalan'dan çiçek aldığıma pişman değilim », sur Haberler.com (consulté le )
  3. « Prof. Aleksandr Dugin'den Türkiye'ye uyarı », Haberturk,‎ (lire en ligne)
  4. Jacques Pezet, « Macron a-t-il laissé 50 officiers français mourir à Marioupol, comme l’affirme un parti turc? », sur Libération (consulté le )
  5. Arrêt de la cour européenne des Droits de l’Homme dans l’affaire Perinçek c. Turquie (no 46669/99)
  6. Les sympathisants de Doğu Perinçek manifestent en Turquie
  7. (en)Long sentences for Ergenekon suspects, life for ex-army chief, todayszaman.com, August 05, 2013
  8. (tr)Ergenekon davası: Doğu Perinçek de tahliye edildi, bbc.com, 10 mars 2014
  9. « Doğu Perinçek: Olağünüstü bir karar », NTV.com, 21 avril 2016.
  10. Dépêche de la Télévision suisse romande
  11. voir le jugement complet sur le site de la cedh
  12. Site suisse d'Human Rights
  13. Décision n° 2012-647 DC du 28 février 2012.
  14. Décision de la CEDH, 17 décembre 2013
  15. Arrêt de la Grande chambre, 15 octobre 2015.
  16. « Le dossier du nationaliste turc Dogu Perinçek renvoyé par le TF à la justice vaudoise », Lenouvelliste.ch, 8 septembre 2016.
  17. « Le nationaliste turc Dogu Perinçek indemnisé par la justice vaudoise », Rts.ch, 12 avril 2017.
  18. [1]
  19. Décision n° 2015-512 QPC du 8 janvier 2016
  20. Mercan et autres c. Suisse, 28 novembre 2017.

Bibliographie modifier

Liens externes modifier