Crise du crack à Paris

La crise du crack à Paris est un phénomène se déroulant à Paris depuis les années 1990, et lié à la consommation de crack[1],[2].

Historique modifier

Pendant plusieurs décennies, les usagers de crack ont fait un long périple dans la capitale, au fil des mesures administratives de la mairie et de la préfecture de police de Paris.

Années 1990 : place de la Bataille-de-Stalingrad modifier

C'est à cet endroit que cette crise devient visible, quelques années après l'arrivée de la drogue dans les quartiers des Halles et de Pigalle dans les années 1980. Il débute avec des dealers originaires des Antilles, implantés dans le nord-est de la capitale. Depuis les années 1990, le marché de rue du crack est repris par des filières ouest-africaines[3],[4]. En 2001, les riverains témoignent d'usagers qui se « défoncent » dans les halls d'immeuble, dans la rue, sous les yeux des enfants, et errent nuit et jour les yeux perdus dans le vide[5]. En 2002, des habitants tentent de mettre en place des rondes nocturnes pour convaincre des toxicomanes de sortir de la drogue[6].

En septembre 2004, l'évacuation des fumeurs de crack vivant dans un squat avenue du Président-Wilson à Saint-Denis[7] leur fait investir alors un bâtiment de la SNCF à la porte de La Chapelle, avant d'en être chassés en novembre par la police et de se disperser dans les environs, grossissant le nombre de consommateurs place Stalingrad[8].

2014 : 19e arrondissement de Paris modifier

En 2014, le trafic essaime autour de la place Stalingrad, et atteint des rues du 19e arrondissement de Paris[9].

Colline du crack modifier

 
Campement de migrants sur la colline du crack, en juin 2017.

Dans les années 2000, des consommateurs de drogue s'installent près de l'échangeur de la porte de la Chapelle, en un endroit qui est vite surnommé la « colline du crack ».

Les travaux de réaménagement de la plaine Saint-Denis leur donnent la possibilité de s'y réfugier.

La difficulté du problème est qu'il se surimpose à la crise migratoire en Europe[10],[11]. Certains migrants sont sollicités par des dealers, et deviennent à leur tour toxicomanes[10].

Ils en sont évacués une quinzaine de fois[12],[13], mais le problème se reproduit[14].

Septembre 2020 : gare Rosa-Parks modifier

En 2019, la fin des travaux de réaménagement de la porte de la Chapelle les pousse à se déplacer. Dans un premier temps, ils s'installent dans un tunnel près de la station Rosa-Parks[15]. Ils en sont délogés début septembre 2020[16],[17],[18].

Bien qu'ils ne soient jamais complètement partis de la place Stalingrad, un retour massif s'y fait alors en 2020, au grand dam du voisinage. La mairie de Paris avance alors l'idée de la création de nouvelles salles de consommation, contre l'avis de la préfecture de police[19].

Mai 2021 : Jardins d'Éole modifier

Les nouvelles nuisances créées par la réinstallation du « marché du crack » de la place Stalingrad amènent la préfecture et la mairie de Paris à transférer les toxicomanes sur le tiers nord des jardins d'Éole. Cette mesure, présentée comme temporaire, se heurte à l'hostilité de la droite[20] et à l'opposition des riverains[21],[22], qui se manifeste par des manifestations hebdomadaires et des jets de mortiers d'artifice[23]. Anne Hidalgo promet aux riverains qu’ils retrouveront leur parc dès l'été suivant.

Juillet 2021 : rue Riquet modifier

Les toxicomanes regroupés dans les jardins d'Éole sont victimes de tirs de mortier de la part de certains habitants[24]. Devant l'opposition de plus en plus ferme de la population à être privée de cet espace vert, la mairie décide d'en expulser les toxicomanes, sans consultation des services de l’État[25], et donc sans solution pérenne. Ceux-ci installent alors leur campement rue Riquet, contre les grilles du jardin[26]. Ce déplacement se fait contre l’avis de la préfecture qui souhaitait un lieu de repli, et avait proposé un lieu d'accueil[27], et propose la place Auguste-Baron[28].

La mairie de Paris propose la création de salles de consommation à moindre risque[29].

Les protestations des riverains ne font qu'augmenter. S'y ajoute la crainte des habitants du quartier Pelleport, où l'ouverture d'une salle de consommation à proximité d'une école primaire leur fait craindre de devenir un nouveau Stalingrad[30],[31],[32].

Septembre 2021 : place Auguste-Baron modifier

Fin septembre, la mairie de Paris et la préfecture s'accusent mutuellement d'être responsables de la situation[33], la mairie exprimant sa préférence pour des salles de consommation, cette fois à proximité des hôpitaux[34],[35],[36].

Le vendredi 24 septembre, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin prend la décision d'appliquer le plan initialement proposé par la préfecture[37]: les consommateurs sont déplacés de la rue Riquet vers le square de la Porte-de-la-Villette[38]. La mairie de Paris, à nouveau, exprime sa préférence pour « une évacuation mieux coordonnée » et demande « une réunion urgente »[39]. Cependant, la préfecture argue de la configuration inadaptée d'une rue étroite et passante, et de la proximité d'habitations et d'écoles, causant des nuisances élevées pour les riverains[40].

Sur le nouveau site, le souterrain (sous le boulevard périphérique) de la rue Forceval est muré pour obliger les consommateurs à rester dans Paris[41]. Bertrand Kern, maire de Pantin, exprime son désaccord[42]. Valérie Pécresse, venue sur place, déclare que « la Seine-Saint-Denis n’est pas une poubelle » et affirme que « la solution est d'ouvrir une structure de désintoxication au lieu d'ouvrir des salles de shoot qui troublent l'ordre public partout dans Paris et qui créent des encouragements à consommer »[43]. Le 6 juin 2022, des riverains du square Forceval s'adressent à un avocat, maître Gil Moser, pour lancer une procédure judiciaire réclamant l'évacuation du camp de toxicomanes, ainsi que 100 000 euros d'indemnités[44],[45].

Janvier 2022 : Bercy-Charenton modifier

Fin janvier 2022, le préfet de Police Didier Lallement décide de transférer les toxicomanes du XIXe à une friche industrielle du XIIe arrondissement, située à l’intersection de deux faisceaux ferroviaires et du boulevard Poniatowski, et appartenant à la SNCF[46]. Le choix de ce terrain destiné à terme à la construction d'un ensemble urbain, le projet Bercy-Charenton, se justifie par son relatif éloignement des zones habitées[47].

Cette décision au bénéfice des habitants du XIXe arrondissement, soulève l'opposition de la population du XIIe[48].

Malgré ces projets, Éric Zemmour, candidat à l'Élection présidentielle française de 2022 se rend le 25 mars porte de la Villette et constate la présence de nombreux toxicomanes auxquels il se heurte, tout en recevant des témoignages de soutien de la population[49],[50],[51].

2021-2022 : Étalement vers Pantin modifier

Avec l'installation des usagers de drogue au square de la Porte-de-la-Villette[52], et comme le pressentaient les riverains[53], s'opère un déplacement de la toxicomanie vers le quartier des Quatre-Chemins à Pantin et ce, au grand dam des élus locaux qui élèvent maintes protestations[54]. Les habitants, notamment des femmes, s'organisent pour affirmer leur présence et reconquérir l'espace public[55], sans résultat[56]. Les commerçants du quartier voient s'amplifier leurs difficultés professionnelles[57],[58].

Début 2023 : Porte d'Aubervilliers modifier

En janvier 2023, les usagers de drogue reviennent en nombre vers la rue Charles-Hermite[59],[60] et la cité Valentin-Abeille. Des policiers municipaux sont dépêchés pour accompagner des enfants à l'école maternelle Charles-Hermite[61],[62],[63]. Par la suite, ils sont de plus en plus présents dans le quartier limitrophe Rosa-Parks[64].

Réactions de la population modifier

Les Parisiens, malgré un certain sentiment de compréhension, ont en général mal accueilli l'errance désespérée des usagers dans les rues de la capitale, et les trafics en découlant[65],[66]. En 2021, leurs protestations ont reçu un écho auprès du collectif Saccageparis[67],[68].

Réponse administrative et sanitaire modifier

 
Réaction d'opposition à la création d'une SCMR, Paris, avril 2016.

Un des axes de la réponse de la mairie de Paris, à qui échoit en partie ce devoir, est la création de salles de consommation, réparties pour mieux correspondre aux besoins de cette population. En France, et donc à Paris, les structures chargées de ces problèmes se répartissent en CSAPA, CAARUD et SCMR. Selon l'élu Pierre Liscia, dans un tweet contre lequel la mairie s'est insurgée, trente-six lieux seraient à terme envisagés à Paris[69],[70]. Fin 2021, les sites existants sont :

Références modifier

  1. À Paris, l’épineuse gestion de la crise du crack
  2. « Le «crack» est entré dans Paris », humanite.fr, 15 octobre 1993.
  3. Sept questions sur la crise du crack qui gangrène le nord-est de Paris
  4. Trafic de crack à Paris : sur la piste des "modous" à Stalingrad
  5. « Le quartier Stalingrad n'en peut plus du crack ».
  6. « La ronde anticrack des pères de Stalingrad ».
  7. « La police évacue 126 occupants d'un squat de toxicomanes à Saint-Denis ».
  8. « Dans l'enfer des "crackeurs" »
  9. Paris : le crack s'installe dans le 9e arrondissement
  10. a et b "Ils sont les exclus parmi les exclus" : le crack hante les camps de migrants du nord-est de Paris
  11. A Paris, les migrants sont les nouvelles proies des dealers de crack
  12. Paris : « la colline du crack » n’est plus
  13. La "colline du crack" Porte de la Chapelle à Paris sera évacuée d'ici un mois
  14. Migrants, toxicomanes et insalubrité: l’insoluble dossier de la »Colline du crack »
  15. Paris : les fumeurs de crack squattent le quartier Rosa-Parks, les riverains désemparés
  16. Fumeurs de crack: un tunnel d’une gare RER de Paris évacué
  17. Paris : une centaine de fumeurs de crack évacués d'une gare RER
  18. Paris : les fumeurs de crack évacués du tunnel Rosa-Parks
  19. Lutte contre le crack à Paris: le parquet et la police opposés à une nouvelle salle de consommation
  20. « A Paris, un jardin public ouvert la nuit pour les consommateurs de crack », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. Paris : aux jardins d'Éole, les habitants face aux consommateurs de crack
  22. "On n'ose plus regarder par la fenêtre" : à Paris, des riverains manifestent face aux toxicomanes
  23. Paris : Des toxicomanes essuient des tirs de mortiers dans le jardin d’Eole
  24. A Paris, des toxicomanes du Jardin d’Eole à nouveau ciblés par des tirs de mortier
  25. Crack à Paris: l’impuissance des politiques
  26. Crack à Paris : les Jardins d’Eole respirent, mais les toxicomanes continuent d’errer
  27. Crack à Paris : La Mairie et la préfecture irréconciliables sur la gestion des toxicomanes des jardins d'Eole
  28. Crack à Paris : vers une salle de consommation "cet été", des lieux identifiés
  29. Crack à Paris : Hidalgo propose une première solution « dès cet été »
  30. «On ne veut pas devenir le nouveau Stalingrad» : les Parisiens du 20e arrondissement craignent l'ouverture d'une nouvelle salle de shoot
  31. Paris : une école transformée en salle de shoot ?
  32. «Pas de crack près de nos écoles» : à Paris, les familles de Pelleport toujours mobilisées contre la future salle de shoot
  33. Crise du crack à Paris : vives tensions entre la préfecture de police et Anne Hidalgo
  34. Crack à Paris : Anne Hidalgo envisage de créer des salles de soins pour toxicomanes près des hôpitaux
  35. Anne Hidalgo cherche à ce que des salles de shoot soient placées "à proximité des hôpitaux"
  36. Crack à Paris : le préfet de police règle ses comptes avec Anne Hidalgo
  37. Crack à Paris : le préfet fait évacuer les toxicomanes du quartier des jardins d’Eole
  38. Crack à Paris : colère et inquiétudes des riverains de la porte de la Villette
  39. Crack à Paris: les préfets de police et d'Ile-de-France justifient le déplacement des toxicomanes
  40. Crack à Paris: le préfet fait évacuer les toxicomanes du quartier des jardins d'Eole
  41. Crack à Paris : un mur de séparation construit pour bloquer l'accès entre Pantin et la capitale
  42. Crack à Paris : la police évacue les secteurs des jardins d’Eole et de Stalingrad
  43. Crack à Paris : «La Seine-Saint-Denis n'est pas une poubelle», rappelle Pécresse
  44. Crack à la Villette : des riverains saisissent un avocat et réclament 100.000 euros d'indemnités
  45. Crack : après huit mois de présence des toxicomanes à la porte de la Villette, les riverains somment l’État d’agir
  46. Les consommateurs de crack à Bercy-Charenton : l’annonce du préfet de police fait l’unanimité contre elle
  47. Crack à Paris : La préfecture annonce avoir trouvé un nouveau terrain dans le 12e, la mairie s’y oppose
  48. Crack à Paris : la Préfecture de police veut déplacer les consommateurs sur une friche industrielle du 12e arrondissement
  49. Projectiles et hués: visite agitée d'Éric Zemmour Porte de la Villette à Paris
  50. Pris pour cible Porte de la Villette, Éric Zemmour exfiltré de la «colline du crack» sous haute sécurité
  51. Éric Zemmour bousculé lors d'une visite à la colline du crack à Paris
  52. « Entre Aubervilliers et Pantin, l'arrivée des toxicomanes «ajoute de la misère à la misère» », sur LEFIGARO, (consulté le )
  53. « Crack à Paris : les riverains d'Aubervilliers et Pantin dénoncent "une comédie assez triste" », actu.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  54. Ville de Pantin, « Déplacement des usagers de crack à Villette–Quatre-Chemins : après la honte et l’incompétence, le mépris », sur Ville de Pantin : Site Internet (consulté le )
  55. Par Hélène Haus Le 9 mars 2022 à 15h26, « Crack : à Pantin, la place des femmes dans l’espace public encore plus difficile depuis «le 24 septembre» », sur leparisien.fr, (consulté le )
  56. Mathilde Jourdam-Boutin, « Qui va "cracker"aux Quatre-Chemin ? Mobilisation des proprios et impasse politique », sur Le Chiffon, (consulté le )
  57. Stagiaire VA, « Vols, bagarres, agressions : la population face à l’enfer du crack en Seine-Saint-Denis », sur Valeurs actuelles, (consulté le )
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  61. « Usagers de crack à côté d'une école à Paris : "un drame va arriver", alerte une parent d'élève », sur actu.fr (consulté le )
  62. « Crack à Paris : des enfants escortés par la police sur le chemin de l'école », sur LEFIGARO, (consulté le )
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  64. Par Paul Abran Le 12 octobre 2023 à 07h00, « Ça part en vrille » : dans le quartier Rosa-Parks à Paris, les toxicomanes « plus nombreux et agressifs », sur leparisien.fr, (consulté le )
  65. Paris mayor bans crack addicts from park after protests from local families
  66. Crack à Stalingrad / concert de casseroles quai de la seine
  67. Propreté, esthétique, drogue… #SaccageParis a rassemblé des centaines de personnes devant l’Hôtel de Ville
  68. Podcast : Le Crack
  69. Futures salles de crack à Paris : une carte non officielle diffusée, la mairie s'insurge
  70. La mairie de Paris tient-elle secrète une carte de 36 lieux pour toxicomanes, comme l’affirme un proche de Pécresse ?
  71. Les CSAPA et CAARUD
  72. CSAPA-Sleep In paris
  73. CSAPA Monceau
  74. CSAPA Nation
  75. CSAPA Pierre Nicole
  76. Centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues (CAARUD) en région Ile-de-France
  77. CAARUD Aides 75
  78. L’ouverture d’une salle de consommation à moindre risque. Un défi pour les professionnels de l’addictologie, Marie Dos Santos, 2016
  79. Paris : une salle de repos pour les consommateurs de crack va ouvrir début novembre
  80. Salles de shoot : "objectif de santé et de tranquillité publique"
  81. Espace Gaïa
  82. Crack à Paris : malgré l'abandon du projet dans une école vacante rue Pelleport, il pourrait tout de même y avoir une «salle de shoot» dans le 20e
  83. Il y aura bien une salle de shoot dans le XXe arrondissement de Paris