Constitution du 6 messidor an I

loi fondamentale française de la Ière République régissant la Convention nationale ; jamais appliquée

La Constitution du 6 messidor an I (), Constitution de l’an I ou Constitution de 1793, est élaborée pendant la Révolution française par la Convention montagnarde et adoptée le 6 messidor an I (). Promulguée le pour régir la Convention nationale de la Première République, elle n'a jamais été appliquée, la Convention ayant décrété, le 10 octobre 1793[1], que le gouvernement serait révolutionnaire jusqu'à la paix. Elle a toutefois emporté des conséquences juridiques, notamment en matière de nationalité.

Constitution du 24 juin 1793
Description de cette image, également commentée ci-après
Présentation
Titre Constitution de l’an I
Pays Drapeau de la France République française (Convention nationale)
Type Constitution
Branche Droit constitutionnel
Adoption et entrée en vigueur
Adoption 24 juin 1793
Entrée en vigueur À la date de la promulgation. Jamais appliqué, mais a emporté des conséquences juridiques.
Suspension (19 vendémiaire de l'an II) : décret de la Convention suspendant l’application de la Convention

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Elle est constituée d’une déclaration des droits de l’homme et du citoyen complétant et se substituant à celle de 1789 et d’un acte constitutionnel relatif à l’organisation des pouvoirs publics.

Élaboration modifier

Le projet de constitution est élaboré par le Comité de salut public auxquels sont adjoints, le , Hérault de Séchelles, Ramel, Couthon, Saint-Just et Mathieu.

Le , Hérault de Séchelles présente les travaux du comité[2] à la Convention et lit à la tribune le projet de constitution[3] que précède un projet de déclaration des droits[4].

La discussion s'ouvre le lendemain, . Sommaire, elle s'achève le , date à laquelle le projet de constitution amendé, lu par Hérault de Séchelles, est adopté.

Conformément au décret du , le texte est soumis au référendum. Il s'agit du premier référendum organisé en France[5].

Approuvée par référendum dans des circonstances assez spécifiques (il y eut plus de cinq millions d'abstentionnistes sur un contingent d'environ sept millions d'électeurs, en raison de la publicité du vote, à savoir que le caractère secret du vote n'était pas mis en avant[6]), cette constitution très démocratique (suffrage universel masculin, pouvoir important des assemblées locales dans l’édiction des lois) ne fut pas appliquée, en raison de conflits internes (Guerre de Vendée) ainsi qu'externes (Première Coalition) au territoire français.

Contenu modifier

 
Organisation du régime.

Déclaration de 1793 modifier

 
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ce texte gravé sur une plaque d'airain, fut rangé dans un coffre de bois de cèdre encastré en dans une des pierres de la colonne de la Liberté, qui devait être élevée sur les ruines de la Bastille ; il fut pilonné par le mouton national le , conformément au décret du , le texte étant rendu obsolète par le changement de régime survenu en et l'élaboration concomitante d'une Nouvelle constitution et d'une déclaration révisée. Archives nationales[7].

Les députés souhaitent compléter la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ainsi les droits individuels de 1789 sont confirmés, mais on peut remarquer certaines innovations :

  • proclamation de droits économiques et sociaux (association, réunion, travail, assistance et instruction),
  • consécration de la théorie de la souveraineté populaire au détriment de la souveraineté nationale se traduisant par une ébauche de référendum (c'est le peuple réel qui est souverain, non la nation, le peuple sublimé, qui est plus large - notion sous-jacente de majorité) ;
  • l'insurrection devient un droit et un devoir (c'est-à-dire qu'elle est éventuellement de fait un droit) quand le gouvernement viole les droits du peuple,
  • interdiction de l'esclavage juridique — appropriation de fait d'un droit excessif confinant au privilège par une caste ou secteur de l'administration publique si d'aventure l'étendue des textes législatifs outrepasse le cadre populaire de la réglementation approuvée par le peuple[Quoi ?].

Régime d'assemblée modifier

La Constitution de l'an I institue un régime d'assemblée où le pouvoir est plus ou moins concentré entre les mains d'une seule assemblée renouvelable tous les ans au suffrage universel direct. Elle exerce le pouvoir législatif, avec la participation des citoyens par une sorte de référendum. Elle tient sa légitimité du peuple, l'accession à la majorité des nouvelles générations, la disparition des anciennes, impose un renouvellement de l'approbation du peuple (article 28).

Le peuple français est distribué, pour l'exercice de sa souveraineté, en Assemblées primaires de canton. Les Assemblées primaires se composent des citoyens domiciliés depuis six mois dans chaque canton. Elles sont composées de deux cents citoyens au moins, de six cents au plus, appelés à voter.

Les projets de loi de l'Assemblée nationale sont envoyés à toutes les communes de la République, sous ce titre : loi proposée. Quarante jours après l'envoi de la loi proposée, si, dans la moitié des départements, plus un, le dixième des Assemblées primaires de chacun d'eux, régulièrement formées, n'a pas réclamé, le projet est accepté et devient loi.

Les lois, les décrets, les jugements et tous les actes publics sont intitulés : Au nom du peuple français, l'an… de la République française.

Un Conseil exécutif se compose de vingt-quatre membres. L'assemblée électorale (les citoyens réunis en Assemblées primaires nomment un électeur à raison de 200 citoyens, présents ou non ; deux depuis 301 jusqu'à 400 ; trois depuis 501 jusqu'à 600) de chaque département nomme un candidat. Le Corps législatif choisit, sur la liste générale, les membres du Conseil. Il est renouvelé par moitié à chaque législature. Le Conseil est chargé de la direction et de la surveillance de l'administration générale ; il ne peut agir qu'en exécution des lois et des décrets du Corps législatif.

Il nomme, hors de son sein, les agents en chef de l'administration générale de la République. Ces agents ne forment pas un conseil ; ils sont séparés, sans rapports immédiats entre eux ; ils n'exercent aucune autorité personnelle.

Le Conseil nomme, hors de son sein, les agents extérieurs de la République et il négocie les traités. Le Conseil est responsable de l'inexécution des lois et des décrets, et des abus qu'il ne dénonce pas.

Constitution jamais appliquée modifier

Le , la Convention consacre l'établissement d'un gouvernement révolutionnaire dans le cadre d'un état d'exception, déclarant : « Le gouvernement provisoire de la France sera révolutionnaire jusqu'à la paix ». Il avait été convenu que la paix revenue, la constitution serait ressortie de son arche de cèdre pour être appliquée. La guerre intérieure, extérieure et surtout le renversement de la convention montagnarde le 10 thermidor an II sonnèrent le glas de son application.

Malgré sa non-application, la Constitution de l'an I garda un grand prestige auprès des forces politiques de la gauche démocratique française sous le Directoire, l'Empire et la Restauration. Ainsi, Gracchus Babeuf et la Conjuration des Égaux voulaient l'application de cette constitution qui, même avec son apologie de la propriété, leur semblait être la plus égalitaire.

Au XIXe siècle, d'après une jurisprudence bien établie par des décisions concordantes de cours d'appel[N 1], la Constitution de l'an I est entrée en vigueur à la suite de la proclamation de son acceptation, le [8],[9]. Le décret du 19 vendémiaire an II (), pris sur le rapport de Saint-Just et portant que « le gouvernement provisoire de la France est révolutionnaire jusqu'à la paix », n'a pas eu pour effet de différer dans le temps l'entrée en vigueur de la Constitution de l'an I : il en suspend l'effet, prouvant ainsi qu'elle était antérieurement entrée en vigueur[8]. L'effet suspensif du décret de l'an II est restreint aux dispositions de la Constitution de l'an I relatives au gouvernement[8]. Les autres dispositions de la constitution sont restées en vigueur. Au nombre de ces dispositions, figure l'article 4, alinéa 2, de l'Acte constitutionnel, aux termes duquel : « Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail, ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard (...), est admis à l'exercice des droits de citoyen français. » Ces dispositions ont abrogé celles de l'article 3 du titre II de la Constitution du [N 2]. Elles sont restées en vigueur jusqu'à leur abrogation par l'article 10 de la Constitution de l'an III[N 3] qui est entrée en vigueur le , date de sa promulgation[8].

L'article 4, alinéa 2, de l'Acte constitutionnel traite tant de la citoyenneté que de la nationalité[10]. Il a pour effet de naturaliser les étrangers qui remplissent les conditions exigées, sans serment civique ni déclaration[11],[12],[13]. Il a permis de reconnaître la nationalité française de plusieurs personnes[N 4],[N 5],[N 6],[N 7],[N 8],[N 9],[N 10].

Postérité modifier

Au Japon, la constitution fut traduite par Chōmin Nakae en chinois classique en 1882 sous le titre « Déclaration des droits du peuple français de 1793 ». Le texte servit de modèle pour les partisans du Mouvement pour la liberté et les droits du peuple, réclamant alors une constitution démocratique et un parlement[21].

Chronologie des constitutions françaises modifier

 

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Nommées « cour royale » sous Seconde Restauration et la monarchie de Juillet, et « cour impériale » sous le Second Empire.
  2. Aux termes duquel :

    « Sont citoyens français : (...) — Ceux qui, nés hors du Royaume de parents étrangers, résident en France, deviennent citoyens français, après cinq ans de domicile continu dans le Royaume, s'ils y ont, en outre, acquis des immeubles ou épousé une Française, ou formé un établissement d'agriculture ou de commerce, et s'ils ont prêté le serment civique. »

  3. Aux termes duquel :

    « L'étranger devient citoyen français, lorsque après avoir atteint l'âge de vingt et un ans accomplis, et avoir déclaré l'intention de se fixer en France, il y a résidé pendant sept années consécutives, pourvu qu'il y paie une contribution directe, et qu'en outre il y possède une propriété foncière, ou un établissement d'agriculture ou de commerce, ou qu'il y ait épousé une femme française. »

  4. Un étranger né le , installé en France depuis le [14].
  5. Pierre Casati, né le à Molina, en Lombardie[15],[16].
  6. Louis Jay, né le à Samoëns en Savoie[17],[16].
  7. Pierre François Lanau, né le à Maubeuge[14].
  8. Jean Martin est français en tant que fils légitime de Jacques-Joseph Marin et petit-fils de Jacques Martin. Celui-ci, né en à Turin, avait été naturalisé par l'article 4, alinéa 2, de l'Acte constitutionnel : domicilié à Antibes depuis , y vivant de son travail de tisserand, il avait épousé une Française en [12],[14].
  9. Petrus Hutter, né en France, en tant que fils de Jean-Thomas Hutter[18].
  10. Jacques Régis, né à Mont-de-Marsan, en tant que fils de Théodore Régis, né le à Mont-de-Marsan, et petit-fils de Conradin Régis. Celui-ci, né le en Suisse, a été naturalisé par l'article 4, alinéa 2, de l'Acte constitutionnel : établi en France dès , il y exerçait une industrie et avait épousé une Française en à Orthez[19],[20].

Références modifier

  1. « 10 octobre 1793 - Le gouvernement de la France sera révolutionnaire jusqu'à la paix - Herodote.net », sur www.herodote.net (consulté le )
  2. Rapport du comité de salut public, dans Archives parlementaires de 1787 à 1860 : première série (1787 à 1799), tome LXVI : du 3 au 19 juin 1793, pp.257-259 (consulté le 7 janvier 2014).
  3. Projet de constitution, dans Archives parlementaires de 1787 à 1860 : première série (1787 à 1799), tome LXVI : du 3 au 19 juin 1793, pp.260-264 (consulté le 7 janvier 2014).
  4. Projet de déclaration des droits, dans Archives parlementaires de 1787 à 1860 : première série (1787 à 1799), tome LXVI : du 3 au 19 juin 1793, pp.259-260 (consulté le 7 janvier 2014).
  5. Alexandra Edip, « Débat : Pour ou contre le référendum d'initiative citoyenne ? », sur capital.fr, (consulté le ).
  6. « CONSTITUTION FRANÇAISE DE 1793 », sur Encyclopædia Universalis (consulté le ).
  7. « Convention : notice no 19 », sur Archim, Archives nationales.
  8. a b c et d CA Colmar, .
  9. Weil 2002, 1re part., chap. 1er.
  10. Berté 2011, p. 29-30.
  11. CA Lyon, .
  12. a et b CA Aix, .
  13. Berté 2011, n. 117, p. 56.
  14. a b et c Weil 2002.
  15. CA Lyon, , 1re espèce.
  16. a et b Berté 2011, p. 131-132.
  17. CA Lyon, , 2de espèce.
  18. CA Lyon, .
  19. CA Pau, .
  20. Berté 2011, p. 561-562.
  21. Nakae Chômin (trad. du japonais), Ecrits sur Rousseau et les droits du peuple, Paris, Les Belles Lettres collection chinoise, , 150 p. (ISBN 978-2-251-44880-0), pp.31-38.

Voir aussi modifier

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Jurisprudence modifier

Bibliographie modifier

  • [Dalloz 1850] Désiré Dalloz (avec la collab. d'Armand Dalloz et al.), Jurisprudence générale : répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence en matière de droit civil, commercial, criminel, administratif, de droit des gens et de droit public [« Répertoire Dalloz »], t. XVIII, Paris, Bureau de la jurisprudence générale du royaume, , 1 vol., 28 cm (OCLC 491639646, SUDOC 076767949).
  • Boris Barraud, « La République révolutionnaire : modernité et archaïsme constitutionnels des premières institutions républicaines de France (1792-1799) », Revue juridique de l'Ouest, no 4,‎ , p. 63-90 (ISSN 2496-7564, lire en ligne).
  • Jean Bart (dir.), Jean-Jacques Clère (dir.), Claude Courvoisier (dir.), Michel Verpeaux (dir.) et Françoise Nadin-Patriat (dir.), La Constitution du 24 juin 1793 : l'utopie dans le droit public français ?, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, coll. « Publications de l'Université de Bourgogne » (no 88), , 431 p. (ISBN 2-905965-22-3, présentation en ligne).
  • [Berté 2011] Pierre Berté, Genèse du code de la nationalité française (-) (thèse de doctorat en droit, préparée sous la direction de Marc Malherbe, et soutenue à l'université Bordeaux-IV – Montesquieu en ), Pessac, Université Bordeaux-IV, École doctorale de droit, , 1 vol., 746-[1], 30 cm (OCLC 800640857, SUDOC 157557413, présentation en ligne, lire en ligne).
  • Michel Fridieff (préf. Gilbert Gidel), Les Origines du referendum dans la Constitution de 1793 (l'introduction du vote individuel), Paris, Presses universitaires de France, (1re éd. 1931), 326 p. (présentation en ligne).
  • [Matta-Duvignau 2010] Raphaël Matta-Duvignau (préf. de Vida Azimi), Gouverner, administrer révolutionnairement : le Comité de Salut public (4 brumaire an IV) (texte remanié de la thèse de doctorat en droit public, préparée sous la direction de Vida Azimi, et soutenue à l'université Paris-II – Panthéon-Assas en ), Paris, L'Harmattan, coll. « Logiques juridiques », , 1re éd., 1 vol., 716, 24 cm (ISBN 978-2-336-29065-2, EAN 9782336290652, OCLC 852231721, BNF 43598219, SUDOC 169839133, présentation en ligne, lire en ligne).
  • Albert Mathiez, « La Constitution de 1793 », Annales historiques de la Révolution française, no 30,‎ , p. 497-521 (lire en ligne).
  • Raymonde Monnier, « Un enjeu sous Thermidor : la mise en activité de la Constitution de 1793 », dans Jean-Paul Bertaud, Françoise Brunel, Catherine Duprat et al. (dir.), Mélanges Michel Vovelle : sur la Révolution, approches plurielles / volume de l'Institut d'histoire de la Révolution française, Paris, Société des Études Robespierristes, coll. « Bibliothèque d'histoire révolutionnaire / Nouvelle série » (no 2), , XXVI-598 p. (ISBN 2-908327-39-2), p. 281-289.
  • Michel Pertué, « Les projets constitutionnels de 1793 », dans Michel Vovelle (dir.), Révolution et République : l'exception française, Paris, Kimé, , 699 p. (ISBN 2-908212-70-6), p. 174-199.
  • [Weil 2002] Patrick Weil, Qu'est-ce qu'un Français ? : histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Paris, Grasset, (réimpr. 2005), 1 vol., 401, 24 cm (ISBN 2-246-60571-7, EAN 9782246605713, OCLC 422165601, BNF 38818954, SUDOC 060762152, présentation en ligne).

Articles connexes modifier

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