Conseil national de la transition (Burkina Faso)

Conseil national de la transition au Burkina Faso

Le Conseil national de la transition (CNT) a assuré le rôle du corps législatif au Burkina Faso à la suite de l’insurrection populaire de 2014 qui a conduit à la démission du président Blaise Compaoré. Le CNT a joué un rôle clé durant la transition de la part le nombre de lois votées et la volonté populaire que celles-ci reflètent.

Conseil national de la transition
Cadre
Sigle
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Type
Pays

Il fut présidé par Moumina Chériff Sy.

Contexte historique modifier

 
Général Honoré Traoré

À la suite de l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, le président Blaise Compaoré fut contraint à la démission laissant vacant le pouvoir après plus de 27 ans de règne. Cette vacance du pouvoir va entraîner un trouble sans précédent dans la course pour prendre les rênes du pays. Comme on pouvait s'y attendre, les premières déclarations sont venues du camp des militaires avec le chef d’état-major des armées, le général Honoré Nabéré Traoré, qui s’autoproclame chef de l’État par intérim le 31 octobre 2014 afin de sauvegarder la vie de la nation[1]. Mais, cette décision ne fit pas l'unanimité aussi bien au sein du peuple insurgé que dans l'Armée elle-même. En effet, une partie de la population préférerait un autre militaire du nom de Kouamé Lougué, général à la retraite[2]. Au niveau de l'armée, c’est le commandant adjoint de l'ex Régiment de sécurité présidentiel (RSP) de président déchu, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, qui se déclare à son tour chef de l’État quelques instants plus tard[3]. Ce revirement de situation n'est pas anodin et traduirait la volonté des éléments du RSP qui était à l’époque l'unité spéciale d’élite militaire la plus armée du pays de maintenir leur statut privilégié acquis sous le régime Compaoré[4]. Ainsi, c'est Zida qui a eu le mot final et fut installé comme président par ses pairs au détriment du général Traoré[5]. Face à cette décision, un autre appel à manifestation a été faite par l'opposition politique et certaines OSC pour dénoncer la confiscation du pouvoir par les militaires le jour suivant (02/10/2014). C'est dans cette agitation que la présidente du Parti pour le développement et le changement (PDC), parti d'opposition, Saran Sérémé, avec l’appui de certains militants de l’opposition a été conduite au siège de la télévision nationale pour annoncer sa désignation à la tête de la transition[6]. Mais, elle a finalement renoncé et a déclaré avoir été forcée de se rendre à la RTB[7]. Il faut noter que le général à la retraite Kouamé Lougué a aussi tenté de se déclarer chef d'État par intérim à la RTB mais a été chassé par l'Armée. Finalement, c'est Zida qui fut installé comme Président de la Transition.

Devant cette confiscation du pouvoir par le RSP largement contesté par le peuple, les responsables des partis politiques du CFOP et certaines OSC se sont une nouvelle fois insurgés contre la mise en place d'une transition militaire en réclamant une transition civile[8]. Il en fut de même pour la communauté internationale qui exigea une transition civile, sous peine de sanctions pour la transition mise en place. C'est face à ces pressions nationales et internationales que les militaires décidèrent de remettre le pouvoir au civil après de longues négociations qui aboutiront après à la Charte nationale de la transition adoptée le 13 novembre 2014[9]. La Charte exige la mise en place d'un président (civil et non issu d'une classe politique) pour conduire la transition. Le chef d’État désignera un Premier ministre qui composera un gouvernement de 25 personnes. Enfin, un Conseil national de la transition (CNT) faisant office d'Assemblée nationale sera mis en place. Il sera aussi dirigé par un civil qui ne pourra pas se présenter aux prochaines élections présidentielle et législative.

Attributions modifier

Selon la Charte de transition, le Conseil national de la transition est l’organe législatif de la transition. Il exerce les prérogatives définies par ladite Charte et au Titre V de la Constitution du 2 juin 1991, à l’exception de celles incompatibles avec la conduite de la transition.

Organisation et fonctionnement[10] modifier

Organisation modifier

Les principaux organes du CNT sont : le Bureau, la Conférence des Présidents, les Commissions générales et les Groupes parlementaires. Ces organes font partie intégrante de son organisation et concourent à son fonctionnement.

Le Bureau modifier

C'est l'organe dirigeant du CNT. Il est composé de son président est élu au début de la législature, de quatre vice-présidents, deux questeurs et six secrétaires parlementaires. Le Bureau a tout pouvoir pour organiser et diriger les services du CNT.

Le Bureau fut composé comme suit :

  • Premier Vice-président : Honoré Lucien Nombré
  • Deuxième Vice-président : Ibrahima Koné
  • Troisième Vice-président : Fernand Sanou
  • Quatrième Vice-président : Amado Dabo
  • Premier Secrétaire parlementaire : Issa Sienou
  • Deuxième Secrétaire parlementaire : Issa Tiemtoré
  • Troisième Secrétaire parlementaire : R. Laetitia Koudougou
  • Quatrième Secrétaire parlementaire : Adama Seré
  • Cinquième Secrétaire parlementaire : Bakary Koné
  • Sixième Secrétaire parlementaire : K. René Lompo
  • Premier Questeur : OUEDRAOGO Alphonse Marie Oudéraogo
  • Deuxième Questeur : P. Pélagie Kaboré

La Conférence des Présidents et les Commissions générales modifier

La Conférence des Présidents et les Commissions générales sont restées similaires à celle de l'Assemblée nationale.

Les Groupes parlementaires modifier

Les groupes parlementaires représentent les composantes du CNT. À noter qu'il faut 10 députés pour former un groupe. Quatre groupes ont ainsi été formés à l'image de la représentation des députés :

  • Liberté-Démocratie-Justice (LDJ) regroupant les partis membres de l’ancienne Chef de file de l’opposition politique
  • Organisation de la société civile (OSC) constitué par les Organisations de la société civile
  • Forces de Défenses et de Sécurité (FDS) représentant les différentes composantes de l’armée
  • Alliance pour la République et la Démocratie (ARD) composé des partis de l’ancienne majorité

Les membres (députés) du CNT modifier

Composition modifier

La composition du CNT a été défini par la Charte de transition en son Article 12 et 13. On peut y voir par exemple, que les personnes ayant ouvertement soutenu le projet de révision de l'article 37 ne peuvent pas être membres.

Le Conseil national de la transition est composé de 90 membres défini comme suit :

  • Trente (30) représentants des partis politiques affiliés au CFOP (ex-opposition politique),
  • Vingt-cinq (25) représentants des organisations de la société civile (OSC),
  • Vingt-cinq (25) représentants de l'Armée,
  • Dix (10) représentants pour l'ancienne majorité politique.

Les émoluments modifier

Les 90 députés percevaient jusqu'au 31 décembre 2014 comme émoluments 1 778 000 F CFA soit (environ 2. 700 euros). Ce montant fut connu du grand public lors d’un débat initié par la RTB Télé le 8 janvier 2015[11]. Cette annonce a soulevé une vague d'indignation au sein du peuple insurgé qui juge ces montants sont trop élevés et contraire à l'esprit de la révolution[12]. Face à cette vague de contestation, les députés à l'unanimité ont décidé de renoncer à leurs indemnités de spéciales de session pour percevoir au total 880. 000 F CFA (environ 1. 350 euros) comme émoluments[13].

Les lois votées modifier

À la fin du mandat qui lui a été accordé, le CNT a voté au total 110 lois dont 106 en projets (sur 118) et 4 en propositions (sur 7), 33 résolutions et adressé 68 questions au Gouvernement[14]. C'est le plus grand nombre de lois voté dans l'histoire du pays. Ce qui traduit un besoin pressant de changement dans la gestion du pays. La liste complète est consultable ici[15]. Les sections suivantes présentes quelques lois. Le récapitulatif des lois et textes adoptés par le CNT est présenté dans son bilan dont le texte est disponible dans les archives de l'Assemblée nationale[16].

Les lois les plus remarquables modifier

  • Loi n°005-2015/CNT portant nouveau Code électoral, votée à 75 voix contre 10 voix et 3 abstentions. Les résultats du vote traduisent bien la volonté d'apporter un changement profond à l'ancien code électoral afin d’aboutir à des élections plus démocratiques. Cette loi vient modifier celle du 3 juillet 2001 N°014-2001/AN portant Code électoral. Plusieurs reformes ont ainsi été apportées dans l'organisation des élections au Burkina dont les plus importantes sont l'introduction des candidatures indépendantes, l'interdiction des gadgets électoraux lors des campagnes et l'opposition formelle à l'utilisation des biens étatiques à des fins électorales[17].
  • Loi n°004-2015/CNT portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso. Ce projet de loi a été porté par les députés du groupe OSC. Cette loi prévoit l’institution de la déclaration d’intérêt, de patrimoine, et l’interdiction de recevoir les cadeaux de plus de 35 mille francs[18].

Les lois les plus populaires modifier

  • Loi n°103-2015/CNT portant bail d'habitation privée au Burkina Faso. Cette loi vise à encadrer les relations et rapports entre bailleurs et locataires. Elle devra permettre la mise en place d'un barème de référence du bail d’habitation privée au Burkina Faso et de fixer le montant mensuel du loyer. Cette loi était vivement attendue par la population burkinabé qui fait face à des prix de location démesurés fixés selon le bon vouloir du bailleur. Depuis son adoption, l'application concrète de cette loi est toujours attendue[19].
  • Loi n°60-2015/CNT portant régime d’assurance maladie universelle au Burkina Faso.
  • Loi n°041-2015/CNT portant autorisation de ratification du Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés et aux œuvres publiées.

Opinion sur les lois votées modifier

D'une manière générale, les lois votées et autres textes produits par le CNT ont été appréciés par bon nombre de burkinabè. Pour certains observateurs, ces lois " réconcilient le Burkina avec son peuple et son histoire, et honorent les martyrs tombés lors de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 et de la résistance de septembre 2015 "[20].

Rôle du CNT lors de la tentative de coup d’État manqué de 2015 modifier

À la suite de la prise d'otage du président Michel Kafando et de son premier ministre Yacouba Isaac Zida par l'ex-RSP le 16 septembre 2015 et les annonces faites dont la démise de ses fonctions du Président et la dissolution du CNT le lendemain par le lieutenant-colonel Mamadou Bamba, le président Moumina Chériff Sy et les membres de son institution sont entrés dans la clandestinité. En effet, prenant acte de l’incapacité du président du Faso à exercer ses fonctions, Moumina Chériff Sy en sa qualité de président du CNT et conformément à la Constitution, se déclare comme chef d’État par intérim et appelle le peuple à résister face aux putschistes[21]. C'est ainsi que débuta l'organisation des mouvements de résistance un peu partout sur le territoire. De par ses prises de position fermes, il parvient à réunir les partis politiques et la population pour faire bloc contre notamment les décisions de la CEDEAO avec ses deux médiateurs Macky Sall et Yayi Boni visant à amnistier les putschistes et autoriser l'ancien parti au pouvoir de se présenter aux prochaines élections. Au regard de la pression nationale et internationale, les putschistes finissent par céder le pouvoir aux responsables de la Transition.

Articles connexes modifier

Sources modifier

  1. lefaso.net, « La déclaration du Gal Nabéré Honoré Traoré, nouveau chef de l’Etat du Burkina Faso », sur lefaso.fr, (consulté le )
  2. France 24, « Le général Honoré Traoré s'autoproclame chef du Burkina Faso », sur france24.com, (consulté le )
  3. lefaso.net, « Burkina Faso : De Blaise Compaoré à Yacouba Isaac Zida, trois chefs de l’État en une journée », sur lefaso.net, (consulté le )
  4. Richard Banegas, « Putsch et politique de la rue au Burkina Faso », Politique africaine, vol. 139, no 3,‎ , p. 147 (ISSN 0244-7827 et 2264-5047, DOI 10.3917/polaf.139.0147, lire en ligne, consulté le )
  5. Le Monde avec AFP, « Burkina Faso : l'armée soutient Zida pour conduire la transition », sur lemonde.fr, (consulté le )
  6. Sara Taleb, « Burkina Faso: Saran Sérémé, une femme plébiscitée pour mener la transition », sur huffingtonpost.fr, (consulté le )
  7. lefaso.net, « Saran Sérémé, présidente du PDC : « Quand le peuple disait ce 2 novembre prendre son destin en main, c’était une révolution dans la Révolution » », sur lefaso.net, (consulté le )
  8. LesEchos, « Burkina Faso : l'opposition refuse la prise de pouvoir par l'armée », sur lesechos.fr, (consulté le )
  9. « [Document] Burkina: la charte de transition validée », sur rfi.fr, (consulté le )
  10. Conseil national de transition, « Conseil National de la Transition », sur archives.assembleenationale.bf, (consulté le )
  11. « CNT : Les émoluments du député s'élèvent à 1 778 000 F CFA », sur L'Actualité du Burkina Faso 24h/24, (consulté le )
  12. « Emoluments au CNT : Les réseaux sociaux s'enflamment, des députés s'excusent », sur L'Actualité du Burkina Faso 24h/24, (consulté le )
  13. « Burkina: les députés réduisent leurs émoluments après des critiques – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com, (consulté le )
  14. « Conseil national de la transition : 110 lois votées en une année - leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso », sur lefaso.net (consulté le )
  15. Conseil National de la Transition, « Lois votées », sur archives.assembleenationale.bf, (consulté le )
  16. CNT, « Bilan du Conseil National de la Transition », sur archives.assembleenationale.bf (consulté le )
  17. awiplay, « CNT: La nouvelle loi électorale votée contre vents et marées », sur Les échos du Faso, (consulté le )
  18. « Infowakat | Corruption: la loi n° 004 2015/ CNT décortiquée », sur Infowakat, (consulté le )
  19. « Loi sur le bail d'habitation au Burkina : Où en est-on ? », sur L'Actualité du Burkina Faso 24h/24, (consulté le )
  20. adminfaso, « CNT: 82 lois votées, 8 non promulguées », sur Journal L'Economiste du Faso, (consulté le )
  21. « Qui est Chérif Sy, le réformateur intraitable du Burkina Faso ? », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )