Concile de Sardique

Le concile de Sardique ou synode de Sardique est une réunion d'évêques chrétiens convoqué en 343 par l'empereur Constant Ier, avec l'accord de son frère et co-empereur Constance II, sur les instances des évêques nicéens de son entourage, Jules Ier et Athanase d'Alexandrie.

Buste de Constant Ier, fin IVe siècle, musée du Louvre.

Le motif de ce synode était l'examen du conflit entre, d'une part, les évêques nicéens essentiellement occidentaux et, d'autre part, les évêques ariens surtout orientaux qui s'anathémisaient réciproquement. Cette réunion menée sous la houlette de l'occidental Ossius de Cordoue ne débouche sur aucun accord et si le synode est considéré comme un fiasco, son canon devient une pièce essentielle de la revendication de la primauté romaine.

Date et lieu modifier

Le concile de Sardique a lieu à Sardica, nom antique de Sofia, et est généralement daté en 343[1] par la recherche contemporaine[2],[3].

Contexte modifier

En 325, l'empereur Constantin Ier convoque le premier concile de Nicée dans l'objectif de résoudre les problèmes qui divisent alors les Églises d'Orient, problèmes disciplinaires et surtout problèmes dogmatiques mis en évidence par la controverse entre Arius et son évêque Alexandre. Il réunit des représentants de presque toutes les tendances du christianisme, ce qui en fait le premier concile œcuménique. Après plusieurs mois au cours desquels les évêques ne parviennent pas à se mettre d'accord sur un texte décidant de la nature de la relation du Christ au Père, l'empereur menace les quatorze récalcitrants. Trois restent fidèles à leurs conceptions, dont Arius, et sont excommuniés.

Les héritiers de Constantin Ier, ses fils Constant Ier et Constance II, ne défendent pas les mêmes options théologiques, le second étant plus enclin à défendre un arianisme modéré, traduisant l'opposition entre les évêques occidentaux et la plupart des orientaux, largement plus nombreux. Il faut noter que le courant appelé « arien » par ses détracteurs est extrêmement hétéroclite et que les évêques désignés comme tels refusent cette dénomination. Constant Ier, sollicité par des évêques nicéens de son entourage, Jules Ier et Athanase d'Alexandrie, propose à Constance II — bataillant alors aux frontières contre les Sassanides — de convoquer un concile « œcuménique » qui réunisse les évêques des deux parties de l'Empire[2]. Au printemps 343, Constance II accède à la demande et envoie à Sardica[4] un nombre restreint d'évêques orientaux accompagnés de trois hauts fonctionnaires[5].

Le concile modifier

Ossius de Cordoue, venu avec un peu moins de cent évêques occidentaux, doit co-présider ce concile de Sardique en compagnie de Maximin de Trèves, dans un attelage montrant que le concile allait être contrôlé par Constant Ier. Les évêques orientaux se rassemblent préalablement à Philippopolis (aujourd'hui Plovdiv, en Bulgarie) où ils tiennent réunion pour préparer leur stratégie. La réunion de Sardique se passe mal et, malgré les propositions de médiation d'Ossius, est rapidement boycottée par les évêques orientaux[5] parce que les évêques occidentaux, très minoritaires à l'époque malgré l'importance supposée d'Ossius[6], insistent sur la présence d'Athanase d'Alexandrie, principal opposant à l'arianisme, et de Marcel d'Ancyre — dont l'opposition à l'arianisme le conduira au sabellianisme[7] — avec lesquels refusent de siéger les orientaux.

Les partisans d'Eusèbe de Césarée quittent précipitamment le concile - à la faveur de l'annonce d'une victoire de Constance II sur les Sassanides -, se réunissent à Philippopolis où ils rédigent une encyclique confirmant la condamnation d'Athanase et de Marcel, excommuniant en outre Ossius, l'évêque de Rome Jules Ier et Maximin de Trèves et réitérant leur profession de foi basée sur le quatrième Credo du Concile de la Dédication[5] tenu à Antioche en janvier 341[8].

Les évêques occidentaux continuent de siéger à Sardica et c'est à cette occasion qu'Ossius fait rétablir Athanase dans ses fonctions et aurait proposé, vainement, le célibat pour les prêtres, inaugurant un débat qui opposera là encore christianismes occidentaux et orientaux. En outre, la profession de foi rédigée par les occidentaux affirme la juridiction universelle d'appel pour Rome (canon 3)[3], autrement dit la revendication d'une prééminence de l'évêque de Rome pour trancher des conflits entre évêques[9] et le canon de Sardique devient une pièce fondamentale de cette revendication[10].

La réunion de Sardique est donc un non-concile n'ayant pas réuni une assemblée unique délibérante. Ces discordes théologiques et canoniques témoignent des profondes divergences entre les divers courants des communautés chrétiennes de l'époque (dont les membres ne dépassent guère plus de cinq pour cent de la population de l'Empire, essentiellement en Orient et dans les provinces africaines[11]) qui traduisent plus généralement la différence de culture et de tradition intellectuelles entre l'Orient grec et l'Occident latin[12] dont Ossius de Cordoue est le représentant.

Bibliographie modifier

Notes et références modifier

  1. Les sources anciennes ne s'accordent pas sur la date  : suivant Socrate le Scolastique et Sozomène, il aurait eu lieu en 347 mais l’Historia acephala, la chronique alexandrine, mentionne le retour d’exil en octobre 346 d'Athanase, patriarche d'Alexandrie, date qui se est nécessairement postérieure à la tenue du concile. La recherche contemporaine retient généralement 343.
  2. a et b Pierre Maraval, Le christianisme, de Constantin à la conquête arabe, Presses universitaires de France, , 544 p. (ISBN 978-2-13-073868-8, lire en ligne), pt522
  3. a et b Andrew Louth et Françoise Lhoest, L'Orient grec et l'Occident latin : L'Église de 681 à 1071, Cerf, , 464 p. (ISBN 978-2-204-12033-3, lire en ligne), pt90
  4. Sardica ou Serdica, actuelle Sofia, en Bulgarie
  5. a b et c Richard E. Rubenstein, Le jour où Jésus devint Dieu, éd. La Découverte, 2004, pp. 185-188
  6. Son rôle a peut-être été exagéré par les historiens de l'Église et du dogme, cf A. Lippold, Bischof Ossius von Cordova und Konstantin der Grosse, in Zeitschrift für Kirchengeschichte Stuttgart, 1981, vol. 92, no1, pp. 1-15
  7. Selon d'autres versions, ce sont les occidentaux qui, refusant la condamnation d'Athanase désertent le concile et font sécession, cf Michel Grandjean, Histoire du christianisme, Faculté autonome de théologie protestante, Université de Genève, cours n°5, janvier 2001 résumé en ligne
  8. Richard E. Rubenstein, op. cit., p. 181
  9. Cette prééminence deviendra canonique pour le catholicisme romain, cf Heinrich Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, Joseph Hoffman (dir. pour l'édition française), Paris, Éd. du Cerf, 1996 en ligne
  10. Eamon Duffy, Saints & sinners : a history of the popes, Yale University Press, , 496 p. (ISBN 978-0-300-17503-5, lire en ligne), p. 31
  11. Yves Modéran, La conversion de Constantin et la christianisation de l'empire romain, conférence pour la Régionale de l’APHG en juin 2001, texte en ligne
  12. Richard E. Rubenstein, Le jour où Jésus devint Dieu, éd. La Découverte, 2004

Voir aussi modifier

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