Collectif Némésis

collectif militant français d'extrême droite

Le Collectif Némésis[n 1] est un collectif et groupe d'action identitaire se réclamant également du féminisme. Ce collectif se forme en en France et est également actif en Suisse romande depuis .

Le collectif se fait remarquer pour ses actions et son discours xénophobe, raciste, anti-islam, anti-immigration et opposé à la transidentité. Reçu favorablement à l'extrême droite, il est désavoué et très critiqué par plusieurs collectifs féministes et des sociologues pour son instrumentalisation des thèmes féministes à des fins réactionnaires. De ce fait, ce collectif peut être vu comme un exemple de féminationalisme.

Historique

Fondation

Le Collectif Némésis est fondé en octobre 2019 par un groupe d'amies qui ne se reconnaissent pas dans l'« idéologie gauchiste » des mouvements féministes contemporains[2]. Les agressions sexuelles du Nouvel An 2016 en Allemagne par des migrants en situation irrégulière et le mouvement MeToo en 2019 sont parmi les actes qui poussèrent à la fondation du collectif[3]. Selon StreetPress, elles seraient issues du groupe Bellica de Solveig Minéo, avec qui elles entretiennent par la suite de mauvaises relations[4].

La présidente Alice Cordier (pseudonyme) et la porte-parole Mathilda sont cofondatrices de Némésis[5],[6]. La section suisse ouvre en , elle est alors composée d'une vingtaine de Romandes en [7],[8] qui se réunissent généralement à Lausanne et font des actions en Romandie[9].

Les membres de Némésis sont de jeunes femmes entre dix-huit et trente ans[10], plusieurs gardent l'anonymat en raison d’agressions ou de menaces à leur encontre[réf. nécessaire]. Marie-Émilie Euphrasie, ancienne membre de la Cocarde étudiante et membre fondatrice de Némésis, s'engage dans la campagne de Marine Le Pen à la présidentielle et aux élections législatives françaises la même année[6]. Plusieurs militantes fondatrices de Némésis Suisse, dont sa présidente régionale Sarah Prina (pseudonyme)[11], sont issues ou étaient liées avec le groupe néonazi Militants Suisses, inactif publiquement et avec qui la section affirme avoir pris ses distances[9].

Actions militantes en France (non exhaustif)

Marche #NousToutes contre les violences faites aux femmes

 
Marche contre les violences sexistes et sexuelles à Paris organisée par #NousToutes en novembre 2019.

Le , Némésis se fait connaître au grand public par la participation de cinq militantes à la marche organisée durant la Journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes par le collectif féministe #NousToutes, militantes qui sont rapidement exfiltrées du cortège pour leurs messages xénophobes[12],[13],[14],[15].

Le , le Collectif Némésis tente de participer à la manif #NousToutes mais est repoussé par des manifestantes et des antifascistes, notamment appartenant à la Jeune Garde antifasciste. Selon plusieurs journaux, la raison en est une banderole évoquant la condition féminine en Afghanistan et la migration afghane en France avec le slogan : « La haine des femmes n'est pas un enrichissement culturel[16],[17],[18] ! »

Le , des militantes Némésis masquées en hidjabs et en niqabs brandissent des pancartes réclamant le droit au port de la burqa et se revendiquant « féministe & islamiste ». D'après le Collectif Némésis, les autres manifestants n'ont pas réagi négativement face aux pancartes, confirmant selon lui « l’incohérence du néoféminisme vis-à-vis de l’islam politique ». Face au buzz sur les réseaux sociaux, #NousToutes dénonce un « piège » et affirme au contraire que les jeunes femmes ont été rapidement évacuées du cortège[19],[20],[21],[22].

Autres actions militantes

Durant la Journée internationale des migrants le 18 décembre 2020, le collectif se réunit masqué sur le parvis du Palais Garnier, avec des fumigènes et des pochoirs aux messages racistes[23].

En janvier 2022, des militantes perturbent le meeting au Zénith de Paris de Valérie Pécresse, candidate à l'élection présidentielle, en scandant : « Pécresse, traîtresse. » Elles sont accompagnées de banderoles : « Pécresse, islamo-droitarde » et s'affichent contre « le voile à l’université »[3].

Comme d'autres organisations d'extrême droite, le Collectif Némésis se fait connaître par un engagement humanitaire à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022. Cependant, une source de StreetPress affirme que leur action auprès des populations est une « énorme escroquerie » et qu'il ne s'agit que de communication[24].

Le , au cours de la braderie de Lille, plusieurs militantes déploient des banderoles, qualifiées de « racistes » par Libération, dans la rue Nationale et sur la façade de l'Hôtel Carlton. L'une d'elles affiche la phrase « Lectures salafistes dans les lycées de votre ville, vous sentez-vous en sécurité à la braderie de Lille ? ». Les « lectures » avancées par le groupe sont finalement infirmées par l'enquête de Libération, et ne concernent qu'un seul des lycées de la ville[25]. La fondatrice du mouvement, Alice Cordier, s'affiche par ailleurs aux côtés du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. À la suite de ces actions, trois militantes du collectif sont placées en garde à vue[25]. Martine Aubry, mairesse de Lille, annonce porter plainte pour « incitation à la haine raciale », l'hôtel Carlton pour « atteinte à l’image » et « mise en danger de la vie d’autrui », et Alice Cordier annonce attaquer en diffamation les journaux La Voix du Nord et Libération pour des propos dans leurs articles sur l'événement[26]. Le 2 décembre, une nouvelle banderole est déployée par le collectif à Lille, s'en prenant à Martine Aubry[27].

En avril 2024, une militante du collectif, âgée de 19 ans, est placée en garde à vue à Besançon après une plainte pour « incitation à la haine ou à la violence en raison de l’origine » déposée par la maire écologiste Anne Vignot. Lors du carnaval de la ville, deux militantes du collectif féministe avaient défilé en brandissant des pancartes où l'on pouvait lire les slogans suivants : « Violeurs étrangers dehors » et « Libérez-nous de l'immigration ». Leur avocat annonce vouloir porter plainte pour « atteintes à la liberté individuelle » par une personne dépositaire de l’autorité publique[28].

Actions militantes en Suisse (non exhaustif)

En , à Lausanne, des militantes de Némésis Suisse, portant une pancarte où était écrit « Violeurs suisses : prison. Violeurs étrangers : expulsion », sont prises à partie durant la marche contre les violences faites aux femmes organisée par le mouvement suisse de la Grève féministe, nécessitant une intervention policière[8]. Dans la même ville, les et , respectivement pour la Journée internationale des femmes et la grève au nom de l’égalité des genres, Némésis Suisse est empêché d'accès aux cortèges officiels[1].

En avril la même année, une fête étudiante dont le but est de sensibiliser contre les viols au GHB dans les soirées est organisée par l'université de Genève. Némésis Suisse est invité pour distribuer des bracelets anti-GHB de son invention avant que l'organisateur UniParty n'annule l'invitation après de nombreuses critiques[29],[30].

Objectifs et positions politiques

Le collectif revendique trois objectifs principaux[2],[31] :

  • Lutter contre les violences faites aux femmes dans les milieux professionnels et publics, en particulier quand les auteurs sont des immigrants ;
  • Amener dans le débat public l’immigration extra-européenne comme un facteur des violences sur les femmes occidentales ;
  • Promouvoir la civilisation européenne comme épanouissante pour les femmes.

À ces trois titres, Némésis prône la défense de « l'homme blanc » et appelle sur son site à la « remigration »[32].

Le Collectif Némésis est « composé de jeunes femmes entre 18 et 30 ans ». Il s'oppose à « l'islamisation de la société » qui, selon lui, obligerait toutes les femmes à porter le hidjab ou le niqab. La vision du féminisme portée par le Collectif Némésis exclue les femmes trans, remettant en cause leur statut de femme et s’opposant à la transidentité[10]. Il est qualifié de transphobe par les représentantes de la grève féministe Suisse[33]. Le collectif estime que l'égalité des sexes a déjà été atteinte[10]. Concernant les autres sujets de société en lien avec le féminisme, le mouvement est, selon Slate, hostile à la PMA et à la GPA[10]. Sans remettre en question le droit à l'avortement, Némésis pense qu'il y a « énormément, sinon trop » d'avortements et refuse de voir l'interruption volontaire de grossesse comme anodine. Le collectif se positionne aussi contre la contraception autre que la contraception naturelle et prône une « complémentarité hommes/femmes » sans se prononcer sur le mariage homosexuel[32],[3].

Réception dans les médias et en politique

Médias

À la suite de l'apparition du collectif à la télévision en novembre 2019, de nombreux articles de presse en France condamnent son discours xénophobe, raciste et anti-immigration, et pointent ses liens avec d'autres organisations identitaires ou royalistes[12],[13],[14],[15].

Politique

Le Collectif Némésis est plusieurs fois soutenu par des personnalités identitaires ou conservatrices comme Damien Rieu et Génération identitaire, Gilbert Collard, Jean Messiha et d'autres personnalités du Rassemblement national, par des journalistes de Causeur comme Eugénie Bastié et ceux de Valeurs actuelles comme Charlotte d'Ornellas[10].

Le , une photo de militantes accompagnées de Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l'Éducation nationale, et publiée sur le compte Twitter du Collectif Némésis, provoque un tollé. Le ministre dénonce une « grossière manipulation » et assure qu'il ne soutient en aucun cas le collectif, contrairement à ce qu'avait affirmé Alice Cordier dans un autre tweet[31].

La politiste Magali Della Sudda développe l'idée que l’appropriation de la cause féministe par certains mouvements comme Les Antigones et le Collectif Némésis a contribué à « adoucir » l’image de Marine Le Pen, notamment. Aussi, ces mouvement permettent la politisation d'un public jeune et féminin en créant un discours se revendiquant féministe mais placé à l'extrême droite de l'échiquier politique[34].

Liens avec d'autres mouvements

Féminisme

Plusieurs féministes et sociologues en France et en Suisse les accusent d'instrumentaliser le féminisme et s'opposent fermement à leurs revendications et leur idéologie, qui reste minoritaire au sein du mouvement féministe lui-même et de la société[3],[8],[9],[35]. Le journaliste Paul Conge décrit Némésis comme un « groupuscule d'extrême droite qui annexe certaines thématiques propres au féminisme [...] en insistant exclusivement sur la couleur de peau des agresseurs ». Pour la politiste Magali Della Sudda, le Collectif Némésis est un contre-mouvement qui aborde des agissements que les féministes traditionnelles ne dénonceraient pas, et qui peut être rapproché du féminisme « occidentaliste » de Solveig Mineo[35]. Cette dernière affirme néanmoins être en « désaccord total avec Némésis à tous les niveaux »[10], ayant un différend avec les fondatrices depuis 2018[4]. Magali Della Sudda et le webzine Tapage estiment que le Collectif Némésis est féminationaliste[34],[36], ce que StreetPress décrit comme son utilisation du féminisme « pour justifier son racisme et son nationalisme »[37].

Toutefois, bien que critique de Némésis, la sociologue féministe Éléonore Lépinard rappelle qu'au tournant du XXe siècle, certaines féministes françaises et britanniques eurent des positions racistes et ont soutenu le colonialisme[38].

Autres

En octobre 2023, plusieurs personnalités de l'Union démocratique du centre, premier parti au niveau fédéral en Suisse, s'affichent en compagnie de militantes du collectif, ce qui déclenche des critiques[39]. Némésis entretient également des liens avec le groupe d'extrême droite suisse Junge Tat, issu de la mouvance néonazie[40].

En France, son service d'ordre est assuré par la Cocarde étudiante et par le groupuscule néonazi violent Zouaves Paris[41].

Notes et références

Notes

  1. Collectif prend toujours une majuscule lorsqu'il s'agit du nom de l'association.

Références

  1. a et b « Lausanne: Des féministes anti-immigration virées de la Grève du 14 juin », sur 20 minutes, (consulté le )
  2. a et b Tom Fruchard, « Le collectif Némésis : féminisme identitaire ou identitarisme sous un voile féministe ? »  , sur Le Tote Bag - Média d'information quotidienne, (consulté le )
  3. a b c et d Kevin Storme, « Alice Cordier, la rennaise à la tête du « féminisme identitaire » », sur Le Telegramme, (consulté le )
  4. a et b Rémi Yang, « Némésis, le groupuscule d’extrême-droite qui se dit féministe », sur StreetPress (consulté le )
  5. « Nos Porte-Parole », sur Collectif Nemesis (consulté le ).
  6. a et b Daphné Deschamps, « Marie-Émilie Euphrasie, militante Némésis, sympathisante de groupuscules violents et candidate RN », sur StreetPress, (consulté le )
  7. Marc-Roland Zoellig, « Elles dénoncent le machisme importé », sur La Liberté, (consulté le )
  8. a b et c « Un collectif se revendiquant d'un féminisme "identitaire" détonne en Romandie », sur RTS, (consulté le )
  9. a b et c Nicolas Poinsot, « Rencontre avec le collectif Némésis », sur Femina (consulté le )
  10. a b c d e et f Laure Dasinieres, « Les petits secrets du Collectif Némésis, ces «Femen d'extrême droite» », sur Slate, (consulté le )
  11. Amit Juillard, « Avec le collectif Némésis, un féminisme d'extrême droite prend la rue », sur Blick, (consulté le ).
  12. a et b « Zoom : Nemesis, le collectif xénophobe qui a perturbé la manif Nous Toutes », sur MYTF1, (consulté le ).
  13. a et b « Nous toutes ? Toutes, pas exactement… », sur Causeur, (consulté le ).
  14. a et b Fabien Leboucq, « Manifestation #NousToutes : qui se cache derrière les «féministes anti-immigration» de Nemesis ? », Libération (consulté le )
  15. a et b Pierre Plottu, « «52% des violeurs sont étrangers»: le RN et les stats, ça fait deux », sur Slate, (consulté le ).
  16. Nicolas Daguin, « Marche #NousToutes à Paris : des heurts éclatent entre les féministes du collectif Némésis et des «antifascistes» », sur Le Figaro, (consulté le ).
  17. « #NousToutes Paris : les identitaires de Nemesis perturbent le cortège », sur MyTF1, (consulté le )
  18. « Des milliers contre les violences sexistes, échauffourées avec un groupuscule en marge du cortège », Sud Ouest,‎ (ISSN 1760-6454, lire en ligne, consulté le )
  19. Magali Della Sudda, « Dans la rue et sur les claviers, les petites filles de la Manif pour tous », Libération, (consulté le )
  20. Yovan Simovic, « Des féministes islamistes ? Le collectif d'extrême droite Némésis piège #NousToutes en manif », sur Marianne, (consulté le )
  21. « VRAI OU FAKE : Un collectif identitaire piège une manifestation et une eurodéputée », sur Franceinfo, (consulté le )
  22. Tristane Banon, « Manifestation féministe infiltrée par « Némésis » : « Le voile sera toujours un marqueur sexiste » », Le Figaro, (consulté le )
  23. Yann Perreau, « Jeunes, jolies et fachos, la nouvelle vitrine de l’extrême droite », sur Elle, (consulté le )
  24. Maxime Macé, « En Ukraine, l’extrême droite française joue la carte de l’humanitaire », sur StreetPress (consulté le )
  25. a et b Pierre Plottu et Maxime Macé, « Lille : les identitaires des Némésis déploient deux banderoles racistes et finissent en garde à vue », sur Libération (consulté le )
  26. « Lille : Martine Aubry porte plainte contre le collectif Némésis pour incitation à la haine raciale », sur Le Figaro, (consulté le )
  27. « "Association immigrationniste, Martine Aubry complice" : le collectif d’extrême droite Nemesis déploie une nouvelle banderole à Lille », sur France 3 Hauts-de-France, (consulté le )
  28. « Pancartes anti-immigration à Besançon : une militante du collectif Nemesis placée en garde à vue pour «incitation à la haine» », sur Le Figaro, (consulté le )
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  39. Sandra Porchet, « Junge Tat, Mass-Voll, Némésis: l’UDC joue-t-elle avec le feu? »  , sur La Côte, (consulté le )
  40. Léo Michoud, « Cette secrétaire de l'UDC est une figure du collectif d'extrême-droite Némésis, se disant «féministe et identitaire» »  , sur Blick, (consulté le )
  41. Maxime Macé et Pierre Plottu, « Les influenceuses identitaires, des clics et des réacs »  , sur Libération, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes