Claire de Duras

écrivaine française
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Madame de Duras

Claire de Duras
Portrait daté de 1840.
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 50 ans)
NiceVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Claire Louisa Rose Bonne de Coëtnempren de KersaintVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonyme
Claire Lechat de KersaintVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Père
Conjoint
Enfants
Félicie de Durfort (d)
Clara de Durfort (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Prononciation
Œuvres principales
signature de Claire de Duras
Signature dans une lettre autographe adressée à Charles Brifaut.

Claire Louisa Rose Bonne de Coëtnempren de Kersaint, par mariage duchesse de Duras (/dy.ʁa/), née le [1],[a] à Brest et morte le à Nice est une écrivaine française.

Aussi appelée Madame de Duras, elle est surtout connue pour son roman Ourika, publié en 1823, qui analyse les questions d’égalité raciale et sexuelle, elle est considérée aujourd’hui comme une précurseure[b] féministe[6],[7]. Féministe et antiraciste, elle était, de ce point de vue, très en avance sur son temps[8].

Biographie modifier

Claire de Kersaint faisait déjà partie, dans sa jeunesse, du salon de ses parents. À la Révolution, après que son père, le contre-amiral Armand de Kersaint a été guillotiné le avec les Girondins, elle part pour la Martinique d’où est originaire sa mère, avant d’émigrer aux États-Unis, puis en Suisse et enfin à Londres où elle épouse Amédée-Bretagne-Malo de Durfort, duc de Duras en 1797, mais celui-ci, désargenté, qui ne l'a épousée que pour sa dot, ne lui témoigne aucun égard et la trompe allègrement. Pour surmonter les déboires de sa vie conjugale, elle devient une mondaine[9].

Rentrée en France en 1808, elle revient, à la Restauration, à Paris où l’amitié de Chateaubriand[10] lui ouvrira les milieux littéraires. Elle fut également l’amie de Germaine de Staël et de Rosalie de Constant, la cousine de Benjamin. Son mari sera admis à la cour de Louis XVIII et la renommée, dans le Paris post-révolutionnaire, de son salon fera de la maison des Duras un des centres de la vie littéraire parisienne.

Claire de Duras ne comptait pas faire carrière dans la littérature et c’est à contrecœur qu’elle céda aux pressions de Chateaubriand et publia anonymement, en , Ourika un des trois brefs romans qu’elle avait écrits alors qu’elle s’était retirée à la campagne lors d’une maladie contractée vers 1820, les deux autres étant Édouard, publié en et Olivier ou le Secret, écrit en , mais publié seulement en car ce roman, trop dérangeant à l'époque, ne put alors être édité. Les Mémoires de Sophie et Amélie et Pauline furent publiés en 2011. En outre, elle compila les Pensées de Louis XIV, extraites de ses ouvrages et de ses lettres manuscrites, publiées en . Les trois œuvres qu’elle a publiées ne l’ont été qu’afin d’empêcher les possibilités de plagiat.

Le Moine du Saint-Bernard est publié en 2023.

Littérature modifier

Claire de Duras a traité de sujets complexes et controversés, avec principalement des personnages opprimés et marginalisés que leur race ou leur origine sociale empêche de connaître le bonheur. Elle a exploré beaucoup de principes fondamentaux de la Révolution française et a évoqué les discussions intellectuelles des Lumières, en particulier l’égalité entre tous les hommes et des femmes. La tragédie est un thème commun à ses sujets. Dans chacun de ses trois romans, l’accomplissement de la relation entre les deux amoureux ne peut avoir lieu à la fois pour des motifs extérieurs (origine/état) ou intérieurs (secret personnel/homosexualité ?).

Longtemps considérée comme auteur de petits romans sentimentaux sans importance, la critique récente a révélé que ses œuvres étaient autant de mines de théorie post-moderne sur la question de l’identité. Il est probable que Claire de Duras n’avait pas été bien lue parce que, en avance sur son temps, le choix et le traitement de ses sujets n’ont pu être appréciés jusqu’à récemment.

C’est le premier de ses romans, consacré à la destinée de la jeune fille noire Ourika, qui devait laisser la plus grande marque dans l’histoire de la littérature : la jeune Africaine est retirée de la vente sur le marché des esclaves par le gouverneur du Sénégal qui l’amène à Paris pour l’offrir à une amie. Ourika reçoit une bonne éducation, elle se rend compte, à l’âge de quinze ans, du préjudice que provoque la couleur de sa peau. Après le mariage de Charles, dont elle est amoureuse, avec une Française, elle se retire au couvent où elle finira par mourir prématurément. On pense que ce roman est le premier dans la littérature française à étudier le problème des relations interraciales et, en particulier, de l’amour entre ceux qui appartiennent à différentes races ; c’est la raison pour laquelle, dans la deuxième moitié du XXe siècle, l’intérêt littéraire et scientifique pour ce roman s’est beaucoup accru[c].

Édouard est également l’histoire d’un amour rendu impossible par la différence de conditions sociales. Amoureux de la fille du maréchal d’Olonne qui l’a recueilli, Édouard doit s’éloigner et, après la mort de sa bien-aimée, se fait tuer au cours de la guerre d’indépendance américaine.

Duras a dénoncé l'étroitesse d'esprit d'une société minée par les préjugés, où la race, la classe sociale, l’orientation sexuelle peuvent constituer autant d'obstacles, plaidant pour la tolérance. Remarquable également pour son temps est le roman Olivier ou le Secret[d], qui souleva de nombreuses polémiques et ne fut publié qu'en 1971, pour sa représentation, sous couvert d'impuissance sexuelle, de l’homosexualité d’un jeune homme[e].

Œuvres modifier

Publications de son vivant modifier

Publications posthumes modifier

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Les sources de référence divergent sur la date de naissance : 27 février 1777[2] ; 22 mars 1777[3] ; 23 mars 1777[4] ou 22 mars 1778[5].
  2. Guide de féminisation.
  3. Ourika aurait eu une influence considérable sur le roman Sarah et le Lieutenant français de John Fowles qui l’a traduit en anglais[11].
  4. Le sujet de ce roman a peut-être été inspiré par le fiasco du mariage que Claire de Duras a tenté d’arranger entre sa cadette Clara et Astolphe de Custine[12].
  5. Le sujet de ce roman a peut-être servi de modèle à l’Armance de Stendhal[13].

Références modifier

  1. « Acte de baptême (vue 10/67, acte écrit tout en bas de la page de gauche) du registre des baptêmes de l'année 1777 de la paroisse Saint-Louis de la commune de Brest (cote du registre : GG122) », sur Archives de la mairie de Brest, (consulté le ) - Note. Sur l'acte de baptême le prénom n'a pas encore été donné. Il est écrit une fille anonyme de Kersaint de Coetnempren. Elle est née et ondoyée le 27 février 1777. Il s'agit de la seule Kersaint de Coetnempren se trouvant dans la table décennale de la paroisse Saint-Louis de Brest de 1759-1791.
  2. Article sur Claire de Duras sur le site de la Société internationale pour l'étude des femmes de l'Ancien Régime.
  3. Notice sur data.bnf.fr.
  4. Christiane P. Makward et Madelaine Cottenet-Hage, « Duras, Claire de —, 1777-1828, nouvelliste dite « sentimentale » », dans Dictionnaire littéraire des femmes de langue française : de Marie de France à Marie NDiaye, Paris, Karthala, , 641 p., 25 cm (ISBN 978-2-86537-676-6, OCLC 36626988, lire en ligne).
  5. Notice de Claire de Duras du Système universitaire de documentation
  6. Georges-François Pottier, « Des femmes à l’honneur : Claire de Duras (1777-1828), écrivaine », Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, t. 27,‎ , p. 157-181 (lire en ligne)
  7. Odile Métais-Thoreau, Une femme rare : dans les pas de la duchesse de Duras, Brissac, Petit Pavé, , 182 p., 22cm (ISBN 978-2-84712-238-1).
  8. Alain Tanguy, « Claire de Duras, romancière bretonne et icône woke », Le Télégramme,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. Alain Tanguy, « Claire de Duras, romancière bretonne et icône woke », Le Télégramme,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. Sylvie Pouliquen, Dames de Touraine, Éditions Hugues de Chivré, (ISBN 979-10-97407-31-5)
  11. Eileen Warburton, John Fowles : A Life in Two Worlds, New York, Viking, , 510 p., 24 cm (ISBN 978-0-67003-283-9, OCLC 52178746, lire en ligne), p. 166.
  12. Olivier Gassouin, Le Marquis de Custine : le courage d’être soi-même, Paris, Lumière & Justice, , 93 p., 21 cm (OCLC 17462667, lire en ligne), p. 21.
  13. Serge Bokobza, Contribution à la titrologie romanesque : variations sur le titre « Le Rouge et le Noir », Genève, Droz, , 150 p., 24 cm (OCLC 1251857770, lire en ligne), p. 44.

Bibliographie modifier

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  • Chantal Bertrand-Jennings, « D’un siècle l’autre : romans de Claire de Duras », Jaignes, Chasse au Snark, 2001 (ISBN 2914015089).
  • Chantal Bertrand-Jennings, « Masculin/féminin : codes de l’honneur dans Olivier ou le secret de Claire de Duras », Masculin/féminin : le XIXe siècle à l’épreuve du genre, Toronto, Centre d’Études du XIXe siècle Joseph Sablé, 1999, p. 89-104.
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