Chemsex

une pratique combinant le sexe et la prise de drogues, et impliquant des conduites à risques

Le chemsex — mot-valise combinant « chemical » (produits chimiques en anglais) et sex — ou sexe sous drogue[1] est une pratique consistant à associer rapports sexuels et prise de drogue. Elle peut favoriser des conduites à risques. On l’appelle party’n’play (PnP) aux États‐Unis ou wired play en Australie.

La méthamphétamine est l'une des drogues associées aux pratiques « chemsex ».

Présentation

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Le terme est le plus souvent associé à l'homosexualité masculine (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes)[2], mais ne lui est pas exclusif[3]. Le chemsex est lié à la banalisation de l'utilisation des applications de rencontres géolocalisées, qui permettent les échanges et rencontres rapides entre partenaires[4]. Par rapport à d'autres usages récréatifs de drogues, le chemsex implique une consommation strictement au service d'activités sexuelles qui peuvent être extrêmes, non protégées (« bareback »), prévues pour une longue durée (plusieurs heures à plusieurs jours), et impliquant plusieurs partenaires dénommés « chemsexers »[4][2].

Apparu en Angleterre au milieu des années 2000, il s'est depuis répandu en Europe et notamment en France[5],[6].

Les drogues prises lors du chemsex sont le plus souvent la cocaïne, le GHB/GBL, la kétamine, des méthamphétamines (crystal meth) ou des cathinones (méphédrone, 4-MEC, 4-MMC, 3-MMC, 3-CMC, etc.). La cathinone est le principe psychoactif du khat (Catha edulis Forsk), un arbuste africain. Des chimistes ont ensuite créé des cathinones de synthèse qui ont largement favorisé l’essor du chemsex[7]

Dans la majorité des cas, les cathinones de synthèse, qui se présentent sous forme de poudre cristalline, sont principalement ingérées par voie orale ou intranasale (sniff). Elles peuvent également être consommées par voie rectale ou intraveineuse (slam). D’autres modes d’administration, tels que l’inhalation ou la voie oculaire ont également été signalés[7]. Ces substances ont notamment un effet euphorisant et augmentent l’endurance. Elles sont entactogènes, en ce sens qu’elles altèrent le consentement. On compterait actuellement en France une cinquantaine de cathinones sur le marché[7].

On parle de Slam quand les produits sont consommés en intraveineuse[7],[8],[9]. Ce terme, qui vient de « to slam », « claquer » en anglais, est utilisé pour décrire l’effet puissant lié à l’injection[10]. Le slam (ou slamming), pratiqué avant et durant l’activité sexuelle planifiée, vise à augmenter le plaisir et les performances, tout en provoquant d’intenses sensations d’euphorie. La métamphétamine et la 4-MMC (méphédrone), et dans une moindre mesure la kétamine, sont les substances les plus consommées[7].

Risques toxiques, infectieux, psychiatriques, médico-légaux

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Outre les risques toxiques, la pratique du chemsex en comporte d’autres, notamment infectieux et psychiatriques. Le chemsex peut également être associé à des problèmes de santé mentale tels que la dépression et l’anxiété[7]. À cela s’ajoutent des complications médicolégales en lien avec le risque de rapports sexuels non-consentis du fait d’une soumission chimique liée à l’emploi de substances psychoactives. En outre, il importe de souligner que le chemsex a des répercussions sur la vie professionnelle et sociale[7].

Le risque de transmission d’IST (infections sexuellement transmissibles : VHC, VIH, Chlamydia, syphilis, gonocoque) vient immédiatement à l’esprit dès que l’on parle de chemsex dans la mesure où celui-ci tient à la multiplicité des partenaires et au partage de matériels utilisés par les injections (seringues, aiguilles)[7].

La pratique du chemsex peut entraîner une insatisfaction sexuelle ou une absence totale de relations interpersonnelles qui peuvent être frustrantes[4]. Elle peut donc conduire à un isolement[11].

Le chemsex est associé à une combinaison de risques qui peut le rendre alarmant. Il se pratique notamment en groupe, et la consommation de drogues rend le recours au préservatif moins systématique, le chemsex est donc souvent associé à un fort risque de contamination notamment par le VIH et d'autres IST. Par ailleurs, les surdosages, une mauvaise descente, des interactions imprévues entre drogues font également partie des risques associés à la pratique.

Décès associés à la pratique du chemsex

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Le réseau français d’addictovigilance a analysé deux périodes, de 2008 à 2013 et de 2014 à 2017. Le nombre de décès était de 5 dans la première période, de 19 pendant la seconde. Plus précisément, le nombre de décès dans lesquels des dérivés synthétiques de la cathinone étaient impliqués était de 9 en 2016, 7 en 2017, 8 en 2018 et 4 en 2019[7].

Statistiques sur la population concernée

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En France, bien que cette pratique ait été initialement détectée dès les années 2000, elle n’a connu un véritable essor que dans les années 2010, à la faveur de l’augmentation progressive de la consommation au sein de la communauté gay de nouveaux produits de synthèse (ou NPS), et plus spécifiquement des cathinones (3-MMC, 4-MEC). Il est difficile de quantifier avec précision le niveau d’usage des nouveaux produits de synthèse (NPS). Ceci tient notamment aux différences dans la méthodologie utilisée dans les études publiées et le profil des utilisateurs interrogés[7].

Conduite sous l’égide de la Société Française de Toxicologie Analytique et publiée en 2023 dans Toxicologie Analytique & Clinique, une étude a recensé les notifications de cas de chemsex par les laboratoires de toxicologie entre 2018 et mars 2023. Elle a comptabilisé 232 cas entre 2018 et 2022. Dans 96 % des cas, les consommateurs étaient des hommes d’âge moyen 37 ans[7].

Selon certaines sources, la pratique serait très minoritaire parmi les HSH (ainsi en 2015, un sondage à Londres montrait que seulement 2,7 % des personnes interrogées avaient fait usage de drogue injectée au cours de l'année précédente). Certains (tel Marco Scalvini, enseignant italo-britannique à la London School of Economics) estiment que l'usage de cette pratique est exagérée par certains médias qui relaieraient selon eux ainsi l'idée que le sexe est un problème de santé publique, plutôt qu'une source de transgression et de plaisir[12]. La pratique semble plus répandue et plus problématique au Royaume Uni qu'en France[13],[14].

Cependant, les résultats de l'étude « Sea, Sex and Chems » dévoilés en novembre 2021[15] montrent que le chemsex est en essor en France depuis le début des années 2010 et concerne un public de plus en plus jeune[16]. Selon une étude hollandaise[17] citée par plusieurs journaux, près de 30 % des utilisateurs des applications de rencontres gay s’adonneraient au chemsex[16],[18]. Le chemsex concerne aussi des personnes hétérosexuelles et des femmes[19].

En 2022, le constat fait dans un rapport rendu au ministère de la santé[20] (puis enterré) est qu'on ne sait pas précisément l’étendue du phénomène en France, ni le nombre de morts par overdose ou de personnes ayant dû être hospitalisées[21].

Les associations et professionnels de santé manifestent pour que ce rapport, dirigé par le Professeur Benyamina, soit exploité notamment avec une étude épidémiologique à l'échelle du territoire. Un élu du Rhône, Yann Botrel, addictologue, spécialiste du chemsex, le demande régulièrement.[1][22]

En période de confinement

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Quelques semaines après le début du confinement imposé pendant la pandémie de Covid-19, les produits restaient disponibles, ce qui a écarté le risque de sevrage forcé. Un risque est que la disparition d'un cadre professionnel structurant entraîne une perte de contrôle de la consommation, mais les associations mettent en place de nouveaux systèmes pour garder le contact et aider les consommateurs[23] et constatent qu'ils respectent plutôt bien le confinement[24]. Les pratiques auraient cependant augmenté à la faveur des confinements[25]. Et des spécialistes notent que le confinement ouvre de nouvelles situations et amène des problèmes plus graves[26],[27].

 
Jean-Luc Romero-Michel perd son mari Christophe en 2018 d'un chemsex

Plusieurs personnalités politiques, addictologues et associations réclament un plan de grande envergure en France. Parmi eux: Jean-Luc Romero-Michel qui a perdu son mari en 2018 lors d'un chemsex, le Professeur Amine Benyamina, auteur d'un rapport ministériel en 2022, Yann Botrel[28],[29], élu du Rhône et spécialiste du chemsex ou Fred Bladou de Aides[30],[31].

D'autre médecins addictologues restent actifs sur le sujet comme le Pr Hélène Donnadieu du CHU de Montpellier ou le Pr Benjamin Rolland à Lyon (corédacteur du rapport Benyamina)[32].

 
Pr Hélène Donnadieu et Yann Botrel à Lyon

Au théâtre et en littérature

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La pièce de théâtre 5 Guys Chillin’ de l’auteur anglais Peter Darney décrit l’ambiance d’une partouze gay sous chemsex[33].

Le roman Chems de l'écrivain français Johann Zarca, paru en 2021, est le récit d'une enquête en immersion par un journaliste connu pour sa connaissance des milieux underground parisiens[réf. nécessaire].

  • Chemsex : à l’ami qui mérite un amour, le 26/3 dans Foule continentale, sur franceinter.fr. 36 min[34],[35].

Bibliographie

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Articles connexes

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Notes et références

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  1. Nathalie Brafman, « Le « chemsex », sexe sous drogue, est aujourd’hui une question de santé publique », Le Monde,‎ (lire en ligne  , consulté le ).
  2. a et b Marc Gozlan, « « Chemsex » : quand drogues et sexe forment un duo fatal », Réalités Biomédicales,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. Soisic Belin, « Les différentes façons d'être chemsexeur », sur Vice, (consulté le ).
  4. a b et c Observatoire français des drogues et des toxicomanies, 2019.
  5. « Drogues : les ravages du « chemsex » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Edouard TUAILLON, « « Chemsex » : les dessous de l’alliance dangereuse du sexe et des amphétamines », sur The Conversation (consulté le ).
  7. a b c d e f g h i j et k Marc Gozlan, « Drogues et sexe : ce que l’on sait du chemsex en France », sur Réalités Biomédicales, (consulté le )
  8. « Chemsex : chez les gays, un accélérateur de péril », sur Libération.fr, (consulté le ).
  9. « Le slam : 1re enquête qualitative réalisée par AIDES », sur Drogues Info Service (consulté le ).
  10. Jean-Victor Blanc, « Sexe et drogues : une mise au point sur le chemsex », sur The Conversation, (consulté le ).
  11. (en) Jamie Hakim, « The rise of chemsex: queering collective intimacy in neoliberal London », Cultural Studies, vol. 33, no 2,‎ , p. 249–275 (ISSN 0950-2386 et 1466-4348, DOI 10.1080/09502386.2018.1435702, lire en ligne, consulté le )
  12. (en-GB) Marco Scalvini, « Gay men need clear information about ‘chemsex’, not messages about morality | Marco Scalvini », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  13. « GHB/GBL : une utilisation massive au Royaume Uni mais qu’en est-il en France? », sur Komitid, (consulté le ).
  14. (en) Patrick Strudwick, « Revealed: The Hidden Epidemic Of Abuse, Overdose, And Death Caused By The Sex Drug G », sur BuzzFeed (consulté le ).
  15. « Chemsex : Paris organise la prévention pour réduire les risques », sur tetu.com, (consulté le ).
  16. a et b « Le « chemsex », une pratique à risque aux usagers toujours plus jeunes », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. (en-US) Susanne Drückler, Martijn S. van Rooijen et Henry J. C. de Vries, « Chemsex Among Men Who Have Sex With Men: a Sexualized Drug Use Survey Among Clients of the Sexually Transmitted Infection Outpatient Clinic and Users of a Gay Dating App in Amsterdam, the Netherlands », Sexually Transmitted Diseases, vol. 45, no 5,‎ , p. 325–331 (ISSN 0148-5717, DOI 10.1097/OLQ.0000000000000753, lire en ligne, consulté le )
  18. « Paris s’inquiète du phénomène Chemsex, qui se diffuse dans la capitale », sur 20minutes.fr (consulté le ).
  19. « Chemsex : les femmes aussi », sur Causette (consulté le ).
  20. Benyamina 2022.
  21. David Perrotin, « « Chemsex » : la pratique se diffuse, le gouvernement se terre », sur Mediapart, (consulté le ).
  22. « Chemsex: un élu interpelle sur ce phénomène de société et demande davantage de prévention », sur RMC (consulté le )
  23. « Covid-19 : Le chemsex au temps du confinement », sur Komitid, (consulté le ).
  24. « « Les addictions ne se confinent pas » : les chemsexeurs à l’heure du Covid-19 », sur Komitid, (consulté le ).
  25. Mathias Chaillot, « Enquête : Chemsex, l’épidémie qui vient », sur NEON, (consulté le ).
  26. « Face au chemsex, le médecin Thibaut Jedrzejewski réclame un sursaut de la communauté LGBTI+ », sur KOMITID, (consulté le ).
  27. Thibaut Jedrzejewski, « L'urgence du chemsex chez les hommes gays en temps de Covid », sur Slate.fr, (consulté le ).
  28. Margot Brunet et Emilien Hertement, « "Je fermais les fenêtres pour ne pas sauter" : 1 an après l'affaire Palmade, l'urgence de la lutte anti-chemsex », sur www.marianne.net, (consulté le )
  29. Margot Brunet, « "Je veux lutter contre le fléau du chemsex" : Yann Botrel, hypnothérapeute spécialisé dans les dépendances », sur www.marianne.net, (consulté le )
  30. « Chemsex : drogue et sexe à haute dose, un élu du Rhône alerte le ministre de la santé », sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes (consulté le ).
  31. « [Tribune] Pour, enfin, une politique de prévention sur le chemsex ! », sur tetu.com (consulté le ).
  32. « Chemsex : "Les conséquences peuvent être mortelles", alerte le Dr Hélène Donnadieu », sur midilibre.fr (consulté le )
  33. « 5 Guys Chillin’ », une pièce au cœur d’une partouze « chemsex », sur Komitid, (consulté le ).
  34. « Chemsex : À l’ami qui mérite un amour », sur franceinter.fr (consulté le ).
  35. « Podcast : sur France Inter, dans l’enfer du “chemsex” », sur Télérama (consulté le ).

Liens externes

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  • « Chemsex », sur chemsex.be (consulté le )
  • « Sea, Sex and Chems », sur Sea, Sex and Chems (consulté le )