Chapitre général cistercien

Instance de gouvernement de l'ordre cistercien

Le chapitre général cistercien est l'instance suprême de gouvernement de l'ordre cistercien et de ses branches dérivées. Institué durant les premières années de la grande expansion cistercienne, en 1119, il se perpétue jusqu'à la Révolution française. Après 1815, les différentes branches cisterciennes adoptent chacune un principe de chapitre général qui fonctionne encore au début du XXIe siècle.

Histoire modifier

Jusqu'à la Révolution française modifier

Le chapitre général de l'ordre cistercien originel est institué par la Carta Caritatis (« Charte de Charité ») rédigée par Étienne Harding en 1119. Il est annuel, se tient à Cîteaux sous la direction de son abbé, et tous les abbés ont obligation formelle d'y participer. Un abbé absent sans de très bonnes raisons peut être automatiquement déposé[1],[2]. Jusque vers 1200, c'est plutôt un organe d'information et de communication. Mais, à partir du début du XIIIe siècle, il acquiert un pouvoir décisionnaire y compris sur des prérogatives relevant alors de l'abbé, comme la décision pour une abbaye de fonder une abbaye-fille[3].

Durant le chapitre général, un ordre de préséance assez rigoureux encadrait notamment les ordres de passage et les prises de parole[note 1].

Les recherches historiques depuis 1968 (notamment de Jean-Baptiste van Damme et de Bernard Lucet) montrent qu'avec la très rapide multiplication des fondations au cours du XIIe siècle, les abbayes primaires avaient tendance à rassembler dans leur filiation des soutiens afin de s'opposer avec plus de poids aux directives venant de l'abbé de Cîteaux[5].

Dans la pratique, la salle capitulaire de Cîteaux avait une capacité lui permettant d'accueillir environ trois cent moines. Or, en 1250, l'abbaye compte simultanément 647 abbayes masculines, sans compter les monastères féminins, dont les abbesses ont eu durant un certain temps chapitre commun avec les hommes[6].

Depuis la Révolution modifier

Le pouvoir ecclésiastique de gouvernement de l’Ordre dépend du chapitre général à qui il incombe de définir le droit des moines et des moniales et de veiller à son application. Tous les abbés et toutes les abbesses se réunissent à date fixe pour veiller à l’observance et au maintien de la sainte règle, au maintien de son patrimoine, à la conservation et l’accroissement de l’Ordre. Réunis en chapitre général, l’abbé général, les supérieurs et les supérieures des monastères autonomes, les conseillers et les conseillères de l’abbé général constituent son autorité suprême. Ils ont obligation d’y participer avec droit de vote. Le chapitre peut y inviter d’autres membres de l’Ordre et leur donner droit de vote.

Il revient au chapitre général :

  • d’approuver ou de supprimer les fondations de monastères, d’incorporer ou de supprimer des monastères de moines, d’incorporer des monastères de moniales, de demander au Saint-Siège leur suppression,
  • d’élire l’abbé général et d’accepter sa démission,
  • d’élire les officier(e)s de l’Ordre et de veiller à l’exercice de leurs charges, d’accepter leur démission ou, le cas échéant, de les déposer,
  • d’accepter aussi la démission des abbés et des abbesses ou de déposer les abbés[7].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. « Omnis abbas in omnibus locis sui monasterii coabbatis uocedat aduenienti, ita ut adimpleatur : honore inuicem preuenientes. Si duo aut amplius conuenerint, qui prior erit de aduenientibus locum superiorem tenebit. Omnes autem preter abbas presentis loci in refectorio comedent. Alias autem ubicumque convenerint [abbates], secundum tempus abbatiarum ordinem suum tenebunt, ut cuius ecclesia fuit antiquior, ille sit prior » : « Tout abbé cèdera la place dans tous les endroits de son monastère à un abbé de passage, afin que s’accomplisse : “Les uns étant les premiers à honorer les autres et réciproquement.” Si deux ou plus arrivent en même temps, que le premier des arrivants tienne la première place parmi eux. Qu’ils mangent tous dans le réfectoire, sauf l’abbé du lieu. Mais partout ailleurs où ils se réuniront, ils prendront rang selon l’âge de leurs abbayes, de sorte que celui dont l’Église sera la plus ancienne sera le premier. »[4].

Références modifier

  1. André Vauchez 2000, p. 145.
  2. André Vauchez 2008, p. 255.
  3. Ghislain Baury 2001, La mutation du chapitre général de Cîteaux à la fin du XIIe siècle, p. 31 & 32.
  4. Alexis Grélois 2013, Les catalogues d’abbayes cisterciennes, p. 173 à 175.
  5. Ghislain Baury 2001, La mutation du chapitre général de Cîteaux à la fin du XIIe siècle, p. 33 & 34.
  6. Léon Preyssoure 1990, Chapitre II. Le modèle — Dans la réalité, qu'est-il advenu des promesses ?, p. 52 & 53.
  7. https://www.ocso.org/2017/08/30/6-27-sept-2017/?lang=fr

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • [Jean-Berthold Mahn 1945] Jean-Berthold Mahn, L'ordre cistercien et son gouvernement : : des origines au milieu du XIIIe siècle (1098-1265), Paris, Éditions de Boccard, coll. « Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome » (no 161), , 320 p. (OCLC 422030148, présentation en ligne)
  • [Léon Pressouyre 1990] Léon Pressouyre, Le rêve cistercien, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard », , 144 p. (ISBN 978-2-07-053124-0, OCLC 24077889)
  • [Ghislain Baury 2001] Ghislain Baury, « Émules puis sujettes de l'ordre cistercien. Les cisterciennes de Castille et d'ailleurs face au Chapitre Général aux XIIe et XIIIe siècles », Cîteaux - Commentarii cistercienses, vol. 52, nos 1-2,‎ , p. 27-60 (ISSN 0009-7497, lire en ligne)
  • [André Vauchez 2000] André Vauchez, « Aux origines du régime représentatif : les ordres religieux en Occident, de cîteaux aux frères mendiants », dans Patrick Henriet et Anne-Marie Legras, Politique et Religion en Méditerranée : femmes, hommes et sociétés, IXe – XVe siècle [mélanges en l'honneur de Paulette L'Hermite-Leclercq], Paris, Presses de l'université Paris-Sorbonne, , 394 p. (ISBN 9782840501800, OCLC 708548050, lire en ligne), p. 143-149
  • [André Vauchez 2008] André Vauchez, « Le chapitre général dans l’ordre franciscain, des origines à 1260 : une instance démocratique ? », dans Henri Bresc, Georges Dagher et Christiane Veauvy, Au cloître et dans le monde : Moyen âge et époque contemporaine, Saint-Denis, Éditions Bouchène, , 436 p. (ISBN 9782356760005, lire en ligne), p. 255-264
  • [Alexis Grélois 2013] Alexis Grélois, « Au-delà des catalogues : pour une étude à frais nouveau de l'expansion cistercienne dans la France de l'Ouest », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, Presses univ. de Rennes, vol. n° 120-3, no 3,‎ , p. 154-169 (ISSN 0399-0826, résumé, lire en ligne)