Chantage au bolchévisme

Stratégie politique

Le chantage au bolchévisme est une stratégie politique mise en œuvre par l'Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale afin d'obtenir des compensations à payer les plus faibles possibles.

Concept modifier

La Première Guerre mondiale s'achève par le traité de Versailles de 1919, qui fixe les conditions des réparations de l'Allemagne envers les Alliés de la Première Guerre mondiale. Les années qui suivent voient la succession de négociations bilatérales ou multilatérales afin de préciser ou d'aménager les conditions de paiement et les objets de paiement de l'Allemagne, qui aboutissent au plan Dawes et au plan Young[1].

Les négociations du traité de Versailles et des différents plans postérieurs sont scandés par ce que certains commentateurs de l'époque appelèrent le chantage au bolchévisme. Afin d'obtenir des conditions de paiement les plus favorables, la diplomatie allemande a en effet opté pour une stratégie de mise en garde contre la menace communiste venue d'URSS et des partis communistes nationaux[2].

Les émissaires allemands en Europe agitent ainsi la menace soviétique afin de favoriser leurs conditions de paiement. Konrad Adenauer écrit dans le Matin : « Il n'y a absolument plus d'armée [en Allemagne]. L'Allemagne ne présente plus qu'un danger, mais grave : le bolchévisme »[3]. Des entrepreneurs et banquiers allemands sont interrogés dans la presse et étalent leur crainte d'une révolution communiste[2]. Le Chancelier allemand Philipp Scheidemann explique devant les députés social-démocrates que l'Allemagne pourrait connaître le même sort que la Hongrie, qui a récemment connu une révolution communiste[2],[4].

La question fait l'objet d'une guerre de l'information, les journaux de différentes tendances se positionnant face au sujet. Les médias affiliés à la droite jusqu'aux franges modérées de la gauche critiquent le procédé[5]. Le terme est utilisé dès 1918, notamment par Jacques Bainville, dans un article du [6].

Critiques et débats modifier

Certains auteurs ont considéré le chantage au bolchévisme comme une tentative de pression peu crédible[5]. André Chéradame s'alarme dans ses livres de ce que ce chantage affaiblit la volonté, et donc la position des Alliés face à l'Allemagne[7]. En 1919, les Nouvelles de France et bulletin des Français résidant à l'étranger écrit que « depuis l'armistice, les Boches ont largement usé du chantage au bolchevisme à l'égard de l'Entente. Sans vergogne aucune ils n'ont cessé de mendier des « adoucissements » aux conditions de paix en faisant valoir que, traité avec trop de sévérité, le peuple allemand serait infailliblement conduit au bolchévisme »[8].

En 1919, la Revue hebdomadaire souligne que « le chantage au bolchevisme échouera. Mais chantage ne veut pas forcément dire truquage »[9].

Notes et références modifier

  1. Louis Dupeux, Aspects du fondamentalisme national en Allemagne de 1890 à 1945: et essais complémentaires, Presses Universitaires de Strasbourg, (ISBN 978-2-86820-184-3, lire en ligne)
  2. a b et c Jean-Yves LE NAOUR, 1919-1921: Sortir de la guerre, Place des éditeurs, (ISBN 978-2-262-08553-7, lire en ligne)
  3. Pierre Miquel, La paix de Versailles et l'opinion publique française, (Flammarion) réédition numérique FeniXX, (ISBN 978-2-403-03422-6, lire en ligne)
  4. Louis Dupeux, Aspects du fondamentalisme national en Allemagne de 1890 à 1945: et essais complémentaires, Presses Universitaires de Strasbourg, (ISBN 978-2-86820-184-3, lire en ligne)
  5. a et b 1969 - 1991,2 mit d. Hauptsacht.: Revue d'Allemagne, A. Colin., (lire en ligne)
  6. François DELPLA, Une histoire du Troisième Reich, Place des éditeurs, (ISBN 978-2-262-05005-4, lire en ligne)
  7. Aymeric Chauprade, Géopolitique : constantes et changements dans l'histoire, Ellipses, (ISBN 978-2-7298-3172-1 et 2-7298-3172-X, OCLC 184969711, lire en ligne)
  8. Paul Albert Helmer, Nouvelles de France et bulletin des Français résidant à l'étranger, (lire en ligne)
  9. La Revue hebdomadaire, Nourrit et Cie, (lire en ligne)