Château de La Corbière

Château de La Corbière
Image illustrative de l’article Château de La Corbière
Plaque commémorative du Château de La Corbière
Période ou style Médiéval
Type Château fort
Début construction v. XIIe siècle
Destination actuelle Ruiné
Coordonnées 46° 10′ 25″ nord, 5° 58′ 45″ est[1]
Pays Drapeau de la France France
Ancienne province de France Pays de Gex
Région Auvergne-Rhône-Alpes
Département Ain
Commune Challex
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Château de La Corbière
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Château de La Corbière

Le château de La Corbière (Corberia, castrum Corberie au XIIIe siècle) était un ancien château fort, probablement du milieu du XIIe siècle, aujourd'hui ruiné, situé sur la commune de Challex, dans le département de l'Ain en région Auvergne-Rhône-Alpes.

Localisation modifier

La forteresse de La Corbière, installée sur le bord du Rhône, est très rapidement devenue une possession du comte de Genève, en Terre de Gex[2]. Il forme ainsi avec son territoire une enclave genevoise dans la baronnie de Gex[2]. Il se trouvait à environ 1,5 km au sud-est du village de Challex, installé sur un promontoire de molasse (510 m), dominant le Rhône, en rive droite[2],[ReG 1]. Sa position le plaçait en face du village d'Épeisses[ReG 1],[3] (commune suisse d'Avully), dans le comté de Genève.

La Notice sur la famille et le château de la Corbiere (1874) insiste sur cette position stratégique sur le Rhône puisque « grâce à l'angle que fait le fleuve à La Corbière, on peut d'un coup d’œil voir tout ce qui se passe sur les eaux et sur les rives, tant en dessus, qu'en dessous du château »[4].

Le château défendra par ailleurs un pont sur le Rhône, qui permettait de rejoindre le comté de Genève, via le bourg Épeisses et sa maison forte[2].

Historique modifier

Le château de La Corbière semble avoir été édifié vers le milieu du XIIe siècle, selon Matthieu de La Corbière, médiéviste spécialiste du château. Il est la possession du prieur de Nantua[5]. L'historien Alain Kersuzan penche quant à lui pour une édification au tout début du XIIIe siècle par les seigneurs de Gex, « sur un plan rectangulaire au fond d'un promontoire étroit et abrupt »[6]. Louis Blondel suppose mais sans preuve, que la position du château, à proximité du défilé de l'Écluse, aurait pu être possédée à l'origine par l'évêque de Genève[7].

Au cours du XIIIe siècle, le château devient un enjeu entre les comtes de Genève et les sires de Faucigny[3],[8]. En 1220, le comte de Genève autorise la construction d'un château et d'une ville nouvelle à Épeisses, en face du village de Challex[9], cinq ans plus tard, ils sont placés sous la protection du comte Guillaume II de Genève[3]. Pour Charles-Laurent Salch les nobles du nom de la Corbières, vassaux des comtes de Genève, sont cités depuis 1236[10].

En 1287, le comte Amédée II de Genève achète le château de La Corbière[2],[11]. Toutefois, la maison de Genève semble avoir placé le château sous sa protection depuis au moins 1125[2]. Une ville neuve est établie en 1288 à proximité[12].

Lors du conflit opposant le comte de Savoie, Amédée V, au comte de Genève, Amédée II, le château est mentionné — Corberie — en mai 1288[7],[ReG 2],[ReG 3]. Il s'agit des comptes de Guillaume de Septême, bailli de Chablais et de Genevois, au service du comte de Savoie, indiquant ses frais de transport jusqu'au château[7],[ReG 2],[13].

Le château est d'ailleurs assiégé entre 1291 et 1292, notamment par des engins, mentionnés dans des comtes de Rodolphe de Sirjoud ou encore de Pierre des Portes, vidomne de Genève[ReG 3],[ReG 4],[14]. Le château est pris par les troupes savoyardes. À la suite de ce conflit, un acte du mentionne Guillaume de Joinville, seigneur de Gex comme allié du comte de Savoie et promettant de défendre le dit château[ReG 5]. Lors du traité de paix signé entre les deux comtes en décembre 1293, l'article 5 stipule que le comte de Savoie garde le contrôle du château et du mandement, en paiement des différentes dépenses que la guerre lui avait causée, notamment la prise du château[15],[ReG 6],[16]. Cette somme fut estimée à 15 000 livres genevoises[15],[ReG 6],[16]. Le comte de Genève pu recouvrir le contrôle du château en règlement de la somme[15],[ReG 6].

En 1297, les deux comtes signent à nouveau un traité de paix et marient leurs enfants, Guillaume de Genève et Agnès de Savoie[17]. Par cet accord, le comte de Savoie donne « 10 000 livres tournois de dot et le château de La Corbière à charge d'hommage et sous condition que le comte de Genève empêchât toute attaque » et celui de Genève apporte « 4 000 livres et le pont devant le château à son fils, avec les châteaux de Rumilly en Abanais, Hauteville, Alby, Charousse comme garantie » ainsi que d'autres gages[17]. Le bailli du Chablais et de Genevois, Rodolphe de Montmayeur, inspecte dans sa tournée le château en 1303[18]. En 1308, un nouveau traité de paix est organisé entre les deux maisons, le nouveau comte de Genève, Guillaume III se doit de reconnaître tenir en fief du comte Amédée V « les châteaux et juridictions de Charousse, Alby, Hauteville et la Corbière »[ReG 7].

Lorsque le comte Guillaume III de Genève meurt, en 1320, son fils, Amédée III relance les hostilités contre le comte de Savoie. La guerre reprend, après une courte trêve à l'automne l'année 1321[19],[20]. Aymon de Savoie, fils du comte, aidé par les seigneurs de Beaujeu et de Grandson, commande le siège du château qui débute le [19],[6],[21]. Un mois plus tard, le , il en prend possession[19],[6],[21]. Le comte de Savoie a fait mobiliser « 350 seigneurs et plus de 3 700 clients vaudois et chablaisiens, intervenant par roulement, et 42 arbalétriers bernois », afin d'empêcher notamment à des armées de secours d'empêcher la prise[22]. Les forces savoyardes sont vainqueurs, et le château est détruit, ainsi que le pont qu'il défendait[23]. Il ne reste par la suite que quelques masures à l'abandon et occupées occasionnellement[24].

Le comte Aymon de Savoie rend les ruines de La Corbière au comte Amédée III de Genève, le [2],[25]. Les vestiges du château sont restaurés[26].

Description modifier

L'enceinte du château est associée à un talus, sauf pour celui donnant sur le Rhône couplé avec des contreforts[27].

Châtellenie de La Corbière modifier

Le château de La Corbière est le siège d'une châtellenie, dit aussi mandement (mandamentum)[28], vers la toute fin du XIIIe siècle[2]. Il s’agit plus particulièrement d’une châtellenie comtale, relevant directement du comte de Genève[29]. Dans l'organisation savoyarde, elle est attachée au bailliage du Chablais[30].

Dans le comté de Genève[31], puis à la suite de l'intégration en 1401 au comté de Savoie, le châtelain est un « [officier], nommé pour une durée définie, révocable et amovible »[32],[33]. Il est chargé de la gestion de la châtellenie ou mandement, il perçoit les revenus fiscaux du domaine, et il s'occupe de l'entretien du château[34]. Le châtelain est parfois aidé par un receveur des comptes, qui rédige « au net [...] le rapport annuellement rendu par le châtelain ou son lieutenant »[35].

Lorsque le comté de Genève devient une possession de la maison de Savoie, la châtellenie comtale, malgré sa situation d'enclave, reste attaché à l'apanage du Genevois[2]. En 1601, à la suite du traité de Lyon, le Pays de Gex, tout comme l'ancienne châtellenie, est donné au royaume de France[2].

Notes et références modifier

Régeste genevois (1866) modifier

  1. a et b Paul Lullin et Charles Le Fort, Régeste genevois : Répertoire chronologique et analytique des documents imprimés relatifs à l'histoire de la ville et du diocèse de Genève avant l'année 1312, Société d'histoire et d'archéologie de Genève, , 542 p. (lire en ligne), p. 472, Table alphabétique générale, « Corbière » (lire en ligne).
  2. a et b Comptes de Guillaume de Septême, bailli du comte de Savoie en Chablais et en Genevois, du 3 au (REG 0/0/1/1276).
  3. a et b Comptes de Rodolphe de Sirjoud, bailli dans le Chablais et le Genevois, du au (REG 0/0/1/1361).
  4. Comptes de Pierre des Portes, vidomne de Genève, du au (REG 0/0/1/1362).
  5. Acte du (REG 0/0/1/1370).
  6. a b et c Traité conclu à Aix entre les comtes de Savoie et de Genève du (REG 0/0/1/1386).
  7. Traité de paix, à Saint-George d'Espéranche, entre les comtes de Savoie et de Genève du (REG 0/0/1/1626 et REG 0/0/1/1627).

Références modifier

  1. Coordonnées trouvées sur Géoportail.
  2. a b c d e f g h i et j de la Corbière 1998, p. 7-9.
  3. a b et c de la Corbière 1998, p. 11 (lire en ligne).
  4. Notice sur la famille et le château de la Corbière 1874, p. 16 (lire en ligne).
  5. de la Corbière 1998, p. 10 (lire en ligne)
  6. a b et c Kersuzan 2005, p. 161, 149 (lire en ligne).
  7. a b et c Blondel 1956, p. 144.
  8. Nicolas Carrier, La vie montagnarde en Faucigny à la fin du Moyen Âge : économie et société, fin XIIIe-début XVIe siècle, Éditions L'Harmattan, , 620 p. (ISBN 978-2-7475-1592-4, lire en ligne), p. 33.
  9. Catherine Santschi, « Epeisses » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  10. Charles-Laurent Salch et Joseph-Frédéric Finó (photogr. Dominique Martinez), Atlas des châteaux forts en France, Strasbourg, Éditions Publitotal, , 19e éd. (1re éd. 1977), 834 p., p. 18 (cf. Chalex).
  11. de la Corbière 1998, p. 16 (lire en ligne).
  12. de la Corbière 1998, p. 14 (lire en ligne).
  13. Notice sur la famille et le château de la Corbière 1874, p. 19 (lire en ligne).
  14. Notice sur la famille et le château de la Corbière 1874, p. 20 (lire en ligne).
  15. a b et c Pierre Duparc, Le comté de Genève, IXe – XVe siècle, t. XXXIX, Genève, Société d'histoire et d'archéologie de Genève, coll. « Mémoires et Documents » (réimpr. 1978) (1re éd. 1955), 616 p. (lire en ligne), p. 221.
  16. a et b Notice sur la famille et le château de la Corbière 1874, p. 24 (lire en ligne).
  17. a et b Pierre Duparc, Le comté de Genève, IXe – XVe siècle, t. XXXIX, Genève, Société d'histoire et d'archéologie de Genève, coll. « Mémoires et Documents » (réimpr. 1978) (1re éd. 1955), 616 p. (lire en ligne), p. 226, 244.
  18. Notice sur la famille et le château de la Corbière 1874, p. 22 (lire en ligne).
  19. a b et c Pierre Duparc, Le comté de Genève, IXe – XVe siècle, t. XXXIX, Genève, Société d'histoire et d'archéologie de Genève, coll. « Mémoires et Documents » (réimpr. 1978) (1re éd. 1955), 616 p. (lire en ligne), p. 264-265.
  20. Notice sur la famille et le château de la Corbière 1874, p. 25 (lire en ligne).
  21. a et b de la Corbière 2002, p. 116.
  22. Bernard Demotz, Le comté de Savoie du XIe au XVe siècle : Pouvoir, château et État au Moyen Âge, Genève, Slatkine, , 496 p. (ISBN 2-05-101676-3), p. 199.
  23. Notice sur la famille et le château de la Corbière 1874, p. 73 (lire en ligne).
  24. Notice sur la famille et le château de la Corbière 1874, p. 77-78 (lire en ligne).
  25. de la Corbière 1997, p. 23.
  26. Nathalie Nicolas, La guerre et les fortifications du Haut-Dauphiné, Presses universitaires de Provence, , 377 p. (lire en ligne), p. 60, note n°1.
  27. de la Corbière 1997, p. 20.
  28. Payraud 2009, p. Annexe 8 : liste des ensembles fortifiés intégrés au corpus.
  29. Pierre Duparc, Le comté de Genève, IXe – XVe siècle, t. XXXIX, Genève, Société d'histoire et d'archéologie de Genève, coll. « Mémoires et Documents » (réimpr. 1978) (1re éd. 1955), 616 p. (lire en ligne), p. 416.
  30. (en) Eugene L. Cox, The Green Count of Savoy : Amedeus VI and Transalpine Savoy in the Fourteenth-Century, Princeton University Press, (réimpr. 2015) (1re éd. 1967), 422 p. (ISBN 978-1-4008-7499-6, lire en ligne), p. 354.
  31. Pierre Duparc, Le comté de Genève, IXe – XVe siècle, t. XXXIX, Genève, Société d'histoire et d'archéologie de Genève, coll. « Mémoires et Documents » (réimpr. 1978) (1re éd. 1955), 616 p. (lire en ligne), p. 413 et suivantes.
  32. Christian Sorrel, Histoire de la Savoie : images, récits, La Fontaine de Siloé, , 461 p. (ISBN 978-2-84206-347-4, lire en ligne), p. 146-147.
  33. Nicolas Carrier, « Une justice pour rétablir la « concorde » : la justice de composition dans la Savoie de la fin du Moyen Âge (fin XIIIe -début XVIe siècle) », dans Dominique Barthélemy, Nicolas Offenstadt, Le règlement des conflits au Moyen Âge. Actes du XXXIe Congrès de la SHMESP (Angers, 2000), Paris, Publications de la Sorbonne, , 391 p. (ISBN 978-2-85944-438-9), p. 237-257.
  34. Alessandro Barbero, « Les châtelains des comtes, puis ducs de Savoie en vallée d'Aoste (XIIIe – XVIe siècle) », dans Guido Castelnuovo, Olivier Mattéoni, « De part et d'autre des Alpes » : les châtelains des princes à la fin du moyen âge : actes de la table ronde de Chambéry, 11 et 12 octobre 2001, , 266 p. (lire en ligne).
  35. Nicolas Carrier, « À travers les archives médiévales de la principauté savoyarde - Les comptes de châtellenies », sur le site de mutualisation des Archives départementales de la Savoie et de la Haute-Savoie - Sabaudia.org (consulté en ).
  36. a et b Blondel 1956, p. 145-148.
  37. ADS1.
  38. Blondel 1956, p. 482.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Louis Blondel, Châteaux de l'ancien diocèse de Genève, vol. 7, Société d'histoire et d'archéologie de Genève (réimpr. 1978) (1re éd. 1956), 486 p., p. 143 et suivantes.
  • J. B. Chanard, Notice sur la famille et le château de la Corbiere, Genève, , 108 p. (lire en ligne)
  • Matthieu de la Corbière, L'invention et la défense des frontières dans le diocèse de Genève : Étude des principautés et de l'habitat fortifié (XIIe - XIVe siècle), Annecy, Académie salésienne, , 646 p. (ISBN 978-2-901102-18-2).
  • Matthieu de la Corbière, « Le prieuré et les églises Saint-Félix et Saint-Maurice de Challex », Echos saléviens, revue d'histoire locale,‎ , p. 7-56 (lire en ligne)
  • Matthieu de la Corbière, « Les châteaux du Haut-Rhône genevois : étude d'une frontière au cours de la guerre delphino-savoyarde (1234-1355) », bulletin du Musée d'art et d'histoire de Genève,‎ , p. 12-24
  • Matthieu de la Corbière, « Les comptes de châtellenie au service de l'archéologie castrale : le château gessien de La Corbière (Ain), 1301-1407 », publié dans Pages d'archéologie médiévale en Rhône-Alpes III-1996, Actes de la 3e rencontre Rhône-Alpes d'Archéologie médiévale, Lyon 9 décembre 1995, p. 35-37.
  • [PDF] Nicolas Payraud, « Châteaux, espace et société en Dauphiné et en Savoie du milieu du XIIIe siècle à la fin du XVe siècle », HAL - Archives ouvertes, no tel-00998263,‎ (lire en ligne) extrait de sa Thèse de doctorat d'Histoire dirigée par Étienne Hubert, Université Lumière-Lyon-II (lire en ligne).
  • Alain Kersuzan, Défendre la Bresse et le Bugey : les châteaux savoyards dans la guerre contre le Dauphiné, 1282-1355, vol. 14, Presses universitaires de Lyon, coll. « Collection d'histoire et d'archéologie médiévales », , 433 p. (ISBN 978-2-7297-0762-0, lire en ligne).

Articles connexes modifier

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