En mathématiques, et plus précisément en géométrie algébrique, le calcul de Schubert est une technique introduite à la fin du XIXe siècle par Hermann Schubert pour résoudre des problèmes de dénombrement en géométrie projective. C'est un précurseur de plusieurs théories plus modernes, comme celle des classes caractéristiques, et ses aspects algorithmiques font toujours l'objet de recherches ; la systématisation et la justification de ce calcul est l'objet du quinzième problème de Hilbert.

Construction modifier

Une construction moderne du calcul de Schubert associe à la grassmannienne   (la variété algébrique des sous-espaces vectoriels de dimension k d'un espace vectoriel V de dimension n, appelés k-plans dans la suite de cet article) son anneau de Chow (en), et décrit ce dernier par un ensemble de générateurs ayant une signification géométrique[1]. Pour un drapeau complet   avec   et un  -uple d'entiers   avec , on définit l'ensemble des cycles de Schubert (appelés également cellules de Schubert lorsqu'on s'intéresse à l'homologie cellulaire plutôt qu'à l'anneau de Chow)   par :

 

Les classes   ne dépendant pas du drapeau, on peut les écrire   ; on les appelle les classes de Schubert. On démontre que ces classes engendrent l'anneau de Chow, et, dans cette présentation, c'est la théorie de l'intersection associée qu'on appelle le calcul de Schubert. Pour une suite donnée  , la classe de Schubert   est simplement notée   (ou même  ). Les classes correspondant à un seul entier,  , sont appelées des classes spéciales. La formule de Giambeli ci-dessous montre que toutes les classes de Schubert sont engendrées par les classes spéciales.

Motivation de la définition modifier

L'explication des contraintes numériques de la définition vient de ce qu'un  -plan   générique sera d'intersection nulle avec les   pour   et que   vaudra   pour  , d'après la formule de Grassmann.

Propriétés modifier

Inclusion modifier

L'ordre partiel défini sur les  -uples par     pour tout   définit l'inclusion des cycles de Schubert  :  .

Formule de la codimension modifier

On définit la codimension d'un cycle de Schubert   (ou de la classe de Schubert associée  ) par la formule  , laquelle est stable pour l'inclusion des grassmanniennes, c'est-à-dire que l'application   définie en ajoutant à chaque  -plan le vecteur supplémentaire   (obtenant un  -plan) vérifie   (en appliquant   à chaque élément de  ). L'inclusion ordinaire   vérifie la même propriété.

Produit d'intersection modifier

La loi multiplicative de l'anneau de Chow, appelée produit d'intersection (en), est une loi de composition sur les classes de Schubert. Ce produit fut d'abord construit à l'aide des formules de Pieri et de Giambelli (en) (lesquelles sont des cas particuliers de formules analogues pour les classes de Chern, telle que la formule de Thom-Porteous (en)).

Formule de Pieri modifier

Le produit de la classe spéciale   avec une classe de Schubert arbitraire   est donné par la formule   (où  ), appelée formule de Pieri. Par exemple,  ,   et  .

Formule de Giambelli modifier

Le calcul du produit pour des classes quelconques se fait en remplaçant la classe   par un déterminant (formel) d'une matrice   de classes spéciales :

  (formule de Giambelli). Par exemple,   devient   et   devient  .

Relation avec les classes de Chern modifier

Une description simple de l'anneau de Chow (ou anneau de cohomologie) de la grassmannienne   est possible à l'aide des classes de Chern de deux fibrés vectoriels naturels   et   au-dessus d'elle. On a la suite , où   est le fibré trivial de rang  , la fibre de   sur   est le sous-espace  , et   est le fibré quotient (qui existe puisque le rang est constant au-dessus de chaque fibre). Les classes de Chern correspondante sont   (où   est un  -uple) et  . On déduit de la séquence la présentation de l'anneau de Chow comme :

 [réf. souhaitée].

G(2,4) modifier

Un exemple classique d'utilisation du calcul de Schubert est l'analyse de la grassmannienne   (qui fournit un paramétrage des droites de  ), permettant d'obtenir le nombre de droites d'une surface cubique.

Anneau de Chow modifier

On a vu que l'anneau de Chow a la présentation

  ;

en tant que groupe abélien gradué, il est donné par

 [2]

Droites sur une surface cubique modifier

 
Un modèle de la surface de Clebsch montrant ses 27 droites réelles.

L'anneau de Chow précédent peut être utilisé pour calculer le nombre de droites sur une surface cubique[1]. Une droite de   correspond à un 2-plan de  , et donc  . L'équation d'une droite peut être vue comme une section de  . Comme une surface cubique   est représentée par un polynôme homogène de degré 3 (générique), cela correspond à une section générique de  . Ainsi, une droite   est une sous-variété de   si et seulement si la section s'annule sur  . On peut donc intégrer la classe d'Euler de   sur   pour obtenir le nombre de points où la section générique s'annule sur  . Pour déterminer la classe d'Euler, on doit calculer la classe de Chern totale de   ; elle est donnée par  . La factorisation usuelle (en)  , où   et   sont les classes des fibrés en droites   et  , donne les relations   et  .

Comme   peut être vu comme somme directe de fibrés formels  , ayant pour classe de Chern totale  , on a

 

(en utilisant   et  ).

L'intégrale est donc , puisque   est la classe la plus haute. Ceci démontre qu'il y a   droites (dans l'espace projectif complexe) sur une surface cubique générale (sans singularités).

Voir aussi modifier

Références modifier

  1. a et b 3264 and All That, 132, section 4.1; 200, section 6.2.1 (lire en ligne)
  2. Sheldon Katz, Enumerative Geometry and String Theory, 96 p.

Bibliographie modifier