Caftan

tenue traditionnelle marocaine

Le caftan est une tunique longue portée dans diverses régions à travers le monde, au Moyen-Orient, au Maghreb et aussi en Asie centrale, en Perse (qui englobait l'actuel Iran ainsi que d'autres états), dans l'Empire moghol sous la dynastie fondée par Babur, dans certains États indépendants italiens comme la république de Venise, dans l'Empire omeyyade et l'Empire ottoman. Le terme recouvre une grande variété de tuniques longues existant ou ayant existé à différentes époques.

Kurde portant un caftan (1920).

D'autres graphies existent, telles que cafetan ou plus anciennement kaftan, khaftan voire qaftan[1]. Le mot français est une translittération d'un nom turc, lui-même emprunté au persan.

Définition et variantes

Les caftans sont définis par un certain nombre de points communs  : ils sont longs et souvent amples, droits ou légèrement croisés, à manches longues ou mi-longues, sans col ou capuche et ouverts en leur milieu, sur toute leur longueur (avec ou sans boutons). Toutefois, chaque nation ou peuple ayant intégré le caftan dans son patrimoine vestimentaire a donné à celui-ci sa touche propre au niveau de la coupe, des tissus, des couleurs, des broderies, des ornementations et des motifs, d'où l'apparition de caftans perses, moghols, vénitiens, turcs, slaves, algériens ou marocains.

Historique

Le Kaftan, cette robe d'Asie Mineure était autrefois portée par les anciens peuples de l'ancienne Perse. Plusieurs études menées sur les tenues des anciens peuples de l’Asie font référence à l'existence du caftan. L'étude du docteur Elfriede Knauer (en) précise en effet les anciens Perses ont longtemps porté des manteaux en deux parties, même dans le nord de la Chine et de l'Inde[2]. Cela vaut non seulement pour les Perses achéménides et sassanides, mais aussi pour les aristocrates parthes, les Scythes, les Turcs ou les Tochariens du Turkestan oriental (Chine). Au fil du temps, les Perses ne cesseront de mettre à jour cette robe longue, apportant de nouveaux tissus  de toute l'Asie. Cette robe longue fut plus tard connue sous le nom de Kaftan (خفتان) et fut plus tard adoptée par les femmes turques, qui nommèrent la tribu Bisirmiskaftan. Avec l'établissement de l'Empire ottoman et son influence ultérieure, le caftan a évolué en réponse aux goûts et aux modes importés d'Europe et d'Asie, et cette évolution se poursuit sur un autre continent, l'Afrique où les régences ottomanes furent les premières à voir le caftan en Afrique du Nord.

Empire ottoman

Les caftans portés par les sultans ottomans constituent l'une des collections principales du palais de Topkapı à Istanbul. Certains d'entre eux, extrêmement précieux, étaient employés comme récompenses pour les services rendus par les plus importants notables et par les généraux victorieux à l'occasion de festivals religieux.

Les caftans ottomans sont fréquemment brodés sur l'avant et sur les manches. Une codification stricte, par certains aspects semblable à l'héraldique, existe concernant les décorations, motifs, rubans et couleurs qui correspondent au rang du porteur. Au XIVe siècle, les motifs sont étendus et les couleurs sobres, mais ces caractéristiques évoluent pour devenir respectivement plus fines et plus brillantes. L'art des caftans culmine vers la seconde moitié du XVIIe siècle avec les tissus de type Selimiye aux larges bandes verticales et aux minutieuses broderies.

Les tissus sont principalement produits à Istanbul et Bursa quand ils ne sont pas importés de Venise, Gênes, de la Perse, l'Inde ou la Chine. Chaque tissu possède des propriétés particulières et un nom différent : velours, taffetas, mais aussi bürümcük, aba, canfes, gatma, gezi, diba, kutnu, kemha, seraser, serenk, zerbaft et bien d'autres. Certaines couleurs sont plus utilisées que d'autres, comme le bleu de Chine, le rouge de Turquie, le violet, le pişmis aya, le coing cuit ou le jaune safran.

Lorsqu'en 1922, Mustafa Kemal Atatürk, père de la Turquie moderne, renverse le sultan ottoman, il souhaite rompre de façon radicale avec un pouvoir jugé archaïque et décadent. Sa volonté de rupture et de modernisation se traduit aussi par l'interdiction des attributs vestimentaires ottomans, tels que le caftan ou le fez, au profit de tenues occidentales.

Régences ottomanes

Presque tous les pays arabes, à l'exception du Maroc et d'une partie de la péninsule Arabique (Oman notamment), faisaient partie de l'Empire ottoman durant plusieurs siècles. Par conséquent, on peut penser à juste titre que c'était dans ces pays que le caftan a été introduit par les ottomans, notamment en Afrique du Nord. Ceci est corroboré par le témoignage de l'historien espagnol Diego de Haedo qui a noté qu'à Alger où il était détenu vers la fin du XVIe siècle, "les habitants portent d'ordinaire un vêtement de couleur, qu'ils appellent kaftan"[3]. Une autre école de pensée soutient qu'avec le départ progressif des Andalous vers le Maghreb, dont les actuelles Algérie et Tunisie, ceux-ci ramènent avec eux des caftans mauresques qui ne connaîtront cependant pas les mêmes évolutions et influences qu'au Maroc[réf. nécessaire].

Au départ, seuls les dignitaires turcs et quelques notables algériens ou tunisiens participant à l'administration de la ville, portaient le caftan. Cependant le port du caftan finit par se populariser notamment à Alger[3] où traditionnellement, avant l´introduction du caftan, la tenue masculine se composait d'une chemise, d'un gilet, d'un fez, d'un pantalon bouffant (seroual) entouré à la taille par une pièce d'étoffe servant de poche appelée foutah, ou d'une soutane entourée à la taille par une foutah. De nos jours, des stylistes algériens et tunisiens se sont lancés dans la modernisation et la transformation de leurs habits traditionnels. Cette modernisation apporte à nombre de tenues de nouveaux attributs initialement non présents dans les formes traditionnelles.

Caftan par pays

Algérie

 
Le caftan court de la chedda de Tlemcen.

Le caftan a été introduit en Algérie par les routes de l’Orient, lors de l’apogée de l’Empire ottoman en l’an 1515[4]. Dans le pays, le caftan masculin est connu comme le caftan d'honneur tandis que le caftan féminin est inscrit dans le patrimoine culturel immatériel de l'humanité[5].

À Tlemcen, la tenue traditionnelle (Chedda) est composée sous la garniture d'un caftan. Autrefois, les caftans étaient larges et les manches également. Le caftan tlemcénien « caftan a'sder » apporté d'Andalousie est un caftan court, qui arrive aux genoux ou un petit peu au-dessous des genoux. Ce type de caftan a disparu dans la plupart des grandes villes, mais reste très porté à Tlemcen en Algérie[6].

À Alger, entre le XIVe siècle et le XVIIe siècle, le costume citadin algérois subit des transformations à la suite de l'arrivée de plusieurs familles musulmanes et juives expulsées d'Espagne qui sont à l'origine de nouvelles techniques de tissage, de coupes de vêtements, de broderies au fil d'or et de soie,un art né à Alger durant les trois siècles de l'occupation Ottomane, bien qu'il soit attesté à partir du XIVe siècle [7]. Le caftan algérois dérive d'un ancien habit appelé Ghlila[8] qui donnera, au XIXe siècle, naissance au Karakou, vêtement plus raffiné et plus complexe à fabriquer, le caftan prend une allure plus fine. Seules certaines autochtones mariées à un riche Ottoman et les femmes turques portent en saison froide un caftan orné de broderies réalisées en fil d'or ou d'argent[réf. nécessaire]. Plus tard, elles revêtent durant l'hiver un gilet (jaleco) porté au-dessus de la ghelila, une sorte de longue et large veste aux manches suffisamment larges pour laisser paraître celles de la chemise.

Par ailleurs, il semblerait que le pouvoir plus ou moins important des beys ottomans, à la tête de pouvoir régional au nom du sultan de Constantinople, explique en partie les différences et ressemblances vestimentaires entre les différents territoires : prégnante dans les régions où leur influence est forte (Tlemcen, Alger, Constantine ou Tunis)[réf. nécessaire].

Maroc

Au Maroc, le caftan est très ancien et profondément ancré dans les habitudes vestimentaires du pays. En effet il est apparu au XIIIe siècle à l’époque de la dynastie Mérinide[9],[10] où il était porté par la royauté marocaine[11]. Mais celui-ci ne ressemble en rien à ceux portés en Perse et dans l'empire ottoman. D'ailleurs, à la différence de ces derniers, le caftan marocain est un habit exclusivement porté par les femmes[réf. nécessaire].

Au fil du temps, et jusqu’à nos jours, cette tenue est restée très prisée des Marocaines. Et il a évolué au point que, traditionnellement, chaque ville du royaume a son propre style de caftan et sa broderie.

Mais on peut grossièrement dénombrer 4 grandes régions qui correspondent à 4 styles : Le Chameli (Tétouan), le Fassi (Fès), le Meknessi(Meknès) et le R’bati (Rabat)[12].

Quant aux coupes il y a principalement 2 modèles : celui de Fès, long et droit, et celui de Tétouan, traditionnellement court et ample.

Spécificité des caftans marocains :

Fès : à elle seule la ville a été à l'origine de nombreux styles de caftans et de broderies qui les ornent. Comme le Caftane N'taa, un caftan en soie, en velours ou en brocard qui sera orné de motifs décoratifs très diversifiés réalisés au fil d'or[13] (tarz ntaa). Ce caftan peut être utilisé comme pièce maitresse de la lebsa lfasiya, une imposante parure nuptiale typique de Fès.

La broderie marocaine "Ntaa, N'taa, Nta, Anat" est bien plus qu'un simple artisanat[14][réf. à confirmer]. C'est une véritable technique artistique qui s'inscrit dans une longue et riche histoire marocaine. Cette forme de broderie au fil d'or a connu son apogée pendant le règne de l'État/Empire marocain d'Al-Andalus[réf. nécessaire].

La broderie Ntaa est un véritable travail d'orfèvre, où les fils d'or sont minutieusement travaillés pour créer des motifs complexes. Cette technique nécessite une grande habileté et une attention méticuleuse aux détails. Les artisans marocains qui maîtrisent cette technique transmettent leur savoir-faire de génération en génération, préservant ainsi une tradition ancestrale[réf. nécessaire].

Tétouan : Dans cette ville le caftan traditionnel est plus court que dans le reste du Maroc. Il est en général en velours ou en soie et a la particularité d'avoir des boutonnières des 2 cotés (au niveau des épaules) ce qui permet de mettre en valeur le gilet du dessus[15]. Concernant sa broderie, celle-ci, tout comme celle de Chefchaouen, est directement héritée des nasrides de Grenade et des Mudéjars[16]. Ainsi le tarz tetouani ou taajira sera sur un support noble et précieux teinté dans des tons clairs ou vifs (jaune doré, vert bouteille, violet), avec des décors floraux de formes pyramidales[17].

Autre héritage andalou, la keswa el kbira (la grande robe) appelé aussi ropa de pagno à Tétouan. Costume d'apparat lors des cérémonies de mariage, ce caftan fait partie de la dot des mariées juives du nord du Maroc et prendrait son origine en Andalousie au XVe siècle. Il est composé d'un corselet et d'une jupe, tous deux en velours brodé d'or, d'une ceinture, de manches en voile de soie fixées sous les manches du corselet et d'une couronne sertie de pierres précieuses[18].

À Rabat le style de caftan est appelé touqida, il est caractérisé par des manches étroites et une coupe près du corps[15]. Chez sa voisine Salé c'est la broderie Tarz Lem'allem qui est prépondérante.

 
Peinture de Josep Tapiró i Baró, datant du XIXe siècle, Tanger. On y voit une negaffa, portant une dafina par-dessus son caftan (tradition de la mansouria), préparer la fille du sultan pour ses noces. Cette dernière est habillée d'une takchita au motifs du Nord du Maroc

Il est important de préciser que de nos jours, dans le pays, le terme « caftan » est couramment utilisé pour signifier « caftan une pièce". Les versions alternatives en deux pièces des caftans marocains sont appelées Takchita et portées avec une grande ceinture richement travaillée (mdamma) fabriquée dans du tissu ou du métal (argent ou or).

L'origine de cette dernière remonterait au XVIe siècle, à l'époque de la dynastie Saadienne. C'est le sultan Ahmed al-Mansour (1578-1603) qui a introduit le port d'une tunique transparente (appelée Dfina ou Fouqia) par-dessus un caftan droit traditionnel à sa cour, créant ainsi les premières takchita du Maroc[19].

D'ailleurs encore aujourd'hui la takchita peut aussi être appelée caftan mansouria en référence à ce sultan.

Désormais cantonné aux grandes occasions, le caftan est exploré par bon nombre de couturiers marocains qui tour à tour l’allègent, l’agrémentent de broderies inventives, déclinent les manches sous plusieurs formes, jouent sur les tailles de mdammate (ceinture marocaine), s’essayent à des fusions multiples, mis en avant par différents évènements et les éditoriaux mode des magazines.

Russie

À l'est de l'Europe et à l'ouest de l'Asie septentrionale, le mot kaftan (кафтан en russe) est employé pour désigner un autre type d'habillement, un long costume d'homme très large mais aux manches serrées. Au XIXe siècle, le caftan est de très loin l'habit d'extérieur le plus courant pour les marchands et paysans. Ils sont actuellement portés comme signes religieux par la secte très conservatrice des Orthodoxes vieux-croyants. Il se porte également avec une kossovorotka sous le vêtement.

Durant la politique de réformes voulue par le tsar Pierre Ier et destinée à occidentaliser le pays, celui-ci interdit le port du caftan au profit du costume à l'occidentale. Ainsi, des oukases obligent ceux qui peuvent s'en permettre la dépense, de s'acheter un habit français, hongrois ou allemand. Le tsar lui-même expliquait qu'« avec vos manches larges, il vous arrive toujours des malheurs : tantôt elles trempent dans la soupe, tantôt elles fracassent les verres ».

Tunisie

En Tunisie, le terme, bien que connu, n'est plus utilisé car cette tunique était essentiellement portée par les Ottomans avant l'émancipation du pays.

Mode occidentale

Dans les années 1950, Christian Dior propose un caftan en satin de soie noir. Dans les années 1960, c'est Yves Saint Laurent qui le dessine, avec une ceinture. L'actrice américaine Liz Taylor en porte un, blanc et vert, lors de son second mariage avec Richard Burton. De nos jours, des designers orientaux (Zuhair Murad ou Naeem Khan) utilisent ce vêtement dans leur collection, mais aussi certaines maisons occidentales (Etro, Pucci ou Marchesa), faisant là un rappel aux années 1970 ou voulant toucher le marché du monde arabe[20].

Articles connexes

Notes et références

  1. Caftan dans la neuvième édition du Dictionnaire de l'académie française
  2. (en) Elfriede Knauer, « A Man's Caftan and Leggings from the North Caucasus of the Eighth to Tenth Century: A Genealogical Study », Metropolitan Museum Journal,‎ , p. 125 (lire en ligne   [PDF])
  3. a et b Diego de Haëdo, Topographia y historia general de Argel, Valladolid, , p. 108
  4. « Tradition vestimentaire : Le caftan est Algérien ! », sur elmoudjahid.com, (version du sur Internet Archive).
  5. (en-US) « Unique Traditional African Clothing Around The African Continent », sur The Guardian Nigeria News - Nigeria and World News, (consulté le )
  6. « La chedda, tenue princière de l'ancien Royaume Zianide », sur dziriya.net,
  7. Jean-Jacques Boucher, Arts et techniques de la soie, Fernand Lanore, , 225 p. (ISBN 978-2-85157-140-3, lire en ligne)
  8. Isabelle Paresys, Paraître et apparences en Europe occidentale : du Moyen âge à nos jours, Villeneuve-d'Ascq, Presses Univ. Septentrion, , 397 p. (ISBN 978-2-85939-996-2, lire en ligne)
  9. « Le Caftan, un voyage dans les dédales d'une histoire millénaire », sur Atlasinfo, (consulté le )
  10. « Le raffinement du caftan marocain en vedette à Montréal », sur Libération (consulté le )
  11. « Le caftan marocain, chef-d’œuvre de l'artisanat », sur Vicedi : voyager comme Ulysse, (consulté le )
  12. « Le caftan au fil du temps - L'Officiel », sur www.lofficielmaroc.ma (consulté le )
  13. PASS Technologie, 26, rue Louis Braille, 75012 Paris France, « Tarz ntaâ », sur www.idpc.ma (consulté le )
  14. Detroit Institute of Arts;University of Michigan Research Seminary in Islamic Art, « Ars islamica v. 15-16 (1951) Index to v.1-16 », sur library.si.edu, (consulté le )
  15. a et b « Les origines du caftan marocain », sur finezine.com (consulté le )
  16. Jean-Louis Miège, M’hammad Benaboud et Nadia Erzini, « La ville « mandarite » », dans Tétouan : Ville andalouse marocaine, CNRS Éditions, coll. « Espaces et milieux », (ISBN 978-2-271-07864-3, lire en ligne), p. 17–29
  17. PASS Technologie, 26, rue Louis Braille, 75012 Paris France, « Tarz titouani », sur www.idpc.ma (consulté le )
  18. « Keswa el Kebira ou la grande robe », sur www.dafina.net (consulté le )
  19. (en-US) « Mariage marocain – Tout pour organiser facilement et gratuitement votre mariage » (consulté le )
  20. « Le caftan », M, le magazine du Monde, semaine du 15 février 2014, page 66.