Budget du gouvernement du Québec de 1996

Budget 1996 du Québec
Description de l'image Budget 1996-97 (Québec).svg.
Sous-titre Aucun
Année fiscale 1996-97
Législature 35e
Gouvernement Lucien Bouchard
Parti Parti québécois
Discours sur le budget
Date
Présenté par Bernard Landry
Vice-Premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances
Projections
Revenus 37,589 milliards
Dépenses 40,864 milliards
Déficit 3,275 milliards
Besoins financiers nets 2,300 milliards
Parcours législatif
Projet de loi 81
Adoption
Sanction
Abréviation L.Q. 1997, ch. 14
Budget de dépenses
Date
Présenté par Jacques Léonard
Président du Conseil du Trésor et ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique
Crédits déposés 41,095 milliards

Lire en ligne

Discours sur le budget

Le budget du gouvernement du Québec de 1996 s'appliquant à l'année fiscale 1996-97 est présenté par Bernard Landry le à l'Assemblée nationale. C'est le premier exposé budgétaire de Bernard Landry.

Contexte modifier

Le budget est présenté quelques mois après le référendum de 1995, la démission de Jacques Parizeau et la constitution du Gouvernement Lucien Bouchard qui est alors au sommet de sa popularité. Une grande conférence sur le devenir social est économique du Québec est tenue du au et aboutit à un consensus sur l'atteinte du déficit zéro en 1999-2000[1].

Dans son discours d'ouverture prononcé le , Lucien Bouchard annonce des compressions sévères dans les dépenses gouvernementales[2]:

« Au gouvernement, tous les ministères verront leur budget restreint cette année, y compris, oui, la Santé et l'Éducation, qui représentent à eux seuls les trois cinquièmes des dépenses de l'État. Il est illusoire de penser équilibrer le budget des Québécois tout en maintenant notre niveau de dépenses dans ces deux secteurs. »

— Lucien Bouchard, premier ministre du Québec

L'économie du Québec a fortement ralenti en 1995 avec une croissance réelle du PIB limitée à 1,8 % contre 3,9 % en 1994 et les perspectives sont encore plus médiocres (prévision de croissance à 1,0 % en 1996 et 1,5 % en 1997). Le ralentissement pèse sur les créations d'emplois (48 000 postes créés en 1995) ce qui empêche une réduction significative du taux de chômage. En revanche, la baisse des pressions inflationnistes permet à la Réserve fédérale américaine et à la Banque du Canada de réduire leur taux directeurs, et corrélativement, d'abaisser le taux d'intérêt sur la dette publique émise par le gouvernement du Québec[3].

Principales mesures modifier

Revenus modifier

Impôt sur le revenu modifier

Le budget prend un certain nombre de mesure de resserrement des dépenses fiscales :

  • Le budget 1994 avait annoncé que le Québec (contrairement au gouvernement fédéral) ne réduirait pas certains crédits personnels en fonction du revenu ;
    • Bernard Landry annonce que l'état des finances publiques justifie d'inverser cette décision. Dès 1997[note 1] le crédits pour personne seule, en raison de l'âge et pour revenus de retraites sont réduits de 15 % pour chaque dollar gagné au dessus de 26 000 $,[5],[6].
  • Certaines déductions (cotisation syndicale, professionnelle ou à une association artistique reconnue) sont transformées en crédit d'impôt au taux de 20 %[7];
  • Le crédit d'impôt au Fonds de solidarité FTQ et à Fondaction (CSN) sont réduits de 20 à 15 % et leur montant maximal passe de 1 000 $ à 525 $ par an[8],[9];
  • Les pensions alimentaires destinées aux enfants (pour les ententes conclues à partir du ) sont défiscalisées[note 2];
  • La déduction spéciale du Régime épargne-actions pour les actions convertibles admissible est prolongé d'un an (extinction en 1998)[10];
  • L'impôt minimum de remplacement (IMR) est durci. Le niveau d'exemption est abaissé de 40 000 $ à 25 000 $ à partir de 1997. Cette mesure impacte les contribuables réalisant d'importants gains en capital, qui utilisent de façon importante la déduction pour RÉER ou des abris fiscaux[11].

Les fonds accumulés dans un REÉL peuvent être retirés sans imposition pour payer des travaux de rénovations éligibles[note 3],[12].

Impôt sur les sociétés modifier

La limite au remboursement de certains crédits d'impôts aux entreprises introduite par le budget précédent est abolie. La définition de PME pour la bonification du crédit d'impôt aux salaires de R&D est élargie (toutes les entreprises ayant moins de 25 millions de dollars d'actifs sont alors éligibles)[13].

Le crédit d'impôt pour stage en milieu de travail, déjà élargi en 1995, est étendu aux étudiants inscrits dans un programme ISPJ[14].

Le budget créé de nouveaux crédits :

  • Le crédit d'impôt pour la production de titre multimédia, administré par la SODEC[15];
  • Le crédit d'impôt remboursable pour les constructeurs de navires.

Taxe de vente du Québec modifier

Le remboursement de taxe sur les intrants (RTI)[note 4] de certains biens aux grandes entreprises, initialement prévu à partir du est repoussé au . Les mesures annoncées dans le Budget du gouvernement du Québec de 1995 (taxe sur le carburant, abolition du crédit d'impôt pour taxi) en conséquence du RTI sont également repoussées au [16].

Autres taxes et impôts modifier

La taxe sur le capital est élargie[17]:

Dépenses publiques modifier

Jacques Léonard, président du Conseil du Trésor dépose le le budget de dépenses pour 1996-97. Le volume de dépenses totales (41,1 milliards de dollars) est en recul de 3 % par rapport à 1995-96, mouvement apprécié par les milieux financiers[18]. Le budget de dépenses prévoit des réductions budgétaires sévères :

Réactions modifier

Monde politique modifier

Paul Martin, ministre fédéral des Finances, accueille positivement le budget Landry[20]:

« Tout le monde est très content de voir le désir du gouvernement québécois d'assainir ses finances publiques et de prendre les mesures nécessaires pour y arriver [...] C'est très important pour le Québec et pour le pays »

— Paul Martin, ministre fédéral des Finances

André Bourbeau du Parti libéral parle d'un déficit d'idée dans le budget Landry, et critique particulièrement la hausse d'impôt affectant les aînés[21].

Mario Dumont, seul député de l'Action démocratique estime que « les grands gagnants du budget sont les sûrement les contribuables de l'Ontario »[21].

Médias modifier

Alain Dubuc de La Presse souligne certains points forts du budget : ses prévisions réalistes, des cibles de lutte contre le déficit crédibles et l'absence de mauvaise surprise. Il pointe cependant certaines lacunes (sur l'emploi notamment où le manque de mesures est criant) et expédients (la création d'un fonds spécial pour les travaux routiers qui font sortir 250 millions de dépenses du budget)[22].

Claude Picher du même journal pointe que, si le ministre assure qu'il n'y a pas de hausse d'impôts ou de taxes, le budget est truffé de hausses d'impôts déguisées (par les restrictions aux avantages fiscaux)[23].

Jean-Robert Sansfaçon est plus critique, pointant des mesures sans éclat (contrôle accru des contribuables, chasse au travail au noir, réduction des avantages fiscaux) alors que deux jours plus tôt Ernie Eves, ministre des Finances de l'Ontario, annonçait une baisse massive de l'impôt sur le revenu. Il pointe également que le budget impacte « les retraités, les travailleurs et la classe moyenne » par ses coupes aux avantages fiscaux[24].

Autres groupes modifier

Le budget est bien reçu dans les milieux financiers et d'affaires, et les marchés financiers ne connaissent pas de grande fluctuation le jour du budget[25],[26],[27].

Le dépôt des crédits avait également été bien reçu par les marchés financiers. Clément Gignac, économiste en chef de la firme Lévesque Beaubien Geoffrion (et futur ministre libéral sous Jean Charest), souligne alors le « réalisme des autorités publiques actuelles, qui ont renoncé aux tendances très rosées des administrations antérieures »[28].

Les aînés expriment leur indignation devant la réduction de certains crédits d'impôts (âge et personne vivant seule notamment) en fonction du revenu (une mesure pourtant adoptée par le gouvernement fédéral dès 1994). La FADOQ estime que le budget vient augmenter de 850 $ le fardeau fiscal des personnes âgées[29].

Les syndicats sont déçus par le budget, notamment par le manque de mesures sur l'emploi et le manque de courage dans l'abolition des abris fiscaux profitant aux contribuables les plus aisés[30]. Ils avaient auparavant très fortement critiqué les coupes opérées lors du dépôt des crédits en mars, notamment dans le secteur de l'éducation[31],[32] et de la santé[33] où les compressions sont très mal reçues.

Parcours législatif modifier

Le projet de loi n° 81 qui met en place les dispositions du budget 1996 (et certaines autres déclarations ministérielles et bulletins d'informations du ministère des Finances) est un document particulièrement long (200 pages pour 383 articles) et complexe (modifiant un total de 19 lois différentes)[34].

Le projet de loi est adopté à main levée le et est sanctionné le [35].

Exécution modifier

Le budget 1996-97 a été exécuté correctement malgré des rentrées fiscales inférieures de 368 millions aux prévisions. Des transferts fédéraux plus élevés que prévu, un bon contrôle des dépenses (en baisse de 1,45 milliard par rapport à 1995-96) et la baisse du coût de la dette ayant permis d'atteindre (et même très légèrement dépasser) la cible de déficit public, comme l'année précédente.

Exécution du budget 1996-97 (en millions de dollars)
Indicateur
Discours[36]
Résultats
définitifs[37]
Variation
Revenus autonomes 30 968 30 600   368
Transferts fédéraux 6 621 6 721   100
Revenus totaux 37 589 37 321   268
Dépenses de programme 34 873 34 677   196
Service de la dette 5 991 5 861   130
Dépenses 40 864 40 538   326
Déficit 3 275 3 217   58

Contrôle des dépenses modifier

Exécution des dépenses du budget 1996-97[38]
(en millions de dollars)
Secteur 1995-96 1996-97 Variation
Santé et services sociaux 13 148 12 975   – 1,3 %
Éducation et culture 10 880 10 478   – 3,7 %
Soutien aux personnes et aux familles 4 486 4 440   – 1,0 %
Économie et environnement 4 486 3 600   – 19,8 %
Gouverne et justice 3 167 3 195   0,9 %
Dépenses de programme 36 167 34 688   – 4,1 %
Amortissement des immobilisations et autres –39 –11 N/A
Service de la dette 6 038 5 861   – 2,9 %
Dépenses totales 42 166 40 538   – 3,9 %

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Pour 1996 une règle de demi-année est appliquée, le taux de réduction est donc de 7,5 %[4].
  2. Le parent payeur ne peut plus déduire fiscalement le montant payé, le parent receveur ne l'inclut plus dans son revenu imposable.
  3. L'éligibilité est identique à celles des travaux éligibles au crédit d'impôt Premier toit.
  4. C'est-à-dire le remboursement de la TVQ payée par les entreprises sur leurs achats.
  5. 3 en Europe (Paris, Londres et Bruxelles) ; 2 en Amérique (New-York et Mexico) et 1 en Asie (Tokyo).

Références modifier

  1. « Ouverture d'une conférence sur le devenir social et économique du Québec », sur bilan.usherbrooke.ca (consulté le )
  2. Journal des débats, . Assemblée nationale du Québec.
  3. Discours du 9 mai 1996, Annexe D.
  4. LQ 1997, c. 14, art. 109(2).
  5. Discours du 9 mai 1996, Annexe A, p. 25.
  6. LQ 1997, c. 14, art. 109.
  7. Discours du 9 mai 1996, Annexe A, p. 27.
  8. Discours du 9 mai 1996, Annexe A, p. 28.
  9. LQ 1997, c. 14, art. 134.
  10. Discours du 9 mai 1996, Annexe A, p. 105.
  11. Discours du 9 mai 1996, Annexe A, p. 23.
  12. LQ 1997, c. 14, art. 157.
  13. Discours du 9 mai 1996, Annexe A, p. 37.
  14. Discours du 9 mai 1996, Annexe A, p. 51.
  15. Discours du 9 mai 1996, Annexe A, p. 52.
  16. Discours du 9 mai 1996, Annexe A, p. 13.
  17. Discours du 9 mai 1996, Annexe A, p. 17-18.
  18. Maurice Jannard, « Québec se met à l'heure du réalisme financier », La Prese,‎ , B1 (lire en ligne)
  19. Denis Lessard, « La fermeture des délégations à l'étranger mal reçue », La Presse,‎ , B1 (lire en ligne)
  20. La Presse canadienne, « Paul Martin félicite Landry », La Presse,‎ , A5 (lire en ligne)
  21. a et b Denis Lessard, « Un seul déficit, celui des idées, dit l'opposition », La Presse,‎ , A6 (lire en ligne)
  22. Alain Dubuc, « Un budget terne, prévisible mais efficace », La Presse,‎ , B2 (lire en ligne)
  23. Claude Picher, « Nous paierons davantage », La Presse,‎ , A3 (lire en ligne)
  24. Jean-Robert Sansfaçon, « Les fonds de tiroirs », Le Devoir,‎ , A10 (lire en ligne)
  25. « Un bon budget, jugent les financiers », La Presse,‎ , A6 (lire en ligne)
  26. Denis Lessard, « Les patrons sont rassurés », La Presse,‎ , A6 (lire en ligne)
  27. « Pas d'impact du budget du Québec », La Presse,‎ , p. C5 (lire en ligne)
  28. Maurice Jannard, « Québec se met à l'heure du réalisme financier », La Presse,‎ , B1 (lire en ligne)
  29. Isabelle Paré, « Le jeudi de la matraque », Le Devoir,‎ , A1 (lire en ligne)
  30. Katia Gagnon, « Les syndicats mécontents », La Presse,‎ , A6 (lire en ligne)
  31. Katia Gagnon, « 2000 postes de moins dans la fonction publique », La Presse,‎ , B7 (lire en ligne)
  32. Denis Arcand, « Le milieu de l'éducation unanime contre le budget », La Presse,‎ , B4 (lire en ligne)
  33. Mathieu Perreault, « Consternation dans le milieu de la santé », La Presse,‎ , B4 (lire en ligne)
  34. LQ 1997, c. 14.
  35. Journal des débats, . Assemblée nationale du Québec.
  36. Discours du 9 mai 1996, p. 22, 40-41.
  37. Comptes publics 1996/1997, vol. 1, p. 13.
  38. Comptes publics 1996/1997, vol. 2, p. Annexe 5-1.

Textes officiels modifier

  • Budget 1996-1997 : Discours sur le budget et renseignements supplémentaires, Québec, Gouvernement du Québec, , 252 p. (ISBN 2-551-16245-9, lire en ligne)
  • Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d’autres dispositions législatives, LQ 1997, ch. 14 (lire en ligne, consulté le )