Bref examen critique du nouvel Ordo Missae

Bref examen critique du nouvel Ordo Missae
Le cardinal Alfredo Ottaviani, l'un des auteurs
Titre original
(it) Breve Esame Critico del Novus Ordo MissaeVoir et modifier les données sur Wikidata
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Date de parution

Le Bref examen critique du nouvel Ordo Missae (en italien : Breve Esame Critico del Novus Ordo Missae) est un document présenté fin 1969 au pape Paul VI par les cardinaux Alfredo Ottaviani et Antonio Bacci. Il exprime une vive critique de la messe de Paul VI, promulguée le .

Cette étude d'une quarantaine de pages est parfois surnommée Intervention d'Ottaviani.

Contexte modifier

Le concile de Vatican II, par sa constitution liturgique Sacrosantum Concilium promulguée le , donnait les orientations générales en vue d'une révision du rite romain.

Le , la constitution apostolique Missale Romanum promulgue la messe de Paul VI, modifiant la manière de célébrer la messe.

Dans les jours suivent, un groupe de douze théologiens catholiques proches du Coetus Internationalis Patrum, dont le dominicain Michel-Louis Guérard des Lauriers[1], rédige un texte critique du nouveau missel[2]. Le document, intitulé ''Bref examen critique du nouvel Ordo Missae'', est achevé le 5 juin de la même année[3].

En l'accompagnant d'une lettre datée du , les cardinaux Alfredo Ottaviani et Antonio Bacci présentent le Bref examen critique du nouvel Ordo Missae au pape Paul VI.

Contenu modifier

Objectif et conclusion modifier

L'étude remet en doute l'orthodoxie de la messe de Paul VI (désignée par la locution nouvel Ordo Missae) promulguée par la constitution apostolique Missale Romanum du .

L'ouvrage d'une quarantaine de pages ne se veut pas, comme l'indique son titre, une étude approfondie, mais plutôt une objection à certains points du nouveau missel, qui se serait écarté des dispositions du Concile de Trente et de la bulle Quo primum du pape Saint Pie V.


Dans la lettre d'accompagnement du Bref examen critique, les cardinaux Alfredo Ottaviani et Antonio Bacci déclarent[3] :

« [L]e Novus Ordo Missae [...] représente, tant dans son ensemble que dans ses détails, une rupture impressionnante avec la théologie catholique de la Sainte Messe, telle qu'elle a été formulée dans la XXIIe Session du Concile de Trente. Les canons du rite, définitivement fixés à cette époque, ont érigé une barrière infranchissable contre toute hérésie qui porterait atteinte à l'intégrité du magistère. ([T]he Novus Ordo Missae [...] represents, both as a whole and in its details, a striking departure from the Catholic theology of the Mass as it was formulated in Session 22 of the Council of Trent. The "canons" of the rite definitively fixed at that time erected an insurmountable barrier against any heresy which might attack the integrity of the Mystery.) »

Critique principale modifier

Théologiquement, selon les auteurs du texte, la messe de Paul VI réduirait le sacrifice eucharistique à un simple « mémorial » de la mort de Jésus, rendant la présence réelle du Christ dans le pain et le vin une simple présence symbolique. Ainsi, la messe de Paul VI masquerait la finalité ultime de la messe (un sacrifice de louange à Dieu), et sa finalité prochaine (un sacrifice propitiatoire)[3].

Les changements suivants introduits par le nouvel Ordo Missae sont avancés comme arguments de cette critique principale des auteurs[3] :

  • Suppression de certaines prières spécifiques : les prières au bas de l'autel, l'offertoire de la messe tridentine
  • Ajout de nouvelles prières eucharistiques, dont la seconde pourrait être utilisée, selon les auteurs, par un célébrant protestant
  • Utilisation du mode narratif (et non plus sacramentel) : récit de l'institution
  • Modifications spécifiques des paroles de la consécration
  • Ajout de l'acclamation « ... jusqu'à ce que tu viennes » juste après la consécration, qui introduirait une ambiguïté sur la présence réelle
  • Modifications de paroles d'autres prières
  • Diminution des signes sensibles de dévotion (signes de croix, génuflexions, certains ornements liturgiques, ... etc)

Ces changements, selon les auteurs du document, sont la conséquence naturelle de positions théologiques erronées.

Autres critiques modifier

Font également l'objet de critiques par les auteurs du document[3] :

  • L'éloignement de l'autel du tabernacle (une phrase de Pie XII au Congrès de liturgie des 22 et 23 septembre 1956 est citée : « Séparer le tabernacle de l'autel, c'est séparer deux choses qui doivent rester unies par leur origine et leur nature »).
  • La réduction du prêtre à un simple "président de l'assemblée" ou à un "frère".
  • La concélébration : « elle achèvera de détruire la piété eucharistique du prêtre et d'estomper la figure centrale du Christ, unique Prêtre et Victime, et de la dissoudre dans la présence collective des concélébrants ».
  • La vision de l'autel d'abord comme une table et non plus comme l'autel du sacrifice.
  • L'abandon de la langue latine malgré la demande de Vatican II de "conserver son usage" (SC 36).
  • L'abandon du chant grégorien malgré la volonté explicite de Vatican II de lui laisser "la première place" (SC 116).
  • L'« infidélité toujours croissante aux textes conciliaires » qu'aurait le Consilium ad exsequendam Constitutionem de Sacra Liturgia avec, selon les auteurs du document, les encouragements du Saint-Siège.

Réactions modifier

Saint-Siège modifier

Le pape Paul VI demanda à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le département de la Curie romaine qu'Alfredo Ottaviani avait pourtant dirigé pendant plus de 10 ans, et à son préfet le cardinal Franjo Šeper, d'examiner le Bref examen critique. Ils répondent le que le Bref examen critique contient de nombreuses affirmations "superficielles, exagérées, inexactes, émotionnelles et fausses"[4].

Des versions ultérieures de la messe de Paul VI ont tenu compte de certaines des remarques du Bref examen critique[5].

Cardinal Ottaviani modifier

Une lettre du , signée par Ottaviani et adressée à Dom Gérard-Marie Lafond (de l'Abbaye de Saint-Wandrille), fut publiée par La Documentation catholique[6]. Ottaviani y aurait écrit[7] :

« Je me suis profondément réjoui à la lecture des Discours du Saint-Père sur les questions du Nouvel Ordo Missae, et surtout de ses précisions doctrinales contenues dans les Discours aux Audiences publiques du 19 et du 26 novembre[note 1] : après quoi, je crois, personne ne peut plus sincèrement se scandaliser. Pour le reste il faudra faire une œuvre prudente et intelligente de catéchèse afin d’enlever quelques perplexités légitimes que le texte peut susciter. Dans ce sens, je souhaite à votre "Note Doctrinale" [sur la messe de Paul VI] et à l'activité de la Militia Sanctae Mariae une grande diffusion et succès. »

Ottaviani y aurait également mentionné les regrets que sa lettre du ait été publiée[7] : « Je regrette seulement que l’on ait abusé de mon nom dans un sens que je ne désirais pas, par la publication d’une lettre que j’avais adressée au Saint-Père sans autoriser personne à la publier. »

Jean Madiran, catholique traditionaliste, fondateur et directeur de la revue Itinéraires (condamnée par l'épiscopat français en 1966[8]), soutient qu'Itinéraires a reçu l'autorisation du cardinal de publier sa lettre du au Pape. Il suggère par ailleurs qu'Ottaviani aurait pu signer, sans en connaître le contenu, la lettre préparée par son secrétaire[réf. nécessaire] et adressée à Dom Gérard-Marie Lafond : Ottaviani étant quasiment aveugle[7].

Notes et références modifier

  1. (en) James Likoudis et Kenneth D. Whitehead, The Pope, the Council, and the Mass: Answers to Questions the "Traditionalists" Have Asked, Emmaus Road Publishing, , 148 p. (ISBN 9781931018340, lire en ligne)
  2. Gilles Routhier, Cinquante ans après Vatican II - que reste-t-il à mettre en oeuvre ?, Editions du Cerf, (ISBN 978-2-204-11632-9, lire en ligne)
  3. a b c d et e Ottaviani et Bacci 1999.
  4. Geffroy et Maxence 1998, p. 21.
  5. James Likoudis et Kenneth Whitehead, The Pope, The Council and The Mass, The Christopher publishing house, w. Hanover, Massachusetts, 1981, p. 74.
  6. La Documentation catholique, vol. 67 (1970), pp. 215–216 & 343
  7. a b et c Geffroy et Maxence 1998, p. 22.
  8. Dominique Martin Morin, Éditoriaux et chroniques, tome I: De la fondation d'Itinéraires à sa condamnation par l’épiscopat (1956-1966)

Autres références modifier

Annexes modifier

Bibliographie modifier

Liens externes modifier