Bataille du Rocher de La Piochais (21 décembre 1795)

Bataille de la Chouannerie, guerre civile durant la Révolution Française
Bataille du Rocher de La Piochais
Description de cette image, également commentée ci-après
Le bataillon carré, Affaire de Fougères, peinture de Julien Le Blant, 1880.
Informations générales
Date
Lieu Entre Landéan et Louvigné-du-Désert
Issue Victoire des chouans
Belligérants
Drapeau de la France République française Drapeau des armées catholiques et royales Chouans
Commandants
• Joré Aimé Picquet du Boisguy
Auguste Hay de Bonteville
Forces en présence
500 à 600 hommes[1],[2] 2 800 hommes[1],[3]
Pertes
250 à 300 morts ou blessés[1],[2],[4] 39 morts[1],[3]
40 blessés[1],[3]

Chouannerie

Batailles


Coordonnées 48° 26′ 31,1″ nord, 1° 08′ 31″ ouest
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Bataille du Rocher de La Piochais
Géolocalisation sur la carte : Bretagne
(Voir situation sur carte : Bretagne)
Bataille du Rocher de La Piochais
Géolocalisation sur la carte : Ille-et-Vilaine
(Voir situation sur carte : Ille-et-Vilaine)
Bataille du Rocher de La Piochais

La deuxième bataille du Rocher de La Piochais se déroule le pendant la Chouannerie. Elle s'achève par la victoire des chouans qui tendent une embuscade à un convoi républicain parti de Fougères pour ravitailler le bourg patriote de Saint-Georges-de-Reintembault.

Prélude modifier

En décembre 1795, les chouans commencent à assiéger Saint-Georges-de-Reintembault, un gros bourg de 4 000 habitants qui est alors l'un des principaux bastions patriotes de la région[1],[3],[5]. Saint-Georges dispose de fortifications et est défendue par une garnison de 300 à 400 soldats et gardes territoriaux[1],[3]. Selon les mémoires de l'officier royaliste Toussaint du Breil de Pontbriand, les patriotes lancent également des raids dans les communes environnantes et l'assassinat de quelques chouans isolés, surpris chez eux, décide Aimé Picquet du Boisguy à rassembler ses troupes pour attaquer le bourg[1],[3].

Ne disposant d'aucune pièce d'artillerie pour prendre d'assaut les fortifications, Boisguy tente d'abord provoquer les patriotes pour les pousser à faire une sortie, mais sans succès[1],[3]. Il fait alors bloquer les avenues et détruire les moulins afin de réduire le bourg par la famine[1],[3],[5]. Il envoie également Bonteville surveiller Fougères avec une partie de ses troupes[1],[3]. Le 14 décembre, ce dernier repousse entre Ernée et Fougères une petite colonne qui laisse quelques tués et prisonniers[1],[6].

Le 19 décembre, les administrateurs du district de Fougères reçoivent une lettre du maire de Saint-Georges-de-Reintembault[5]. Ils lancent alors un appel à l'aide au général Quantin, chef d'état-major de l'armée des côtes de Brest, pour lui réclamer des troupes[A 1]. Ils écrivent que : « les chouans [...] ont réalisé le projet d’affamer le cantonnement et les habitants du chef-lieu, en détruisant les moulins qui faisaient leurs farines. Ils n’ont plus de pain que jusqu’au premier du mois prochain et ils ont été sommés de se rendre dans deux jours, sinon ils sont menacés de voir incendier tous les villages et enlever tous les grains et bestiaux »[5]. De son côté Pontbriand écrit dans ses mémoires : « La garnison de Saint-Georges avait des vivres pour quinze jours, mais les gardes territoriaux et les habitants n'en avaient presque plus au bout de quatre jours; le septième, ils parlèrent de capituler. Du Boisguy leur fit dire qu'il n'exigeait d'eux que la remise de leurs armes et munitions, avec la promesse que désormais ils se tiendraient tranquilles chez eux, moyennant quoi la garnison serait reconduite sans armes à Fougères »[1],[3].

Mais le 20 décembre, Fougères reçoit dans ses murs une colonne de 300 soldats venue d'Ernée et en route pour Avranches[2]. L'adjudant-général Bernard, commandant de la ville, décide alors de profiter de ce renfort pour envoyer des secours à Saint-Georges[2]. Le lendemain, la colonne, renforcée par une partie de la garnison de Fougères, se met en route avec ordre de ravitailler Louvigné-du-Désert en vivres et en munitions, puis de se porter sur Saint-Georges-de-Reintembault pour protéger l'évacuation du cantonnement[1],[2].

De son côté, Boisguy est informé par Bonteville dans la nuit du 20 au 21 décembre de l'arrivée de renforts républicains à Fougères[1],[3]. Il abandonne alors le siège de Saint-Georges-de-Reintembault, lève tous les postes et rassemble ses troupes, avant de se porter sur Landéan pour rejoindre Bonteville[1],[3]. Il décide ensuite d'attendre les républicains au Rocher de La Piochais[7] — également orthographié La Plochais[1],[7], La Piochaye[7] ou La Plochaye[2],[7] — situé au milieu de marais[7], sur la route de Landéan à Louvigné-du-Désert[8]. Le lieu avait été le théâtre d'un précédent combat en juillet qui s'était achevé à l'avantage des chouans[1],[3].

Forces en présence modifier

D'après le rapport au département du commissaire provisoire de Fougères, l'escorte est forte de plus de 500 hommes, dont 300 de la colonne d'Avranches, auxquels sont adjoints des troupes de la garnison de Fougères[2],[1]. Les chouans sont quant à eux estimés entre 6 000 et 8 000[2],[1], ce qui semble exagéré[1].

Pour l'officier royaliste Toussaint du Breil de Pontbriand, les chouans sont environ 2 800[1],[3]. Il estime que les républicains alignent le même nombre d'hommes, dont 1 800 venus des frontières et 1 000 de la garnison de Fougères, commandés par un « général de brigade » dont il ne donne pas le nom et par le chef de bataillon Joré, le commandant des carabiniers à pied[1],[3].

Déroulement modifier

 
Vue en 2016 des hauteurs du Rocher de la Piochais depuis la route de Fougères.

Le combat s'engage le 30 frimaire[2], soit le 21 décembre[9]. Du côté des chouans, Bonteville commande le flanc droit, Saint-Gilles le centre et Dauguet la gauche avec ses Normands[1],[3]. Boisguy prend quant à lui la tête d'une troupe de 400 hommes pour prendre le convoi à revers[1],[3]. Le rapport républicain fait mention de « quatre colonnes, l'une en uniforme gris, l'autre en uniforme rouge, l'autre en uniforme bleu et l'autre en habit de paysans »[2],[1].

D'après le récit laissé par Toussaint du Breil de Pontbriand, les chouans arrivent à la pointe du jour au Rocher de La Piochais, où ils prennent position[1],[3]. Peu après dans la matinée, les troupes républicaines font leur apparition sur la route de Fougères[1],[3]. Cependant elles repèrent l'embuscade et se mettent en formation en lançant des railleries et des insultes aux chouans, puis marchent baïonnette au canon pour les déloger de leur position[1],[3]. Selon Pontbriand : « ces soldats, qui n'avaient point encore combattu les Royalistes, qu'on leur avait représentés comme un ramas de paysans sans discipline, les insultaient à haute voix et les engageaient ironiquement à les attendre »[1],[3]. Les chouans les laissent s'approcher jusqu'à une distance de 20 pas puis ouvrent le feu[1],[3]. Après avoir essuyé plusieurs décharges meurtrières, le commandant républicain ordonne la retraite et ses troupes rétrogradent en bon ordre sous le feu des royalistes[1],[3]. Peu après, à l'autre bout de la colonne, Boisguy enfonce l'arrière-garde avec ses 400 hommes et se saisit des voitures de vivres et de pains destinées à ravitailler Saint-Georges[1],[3]. Les républicains sont alors attaqués de tous côtés, avec les marais sur leurs flancs[1],[3]. À l'avant-garde, le commandant du convoi met sa troupe en formation carré et Joré fait de même à l'arrière-garde après avoir rallié les fuyards[1],[3]. Mais les républicains, à découvert, restent constamment sous le feu des chouans, qui sont protégés par les marais et restent embusqués derrière les fossés et les haies[1],[3]. Bonteville, Saint-Gilles et Dauguet lancent alors une charge sur le carré de l'avant-garde et leur supériorité numérique permet de l'écraser rapidement[1],[3]. Le carré de Joré et de ses carabiniers résiste plus longtemps, les hommes de Boisguy y pénètrent un instant, puis en sont délogés, avant qu'une deuxième attaque ne s'avère décisive[1],[3]. Les lignes républicaines sont disloquées et les soldats en déroute s'enfuient vers Fougères[1],[3]. Les combats ont duré trois heures[1],[3].

Pertes modifier

Les pertes des républicains sont particulièrement lourdes. Dans un premier rapport adressé au Directoire, les administrateurs républicains de Fougères écrivent que « la perte de l'escorte va à plus de moitié tant en tués que blessés »[4],[10]. Le lendemain du combat, le commissaire provisoire de Fougères écrit au département que « l'escorte a perdu au moins la moitié des soldats qui la composaient »[1],[2],[A 2]. Les corps auraient été enterrés à la prairie de Chevaux-Morts[1].

Dans ses mémoires[A 3], Toussaint du Breil de Pontbriand affirme que les pertes des chouans sont de 39 tués et d'environ 40 blessés, tandis que celles des républicains s'élèvent à plus de 1 200 tués[1],[3]. Il affirme également qu'il ne rentra pas 200 hommes sans blessure à Fougères[1],[3].

Conséquences modifier

Cette défaite est vécue comme une catastrophe par les patriotes de la région[1],[2]. Le rapport du commissaire provisoire de Fougères à l'administration du département exagère la situation et témoigne de la panique des patriotes : « Nous avons pour ennemis sur notre territoire, les chouans du Maine, de la Haute et Basse-Bretagne, de la Normandie, des Vendéens et d'une foule d'émigrés. Notre pays est donc celui sur lequel on devrait le plus ouvrir les yeux et celui qu'on néglige le plus »[1],[2]. Ses supplications sont cependant entendues : Gabriel d'Hédouville, général en chef de l'Armée des côtes de Brest, envoie une colonne commandée par le général Rey renforcer la place de Fougères, le général Bonnaud arrive également avec 400 hommes pour renforcer les cantonnements et l'adjudant-général Bernard reçoit l'ordre de maintenir à Fougères les survivants de la bataille de la Plochais[2]. D'après Pontbriand, le général de brigade Jean Humbert arrive également en urgence à Fougères depuis Vitré avec 800 hommes[12],[1].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. « Citoyen général nous vous écrivons le cœur navré de douleur et l’esprit consterné ; un courrier, venu la nuit dernière de la commune de Saint-Georges-de-Reintembault, nous apprend que les chouans, repoussés dans toutes leurs attaques de vive force, ont réalisé le projet d’affamer le cantonnement et les habitants du chef-lieu, en détruisant les moulins qui faisaient leurs farines. Ils n’ont plus de pain que jusqu’au premier du mois prochain et ils ont été sommés de se rendre dans deux jours, sinon ils sont menacés de voir incendier tous les villages et enlever tous les grains et bestiaux. Depuis le 18, que nous avons écrit au général Bonnaud, nous n’avons eu aucune réponse ; nous lui écrivons encore en ce moment, mais quand recevra-t-il notre lettre ? Nous sommes contraints de la lui faire passer par des voies détournées. Nous n’avons plus qu’un espoir, et c’est en vous que nous le plaçons. Tâchez de nous envoyer sur le champ du secours. Il nous aidera à respirer et à secourir nos malheureux concitoyens jusqu’à ce que le renfort de l’armée de Cherbourg soit rendu. Les approvisionnements du magasin militaire de la place touchent aussi à leur fin et la garnison, faible par elle-même, insultée tous les jours, jusque sous les murs, ne saurait faire aucune sortie. Voilà l’extrémité où nous sommes réduits[5]. »

    — Lettre du district de Fougéres au général Quantin, chef d'état-major de l'armée des côtes de Brest.

  2. « Hier, le commandant de l'arrondissement profita de l'arrivée d'une colonne, destinée pour Avranches et forte de trois cents hommes, pour mener à Louvigné-du-Désert des farines, des bœufs et des cartouches. Il joignit à cette colonne la faible garnison de Fougères, de manière que l'escorte était de plus de cinq cents hommes. Elle était en même temps chargée de protéger l'évacuation du cantonnement de Saint-Georges dénué de munitions et de pain.

    Les chouans embusqués sur quatre colonnes, l'une en uniforme gris, l'autre en uniforme rouge, l'autre en uniforme bleu et l'autre en habit de paysans, ont attaqué le convoi à hauteur du rocher de La Plochaye. L'escorte a fait une vigoureuse résistance, mais les chouans dont on porte le nombre à six ou huit mille, avaient pris une position si avantageuse que de tous côtés les républicains ont été cernés. Le convoi a été pris, également que les deux caissons qui portaient les munitions de guerre et de bouche, et l'escorte a perdu au moins la moitié des soldats qui la composaient. La majeure partie de ceux qui sont parvenus à faire jour au travers de l'ennemi est rentrée dans nos murs, les uns sans fusils, les autres sans sacs, sans chapeaux, sans souliers et même sans habits

    Qu'allons-nous devenir, citoyens, après un désastre aussi continuel ? Le découragement se jette dans la troupe et dans le cœur des patriotes qui ne peuvent, malgré leurs réclamations, obtenir la protection qu'ils méritent. Les chouans, renforcés par une affluence considérable d'émigrés et de vendéens, sont absolument maîtres du pays. Ils ne marchent plus qu'en masse et cette masse devient presque incalculable par la réunion qui se fait sans obstacles des brigands de la ci-devant Normandie, de Laval, de Vitré et d'Ernée, avec ceux de notre pays. Si l'on en croit le rapport d'un officier qui a échappé au feu des scélérats, le drapeau arboré par eux était le même que celui qu'il avait déjà vu dans une précédente affaire. Nous avons pour ennemis sur notre territoire, les chouans du Maine, de la Haute et Basse-Bretagne, de la Normandie, des Vendéens et d'une foule d'émigrés. Notre pays est donc celui sur lequel on devrait le plus ouvrir les yeux et celui qu'on néglige le plus. Nous tremblons à chaque instant d'apprendre que Saint-Georges est au pouvoir des brigands ; nous tremblons pour son cantonnement; nous tremblons que les autres n'éprouvent de suite le même sort. Nous ne pouvons les soulager ni communiquer avec eux, et si on les livre, nous aurons la douleur de voir massacrer une foule de famille patriotes auxquelles les chouans font un crime irrémissible d'avoir été constamment attachées aux principes républicains.
    Nous avons écrit hier au directoire exécutif, au ministre de la guerre et au général en chef des Côtes de Cherbourg; nous leur avons peint notre position : nous ne leur avons pas dissimulé que si l'oubli cruel où l'on nous laisse continue, la perte de nos campagnes et même l'invasion du chef-lieu en seront la suite. Comment en effet pouvoir alimenter les habitants et la garnison ? Les chouans qui n'auront plus de cantonnements à attaquer se tourneront sur Fougères, intercepteront les communications et finiront par nous affamer...Nos lettres sont pressantes, mais quand seront-elles parvenues à destinations? Pas assez tôt malheureusement pour obtenir les secours qui nous sont nécessaires dans cette fâcheuse conjoncture... Il nous reste, citoyens, qu'un espoir, celui d'obtenir par vos soins et vos instances auprès des généraux qui commandent à Rennes, un envoi provisoire de troupes qui puisse au moins nous mettre dans le cas d'attendre les forces que pourra nous envoyer le général en chef des côtes de Cherbourg. Il n'y a pas un instant à perdre...Les chouans vont employer les fusils que leur a procurés l'affaire d'hier, à faire de nouvelles levées et si le remède n'est point prompt, vous apprendrez peut-être sous peu notre perte et celle de tous les patriotes de Fougères, qui, comme nous, feraient le sacrifice de leur vie plutôt que de trahir la cause de la liberté[1],[2],[11]. »

    — Rapport du commissaire provisoire du district de Fougères au département, rédigé le 1er nivôse, soit le 22 décembre[10].

  3. « Le bourg de Saint-Georges-de-Reintembault avait été fortifié avec soin par les Républicains, qui y entretenaient toujours une garnison considérable. En cas d’alarme, le tocsin se faisait entendre, et trois à quatre cents habitants de cette paroisse, organisés en compagnies, couraient s’enfermer dans ce bourg, fort difficile à prendre sans artillerie. Cependant le mal qu’ils faisaient dans les paroisses royalistes, où ils pillaient et assassinaient impunément, le massacre récent de quelques soldats isolés, qu’ils avaient surpris chez eux, décidèrent du Boisguy à marcher contre eux. Il réunit donc sa colonne du Centre et celle de Normandie, pour aller prendre ses cantonnements dans cette paroisse. Il essaya d’abord de faire sortir la garnison, mais, voyant qu’il ne pouvait y réussir et pensant avec raison qu’il n’y avait pas de vivres pour le grand nombre d’hommes renfermés dans le bourg, il en fit bloquer toutes les avenues avec tant de soin que personne n’en pouvait sortir ; il fit mettre hors de service les moulins d’alentour, et conçut l’espoir de le prendre par la famine. Il avait chargé Bonteville, avec sa colonne, de surveiller Fougères. Ce dernier venait de battre et de rejeter sur Ernée un corps de trois cents hommes, qui venaient pour renforcer la garnison ; il avait repoussé une sortie que celle-ci venait de faire sur la route de Louvigné, avec une perte de deux cent cinquante hommes dans ces deux affaires, en sorte que les assiégés n’osaient plus sortir.

    La garnison de Saint-Georges avait des vivres pour quinze jours, mais les gardes territoriaux et les habitants n'en avaient presque plus au bout de quatre jours; le septième, ils parlèrent de capituler. Du Boisguy leur fit dire qu'il n'exigeait d'eux que la remise de leurs armes et munitions, avec la promesse que désormais ils se tiendraient tranquilles chez eux, moyennant quoi la garnison serait reconduite sans armes à Fougères.

    Il avait l'espoir que ces conditions allaient être acceptées, lorsqu'il reçut, pendant la nuit qui suivit ces propositions, une dépêche de Bonteville le prévenant qu'un corps de dix-huit cents homme, venant des frontières, était arrivé la veille à Fougères, et que, le lendemain, le général de brigade qui les commandait devait marcher pour débloquer Saint-Georges.

    Ces nouvelles étaient positives. Du Boisguy, voyant ses espérances ainsi renversées, prit son parti sur-le-champ; il envoya l'ordre à Bonteville d'aller se poster à Landéan et de l'y attendre, et, dans le même temps, il fit lever tous ses postes et se mit en marche avec toutes ses troupes, résolu à attendre l'ennemi à la forte position de la Piochais, où il devait passer. Il y arriva à la pointe du jour et fit aussitôt embusquer ses troupes. Bonteville et le chevalier de Saint-Gilles commandaient le centre et la droite; Dauguet, avec la colonne Normande, occupait la gauche. Du Boisguy, suivi de Louvières, Poirier, Breil et quatre cents hommes choisis, marcha pour prendre position sur les derrières de l'ennemi, lorsque l'action serait engagée. Toutes ces troupes réunies montaient à environ deux mille huit cents hommes.

    À peine ces dispositions étaient-elles prises que l'avant-garde des Républicains parut. Elle découvrit l'embuscade et s'arrêta court pour attendre le corps de bataille. Ces soldats, qui n'avaient point encore combattu les Royalistes, qu'on leur avait représentés comme un ramas de paysans sans discipline, les insultaient à haute voix et les engageaient ironiquement à les attendre. Le général de brigade qui commandait cette troupe, réunie à environ mille hommes de la garnison de Fougères, sous les ordres du brave Joré, se décida à enlever la position de vive force; il fit former ses pelotons et leur ordonna de marcher à la baïonnette.
    Cependant, Bonteville et Saint-Gilles parcouraient les rangs, défendant de tirer sans ordre, ce qui fut si bien exécuté que la première décharge eut lieu à vingt pas. Les premiers pelotons furent presque entièrement détruits et immédiatement remplacés par d'autres qui eurent le même sort. Le général, surpris d'une résistance qu'il n'attendait pas, fit arrêter sa troupe et ordonna un mouvement rétrograde, dans l'espoir de faire sortir les Royalistes de leur position, pour les combattre avec moins de désavantage. Ce mouvement s'opéra en bon ordre, toujours sous le feu des Royalistes, auquel les Républicains ne répondaient pas; mais dans ce moment, une vive fusillade se fit entendre sur les derrières de la colonne. C'était l'intrépide Boisguy qui enfonçait l'arrière-garde et s'emparait des voitures chargées de pain et de vivres destinés pour Saint-Georges.
    Pendant que Joré réunissait les fuyards de cette arrière-garde pour tenir tête à du Boisguy, le général fit former un carré long et ouvrir un feu terrible; mais Bonteville, Saint-Gilles et Dauguet descendirent alors de leurs positions, sur l'ennemi, qu'ils attaquèrent de toutes parts. Saint-Gilles combattit à la baïonnette sur la grande route, tandis qu'à l'abri des haies et des fossés, dont le pays est couvert, les Royalistes tiraient sur cette épaisse colonne, presque sans perdre un seul coup.
    Du Boisguy fit des prodiges pour enfoncer le carré que Joré avait formé. Suivi de ses capitaines et des plus braves, il pénétra deux fois au milieu de ce carré, avant de rompre ces braves soldats; mais enfin ceux-ci voyant la déroute générale, prirent aussi la fuite et jamais victoire ne fut plus complète.

    Les insultes et les bravades des Républicains avant l'action avaient exaspéré les Royalistes, et leur firent redoubler d'efforts pour vaincre. Officiers et soldats, tous firent leur devoir et combattirent pendant trois heures avec une ardeur extraordinaire. Louvières, Poirier, Francœur, Hervé, de Lécousse; Oger, de Beaucé; Angeneau, de La Chapelle-Janson; André Charles, de Fougères; Maupilé Pierre et nombre d'autres, reçurent publiquement des éloges de du Boisguy pour leur conduite pendant cette action.

    Plus de douze cents hommes restèrent sur le champ de bataille; le reste prit la fuite, et il n'en rentra pas deux cents sans blessures à Fougères.
    Les Royalistes eurent trente-neuf hommes tués et environ quarante blessés, presque tous dans les attaques des carrés, qui furent faites par Saint-Gilles, Bonteville, Louvières, Dauguet et Boisguy, sur la grande route, aux deux extrémités de la colonne; car à l'attaque de leur position sur le Rocher de la Piochais et à celle qu'ils firent sur les flancs des Républicains, ils étaient si bien embusqués qu'ils ne perdirent pas un seul homme; deux seulement furent blessés.

    Jean Bazin, de Saint-Ouen-la-Rouërie ; Julien Loutre, de Mellé ; Pierre le Roi, de Saint-Sauveur ; Pierre Forêt, de Saint-Hilaire ; Julien Laumondais, de Sougéal ; Guillaume Maudit, du Châtellier ; Guillaume le Pauvre, de Landéan ; Julien Chénuas, de Landéan ; André Garnier, de Lécousse ; Louis Petit, de Saint-Germain ; René Roussel, de Lécousse ; François Mézette (ou Mézéray), lieutenant de Parigné ; Julien David, sous-lieutenant de Parigné ; Noël Plard, sergent, du Châtellier, furent assez grièvement blessés[3],[1]. »

    — Mémoires de Toussaint du Breil de Pontbriand

Références modifier

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac ad ae af ag ah ai aj ak al am an ao ap aq ar as at au av et aw Le Bouteiller 1988, p. 477-483.
  2. a b c d e f g h i j k l m n et o Lemas 1994, p. 229-230.
  3. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac ad ae af ag et ah Pontbriand 1897, p. 249-254.
  4. a et b Association bretonne et union régionaliste bretonne, Comptes rendus, procès-verbaux, mémoires, Volumes 121-122, p. 279.
  5. a b c d et e Lemas 1994, p. 228.
  6. Pontbriand 1904, p. 237.
  7. a b c d et e Pontbriand 1904, p. 136.
  8. Pontbriand 1904, p. 135.
  9. Pontbriand 1904, p. 240.
  10. a et b Pontbriand 1904, p. 244.
  11. Pontbriand 1904, p. 244-247.
  12. Pontbriand 1897, p. 263.

Bibliographie modifier

  • Christian Le Bouteiller, La Révolution dans le Pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissement de Fougères, , 839 p.  .
  • Théodore Lemas, Le district de Fougères pendant les Guerres de l'Ouest et de la Chouannerie 1793-1800, Rue des Scribes Éditions, (réimpr. 1994), 371 p. (ISBN 978-2-906064-28-7, lire en ligne).  
  • Paul-Marie du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy : Fougères-Vitré, Basse-Normandie et frontière du Maine, 1793-1800, Paris, Honoré Champion éditeur, (réimpr. La Découvrance, 1994), 509 p. (lire en ligne).  
  • Toussaint du Breil de Pontbriand, Mémoires du colonel de Pontbriand sur les guerres de la Chouannerie, Plon, (réimpr. Éditions Yves Salmon, 1988), 629 p. (lire en ligne).