Attentat de l'aéroport d'Ankara Esenboğa

Attentat de l'aéroport d'Ankara Esenboğa
Localisation Ankara, Turquie
Cible Aéroport international Esenboğa
Coordonnées 40° 07′ 41″ nord, 32° 59′ 42″ est
Date
Type Bombe, Fusillade de masse et Prise d'otage
Armes Engin explosif improvisé et Pistolet-mitrailleur
Morts 10 (dont 1 assaillant)
Blessés 72
Auteurs 2
Organisations Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie
Géolocalisation sur la carte : Turquie
(Voir situation sur carte : Turquie)
Attentat de l'aéroport d'Ankara Esenboğa

L'attentat de l'aéroport d'Ankara Esenboğa est une attaque survenue le à l'aéroport d'Ankara Esenboğa, à 28 kilomètres au nord-est d'Ankara, la capitale de la Turquie. L'attaque est perpétrée par l'Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie (ASALA)[1]'[2]. Neuf personnes sont tuées et 72 blessées lors de l'attaque.

Attaque modifier

L'attaque est menée par Zohrab Sarkissian et Levon Ekmekjian, qui font exploser une bombe au milieu de la zone d'enregistrement bondée de l'aéroport Esenboğa d'Ankara, puis ouvrent le feu avec des mitraillettes sur les agents de contrôle des passeports et les passagers faisant la queue pour un vol KLM. Les témoins déclarent que l'un des auteurs continue à tirer sur les passagers en fuite tout en criant : "Plus d'un million d'entre nous sont morts, qu'importe si 25 d'entre vous meurent ?"[3].

Les hommes armés s'enfuient ensuite dans la cafétéria, où ils prennent 20 personnes en otage. Les forces de sécurité interviennent rapidement dans la cafétéria, tuant Sarkissian et blessant Ekmekjian qui est ensuite arrêté[3].

Victimes modifier

Neuf personnes sont tuées et 72 blessées au cours de l'attaque et de la fusillade de deux heures qui suit[4]. Les personnes décédées sont trois policiers turcs, trois passagers turcs, un employé de l'aéroport turc, une américaine et un ingénieur ouest-allemand[5].

Victimes par pays
Pays Victimes
  Turquie 7
  Allemagne de l'Ouest 1
  États-Unis 1
Total 9

Revendication modifier

L'Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie revendique la responsabilité de l'attaque dans un appel téléphonique et un communiqué remis au bureau de l'Associated Press à Beyrouth et déclare qu'il s'agit d'une protestation contre "l'occupation fasciste turque de notre terre". Le communiqué de l'ASALA indique que la responsabilité des "victimes innocentes" de l'attaque de l'aéroport d'Ankara repose "sur les épaules des ennemis des peuples pacifiques: le gouvernement turc, l'OTAN et les États-Unis". Ils mettent également en garde contre de nouvelles attaques dans divers pays occidentaux à moins que 85 arméniens emprisonnés dans ces pays ne soient libérés dans les sept jours suivant la déclaration[3].

Assaillants modifier

Zohrab Sarkissian modifier

Zohrab Sarkissian, né en 1958, est un membre arménien de l'ASALA et co-auteur de l'attaque contre l'aéroport international d'Esenboğa. Il est tué par la police turque lors de l'attentat.

Un enterrement commémoratif pour Sarkissian a lieu à Erablur, près d'Erevan, en Arménie, dans un panthéon pour les combattants de l'ASALA décédés.

Levon Ekmekjian modifier

 
Levon Ekmekjian

Levon Ekmekjian est un membre arménien du Liban de l'ASALA. Il est né en 1958 à Bourj Hammoud, un quartier arménien de Beyrouth, au Liban. Il est co-auteur de l'attentat de l'ASALA contre l'aéroport international d'Esenboğa. Il est grièvement blessé par la police turque au cours de l'opération et est capturé vivant.

Lorsque Levon Ekmekjian est informé par la police turque qu'ils ont tué neuf personnes et en ont blessé 72 autres, il crie furieusement : "Ce n'était pas assez !"[6].

Après plusieurs mois de torture[7], Ekmekjian est jugé au cours d'un procès diffusé en direct en Turquie. Il s'exprime en arménien pendant l'audience, puis est traduit en turc.

Lors du procès devant la cour martiale d'Ankara, Ekmekjian déclare: "Je suis venu ici motivé par une croyance. Cependant, après cet incident, je comprends à quel point cette croyance était ridicule et erronée."[8].

Il est reconnu coupable d'avoir mené une action armée dans le but de séparer tout ou partie du territoire de l'État et de le placer sous la souveraineté d'un autre État et condamné à mort le [8].

En prison, Ekmekjian écrit une lettre dans laquelle il exprime ses remords d'avoir tué des innocents et exhorte les autres membres de l'ASALA à renoncer à la violence[9]'[10].

Son appel de la peine est rejeté et il est pendu le [11]'[12]. Il est l'une des dernières personnes à être exécutée avant l'abolition de la peine capitale en Turquie.

De nombreuses manifestations d'Arméniens ont lieu pour protester contre la condamnation d'Ekmekjian en Turquie. La poétesse arménienne Sylva Kapoutikian écrit un poème intitulé "Requiem nocturne" (en arménien ճիշերային ռեքվիեմ) en sa mémoire. Le poème est publié dans le périodique littéraire arménien Garoun en novembre 1987[13].

En 2013, Hampartsum Ekmekjian, le frère du terroriste exécuté, présente une demande aux autorités turques pour autoriser la libération du corps de Levon car la famille souhaite un enterrement religieux chrétien pour lui. En janvier 2016, la demande est approuvée. L'emplacement non marqué du cadavre dans le cimetière Cebeci d'Ankara est confirmé et le corps est ensuite exhumé et envoyé par avion en France pour une réinhumation 33 ans après son exécution[14]. La famille fait tester les os dans un institut médico-légale à Paris. Les résultats des tests révèlent que les os appartiennent à "une femme âgée de 55 à 60 ans mesurant entre 145 et 150 centimètres, et à certains animaux"[15].

Réactions modifier

Le président Kenan Evren publie un décret pour l'élimination de l'ASALA, tandis que le Premier ministre Bülend Ulusu condamne l'attaque.

Le patriarche arménien d'Istanbul condamne l'attaque par une déclaration.

Artin Penik, un arménien de Turquie, s'immole par le feu en signe de protestation contre cet attentat le sur la place Taksim à Istanbul[16]'[17]'[18]'[19].

Voir aussi modifier

Notes et références modifier

  1. Contemporary problems of international law, By Georg Schwarzenberger, Bin Cheng, Edward Duncan Brown, 1988, p. 27
  2. United States Department of State Bureau of Diplomatic Security. Significant Incidents of Political Violence Against Americans.
  3. a b et c « 6 killed in attack in Ankara airport », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. « Death Toll Rises to 9 in Turkish Airport Attack », (consulté le ) : « A fatally injured American woman, identified by the State Department as Jean Bosworth of Falmouth, Mass., being aided Saturday after an attack by Armenian terrorists at Ankara's Esenboga Airport. A Turkish Government spokesman said Mrs. Bosworth was shot in the back as she fled. Her husband was wounded. A hospital spokesman said half of the 72 persons injured by one bomb set off by the terrorists and gunfire have been released. The attackers say they are avenging a massacre of Armenians by Turks in 1915 »
  5. Associated Press. Death Toll Climbs To 9 In Attack By Terrorists On Ankara Airport. St. Petersburg Times. August 9, 1982
  6. Time, August 23, 1982. A Cry for Bloody Vengeance
  7. « Armenians and Turkey’s 1980 Coup d’Etat », sur Asbarez, (consulté le )
  8. a et b BBC, September 9, 1982. Armenian Terrorist Sentenced to Death.
  9. Rand Corporation. Trends in International Terrorism, 1982 and 1983.
  10. BBC, September 13, 1982. Armenian Terrorist's Letter: Turks "Not Our Enemies".
  11. BBC, February 2, 1983. Armenian terrorist executed in Turkey.
  12. « Around the World – Turkey Executes 5, Including an Armenian - NYTimes.com », (consulté le )
  13. Spurk Journal, #1-12, 2005, Beirut, p. 35.
  14. AFP report quoted on The Armenian Mirror-Spectator: Turkey Transfers to France Body of Executed ASALA Member
  15. « 'A Big Lie Came Out of State Archives': Where is the Grave of Levon Ekmekjian? »,
  16. Baskın Oran, « The Reconstruction of Armenian Identity in Turkey and the Weekly Agos (Interview with Hrant Dink) », Nouvelles d'Armenie,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  17. « Armenian Issue: Chronology » [archive du ], Turkish Ministry of Culture and Tourism (consulté le )
  18. « He was an Armenian: Artin Penik », sur Turkish Journal (consulté le )
  19. Associated Press, « Armenian Dies Of Self-inflicted Burns », Observer-Reporter,‎ (lire en ligne, consulté le )