Assassinat de Kim Jong-nam

Assassinat de Kim Jong-nam
Localisation aéroport international de Kuala Lumpur, Malaisie
Cible Kim Jong-nam
Coordonnées 2° 44′ 35″ nord, 101° 41′ 10″ est
Date
Armes agent neurotoxique VX
Auteurs Đoàn Thị Hương
Siti Aisyah
Géolocalisation sur la carte : Malaisie
(Voir situation sur carte : Malaisie)
Assassinat de Kim Jong-nam

L'assassinat de Kim Jong-nam, fils de Kim Jong-il et demi-frère du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, a lieu le . Il est attaqué avec un agent neurotoxique VX à l'aéroport international de Kuala Lumpur, en Malaisie.

Les premières suspectes sont les deux femmes, d'origine vietnamienne et indonésienne, qui ont attaqué Kim Jong-nam. Elles s'avéreront avoir été dupées par des agents nord-coréens leur faisant croire à une farce télévisée. L'une d'entre elles est condamnée pour « blessures avec des armes dangereuses » à trois ans et quatre mois de prison. Elles sont toutes deux libérées en 2019.

Quatre suspects nord-coréens restent recherchés par la police malaisienne et font l'objet d'un mandat d'arrêt international. Le pouvoir nord-coréen est fortement soupçonné d'être l'auteur de cet assassinat, sur ordre de Kim Jong-un.

Contexte modifier

Déroulement de l'attaque modifier

Kim Jong-nam arrive en Malaisie le afin de séjourner cinq jours dans un hôtel de luxe de l'île balnéaire de Langkawi[1]. Il voyage alors sous le pseudonyme de « Kim Chol ».

Le vers h du matin, Kim Jong-nam attend le vol AirAsia de 10 h 50 vers Macao dans le hall de départ de l'aéroport de Kuala Lumpur, au niveau 3 du bâtiment KLIA 2 — le terminal des compagnies à bas prix, près d'un kiosque d'enregistrement automatique[2]. Alors qu'il est visiblement abordé par une jeune femme, et au même moment, une autre jeune femme en tee shirt blanc l'approche par le dos, lui plaquant un tissu imbibé d'un fluide sur le visage[3] avant de continuer son chemin tout comme la premiere jeune femme.

Selon la police malaisienne, Kim Jong-nam alerte immédiatement les employés de l'aéroport, disant que « quelqu'un l'avait attrapé par derrière et lui avait projeté un liquide sur le visage » et qu'une femme « avait couvert son visage avec un chiffon imbibé d'un fluide »[4]. Peu après, suant abondamment, les yeux injectés de sang et rencontrant des difficultés respiratoires, il est accompagné par les employés dans une clinique de l'aéroport, où il s'évanouit et où il est intubé. Il meurt à 11 h 20 lors de son transport vers l'hôpital[5].

Au moment de sa mort, le sac à dos de Kim Jong-nam contient 120 000 dollars américains en espèces[1] ; il portait également quatre passeports nord-coréens, tous au nom de Kim Chol[6].

Enquête modifier

Autopsie modifier

Le corps de Kim Jong-nam est transporté au service médico-légal de l'hôpital de Kuala Lumpur pour être autopsié. Il est ensuite remis à la Corée du Nord[7].

Le , la police malaisienne présente les résultats de l'analyse toxicologique identifiant la substance dont Kim Jong-nam a été victime comme étant l'agent innervant VX[8], une arme chimique dérivée du gaz sarin, interdit par la Convention sur les armes chimiques de 1993[9].

La Corée du Nord refuse les résultats de cette autopsie et dénonce un examen effectué « d’une manière illégale et immorale »[10].

Arrestations modifier

La police malaisienne reconstitue rapidement le scénario de l'attaque grâce aux images de vidéosurveillance de l'aéroport.

Elle identifie d'abord les deux jeunes femmes de type asiatique ayant attaqué Kim Jong-nam ; l'une d'entre elles portant un t-shirt blanc avec l'inscription « LOL ». Il s'avère qu'après les faits, elles se sont lavé les mains et sont reparties en taxi.

Le lendemain de l'attaque une première suspecte, Đoàn Thị Hương, 28 ans, d'origine vietnamienne, est arrêtée. Le , la seconde suspecte, Siti Aishah, indonésienne de 25 ans, est à son tour arrêtée ainsi que son compagnon malaisien[11],[7]. Celui-ci sera libéré le .

Le , la police arrête un homme nord-coréen de 26 ans répondant au nom de Ri Jong-chol, résidant en Malaisie et considéré comme un « homme d’affaires » par l’entreprise du secteur médical qui l’employait, Tombo Enterprise.

La police soupçonne également quatre hommes d'origine nord-coréenne ayant quitté la Malaisie le jour de l’agression, et demande à en interroger trois autres, dont un diplomate de l'ambassade de Corée du Nord à Kuala Lumpur[8].

Mandat de recherche modifier

Le , le chef de la police malaisienne, Khalid Abou Bakar, annonce que son pays a demandé à Interpol le lancement d'une notice rouge sur quatre suspects nord-coréens[12].

Version des faits des suspectes modifier

La vietnamienne Đoàn Thị Hương quitte son village natal à 18 ans pour commencer des études de pharmacie à Hanoï. Elle devient serveuse dans un bar à l'ambiance Far West, Siti Aisyah, initialement pour assurer sa subsistance. Elle quitte l'Indonésie pour s'installer à Kuala Lumpur et travailler dans un spa et un bar qui pratiquent tous deux la prostitution[13].

Elles sont approchées séparément, avec des hommes se présentant comme des producteurs sud-coréens[14]. Ils leur proposent de participer à des vidéos de canulars diffusées sur YouTube, qui consistent à étaler de la lotion hydratante pour bébé sur leurs mains et à l'appliquer sur le visage d'inconnus, pour une centaine de dollars par opération[15]. Elles réalisent alors des « canulars », chacune de leur côté : Hương dans un centre commercial à Hanoï, encadrée par un certain « Mister Y ». Aisyah à Kuala Lumpur, encadrée par un certain « James », se présentant comme japonais ; puis à l'aéroport de Phnom Penh au Cambodge où elle rencontre un « M. Chang »[13].

L'avocat malaisien de Đoàn Thị Hương, Hisyam Teh Poh Teik, affirme que « tout a été fait pour les mettre en confiance, leur faire croire qu’elles deviendraient des comédiennes célèbres, qu’elles voyageraient dans de nombreux pays »[13].

Le , « M. Chang » emmène Siti Aisyah à l'aéroport de Kuala Lumpur, où ils prennent un café dans une buvette et s'approchent de la zone d'enregistrement d'Air Asia. Il lui désigne alors un homme, cible d'un nouveau canular et l'informe qu'elle sera rejointe par une autre complice. Hương, qui a appliqué le produit sur Kim Jong-nam, déclarera aux juges : « Mr Y m’a juste dit que c’était de l’huile et que je devais me frotter les mains et les garder fermées puis aller faire la vidéo humoristique »[13].

Après l'agression, elles vont se laver les mains dans les toilettes de l'aéroport et partent chacune prendre un taxi[16].

Đoàn Thị Hương tente ensuite de contacter « Mr Y » qui lui dit de revenir le lendemain à l'aéroport. Elle y sera alors interpellée par la police et leur indiquera sa chambre au Sky Star Hotel, où ils retrouveront les vêtements utilisés la veille, notamment le t-shirt blanc avec l'inscription « LOL » et une jupe bleue, visibles sur les images de vidéosurveillance. Pensant avoir affaire à une caméra cachée, elle ne se rendra compte de la situation qu'au troisième jour de sa garde à vue, selon son avocat, lorsque la police lui montre des journaux titrant en une sur l'événement[13].

Les deux suspectes affirment ne pas avoir eu connaissance de l'identité de leur victime — le demi-frère de Kim Jong-un, ni de la dangerosité du produit qu'elles lui ont appliqué[17].

Procès modifier

Les deux femmes sont inculpées le pour meurtre, crime pour lequel elles encourent la peine de mort[18]. Leur procès débute en .

Condamnation modifier

Le , à la suite de pressions diplomatiques vietnamiennes, le parquet abandonne les poursuites pour meurtre contre Đoàn Thị Hương et opte pour le chef d'accusation de « blessures avec des armes dangereuses ». Elle est alors condamnée à trois ans et quatre mois de prison par la Haute cour de Shah Alam[19],[20].

Libération modifier

Le , le procureur requiert l'abandon des charges contre Siti Aisyah. Cette demande est acceptée par le juge, la jeune femme ressort alors libre et autorisée à quitter le pays[21],[22].

Le , Đoàn Thị Hương est également libérée, bénéficiant d'une remise de peine pour bonne conduite, et quitte la Malaisie pour rejoindre Hanoï, capitale de son pays d'origine[23].

Réactions internationales modifier

Corée du Nord modifier

L'agence de presse officielle de Corée du Nord accuse la Malaisie d'être responsable de la mort de Kim Jong-nam et de comploter avec la Corée du Sud[8].

Corée du Sud modifier

La Corée du Sud dénonce son voisin du Nord comme commanditaire de l'assassinat, évoquant un « ordre permanent » de Kim Jong-un pour éliminer son demi-frère[8].

Autres réactions modifier

Le Conseil exécutif de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) s'est déclaré "gravement préoccupé" par cet incident. au sujet de l'incident et a demandé que les responsables de l'utilisation d'armes chimiques soient tenus pour responsables[24].

En réponse à l'incident, selon un blog de BBC News, un hacktiviste autoproclamé connu sous le nom de Cyber Anakin a profité d'un site Web de propagande nord-coréen, qui renvoyait par erreur à un compte Twitter inexistant. Il a enregistré un faux compte sous ce nom d'utilisateur vide et a publié de nombreux messages de propagande contre le régime[25],[26].

Notes et références modifier

  1. a et b Arnaud Vaulerin, « Les 120 000 dollars du soupçon après l'assassinat de Kim Jong-nam », sur liberation.fr, Libération, (consulté le )
  2. (en-US) Ben Otto et Yantoultra Ngui, « How the Hit Team Came Together to Kill Kim Jong Nam », The Wall Street Journal,‎ (ISSN 0099-9660, lire en ligne, consulté le )
  3. Le Monde avec AFP, AP et Reuters, « Le demi-frère de Kim Jong-un, Kim Jong-nam, assassiné en Malaisie », sur lemonde.fr, Le Monde, (consulté le )
  4. (en-GB) « North Korean leader's brother Kim Jong-nam killed at Malaysia airport », sur bbc.com, BBC News, (consulté le )
  5. (en) Trinna Leong, « Kim Jong Nam murder trial: Victim showed signs of poisoning, says doctor », sur straitstimes.com, The Straits Times, (consulté le )
  6. (en) Shah Alam, « Court told Kim Jong-Nam had four passports », sur www.thesundaily.my, (consulté le )
  7. a et b AFP, « La Malaisie remettra le corps de Kim Jong-Nam à la Corée du Nord », sur lexpress.fr, L'Express, (consulté le )
  8. a b c et d franceinfo avec AFP, « Le poison qui a tué Kim Jong-nam identifié par la police », sur francetvinfo.fr, France Info, (consulté le )
  9. Sébastian Seibt, « Le gaz VX, la plus mortelle des armes chimiques, a tué le demi-frère de Kim Jong-un », sur france24.com, France 24, (consulté le )
  10. Le Monde avec AFP, « Pyongyang conteste l’autopsie de Kim Jong-nam décidée par la Malaisie », sur lemonde.fr, Le Monde, (consulté le )
  11. franceinfo avec AFP, « Deux femmes arrêtées en Malaisie après l'assassinat du demi-frère du leader nord-coréen Kim Jong-un », sur francetvinfo.fr, France Info, (consulté le )
  12. Le Monde avec AFP, « Pyongyang conteste l’autopsie de Kim Jong-nam décidée par la Malaisie », sur lemonde.fr, (consulté le )
  13. a b c d et e Harold Thibault, « L’incroyable scénario du meurtre de Kim Jong-nam », sur lemonde.fr, Le Monde, (consulté le )
  14. (vi) « Kẻ ‘dụ dỗ’ Đoàn Thị Hương là con cựu đại sứ Bắc Hàn tại VN », sur VOA, (consulté le )
  15. (en) « Malaysia to charge women with murder of Kim Jong-nam », sur www.aljazeera.com, (consulté le )
  16. (en) Ben Otto et Yantoultra Ngui, « How the Hit Team Came Together to Kill Kim Jong Nam », Wall Street Journal,‎ (ISSN 0099-9660, lire en ligne, consulté le )
  17. (en) « Malaysia police deny prejudice against Kim murder suspects », sur AP NEWS, (consulté le )
  18. AFP, « Assassinat Kim Jong-Nam: deux femmes inculpées en Malaisie », sur lepoint.fr, Le Point, (consulté le )
  19. LEXPRESS.fr avec AFP, « Meurtre du demi-frère de Kim Jong Un : l'accusée libérée le 3 mai prochain », sur lexpress.fr, L'Express, (consulté le )
  20. « Assassinat de Kim Jong-nam : la seconde accusée remise en liberté », sur france24.com, France 24, (consulté le )
  21. ATS, « Assassinat de Kim Jong-nam: charges abandonnées contre une suspecte », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le )
  22. 20 Minutes avec AFP, « L'une des accusées de l'assassinat du demi-frère de Kim Jong-un libérée », sur 20minutes.fr, 20 Minutes, (consulté le )
  23. « Assassinat du demi-frère de Kim Jong-un : la suspecte vietnamienne libérée », sur lemonde.fr, Le Monde, (consulté le )
  24. « OPCW Executive Council Condemns Chemical Weapons Use in Fatal Incident in Malaysia » (consulté le )
  25. « North Korea error opens door to fake Twitter account », BBC News,‎ (lire en ligne)
  26. Sofia Lotto Persio, « North Korea Has yet to Notice It Got Cyber-Pranked on April Fools Day », Newsweek,‎ (lire en ligne)