Ar Basion Vras

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Ar Basion Vras, littéralement La Grande Passion, aussi connue comme La Passion celtique est une lamentation de la Semaine sainte traditionnellement chantée en Bretagne et intégrée à l'interprétation de mystères de Carême.

Origine modifier

Ar Basion Vras est une antique lamentation bretonne de la Passion, proche de celle que l'on retrouve ailleurs en Europe, comme les Gorzkie żale en Pologne ou les Ngắm Mùa Chay au Vietnam. François-Marie Luzel y voit une gwerz originale en l'entendant chanter en Haute-Cornouaille. François-Marie Luzel émet la suggestion que la passion celtique remonte à une certaine époque du Moyen Âge, à laquelle il y aura eu « un renouvellement complet de la célébration de la Passion, et même de la religiosité générale. »[1]

Chantées dans toute la Haute-Cornouaille et une partie du Pays Pourlet, les Passions étaient interprétées durant toute la Semaine Sainte, jusqu'au vendredi. Les gens du village se retrouvaient sur une hauteur. Deux ou trois personnes, âgées de préférence, chantaient et la foule reprenait, selon le principe du chant à répondre. Dans la région de Gouarec, Plouguemével, Bonen, elles étaient composées: de la Grande Passion, de la Petite Passion puis d'un Angélus. Ailleurs, on interprétait seulement les deux Passions. Ensuite on allumait un grand feu, an tantad, puis on dansait. Il se pratiquait aussi un jeu, le chafich par (le changement de partenaire)[2].

Musique modifier

Ar Basion Vras se chante sur un air imité du Vexilla Regis, dans lequel se retrouve ses syncopes typiques. Différentes versions ont coexisté, certaines plus populaires que d'autres[3].

Adaptations modifier

Joué par la troupe Ar Vro Bagan et chanté par l'Ensemble choral du bout du monde (120 acteurs, choristes), le spectacle théâtral et musical Ar Basion Vras, La Passion celtique créé en 1991 et rejoué depuis[4],[5] raconte la Passion et la mort du Christ en s'inspirant des mystères médiévaux, des versions populaires et des calvaires bretons[6]. C'est une évocation de la Semaine Sainte et de la Passion du Christ, depuis l’entrée de Jésus à Jérusalem, jusqu’à la descente de croix, inspiré des mystères médiévaux, des versions populaires de la Passion, et des grands calvaires bretons qui ont conservé dans la pierre les images du Grand Mystère de Jésus Christ[4]. Cette adaptation est considérée comme un authentique chef-d'œuvre et attirant plus de 25 000 spectateurs la première année de sa représentation[7].

Texte modifier

Comme plusieurs cantiques populaires bretons, Ar Basion Vras commence par quelques mots latins, qui permettaient d'associer la langue vulgaire latine avec la langue sacrée latine[8]. Cet incipit latin, Fructus ventris tui Iesus ("Jésus, le fruit de tes entrailles") sont tirés du Je vous salue Marie.Si bien des variantes existent, le texte proposé celui-ci est celui noté et traduit par Maria Kerjean dans la région de Bonen[9].

Version originale bretonne Traduction française


Fructus ventris tui Jesus,
Kalon Mari zo damantus,

Kalon Mari zo damantus
E hont d'ar varn dirak Jezuz.

Ka Gwener ar Groez war-dro kreiste',
Gwelet Jezuz e oe true',

Gwelet Jezuz e oe true'
'Tougen e groez d'ar mene'.

Mene' Kalvar a zo uhel,
Kroez hon Salver a zo ponner.

An Judevien na zougaint ket
E groez d'hon Salver benniget.

Salver ar bed nag he zougas
War e daoulin d'ar Jardin Vras.

Er Jardin Vras pen erruas,
Enafi pemp kentel a lennas.

- Enafi pemp kentel a lennas
Kenkoulz d'ar bihan eve! d'ar bras.

Enafi 'lennas pemp kentelig
Kenkoulz d'ar paour 'vel d'ar pinvig.

"Pilat, Pilat, pec'hour ingrat,
'Menn e' peus-c'hwi laket ma mab?

- Mard e' ho mab Mari klasket,
E ti Herod e gavihet.

- Herod, Herod, pec'hour ingrat,
'Menn e' peus-c'hwi laket ma mab?

- Mard e' ho mab Jezuz klasket,
'Mene' Kalvar en kavihet !"

J lon P'oe 'n teir Vari (1) 'hont gant an hent,
Tri mab yaouank a rafikontraint.

"Tri mab yaouank, din 'larihet,
'Menn eh oc'h bet, da venn eh it?

- Bet omp du-ze lein ar mene'
'Welet seve! ur groaz neve',

'Welet seve! ur groaz neve',
Lakat warni gwir vab Doue.

- Tri mab yaouank, din 'larihet,
Menn emafi an hent da vonet ?

- Heuliet aze koste' 'r rojoù,
Klevihet trouz ar morzholoù,

Klevihet trouz ar morzholoù
E skoeifi war bennoù an tachoù,

An tachoù dir hag ar re houarn
Honet 'treid Jezuz, 'n e zaouam,

An tachoù dir hag ar re blomm
'Honet 'treid Jezuz, 'ne galon!"

Ar Werc'hez Vari pe glevas,
Teir gwech d'an douar e kouezhas.

Teir gwech d'an douar, teir d'ar mene',
An tri mab yaouank he save.

"Tri mab yaouank, din a larihet,
Piw aze a neus ho laket?

D'ar re 'n 'eus ho laket aze,
Me 'gar'he bout laket ive'

Evit torcho ho taoulagad
Ha tro-distro d'ar blantoù troad,

Ha tro-distro d'ar blantoù troad
Lec'h n'eus ket 'met dêroù ha gwad.

- Sant Yann, sant Yann, kenderv Doue,
Kaset ma mamm baour alese,

Kaset 'nehi d'ar gêr da ouelo,
Me 'chomo war ar groez da sec'ho.

Dalc'het, ma mamm, ma mouchouer,
Ha laket-hafi 'kom ar c'halver.

Serret-hafi kloz kom ar c'halver
Ha kannit-hafi 'barzh an dour sklêr,

Ha kannit-hafi 'barzh an dour stank,
Bout a ra 'barzh seizh sakramant,

Bout a ra 'barzh seizh sakramant,
'Nouenn, an urzh, ar vade'ant,

Ar vade'ant hag an nouenn
Prest da reifi dimp-ni hon goulenn,

Prest da reifi dimp-ni hon goulenn,
Gant ur beleg gwisket en gwenn,

Gant ur beleg gwisket en gwenn
'Vit reifi d'an dud an absolvenn."

Fructus ventris tui Jésus,
Le cœur de Marie est douloureux,

Le cœur de Marie est douloureux
En allant au jugement devant Jésus.

Le Vendredi Saint vers midi,
Voir Jésus était une pitié,

Voir Jésus était une pitié
Portant sa croix vers la colline.

La colline du Calvaire est haute
Il La croix de notre Sauveur est lourde.

Les Juifs ne portaient pas
La croix de notre Sauveur béni.

Le Sauveur du monde la porta
Sur ses genoux au Grand Jardin.

Au Grand Jardin quand il arriva,
Là, il lut cinq sermons.

Là, il lut cinq sermons
Aussi bien pour le petit que pour le grand.

Là, il lut cinq petits sermons
Aussi bien pour le pauvre que pour le riche.

"Pilate, Pilate, pécheur ingrat,
Où avez-vous mis mon fils?

- Si c'est votre fils, Marie, que vous cherchez,
Chez Hérode vous le trouverez.

- Hérode, Hérode, pécheur ingrat,
Où avez-vous mis mon fils?

- Si c'est votre fils Jésus que vous cherchez,
Sur la colline du Calvaire vous le trouverez!"

Quand les trois Marie allaient par le chemin,
Trois jeunes garçons elles rencontrèrent

"Vous, les trois jeunes garçons, dites-moi,
Où avez-vous été et où allez-vous?

- Nous avons été là-bas sur le haut de la colline
Voir dresser une croix nouvelle,

Voir dresser une croix nouvelle,
Mettre dessus le vrai fils de Dieu.

Vous, les trois jeunes garçons, dites-moi,
Où est le chemin pour y aller?

- Suivez par là, par les coteaux,
Vous entendrez le bruit des marteaux,

Vous entendrez le bruit des marteaux
Qui frappent sur la tête des clous,

Les clous d'acier et de fer,
Qui vont dans les pieds de Jésus, dans ses mains,

Les clous d'acier et de plomb
Qui vont dans les pieds de Jésus, dans son cœur!"

La Vierge Marie quand elle entendit,
Trois fois à terre elle tomba.

Trois fois à terre, trois fois sur la colline,
Les trois jeunes garçons la relevèrent.

"Vous, les trois jeunes garçons, dites-moi,
Qui vous a mis là?

A ceux qui vous ont mis là,
Je voudrais y être mise aussi

Pour essuyer vos yeux
Et tout autour de la plante de vos pieds,

Et tout autour de la plante de vos pieds
Où il n'y a que larmes et sang.

- Saint Jean, saint Jean, cousin de Dieu,
Emmenez ma mère d'ici,

Emmenez-la pleurer à la maison,
Moi, je resterai sur la croix à sécher.

Voici, ma mère, mon mouchoir
Et mettez-le au coin du calvaire,

Rangez-le bien au coin du calvaire
Et lavez-le dans l'eau claire,

Lavez-le dans l'eau de l'étang,
Il y a dedans sept sacrements,

Il y a dedans sept sacrements,
L'extrême-onction, l'ordre et le baptême,

Le baptême et l'extrême-onction
Prêts à répondre à notre demande,

Prêts à répondre à notre demande,
Avec un prêtre vêtu de blanc,

Avec un prêtre vêtu de blanc
Pour donner aux gens l'absolution.

Références modifier

  1. Luzel, François-Marie, 1821-1895., Ma c'horn-bro, soniou ha gwerziou., A. Le Goaziou, (OCLC 40374728, lire en ligne), p. 318
  2. (br) Yann-Fañch Kemener, Carnets de route de Yann-Fanch Kemener: kanaouennou Kalon Vreizh, Skol Vreizh, (ISBN 978-2-903313-98-2, lire en ligne), p. 120
  3. François Vallée, « Chansons bretonnes : La Grande Passion », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, vol. 30, no 1,‎ , p. 81 (DOI 10.3406/abpo.1914.1410, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b Erwan Kermorvant, « Ar Basion Vraz », sur Ar Gedour, (consulté le )
  5. « À Lannion, la passion celtique des petits chanteurs à Saint-Jean-du-Baly », Le Télégramme,‎ (lire en ligne)
  6. « Ar Basion Vras, la Passion celtique, à Pleyben », sur Ouest France, (consulté le )
  7. Hervé Abalain, Histoire des langues celtiques, Editions Jean-paul Gisserot, (ISBN 978-2-87747-344-6, lire en ligne), p. 125
  8. Henri Pérennès, Annales de Bretagne, Facultés des Lettres et Sciences Humaines, Universités de Rennes et Nantes, (lire en ligne), « Chansons populaires de la Basse-Bretagne », p. 44
  9. (br) Yann-Fañch Kemener, Carnets de route de Yann-Fanch Kemener: kanaouennou Kalon Vreizh, Skol Vreizh, (ISBN 978-2-903313-98-2, lire en ligne), p. 122

Voir aussi modifier

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