Antoine Cyvoct

militant anarchiste lyonnais

Antoine Cyvoct
Image illustrative de l’article Antoine Cyvoct

Naissance
Lyon (Rhône)
Décès à Paris (à 69 ans)
Paris
Origine français
Type de militance journaliste
insoumis
Cause défendue libertaire
antimilitarisme

Antoine Cyvoct, né le à Lyon (Rhône) et mort le à Paris, est un militant anarchiste lyonnais impliqué dans le Procès des 66.

Il est accusé, à tort, d’être l’auteur de l’attentat perpétré le au restaurant du théâtre Bellecour dit « L’Assommoir » et dans un bureau de recrutement de l’armée.

Jugé en , il est d'abord condamné à mort avant que sa peine ne soit commuée en travaux forcés à perpétuité. Il va passer quatorze années au bagne en Nouvelle-Calédonie. En 1898, à la suite d'une campagne d'opinion, il est gracié et rentre en France où il fait campagne pour la libération des anarchistes restés au bagne. Il essaie ensuite sans succès de faire reconnaître son innocence[1].

Biographie modifier

En 1882, il collabore au journal lyonnais Le Droit Social. Le , il est désigné comme gérant du journal L’Étendard révolutionnaire qui succède Droit Social[2].

Le , un discours révolutionnaire lui vaut d’être inculpé pour « provocation au meurtre et au pillage » et d’être interrogé le par le juge d’instruction Rigot. Deux jours plus tard, sans attendre de passer en procès, il se réfugie en Suisse en se soustrayant ainsi également au service militaire et mettant en pratique la « grève des conscrits » qu’il prêche dans ses discours[3].

L'attentat à « L’Assommoir » modifier

À Lyon, dans la nuit du , deux détonations, suivies d’une formidable explosion, éclatent dans le restaurant du théâtre Bellecour dit « L’Assommoir »[4],[5]. Un jeune employé, Louis Miodre, est tué. Il y a des blessés. Les dégâts furent considérables[6].

Il est immédiatement soupçonné, à tort[7], d'en être l'auteur[8].

Moins de vingt-quatre heures plus tard, le vers 23h45, une seconde bombe endommage le centre de recrutement militaire de la caserne de la Vitriolerie[3].

Réfugié en Suisse, Antoine Cyvoct est soupçonné d'être revenu à Lyon le pour en repartir le 24, ce qui en fait un suspect de choix pour les services de police[9].

En outre, on lui reproche d’être l’auteur d’un article intitulé Un bouge paru dans Le Droit social du qui concernait le théâtre Bellecour et où était écrit « On y voit surtout après minuit, la fine fleur de la bourgeoisie et du commerce... Le premier acte de la révolution sociale devra être de détruire ces repaires »[10].

Antoine Cyvoct, qui est toujours réfugié en Suisse, ne revient pas à Lyon pour se justifier, d'autant qu'il est toujours insoumis au service militaire.

Le , il est une première fois condamné par contumace à deux ans de prison et 3000 francs d’amende pour ses propos révolutionnaires tenus lors de plusieurs réunions publiques.

Le procès des 66 modifier

Par ailleurs, l'agitation ouvrière et anarchiste est importante dans la région lyonnaise en cette période et les autorités s'appuient sur les deux attentats de fin pour organiser le procès spectacle de l'anarchisme en  : le Procès des 66.

Antoine Cyvoct y est impliqué et condamné par contumace, , à cinq ans de prison, 2000 francs d’amende et cinq ans d’interdiction des droits civils[6].

Explosion à Bruxelles modifier

Il se réfugie alors à Bruxelles (Belgique) et s’inscrit au cours de chimie de l’École industrielle avec son ami Paul Métayer.

Le , ils tentent une expérience de chimie à domicile qui tourna mal. L’explosion tue Métayer.

Antoine Cyvoct est poursuivi le pour usage de faux nom et fabrication d’armes prohibées, et l’affaire est le prélude à une série d’arrestations d’anarchistes en Belgique.

Finalement, le parquet de Bruxelles abandonne l’accusation de fabrication d’armes prohibées et, le , il comparait devant le Tribunal de première instance qui le condamne à deux peines de 8 jours de prison et 26 francs d’amende pour port public de faux nom, à un mois de prison et 50 francs d’amende pour usage de faux passeport, et à trois mois de prison et 26 francs d’amende pour complicité de faux en écriture[3].

Il est ensuite extradé vers la France l’affaire de l’attentat contre L’Assommoir est toujours à l'instruction.

Condamnation à mort modifier

Le , il comparaît une première fois devant la cour d'assises du Rhône. Il déclare qu'il n'était pas à Lyon à la date de l'attentat et qu'il n'est pas l'auteur de l'article Un bouge publié dans Le Droit Social et censé avoir incité à l'attentat, mais s'oppose à la demande de son avocat Maître Minard (un membre réactionnaire du Conseil municipal de Lyon) qui demande son expertise médicale[2].

Le , il repasse devant la cour d'assises du Rhône, il a choisi cette fois l'avocat socialiste Georges Laguerre qui a déjà défendu des militants anarchistes, mais celui-ci n'étudie que très sommairement le dossier et fait une médiocre plaidoirie.

Interrogé sur la culpabilité d’assassinat, le jury répond par la négative. Mais sur la complicité, ayant l’article Un bouge en tête, il répond par l’affirmative sur sa responsabilité d’avoir « par machinations ou artifices coupables, provoqué à ce meurtre, ou d’avoir donné des instructions pour le commettre ». Si le procureur général estime que les jurés ont fait preuve d’un « véritable discernement » en refusant des circonstances atténuantes, il est avéré que ceux-ci croyaient juger en dernier ressort un délit de presse. Aussi, la peine de mort prononcée stupéfie tant les jurés que onze sur douze s’empressent de signer son recours en grâce[3].

Finalement, le , sa peine est commuée en travaux forcés à perpétuité et à la relégation.

Le bagne modifier

Le , il est transféré à Saint-Martin-de-Ré, dernière étape avant l’embarquement pour le bagne.

Dès son arrivée, il écrit à la presse libertaire pour accuser l'indicateur de police Georges Garraud[11],[12] (dit Aristide Valadier) d’être l’auteur de l’article Un bouge.

Le , Cyvoct embarque pour le bagne de l'île de Nou (Nouméa) en Nouvelle-Calédonie où il arrive le .

Le , sa peine est une nouvelle fois commuée en quinze années de travaux forcés, et il devient libérable en 1904.

En 1895, les presse anarchistes mènent une vigoureuse campagne pour sa libération, campagne relayée par le journal L’Aurore. Mais ce n’est que trois ans plus tard qu’il est amnistié.

 
Photographie de Cyvoct par Gerschel (1898).

En , il arrive à Paris. Le journal Le Père peinard trace de lui ce portrait : « Taille moyenne, sec, nerveux, yeux vifs sous des sourcils profondément dessinés, la barbe noire en pointe est coupée ras sur les joues » (Le Père Peinard, n° 72, 6-)[6].

Jean Grave à qui il est venu rendre visite, écrit : « Je m’attendais à trouver un homme exceptionnel. Je suis navré de voir ce que le bagne en avait fait. Le malheureux n’avait absolument plus rien dans le ventre »[10].

En , il se présente, sous l’étiquette « socialiste », aux élections législatives à Paris. Sa candidature, bien qu’il affirme qu’elle est uniquement protestataire et destinée à attirer l’attention sur le cas des anarchistes restés au bagne, provoque des protestations dans certains milieux libertaires.

Par la suite, il donne, dans les groupes anarchistes, des conférences sur la vie et la chanson au bagne.

Il travaille ensuite comme représentant en librairie.

Il meurt oublié et dans la misère le .

Bibliographie modifier

Notices modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Notes et références modifier

  1. Dossier d'instruction, Archives départementales du Rhône.
  2. a et b L'Éphéméride anarchiste : notice biographique.
  3. a b c et d Dictionnaire des anarchistes : notice biographique.
  4. Jean Grave, Quarante ans de propagande anarchiste, Flammarion, 1973, page 155.
  5. L'Éphéméride anarchiste : L'explosion dans le restaurant du théâtre Bellecour.
  6. a b et c Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social : notice biographique.
  7. Jean Maitron, Le mouvement anarchiste en France, des origines à 1914, tome 1, Paris, Gallimard, 1992, p. 171-177.
  8. Thierry Vareilles, Histoire d'attentats politiques : De l'an 44 avant Jésus-Christ à nos jours..., L'Harmattan, 2006, page 53.
  9. Karine Salomé, L'ouragan homicide. L'attentat politique en France au XIXe siècle, Seyssel, Champ Vallon, collection « Époques », 2010, page 295.
  10. a et b Dictionnaire international des militants anarchistes : notice biographique.
  11. Dictionnaire des anarchistes : Georges Garraud.
  12. Dictionnaire international des militants anarchistes : Georges Garraud.