Anna Politkovskaïa

journaliste russe
Anna Politkovskaïa
Anna Politkovskaïa pendant une interview à Leipzig en 2005.
Fonction
Porte-parole
Novaïa Gazeta
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 48 ans)
MoscouVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Nom dans la langue maternelle
Ганна Степанівна Політковська ou Анна Степановна ПолитковскаяVoir et modifier les données sur Wikidata
Noms de naissance
Ганна Степанівна Мазепа, Анна Степановна МазепаVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalités
Formation
Activités
Période d'activité
Famille
Mazepa (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Alexandre Politkovski (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfant
Vera Politkovskaja (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Novaïa Gazeta (à partir de )
Obchtchaïa Gazeta (d) (-)
Megapolis-Express (d) (jusqu'en )
Izvestia (-)Voir et modifier les données sur Wikidata
Membre de
Distinctions
Liste détaillée
Golden Pen of Russia (d) ()
Artyom Borovik award (en) ()
Andrei Sakharov Prize "For Journalism as a Deed" (d) ()
Prix du courage en journalisme ()
Lettre Ulysses Award ()
Prix Hermann-Kesten ()
Prix international de journalisme Manuel-Vázquez-Montalbán ()
Prix Olof-Palme ()
Prix du courage civique ()
Preis für die Freiheit und Zukunft der Medien (d) ()
Héros de la liberté de la presse ()
Daniel Pearl Award (d) ()
Prix mondial de la liberté de la presse ()
Premis Internacionals Terenci Moix (d) ()
Prix frère et sœur Scholl ()
John Aubuchon Press Freedom Award
Médaille « Hâtez-vous de faire le bien » (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Œuvres principales
La Russie selon Poutine (d), Voyage en enfer : Journal de Tchétchénie (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Vue de la sépulture.

Anna Stepanovna Politkovskaïa (en russe : Анна Степановна Политковская), née Mazepa (Мазепа) le à New York (États-Unis), et morte assassinée le à Moscou (Russie), est une journaliste russe et une militante des droits de l'homme connue pour son opposition à la politique du président russe Vladimir Poutine, sa couverture du conflit tchétchène et ses critiques virulentes envers les autorités prorusses de Tchétchénie, notamment son chef Ramzan Kadyrov.

Biographie modifier

Née à New York, elle est fille de diplomates. Son père, Stepan Mazepa, travaillait à la mission de la république socialiste soviétique d'Ukraine auprès de l'ONU. Après des études de journalisme à la faculté de journalisme de l'université d'État de Moscou qu'elle termine en 1980, elle commence sa carrière au journal Izvestia. À partir de juin 1999, elle écrit des articles pour le journal en ligne Novaïa Gazeta.

En 2001, elle se réfugie plusieurs mois en Autriche après avoir reçu des menaces par courriers électroniques. Les messages affirment qu'un officier de police, Sergueï Lapine, qu'elle accuse de commettre des atrocités contre des civils, a l'intention de se venger. Sergueï Lapine avait été interpellé en 2002 à propos de ces accusations, mais les charges contre lui avaient été abandonnées l'année suivante. Celles-ci sont reprises en 2005 et Sergueï Lapine est condamné à une peine de onze années d'emprisonnement.

Anna Politkovskaïa est détenue plusieurs jours en février 2001 par les forces russes en Tchétchénie dans la région de Chatoï (sud de la Tchétchénie) pour avoir « enfreint les règlements en vigueur pour les journalistes », alors qu'elle effectue une enquête sur un centre de détention de l'armée. Elle dit avoir été menacée de viol et de mort, et qu’on s’en prendra à ses enfants, fait remarquer la Fondation internationale des femmes œuvrant dans les médias (International Women's Media Foundation, IWMF). Elle reçoit en 2002 le prix Courage en journalisme de l’IWMF. Elle s'engage dans de nombreuses affaires, notamment en défendant les victimes de la guerre en Tchétchénie.

Elle participe aux négociations lors de la prise d'otages du théâtre Doubrovka en 2002 à Moscou. Lors de la prise d'otages de l'école n°1 de Beslan en 2004, Anna Politkovskaïa est empoisonnée[1], probablement en buvant un thé, dans l'avion qui l'amène à Rostov-sur-le-Don, sur la route de Beslan pour participer aux négociations avec les preneurs d'otages. Elle tombe gravement malade et ne participe donc pas à ces négociations. La nature du poison n'a jamais été déterminée, les analyses de sang ayant été détruites « par mégarde ». La journaliste considère avoir été victime des services spéciaux, qui voulaient à tout prix l'empêcher de se rendre à Beslan.

Son dernier ouvrage Douloureuse Russie, est paru en septembre 2006 aux éditions Buchet-Chastel. Dans ce livre, véritable réquisitoire contre la politique de Vladimir Poutine en Russie aujourd'hui, la journaliste prédit que si une révolution éclate en Russie, elle ne sera ni orange, ni de velours, mais rouge comme le sang.

Elle a été plusieurs fois primée pour ses enquêtes, notamment en 2002 par le Pen Club International, et en 2003 au Danemark, où elle a reçu le prix du journalisme et de la démocratie, décerné par l'OSCE[2]. En 2004, Anna Politkovskaïa avait reçu le prix Olof-Palme pour les droits de l'Homme[3] et en Espagne le prix international de journalisme Manuel-Vázquez-Montalbán. Elle avait partagé ce prix avec ses compatriotes Lioudmila Alexeïeva et Sergueï Kovalev. Le prix Olof-Palme, doté de 50 000 dollars, avait récompensé par le passé Amnesty International.

Anna Politkovskaïa restera synonyme des années Poutine et des guerres de Tchétchénie. Elle aura sans relâche dénoncé les dérives du pouvoir russe. Elle était connue pour sa couverture critique des campagnes du pouvoir russe en Tchétchénie. Ironie du sort - Polikovskaïa a été assassinée le , le jour de l'anniversaire de Vladimir Poutine (né le ).

Née à New York de parents diplomates soviétiques, Anna Politkovskaïa possédait également la nationalité américaine.

Assassinat modifier

Anna Politkovskaïa est assassinée le à Moscou, le jour de l'anniversaire de Vladimir Poutine. Son corps a été découvert dans la cage d'escalier, devant l'ascenseur de son immeuble, dans le centre de Moscou, rue Lesnaïa, a expliqué à l'Associated Press l'officier de permanence au commissariat central de la capitale russe. Un pistolet Makarov 9 mm — une arme couramment utilisée par les forces de l'ordre — et quatre douilles sont retrouvés à ses côtés[4]. Ces informations sont relevées par Interfax[5], Associated Press, Reuters, puis AFP[6].

Anna Politkovskaïa, mère de deux enfants (une fille, Vera, et un garçon, Ilia), avait dénoncé à plusieurs reprises les violations des droits de l'Homme par les forces fédérales en Tchétchénie, ainsi que la milice de Ramzan Kadyrov. Elle dénonçait également la dégradation des libertés publiques et la corruption dans l’ensemble de la Russie[7].

Selon l'agence de presse Interfax[8], c'est une voisine qui a découvert son corps dans l'ascenseur de son immeuble le samedi à 17 h 10. Le tueur avait le code de la porte d'entrée et connaissait les habitudes de la journaliste qui était écoutée et suivie par le FSB. Depuis plusieurs jours, il la suivait avec des complices. Ils ont été filmés par deux caméras de surveillance[4].

Anna Politkovskaïa repose au cimetière Troïekourovskoïe de Moscou.

À la date de sa mort, Anna Politkovskaïa est la 21e journaliste assassinée en Russie depuis l'élection de Vladimir Poutine en 2000, selon Reporters sans frontières[9],[10].

Réactions du Kremlin modifier

Vladimir Poutine ne réagit que le 10 octobre à l'occasion d'un voyage officiel en Allemagne, il déclaré que « quel que soit l'auteur du crime et ses motivations, nous devons déclarer que c'est un crime horrible et cruel. Bien sûr, il ne doit pas rester impuni »[11]. Par ailleurs, il estime que cet assassinat est plus préjudiciable aux autorités établies à Moscou et en Tchétchénie que les publications de Politkovskaïa, car leur influence sur l'opinion russe est selon lui « insignifiante »[12].

En visite à Helsinki le , Vladimir Poutine appelle à conjuguer les efforts dans la lutte contre les meurtres commandités, au lieu de les politiser.

Sergueï Iastrjembski, représentant spécial du président russe, qualifie de « coïncidence inquiétante » les décès d'opposants au régime russe en place avec la tenue de forums internationaux où le président de la fédération de Russie participe. Il déclare notamment : « Un nombre manifestement excessif de coïncidences de morts retentissantes de personnes qui, de leur vivant, se sont positionnées en opposants au pouvoir russe en place, avec les manifestations internationales auxquelles participe le président de la fédération de Russie est pour le moins inquiétant ».

Sergueï Iastrjembski, conseiller du président Vladimir Poutine, dit ne pas être partisan de ce qu'il appelle la théorie des complots. Il ajoute : « Quoi qu'il en soit, on a bien l'impression d'être en présence d'une campagne bien orchestrée ou même de tout un plan de dénigrement continu de la Russie et de sa direction »[13].

Autres réactions officielles modifier

  • Sean McCormack, porte-parole du département d'État des États-Unis : « Les États-Unis sont choqués et profondément attristés par la nouvelle du meurtre brutal de la journaliste russe indépendante, Anna Politkovskaïa, une journaliste d'investigation, infatigable et hautement respectée, ayant travaillé sous la pression constante de menaces de mort. Les États-Unis demandent de toute urgence au gouvernement russe de mener une enquête immédiate et exhaustive afin de retrouver, poursuivre et juger tous les responsables de ce meurtre haineux. » (Déclaration, )
  • Alou Alkhanov, le président tchétchène : « Bien que notre approche sur les événements en Tchétchénie fût complètement différente, Anna Politkovskaïa n'était pas indifférente au sort du peuple tchétchène. Mes collègues et moi regrettons sincèrement ce qui est arrivé et transmettons nos condoléances à sa famille et ses amis. Une enquête doit être ouverte et tous ceux qui sont derrière doivent être punis. On ne doit pas tuer les journalistes[14]. »
  • Thomas Hammarberg, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe : « Ce meurtre est le signal d'une crise majeure concernant la liberté d'expression et la sécurité des journalistes en Russie[15]. » Les autorités russes ne sont jamais parvenues à enquêter sur des « tentatives de meurtre » visant Anna Politkovskaïa et des « menaces » d'attenter à sa vie, regrette le commissaire. « Maintenant, elles n'ont plus d'excuses pour enquêter en profondeur sur les circonstances de sa mort et de punir ceux qui ont commis ce crime déplorable. » Se déclarant « triste et en colère », il salue en Anna Politkovskaïa « un des plus importants défenseurs des droits de l'homme dans la Russie d'aujourd'hui ». « Si tout le monde ne partageait pas ses analyses, personne ne remettait en cause son professionnalisme, son courage et son engagement personnel pour faire la vérité sur des questions politiques controversées. Sa mort est une grande perte pour la Russie et pour la cause des droits de l'homme[16]. » (Communiqué, ).
  • Terry Davis, secrétaire général du Conseil de l'Europe : « Je suis très inquiet quant aux circonstances dans lesquelles cette journaliste d'un courage et d'une détermination exceptionnels a perdu la vie ». « Ses reportages ont permis à la population russe, mais aussi au monde entier d'avoir un regard indépendant sur le sort des gens ordinaires piégés dans le conflit en Tchétchénie » et « nous perdons une voix forte, de celles qui sont nécessaires dans toute démocratie authentique. » Terry Davis considère comme étant « essentiel que les circonstances de son décès soient rapidement éclaircies et de façon convaincante[17] (Communiqué, ). »
  • En France, le ministre des affaires étrangères Philippe Douste-Blazy a fait part de sa « vive émotion » et de sa « profonde tristesse ». « La brutalité même de ce crime horrible bouleverse tous ceux qui sont attachés à la liberté de la presse », souligne le ministre dans un communiqué. « Nous souhaitons que les autorités russes mettent en œuvre au plus vite tous les moyens nécessaires pour faire la lumière sur cet assassinat et identifier les coupables », a ajouté le ministre des Affaires étrangères pour qui « ce crime ne peut rester impuni[18] ». Lors du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI, Dominique de Villepin a fait part de sa « très profonde émotion », en rendant hommage à « une femme remarquable, une grande journaliste ». « Le combat qu'elle menait pour cette liberté d'informer était un combat essentiel », a-t-il souligné.
  • Lundi , le président de la République française, Jacques Chirac, se disant profondément ému et choqué par l'assassinat de Madame Anna Politkovskaïa, a demandé à l'ambassadeur de France en Russie, M. Jean Cadet, de remettre le lendemain en son nom un message de condoléances et de solidarité à ses enfants. Il souhaite que toute la lumière soit faite sur ce crime odieux qui porte gravement atteinte à la liberté de la presse. Mais l'ambassadeur ne s'est pas déplacé pour les obsèques, se contentant de s'y faire représenter (Le Figaro du ).
  • Le Parlement européen observe une minute de silence à l’ouverture de sa session plénière le à Strasbourg. Le président de l'assemblée Josep Borrell, demande aux autorités russes « de trouver les auteurs et la cause de ce décès »[19]. Mais, soutenu principalement par le groupe socialiste, et dans une moindre mesure par le groupe PPE-DE, il refuse de mettre à l’ordre du jour, en dernière minute, une résolution sur la situation des droits de l’homme en Russie comme le demandait notamment le groupe des Verts.
  • l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté, le à Strasbourg,la Résolution 1535 (2007) sur les menaces contre la vie et la liberté d’expression des journalistes.
  • Mikhaïl Gorbatchev, ancien président d'Union soviétique, qualifie l'assassinat d'Anna Politkovskaïa de « coup contre toute la presse démocratique et indépendante[20]. »

Dans la presse modifier

  • Reporters sans frontières : « Nous sommes abasourdis par cette nouvelle tragique, qui est annoncée le jour même de l'inauguration à Bayeux, par l'organisation, du Mémorial des reporters, bâti pour rendre hommage aux journalistes tués dans le monde depuis 1944. Les meurtres de nos confrères (...) doivent faire réaliser à la communauté internationale à quel point il est urgent d'agir pour assurer la protection des reporters. »
  • « Il est temps aujourd'hui de passer des mots aux actes pour que les incidents macabres que nous avons connus aujourd'hui ne puissent plus se reproduire. C'était l'une des rares journalistes indépendantes en Russie et elle s'était fait un nom. Elle voyageait souvent en Tchétchénie et avait publié un livre », a déclaré à Paris Jean-François Julliard, de Reporters sans frontières (RSF).
  • « À chaque fois que la question se posait de savoir s'il y avait un journaliste honnête en Russie, le premier nom qui venait à l'esprit était pratiquement toujours celui de Politkovskaïa », selon Oleg Panfilov, directeur du Centre pour le journalisme dans des situations extrêmes, qui lui rendait hommage, lui aussi basé à Moscou. Selon lui, elle avait reçu des menaces à plusieurs reprises et des inconnus avaient tenté il y a plusieurs mois de pénétrer dans la voiture que sa fille Vera conduisait.
  • Vitali Tretiakov, rédacteur en chef du journal Novost : « Il est évident que la première version qui vienne à l'esprit est celle d'un meurtre lié à ses activités professionnelles. »
  • « Aujourd'hui, nous ne savons pas qui l'a tuée », écrit l'équipe de Novaïa Gazeta sur son site Web, en avançant tout de même deux scénarios. « C'était soit une vengeance de Ramzan Kadyrov, dont elle a beaucoup parlé et écrit, ou de ceux qui voulaient que le soupçon tombe sur lui », écrit le bi-hebdomadaire. L'hebdomadaire en ligne a par ailleurs déclaré qu'il publierait certaines de ses notes et de ses photographies.
  • « Ce qui vient immédiatement à l'esprit, est qu'Anna avait beaucoup d'ennemis », notait Joel Simon, directeur exécutif du Comité pour la protection des journalistes (CPJ). « Anna était une héroïne pour beaucoup d'entre nous, et elle nous manquera », a-t-il ajouté. « Aucun de ces meurtres n'a fait l'objet d'une enquête correcte », ajoute Simon. « Nous savons que cela crée un environnement dans lequel ceux qui auraient voulu mener à bien ce meurtre pourraient avoir l'impression qu'il n'y aurait guère de conséquences. » Selon le CPJ[21], Anna Politkovskaïa est au moins la 13e journaliste victime d'un assassinat de ce type depuis l'arrivée au pouvoir du Président Vladimir Poutine.
  • Buchet-Chastel, éditeur d'Anna Politkovskaïa : « Elle dérangeait beaucoup de monde en Russie, surtout dans les hautes sphères, elle ne voulait pas d'une Russie bâtie sur le sang et le mensonge[22]. »
  • Alexeï Venediktov, rédacteur en chef de la radio Écho de Moscou, a déclaré à l'agence Associated Press qu'Anna Politkovskaïa était « un reporter infiniment honnête (...) Chacun des faits (qu'elle relatait) était le fruit d'une enquête. C'était aussi une médiatrice et une militante des droits de l'Homme. On avait confiance en elle. Elle était unique. »
  • Bernard-Henri Lévy, dans un texte publié le , désigne le meurtre d'Anna Politkovskaïa comme " une tragédie et un signe ". Une tragédie, parce qu’elle était "l’une des rares journalistes indépendantes de son pays" et "ce témoin des guerres tchétchènes, ce témoin vivant d’un esprit de dissidence redevenu, comme dans les années Brejnev, le cauchemar du régime" qui "manquera cruellement à la Russie et au monde". Un signe, parce que sa mort suspecte s’ajoute à une longue liste d’autres meurtres de journalistes, "prouvant ainsi que la Russie ne s’est pas, ainsi qu’elle le prétend, "rouverte à la démocratie, aux droits de l’homme, à l’information, à la presse libre"[23].
  • Le , l'Institut international de la presse (IPI), organisation principale de défense de la liberté de la presse selon l'UNESCO[24] déclarait Anna Politkovskaïa 51e Héros de la liberté de la presse mondiale[25].

Réactions des ONG modifier

  • Tatiana Lokchina, directrice de l'ONG Demos et auteur de nombreux rapports sur les violations des droits de l'Homme en Tchétchénie: « Elle a écrit tant de choses la mettant en danger, elle était devenue si célèbre ces dernières années, qu'il semblait qu'elle était intouchable. Elle ne disait pas se sentir menacée. Pour la Tchétchénie, c'est une grande tragédie, c'était une des dernières journalistes à couvrir la guerre, à rapporter avec constance les violations des droits de l'Homme. Elle critiquait beaucoup Kadyrov, elle était l'une des rares à se le permettre. »
  • Amnesty International a exprimé sa « colère après le meurtre à Moscou d'Anna Politkovskaïa, visée en raison de son travail de journaliste[26]. »
  • La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), rappelle que la journaliste avait été « victime de représailles dans le cadre de son travail au cours de ces dernières années. Les autorités russes, doivent se conformer aux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'Homme, afin de garantir en toutes circonstances les libertés d'expression et de la presse[27]. »

Suites après sa mort modifier

Procédure judiciaire modifier

Le procureur général de Russie, Iouri Tchaïka, supervise l'enquête sur ce meurtre, confiée au service des affaires particulièrement graves du Parquet général de Russie. Les enquêteurs privilégient l'hypothèse selon laquelle sa mort est liée à ses activités professionnelles. Le le procureur général Tchaïka a déclaré que l'« affaire Politkovskaïa » a été élucidée. Auparavant, il a annoncé l'arrestation de dix suspects dont les noms n'ont pas été divulgués. Le Parquet déclara cependant être en train de rechercher le commanditaire du meurtre[28].

L'enquête sur l'assassinat de la journaliste a été close en par la mise en examen de quatre suspects, dont trois originaires de Tchétchénie, les frères (Roustam, Djabraïl et Ibraguim) Makhmoudov, et un officier du FSB, Sergueï Khadjikourbanov. Seuls les exécutants ont été identifiés, aucun commanditaire n'a été retrouvé ni inculpé. Le principal exécutant de l'assassinat, identifié, demeure en fuite[29]. En s'est ouvert leur procès. Le , le tribunal militaire de Moscou a acquitté les suspects[30].

En 2010, la Cour suprême russe a cassé le verdict d'acquittement et a renvoyé l'affaire au parquet. L'enquête a été rouverte avec les mêmes suspects. Roustam Makhmoudov a été reconnu coupable d’avoir abattu la journaliste dans le hall de son immeuble, et purge une peine à perpétuité[31]. Sergueï Khadjikourbanov a été condamné à 20 ans de prison, mais gracié en 2023 et libéré pour avoir signé en 2022 un contrat pour participer à la guerre contre l'Ukraine[31].

Le , l'ancien lieutenant-colonel Dmitri Pavlioutchenkov a été condamné à 11 ans de camp à régime sévère par un tribunal militaire de Moscou pour avoir organisé l'assassinat d'Anna Politkovskaïa. Il a reconnu l'avoir prise en filature, et avoir remis l'arme au tueur. Auparavant, le chef mafieux tchétchène Lom-Ali Gaïtoukaïev a été condamné pour avoir recruté son neveu Makhmoudov[32],[33]. Il est mort en prison en 2017[31]. Les commanditaires de l'assassinat restent inconnus, mais selon le journal Novaïa Gazeta, ils seraient des dignitaires tchétchènes liés au clan de l'actuel président Ramzan Kadyrov[34].

Le , la Cour européenne des droits de l'homme, saisie par la famille d'Anna Politkovskaïa, a condamné la Russie sur différents points concernant l'enquête sur son assassinat. Par 5 voix contre 2 (celles des juges russe et slovaque), la CEDH a estimé qu'il y avait eu violation de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, sur le droit à la vie. Bien que la Cour souligne que l'enquête a abouti à des condamnations, elle relève notamment que, dans un homicide de ce type, on ne peut toutefois pas considérer que l'enquête a été appropriée si aucun effort n'a été fait pour identifier le commanditaire du meurtre[35].

Dernier article d'Anna Politkovskaïa modifier

Le journal russe d'opposition Novaïa Gazeta a publié jeudi une ébauche du dernier article de la journaliste Anna Politkovskaïa, où elle accusait les forces tchétchènes de recourir à la torture contre des civils ou des rebelles. Le bi-hebdomadaire a publié à partir des notes laissées par la journaliste une pleine page sur la politique antiterroriste de torture dans le Caucase du Nord. L'article, intitulé « Nous te nommons terroriste », n'est pas complet, puisque Anna Politkovskaïa n'a jamais pu le finir, et reprend essentiellement la lettre d'un prisonnier tchétchène qui affirme que des hommes des forces de l'ordre lui ont soutiré des aveux de « terrorisme » après l'avoir longuement torturé. Le journal publie également quatre photos, floues, tirées d'une vidéo montrant un homme qui a été, selon Novaïa Gazeta, arrêté par des policiers tchétchènes, puis tué.

Après sa mort, son journal Novaïa Gazeta avait écrit qu'« il s'agissait d'une vengeance de Ramzan Kadyrov, sur lequel elle a beaucoup écrit et parlé, ou bien (d'une vengeance de la part) de ceux qui veulent que les soupçons se portent sur le Premier ministre tchétchène », Ramzan Kadyrov.

Ce dernier a déclaré mercredi qu'il n'avait pas commandité le meurtre de la journaliste, affirmant qu'elle ne le « dérangeait » pas. Le président russe Vladimir Poutine a également exclu toute implication du Premier ministre tchétchène dans l'assassinat.

Mme Politkovskaïa qui avait publié plusieurs articles à ce sujet entre 2002 et 2005 dans Novaïa Gazeta estimait que des officiers[Qui ?] pouvaient être impliqués dans le meurtre de « plusieurs dizaines de civils tchétchènes », ajoute le journal russe Kommersant[réf. nécessaire].

Le samedi , la Secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice a profité d'une visite à Moscou consacrée au dossier nord-coréen pour mettre l'accent sur les atteintes aux libertés en Russie en rencontrant la famille et les collègues de la journaliste assassinée Anna Politkovskaïa[réf. nécessaire].

Près de trois cents médias russes publient une édition spéciale consacrée à l'assassinat de leur collègue Anna Politkovskaïa. Tirée à 100 000 exemplaires et distribuée gratuitement dans toute la Russie, cette édition spéciale financée par l'Union des journalistes évoque sur 16 pages les enquêtes les plus retentissantes de Mme Politkovskaïa et son dernier texte non-publié sur la liberté de la presse (peut-être destiné à une tribune en Occident) qu'elle avait écrit avant d'être tuée. « Cette édition est un test sur la liberté d'expression », estime M. Goutiontov, notant cependant que les quotidiens les plus lus en Russie, Komsomolskaïa Pravda et Moskovski Komsomolets, ainsi que le journal d'opposition Kommersant « n'ont pas participé à cette action »[réf. nécessaire].

Hommages en France modifier

Dans plusieurs villes de France, des rues sont nommées d'après la journaliste tuée. Des rues Anna Politkovskaïa existent à Toulouse, La Rochelle, Laval, La Roche-sur-Yon, Le Mans, Lyon et Paris, une place à Montreuil et une aire de jeu au Havre.

En 2008, les élèves du Cycle international court d'administration publique de l'ENA (France) baptisent leur promotion « Anna Politkovskaïa ».

Hommage au Parlement européen en 2022 modifier

Le , lors du discours sur l'état de l'Union européenne au Parlement européen à Strasbourg, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen mentionne Anna Politkovskaïa dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022. Les conséquences notamment pour l'Union européenne de cette guerre, comme la crise énergétique et des sanctions contre la Russie. Elle déclare : « Mesdames et Messieurs les députés, une des leçons de cette guerre est que nous aurions dû écouter ceux qui connaissent Poutine. Écouter Anna Politkovskaïa et tous les journalistes russes qui ont dénoncé les crimes et l'ont payé de leur vie. Écouter nos amis en Ukraine, en Moldavie, en Géorgie et l'opposition en Biélorussie. Nous aurions dû écouter les voix qui s'élevaient au sein de l'Union - en Pologne, dans les pays baltes et dans les pays d'Europe centrale et de l'Est. Cela fait des années qu'ils nous disent que Poutine ne s'arrêtera pas là. Et ils ont agi en conséquence »[36],[37].

Bibliographie modifier

Ouvrages d'Anna Politkovskaïa publiés en français modifier

Les références indiquées sont celles des éditions en français.

Ouvrages sur Anna Politkovskaïa modifier

Filmographie modifier

Notes et références modifier

  1. (en) Journalist reportedly poisoned en route to hostage negotiations, another journalist detained at Moscow airport, IFEX, 2 septembre 2004
  2. « La journaliste Politkovskaïa tuée pour "son travail" », Le Monde (Amnesty International) AFP 7 octobre.06
  3. « Lauréats du prix Olof-Palme 2004 »
  4. a et b Amnesty International, Droits humains en Russie : résister pour l'état de droit, Éditions Autrement Frontières, , p. 56.
  5. Russian journalist Anna Politkovskaya found dead
  6. « La journaliste Politkovskaïa tuée pour "son travail" » dépêche AFP in La Libre Belgique, 7 octobre 2006
  7. http://www.rsf.org/IMG/pdf/rapport_fr_europe.pdf
  8. « Une journaliste d'opposition abattue à Moscou »
  9. Reporters Sans Frontières Russie - Rapport annuel 2007
  10. Reporter Sans Frontières, « Rapport annuel 2007 », (consulté le ) p. 130
  11. « Déclaration de V. Poutine le 10 octobre 2006 »
  12. Emmanuel Carrère, Limonov, éditions P.O.L, 2011, page 13
  13. (fr) http://fr.rian.ru/world/20061124/55970675.html
  14. « Le président tchétchène regrette l'assassinat de Anna Politkovskaïa »
  15. Outspoken Putin critic shot dead in Moscow
  16. « Assassinat d'Anna Politkovskaïa : "le signal d'une crise" (Hammarberg) »
  17. « La communauté internationale indignée après le meurtre d’Anna Politkovskaïa »
  18. « Dominique de Villepin a jugé dimanche très important que la lumière puisse être faite »
  19. Nicolas Gros-Verheyde, « L’ombre d’Anna Politkovskaïa plane sur Poutine à Lahti », Europolitique,‎ (lire en ligne)
  20. (en) Murdered Russian Journalist Was Finishing Article on Torture in Checnnya
  21. Russian war critic writer murdered
  22. « Réactions de RSF et des éditions Buchet-Chastel à la mort de trois journalistes »
  23. « L'assassinat de Politkovskaïa », sur www.lepoint.fr,
  24. Fiche de l'IPI sur le site de l'UNESCO.
  25. Communiqué de presse sur le site de l'IPI. Le 52e héros de l'IPI sera en 2007 le journaliste arménien de Turquie Hrant Dink, lui aussi assassiné pour ses articles.
  26. « La journaliste Politkovskaïa tuée pour "son travail" (Amnesty International) »
  27. « Assassinat d’Anna Politkovskaïa »
  28. http://fr.rian.ru/russia/20071009/83127829.html Le meurtre d'Anna Politkovskaïa "élucidé" (procureur général). RIA Novosti. Le 9 octobre 2007.
  29. Le Monde, édition du 20 juin 2008, Le parquet russe clôt l'enquête sur le meurtre d'Anna Politovskaïa
  30. Le juge chargé de l'enquête a alors demandé qu'elle soit rouverte. Tribune de Genève, 20 février 2009.
  31. a b et c « Assassinat de la journaliste Anna Politkovskaïa : Poutine gracie un complice », sur www.liberation.fr,
  32. Dmitri Pavlioutchenkov, l'organisateur de l'assassinat d'Anna Politkovskaïa condamné en Russie
  33. « Les assassins de la journaliste Anna Politkovskaïa condamnés à la perpétuité », sur lemonde.fr, .
  34. Amnesty International, Droits humains en Russie : résister pour l'état de droit, Éditions Autrement Frontières, , p. 63.
  35. La Russie condamnée dans l'affaire de la journaliste Anna Politkovskaïa, Radio télévision suisse, 17 juillet 2018
  36. Discours sur l'état de l'Union 2022 de la présidente von der Leyen, Commission européenne, 14 septembre 2022
  37. Ursula von der Leyen veut conjuguer l'Union européenne au futur, Blick, 14 septembre 2022

Annexes modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

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